samedi 5 novembre 2016

Riyad pourrait se retouver seul avec une économie en lambeaux



Dès le début du printemps arabe, l’Arabie saoudite – accompagnée par le Qatar et la Turquie – fut l’un des principaux perturbateurs de la paix au Moyen-Orient. Elle remodela la région à son image faisant porter une surcharge importante sur ses forces et courir un risque considérable pour son propre avenir. Le problème de la succession, qui est au seuil du changement de génération, et l’arrivée au pouvoir non pas des fils, mais pour la première fois dans l’histoire du Royaume d’Arabie saoudite, des petits-fils du fondateur de la dynastie, crée des conditions séparées pour une déstabilisation de la situation au sein de la monarchie, allant même jusqu’à sa désintégration dans un avenir plus ou moins proche.

La presse attire l’attention sur les interventions du Royaume d’Arabie saoudite (RAS) dans la guerre en Syrie, où il soutient l’opposition islamiste, tout en exerçant des pressions sur l’Occident pour le renversement du président Assad. En outre, les politiques de Riyad achoppent non seulement en Syrie mais aussi au Yémen, et se heurtent à l’irritation croissante de ses voisins et alliés, y compris le sultanat d’Oman et l’Égypte. Par ailleurs, pour la monarchie, les héritiers peuvent être imprévisibles, ce qui préoccupe beaucoup l’Iran. Nous examinerons la situation avec les positions actuelles de l’Arabie saoudite et ses projets régionaux, à l’aide des travaux des experts de l’Institut, P.P. Riabov et Y.B. Scheglovin.
Les militants s’en vont… mais restent
Selon les experts locaux, les forces spéciales étasuniennes et saoudiennes auraient, avant le commencement de l’assaut contre Mossoul, conclu un accord pour fournir aux djihadistes de État islamique bannis par la Fédération de Russie [Tchétchènes – NdT] un sauf conduit pour quitter Mossoul [1]. Les médias ont annoncé que les terroristes (plus de neuf mille) seraient transférés en Syrie pour la conquête de Deir ez-Zor et de Palmyre. Quelle est la réalité dans tout cela ? Les pourparlers entre les dirigeants tribaux sunnites en Irak (et non pas État islamique) et les Étasuniens étaient connus depuis le printemps. Les deux côtés ont essayé de négocier autant d’avantages que possible pour eux-mêmes. Cela explique les constants reports de la date de l’assaut contre Mossoul.
En réalité l’assaut, dans le sens classique du terme, n’avait pas été initialement programmé. À Mossoul, un plan était en cours d’élaboration pour la reddition pacifique de la ville, sur l’exemple de Ramâdi et d’al-Fallouja. Le principal inconvénient de ce plan était la préservation du potentiel de combat de État islamique, qui se déploierait à l’extérieur de la ville libérée, en dépit du fait que personne n’allait les attaquer. Le principal avantage pour Bagdad et Washington dans les négociations était l’absence des combattants chiites dans leurs rangs, permettant ainsi aux tribus sunnites une large autonomie et une représentation véritablement nominale du gouvernement central dans l’administration municipale. Puis a été mise sur le tapis la question des victimes civiles. Tout cela a favorisé la recherche d’un compromis.
L’idée de faire sortir les terroristes et leurs familles de la ville était juste, mais la majorité d’entre eux n’iraient nulle part. Ils sont natifs de Mossoul, ou alors ils se fondraient dans les rues de la ville. Avec en réserve des combattants de EI aguerris, susceptibles de se mobiliser rapidement, la direction sunnite de l’Irak a prévu de commencer à les incorporer dans sa structure de gouvernance. L'État islamique, en Irak, est le résultat du mécontentement des sunnites, après avoir été mis à l’écart des leviers économiques de l’administration à la suite de l’effondrement du régime de Saddam Hussein [par l’invasion US], et de la prise légitime du pouvoir en Irak par la majorité chiite et par les Kurdes au Nord, donnant, tout au long à ce processus, le vernis religieux et idéologique approprié.
