mercredi 22 février 2017

La France en Algérie. Les 900 oreilles coupées par le bachagha Bengana

Le bachagha Bengana coupait les oreilles des résistants algériens auxquels il tendait des embuscades avec ses goumiers. Puis, il les entassait dans des couffins qu’il remettait ensuite aux officiels français, contre espèces sonnantes et trébuchantes.
On l’honora de menues broutilles pour services inestimables rendus à la France coloniale. Bengana envoya au général Négrier le sceau, les oreilles et la barbe du chef de guerre Farhat Bensaïd, qui fut attiré dans un guet-apens, chez les Oulad-Djellal. Le fils de Farhat Bensaïd, Ali-Bey, qui avait échappé aux coups des Bou-Azid, alliés à Bengana et aux Français, accablé par l’évènement, se rendit au général Sillègue, à Sétif. Une autre fois, un membre de la famille, Khaled Bengana, qui s'était «vaillamment» conduit lors d’une sanglante répression contre des insurgés algériens, présenta au général comme pièces justificatives, deux étendards (le troisième avait été déchiré par ses goumiers) et des sacs contenant 900 oreilles coupées aux cadavres. Le commandant de Constantine qui n’en demandait pas tant de la part des Bengana, ému par autant de zèle, envoya au gouverneur un rapport laudatif sur cette affaire. A l'occasion de la fête du roi (célébrée le 1er mai), le général Galbois se rendit auprès des Bengana et fut reçu au bruit des salves tirées avec les canons récupérés sur le champ de bataille. Les canons lui furent ensuite remis. Sont-ils aux Invalides, à Paris ? On déploya une pompe et une mise en scène grandiose à l’occasion, dont l'organisation fut attribuée à Ismaël Urbain. Bengana reçut à cette occasion la croix d'officier et une gratification de 45 000 francs, comme appointements sur lesquels furent prélevées les sommes payées de sa poche à ses goumiers. Les Bengana et leurs goumiers investirent les Zaatchas avec les troupes du général Herbillon, la tête de Bouziane et celle de son lieutenant Si Moussa Al-Darkaoui figurent parmi leurs sordides butins. Le Muséum national d’histoire naturelle de Paris détient une oreille, non-identifiée, un morceau de chair noircie, cataloguée parmi les têtes momifiées et les crânes, dans un registre officiel, en France, pays des droits de l’Homme, au XXIe siècle. Il faudrait relire sérieusement cette Déclaration des droits de l’Homme, en filigrane, pour savoir si ces droits concernent pareillement les morts ou seulement les vivants et s’ils ne concernent que les Blancs. Au Maghreb ou en Afrique, aucun musée ne détient des restes mortuaires humains dans ses réserves. Espérons que nous serons entendus et que les restes mortuaires des résistants algériens, actuellement conservés au musée de Paris, seront dignement rapatriés à Alger.
Historien et anthropologue, auteur de Boubaghla, le sultan à la mule grise. La résistance des Chorfas,éditions Thala, Alger. 

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