mercredi 18 mai 2016

En Russie, nous sommes plus libre que les Occidentaux

Publié en russe par la blogueuse glavbushka (« главбушка ») : http://cont.ws/post/254808

Tout est simple. « La liberté, c’est l’esclavage ! » — Orwell ne plaisantait guère. Nos « partenaires occidentaux » vous fourrent dans la tête, qu’il s’agirait de nous, les Russes ? Ben non !

Réfléchissez-y, c’est totalement absurde de considérer comme non libres les gens qui sont capables et libres de choisir eux-mêmes s’il faut acheter la carotte au supermarché ou bien la cultiver sur leur terrain à eux, et, au contraire, croire libres ceux qui n’ont point de ce choix.

Mais il est encore plus absurde de considérer comme libres ceux qui s’insurgent, et vice versa, appeler des esclaves ceux qui ne s’insurgent pas.
Étrange, n’est-ce pas ? En fait, si tu t’insurges, c’est parce que tu es un esclave.
Les esclaves, eux, ont besoin de liberté. L’homme libre n’en a pas besoin, car il l’a déjà.


Tout d’abord, deux avis sur les « Russes patients ». Tant sont-ils typiques, qu’on peut se passer de liens.
« La crise y est très profonde et frappe les gens. Si en Pologne au cours d’un an les salaires réels tombaient à 10 %, les produits alimentaires augmentaient à 24 % et les citoyens ne pouvaient pas quitter le pays librement, chez nous il y aurait des troubles énormes. Même sous le communisme nous avions des émeutes. Tandis que là-bas il n’y en avait pas et il n’y en aura pas. Les Russes acceptent la réalité calmement. Si des fois des protestations s’élèvent, elles ne seront que passagères et ponctuelles. Il n’y aura jamais de protestations massives. Les ventes en détail tombent, et seule la production horticole croît. Les gens se mettent à cultiver leurs propres légumes. Et ils ne se considèrent pas en difficulté. » (Un certain Vaczlav Radzivinovitch.)
Avez-vous entendu ça ? Ce grand seigneur polonais n’a même pas saisi qu’il a répondu lui-même à sa question, mais sans avoir compris sa propre réponse. J’y reviendrai.
La parole est à l’Américain :
 « À l’heure actuelle la situation financière des Russes est de loin meilleure qu’elle ne l’était à l’époque d’avant Poutine, mais ce qui est le plus important, ils sont toujours prêts aux difficultés. Des privations qui auraient choqué les Américains ne comptent guère là-bas. » (Ralph Peters, New York Post.)
La chose est pourtant bien simple. Chez eux, dans leur Occident, tout est interdit. Jusqu’à cultiver de la carotte contre le mur de son propre maison. J’exagère certes, mais pas trop. Tout y est réglementé, fourré dans le cadre des normes et des directives. Et surtout pas par l’amour de l’ordre, comme on essaie de nous l'expliquer. Mais afin que les citoyens achètent la carotte dans les supermarchés.
Dans un avenir très proche on annoncera sans façon : en cultivant la carotte sur votre propre plate-bande, vous commettez un délit, car vous volez le bénéfice dû au propriétaire du supermarché.
Tout pour le business, tout au nom du business ! Un objectif bien connu, n’est-ce pas ?
Cueillir des champignons ou des baies dans la forêt ? Interdit. Prendre du poisson ? Oui, mais strictement aux lieux fixés, pour qu’on puisse vous faire payer.
Aucune idée d’acheter du chou (pas même cultiver, mais acheter !) pour le faire fermenter à la saison, tant qu’il est bon marché et juteux, étant tantôt cueilli du sol. D’ailleurs, il n’y a point de saisons de chou là-bas (on le cueille toute l’année) ni de sol, remplacé par l’aquiculture, donc de quelle fermentation peut-on parler ! D’autant plus qu’il est non sans risque de faire fermenter le chou dans le sodium de là-bas. Une fois ce chou fermenté offert à ton voisin, celui-ci ira à la police te dénoncer pour avoir empoisonné les gens par des produits non certifiés…
Bref, tout est triste là-bas. Les gens n’ont aucune pâture, ils ne peuvent se procurer  quoi que ce soit que par l’argent et selon le règlement. Une fois l’emploi ou une partie du salaire perdue, tout est fini. Reste à courir à la place centrale pour jeter bas le gouvernement, sinon à se cogner la tête contre le mur. Pas de vie sans argent. Pas du tout. Le conseil humain et naturel « Affamé ? Va donc à la chasse ou à la pêche » ne marche pas, étant absurde.
Quand « les ventes en détail tombent, et seule la production horticole croît », eux (voir la citation ci-dessus) parlent de la crise ! Tandis que dans l’économie ça s’appelle l’équilibre. Le pouvoir d’achat baisse — la production de l’économie naturelle croît. Où est la crise ici ?
Un humain, que mange-t-il, de l’argent ou des aliments ? Voilà. Des fois qu’il n’a pas acheté du jambon espagnol sanctionné, mais a élevé un marcassin pour avoir son propre jambon, est-ce la crise ?
De même pour tout le reste. Pas d’argent à porter au magasin pour l’échanger contre des pommes de terre ou des légumes — va labourer ton terrain pour les cultiver toi-même. C’est justement ce qui nous a sauvés dans les années 90. Si on ne s’était pas rué en masse dans ses potagers, le rêve de Tchoubaïs et d’autres réformateurs de choc s’accomplirait : quelques 30 millions de nôtres mourraient, faute de s’être adaptés au capitalisme sauvage imposé.
Toute réflexion faite, une crise de consommation ne peut pas être causée par la seule réduction de la masse monétaire. Une crise de consommation éclate, lorsqu’on crève de faim et il n’y a pas d’alternative à l’argent.
La liberté de se procurer de la nourriture par n’importe quel moyen légal, c’est la réalisation du droit de base de l’humain, à savoir du droit à la vie. Et lorsque un État limite par la loi les moyens de réalisation de ce droit de base, tout en vouant ses citoyens aux souffrances à cause du manque d’argent et interdisant tout autre issue de ce danger mortel, il faut reconnaître que tel État commet le génocide contre son propre peuple et contribue chemin faisant à la criminalisation de la société. Ça arrive, quand les uns ont un excès d’argent et les autres en ont un manque, et en même temps tous les biens et besoins vitaux ne sont fournis que contre l’argent et toutes les autres trappes donnant accès au nécessaire sont condamnées par la loi.
Et ces gens-là nous croient opprimés, non libres…
Mais c’est eux qui sont opprimés ! Opprimés par des règles et des limitations fourrant l’humain dans la situation qui fait parfois sa vie insupportable. Ils sont privés du droit à la vie. L’homme occidental n’est libre qu’à bavarder, s’affubler des plumes et se rassembler en manifs LGBT.
Secundo, ils sont tout simplement très pauvres. Pauvres au pied de la lettre. Les masses étasuniennes ou suédoises ne sont que va-nu-pieds vis-à-vis au citoyen russe moyen.
En voulez-vous des exemples ? Volontiers.
Que veut dire « la classe moyenne » en Russie ? Ce sont les gens qui possèdent des épargnes.
Que veut dire « la classe moyenne » en États-Unis ? Ce sont les gens qui ont tout à crédit : leur logis, leur pelouse, leur voiture… enfin, tout ! Il suffit de perdre l’emploi, cette seule source d’amortissement, pour que la carrosse se transforme en citrouille.
Ils sont pauvres définitivement et irrévocablement. Gueux comme des rats d’église.
Oh oui, j’ai entendu parler du PIB étasunien, qui est si grand. Mais j’en sais aussi un peu, comment il est compté. C’est du jamais vu. Googlez, par exemple, « hedonic adjustments to GDP », vous en apprendrez des nouvelles.
Mais moi je ne vous parlerai que d’une des astuces du métier, qui va sans doute vous ravir.
Cher lecteur [russe], dites-moi, votre logis est-il à vous ? Est-ce votre propriété ? Évidemment oui. Alors écoutez : si vous ne le possédiez pas, mais le louiez, combien auriez-vous à payer au propriétaire ? Voilà. C’est cette somme-là que la statistique étasunienne inclut dans le PIB en tant que votre revenu. Je répète : ce que vous n’avez pas dépensé est ajouté à vos recettes. À savoir, le prix moyen annuel de location que vous, étant propriétaire, auriez payé à vous-même. Cet argent que vous n’avez en fait payé à personne, mais avez gardé pour vous. Je m’embrouille déjà… mais vous avez dû comprendre.
Donc, si vous tenez à vous mesurer avec le PIB américain, allez de ce pas au site web du Rosstat [Service fédéral de statistique d’État russe] et recomptez à peu de choses près, compte tenu de tous ces « facteurs hédoniques » et du loyer virtuel.
D’ailleurs, tout est clair sans compte quelconque, quand on sait que la part de propriétaires dans la population de la Russie dépasse de loin 80 %. Essayez de trouver un indice pareil quelque part ailleurs dans le monde.
Et vos datchas à 6 ares, vous ne les louez pas non plus, n’est-ce pas ? Voilà. Supputez la part de propriétaires de datchas et d’autres résidences secondaires dans la masse de citadins et ajoutez de même ces « revenus » au PIB.
L’Américain moyen ignore ce que c’est. Tandis que chez nous des millions et des millions possèdent des datchas et des maisons de campagne.
Et si on parle du projet récent « Un hectare de l’Extrême-Orient » (gratuitement à tout Russe bébés inclus) ? Prends-le et fais-en ce que tu veux, tu es libre et c’est ta terre à toi.
 