Le redéploiement de 9 000 combattants – constituant le contingent disponible en Irak – vers la Syrie est douteux. La prise, par eux, de Deir ez-Zor ou de Palmyre n’aurait pas d’effet économique ou militaire. Le pétrole et le carburant produits à Deir ez-Zor dans des raffineries à moitié détruites, est déjà envoyé en Irak et dans les régions centrales de Syrie. En Irak lui-même EI a perdu le contrôle des champs pétrolifères. Les sunnites irakiens ne feront pas une action risquée pour «déconsidérer les Forces aérospatiales russes», et exposer ainsi l’arrière de leur contingent en Irak. Le rôle des États-Unis dans ce processus est de travailler aussi bien avec les sunnites dans l’armée irakienne qu’avec les émissaires saoudiens, dans le but de libérer Mossoul, ce qui est nécessaire, tout en laissant une nouvelle administration comme preuve de la victoire des États-Unis sur EI. Il n’y a pas de mobilisation parmi les membres irakiens de EI pour engager des actions contre la Russie et la Syrie. Dans cette situation les Étasuniens n’ont aucun levier d’influence ni de fonds supplémentaires.
Du point de vue militaire, l’assaut des Étasuniens n’a pas eu l’effet escompté. L’assaut contre l’aéroport de l’ancienne base d’aviation irakienne près de Mossoul n’avance pas. Les Kurdes à Mossoul ne veulent pas partir et l’armée irakienne ne veut tout simplement pas se battre. Le Pentagone n’a pas réussi en cette fin d’année à prendre Mossoul, bien qu’Obama ait déployé cinq mille soldats supplémentaires des Forces spéciales en Irak. À cause de cela, il leur est devenu nécessaire d’utiliser la diplomatie tribale, et évidemment de la payer généreusement. L’implication des renseignements saoudiens est logique compte tenu les tentatives du RAS pour influencer activement la communauté sunnite d’Irak.
L’intercession n’est possible ici que par un seul canal, le nouvel ambassadeur du RAS en Irak. Il est de la tribu Samarra, originaire d’Arabie saoudite et d’Irak. Il a immédiatement commencé à établir des contacts avec la tribu. Les motifs des Saoudiens, pour qui l’expérience du Qatar avec EI fut une menace, sont clairs. Ils ont pris une décision stratégique de maintenir le noyau sunnite pour contrebalancer les chiites à Bagdad et l’influence de Téhéran en Irak.
L’influence saoudienne est pratiquement inexistante dans EI. Les Qataris et les Turcs, sans le déclarer publiquement, se sont éloignés de EI, ce qui se justifie du point de vue tactique et stratégique. Maintenir le potentiel de combat sunnite en Irak sera pour l’Arabie saoudite une victoire à la Pyrrhus. Les sunnites irakiens, quel que soit le nom qu’ils arborent, ne tiennent pas à se battre, se rappelant bien du rôle que Riyad a joué dans la défaite de l’Irak de Saddam…
Échange de feu yéménite
La situation évolue au Yémen, où la Coalition arabe, dans laquelle l’Arabie saoudite joue un rôle de premier plan, combat les habitants nordistes-Houthis et les partisans de l’ex-président A. Saleh. Sur la côte yéménite le 10 et le 12 octobre, un contre-torpilleur de la marine étasunienne a été ciblé par un missile. Les Houthis (partisans du mouvement Ansar Allah) ont nié leur implication dans l’attaque. L’agence de presse SABA a été informée de l’attaque par une source militaire. Le contre-torpilleur Mason a répondu avec une «volée de missiles défensifs». Trois stations radar au Yémen ont été détruites.
Les attaques ont été menées avec des missiles sol-mer (MAN) S-802 de production chinoise, améliorés en Iran. Il semble que les Iraniens aient testé un lot de MAN dans des situations de combat sur des cibles ayant une protection puissante. Cet exercice a servi à déterminer le niveau de la protection et l’efficacité des tirs. De plus, ce même navire a été bombardé à deux reprises. Il est évident que les initiateurs des salves étudiaient le fonctionnement des systèmes de défense des navires qui escortaient l’aviation. Malgré tous les démentis, les Étasuniens parlent de la participation des Houthis dans cette attaque, en se basant, de toute évidence, sur des émissions radio.
L’une des principales conditions du plan étasunien pour la pacification du Yémen est l’arrêt de toute action de combat à Sana’a et au gouvernorat de Saad, où vivent Zaïdis et Houthis. Washington estime qu’ils doivent accepter de retirer volontairement leurs forces de la capitale conformément aux termes de leur intégration au gouvernement. Ceci n’est pas organisé par Riyad qui ne veut pas d’une enclave chiite avec une forte influence iranienne dans son arrière-cour. L’élimination du maire de Sana’a qui, selon l’opinion des Américains, a eu lieu au cours d’une attaque aérienne lors d’une cérémonie funèbre la semaine précédente, était une atteinte aux plans étasuniens, étant donné que le maire de Sana’a était leur médiateur en vue d’obtenir la reddition des armes lourdes des Houthis.
Le 12 octobre un contingent limité de forces saoudiennes est passé du gouvernorat d’Al-Jawf à celui de Saad. Les militaires saoudiens ne veulent pas risquer d’entrer profondément dans Saad. Des analystes ont conclu qu’il s’agissait d’une réponse démonstrative de l’Arabie saoudite aux nombreuses incursions des Houthis à Najran et aux bombardements de missiles du territoire saoudien. Cette action était un coup porté à l’initiative étasunienne qui violait l’intégrité saoudienne. En même temps cela a servi aux Saoudiens pour explorer et mettre un pied dans le gouvernorat d’al-Jawf en vue d’étendre leur offensive vers Saad et Sana’a.
Les épisodes de bombardement du destroyer Mason ont été considérés à la Maison Blanche comme une tentative d’attirer les États-Unis dans l’action militaire au Yémen contre les Houthis. Formellement Washington soutient les actions de la coalition menée par l’Arabie saoudite, mais les envoyés des Houthis et l’ex-président Ali Abdallah Saleh sont souvent reçus aux États-Unis. Depuis 2015, les États-Unis avaient gelé les consultations et le soutien militaire et technique aux Saoudiens dans les opérations militaires au Yémen. Avec le nombre de victimes civiles suite aux dernières frappes de l’aviation saoudienne et la position anti-saoudienne dure du Congrès étasunien, parler du rétablissement de relations à moyen terme est une gageure.
L’objectif principal des intérêts étasuniens au Yémen est toujours Al-Qaïda de la péninsule arabique (AQPA), contre qui leurs troupes travaillent au sol, ainsi que leur escadron de drones, basé à Hadramaout. Selon la déclaration du directeur de la CIA John Brennan, le renseignement saoudien utilise activement les groupes AQPA pour ses objectifs. Cela exige des Étasuniens une position prudente dans leurs actions contre les Houthis, qui ne sympathisent pas avec les islamistes-salafistes. Il est peu probable que les États-Unis démarrent des opérations convaincantes contre les Houthis. Il est possible qu’ils détruisent quelques stations radar ou une batterie de missiles, mais pas plus. L’utilisation de troupes au sol leur occasionnerait des pertes. La neutralité, ne pas s’associer ni à l’une ni à l’autre des forces en conflit leur est préférable.
Les filières omanaises
Les relations saoudo-omanaises compliquées, ont été le centre des attentions lors de la rencontre du 3 octobre à Sohâr (Oman) des représentants des pays membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe persique (CCG). Cette réunion, présidée par le représentant du Koweït, a été utilisée par Riyad pour souligner les «mauvaises politiques» de Mascate. Les Koweïtis voulaient faire baisser la tension et améliorer les relations saoudo-omanaises, mais cette tentative n’a pas été couronnée de succès en raison du comportement agressif du représentant du roi de l’Arabie saoudite, qui n’a pas ménagé ses critiques contre Oman.
La principale charge avancée par les Saoudiens contre Oman était «l’insuffisance» de ses efforts dans la lutte contre la contrebande d’armes à la frontière avec le Yémen. Nous notons que dans le Dhofar, la capacité des forces de sécurité omanaises de contrôle des frontières n’est qu’illusoire. C’est dû à la politique de décentralisation de cette région mise en place par Mascate, région qui fut rebelle, et à qui l’on vient d’attribuer une autonomie réelle.
La traditionnelle contrebande d’armes par cette voie est une source de revenus pour les dirigeants tribaux locaux, et les dirigeants omanais ne souhaitent pas se quereller avec eux. Lors de la guerre civile à Dhofar, les partisans locaux avaient des camps dans le sud du Yémen, d’où passait le ravitaillement en armes et en volontaires. Ce qui fait que les filières de contrebande sont bien rodées. La fin de la guerre civile de Dhofar est devenue possible suite à l’accord informel où Mascate accorda une large autonomie à la région et l’incorporation de la direction locale de la tribu dans le pouvoir exécutif du sultanat à tous les niveaux.