Est-ce que quelqu’un de ceux qui ne jurent que par « le grand PIB américain » veut essayer de supputer la valeur du PIB russe dans quelques cinq ans, lorsqu’au moins une partie de 140 millions d’hectares offerts sera rendue exploitable, si on compte d’après la méthode américaine ? Pourtant on n’en a pas besoin. Des indices virtuels ne sont bons qu’à s’en vanter. Et la vantardise n’est propre qu’à ceux qui souffrent de complexes.
Nos « partenaires » occidentaux adorent se vanter. Peut-être parce qu’ils sentent, que quelque chose cloche dans leurs droits et libertés de l’homme.
Tout est simple. « La liberté, c’est l’esclavage ! » — Orwell ne plaisantait guère. Pas de sourires forcés. Les « partenaires » vous fourrent dans la tête, qu’il s’agirait de nous, les Russes ? Ben non !
Réfléchissez-y, c’est un absurde total de considérer comme non libres les gens qui sont capables et libres de choisir eux-mêmes s’il faut acheter la carotte au supermarché ou bien la cultiver sur leur terrain à eux, et, au contraire, croire libres ceux qui n’ont point de ce choix.
Mais il est encore plus absurde de considérer comme libres ceux qui s’insurgent, et vice versa, appeler des esclaves ceux qui ne s’insurgent pas.
Étrange, n’est-ce pas ? En fait, si tu t’insurges, c’est parce que tu es un esclave.
Les esclaves, eux, ont besoin de liberté. L’homme libre n’en a pas besoin, car il l’a déjà.
 
Par  roman_garev.