Quelques jours avant le mini-sommet de Sohâr, la partie de la milice populaire du Yémen loyale à Riyad avait intercepté six camions en provenance du gouvernorat de Salâlah (Oman). Au milieu de leurs chargements étaient cachés des missiles sol-sol tactiques de moyenne portée produits en Iran. De tels missiles ont récemment frappé les positions des forces de la Coalition arabe dans le nord du Yémen, tuant des dizaines de soldats saoudiens. Il est vrai que les Houthis avaient alors annoncé que ce nouveau missile était de production yéménite. Ce sont ces mêmes missiles qu’utilisent les Houthis pour bombarder régulièrement les forces terrestres du RAS ainsi que le quartier-général de la Coalition à Khamis Mushayt.
Au mini-sommet à Sohâr le représentant de l’Arabie saoudite a divulgué des informations sur le transfert d’armes vers le Yémen, en provenance d’Oman. Selon ses renseignements, le territoire omanais est utilisé non seulement pour livrer des armes iraniennes par le biais de l’aéroport de Salâlah et des îles de l’océan Indien, mais aussi pour le stockage en vue de transport ultérieur vers le Yémen. Le vice-prince héritier et ministre de la Défense du RAS Mohammad bin Salman a demandé à l’émir du Koweït de faire pression sur le sultan d’Oman, Qaboos. Cela a donné comme résultat la réunion à Sohâr des pays membres du CCG.
L’approche de bin Salman auprès du sultan Qaboos est basée sur l’analyse de la situation par les forces spéciales saoudiennes. Comme le suggère la Direction des renseignements généraux (DRG) du RAS, le sultan Qaboos ignore les livraisons d’armes iraniennes par l’intermédiaire de Dhofar. Ces opérations sont effectuées par le chef des Services de renseignement et de sécurité omanais M. Al-Nooman. La DRG du royaume saoudien estime que les forces spéciales omanaises sont engorgées d’éléments chiites et pro-iraniens et qu’on ne peut pas leur faire confiance. L’échange d’informations entre les services spéciaux des deux gouvernements a, depuis très longtemps, cessé, ce qui affecte négativement le travail du centre de coordination des activités pour l’application de la loi des pays membres du CCG.
Les forces spéciales saoudiennes pourraient arrêter et contrôler ce trafic avec l’aide du MI5 britannique, étant donné que les agents de ces derniers siègent à l’état-major du renseignement omanais et, sans aucun doute, sont au courant de ces opérations de transfert d’armes iraniennes. Selon les experts de l’Institut du Moyen-Orient, le sultan Qaboos, indépendamment de l’état de sa santé, est conscient de la situation dans la région. Le chef des services spéciaux omanais est un membre de son cercle intérieur et ne fait rien sans son approbation. D’autant plus, que pour de telles opérations de transfert d’armes, il semblerait que Téhéran paie très bien.
Mascate coopère avec la République islamique d’Iran comme facilitateur officieux entre les pays de la péninsule arabique et l’Iran – rôle auquel elle ne renoncera pas. Ceci lui permet de maintenir des relations de confiance avec les Houthis et des personnes d’autorité au Yémen du Sud qui traditionnellement assurent les filières de contrebande. Il est à noter que Mascate ne succombe pas à la pression de Riyad, ce qui montre que l’emprise de l’Arabie saoudite dans la région s’affaiblit au milieu de bouleversements économiques et de la lutte pour le pouvoir au sein de l’élite dirigeante d’Arabie saoudite.
Routines égyptiennes
Le vote par le Caire au Conseil de sécurité des Nations unies pour donner un sens différent aux résolutions relatives à Alep proposées par la France et la Russie, ont clairement irrité Riyad. Le ministre saoudien des Finances a menacé ses collègues égyptiens de geler le soutien à la livre égyptienne et d’arrêter de leur céder du pétrole à des prix préférentiels à travers la société Saudi Aramco. C’est grâce à l’aide du RAS que les Égyptiens maintiennent le cours de la livre et évitent une grave dévaluation. Pour l’Égypte qui importe beaucoup, ce sujet est crucial. Les tentatives faites pour obtenir une ligne de crédit au FMI ou à la Banque mondiale viennent avec des exigences d’austérité budgétaire, y compris la réduction des subventions pour l’achat de nourriture.
La question de la sécurité alimentaire est pour l’Égypte très urgente. Le scandale dans les relations avec Moscou, qui est lié à son refus d’acheter des céréales russes en raison de violations des normes sanitaires signifie en réalité simplement que le Trésor avait besoin d’argent. Les Égyptiens pour les mêmes motifs ont refusé d’acheter du blé ukrainien vendu à des prix de dumping. Par conséquent la menace saoudienne est très réelle, particulièrement si on se souvient du récent refus saoudien de prêter trois milliards de dollars à Beyrouth pour la modernisation de son armée, et cela en raison de sa position vague quant à l’incendie de l’ambassade RAS à Téhéran.
Pour autant qu’on puisse en juger, la réduction de l’aide au financement du budget égyptien par l’Arabie saoudite est survenue au début de l’été. La crise du grain semble la refléter. Entretemps le Caire a réussi à finaliser un accord pour l’achat des porte-hélicoptères français Mistral. Ce qui fait que l’on ne parle plus que de réduction de l’aide à l’Égypte et non pas de gel complet. Très probablement le projet et les plans du RAS d’investir dans la construction de projets d’infrastructure dans le Sinaï, qui doivent assurer l’emploi pour la population locale et réduire la tension sociale, seront maintenus.
Riyad jusqu’à présent n’est pas éreinté, mais commence à ressentir un grave inconfort financier. Les retards dans le paiement des salaires des employés étrangers du groupe Ben Laden, qui ont été payés par le budget du RAS suite à leurs protestations, est un événement sans précédent et un signal très alarmant. Un autre changement plus révélateur de la position de l’Arabie saoudite est la réduction de la production pétrolière au sein de l’OPEP sans égard à la position de l’Iran. L’économie saoudienne donne l’impression de commencer à être en difficulté à cause des campagnes militaires coûteuses en Syrie et au Yémen, ce que Riyad cache.
Pour ce qui concerne l’Égypte la tactique saoudienne s’est modifiée sur un certain nombre de points. Au départ il était clair que l’alliance des deux pays était temporaire et le soutien de l’armée égyptienne à Riyad était lié à la lutte d’influence régionale au sein du monde musulman, contre Doha (Qatar) qui soutient les Frères musulmans. Le RAS les considère comme la principale menace après l’Iran, mais cela n’empêche pas les Saoudiens de soutenir les groupes djihadistes wahhabites en Syrie. Le régime égyptien est laïque et n’accueille pas les islamistes ; par conséquent, il se range du côté de Damas. Riyad ne se soucie pas de savoir qui va s’opposer à Assad, que ce soit al-Sisi, les wahhabites ou les Frères. C’est là où réside la contradiction profonde entre l’Égypte et l’Arabie saoudite qui, tôt ou tard fera éclater l’alliance.
Nous ne parlons pas des ambitions dans les relations des directions régionales qui existent à Riyad et au Caire. La monarchie saoudienne a accumulé un certain nombre de plaintes vis-à-vis de l’Égypte, à commencer par la Libye, où les Égyptiens mènent une politique clairement différente de celle des Saoudiens, et à poursuivre avec la passivité de la participation de l’armée égyptienne dans la campagne au Yémen. À cet égard, le Caire dérive de plus en plus vers l’orbite d’Abu Dhabi, avec lequel il a beaucoup de préoccupations similaires, et avant tout, en commun avec les Émirats arabes unis, le désagrément des activités des Frères musulmans dans la région.
Le RAS tend vers un compromis avec la Turquie et le Qatar sur la question de la tolérance future de la fraternité dans la vie politique de la Syrie. En outre, Riyad tente de parvenir à un accord avec le parti Islah, qui représente la branche de la confrérie des Frères Musulmans au Yémen, dans le but d’engager des actions militaires actives contre les Houthis. Ce qui pour l’Égypte, qui participe aux opérations au Yémen au côté du RAS, est une maigre incitation à poursuivre la campagne militaire. Ces contradictions entre les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite commencent à être visibles. Elles sont stimulées par le déficit de moyens financiers du RAS. Très probablement une véritable crise dans les relations avec les Émirats arabes unis peut être attendue à moyen terme.
Evgeny Satanovski, 
président de l’Institut du Moyen-Orient de la Fédération de Russie.
Traduit du russe par AlexD, Southfront.
Traduit de l’anglais par Alexandre Moumbaris, relu par Marie-José Moumbaris pour le Saker Francophone



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