mercredi 22 février 2017

La Russie et la Chine défendent l’Iran contre Trump



Les propos tenus lundi par le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, ainsi que ceux du ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ont souligné que Moscou a une perspective sur l’Iran diamétralement opposée au président Donald Trump ou à ses hauts fonctionnaires.

Se référant à la qualification donnée par Trump à l’Iran d’« État terroriste numéro un », Peskov a souligné que toute amélioration des relations entre la Russie et les États-Unis sera enracinée dans la réalité que les deux pays ont des positions opposées sur de nombreuses questions, et l’Iran est l’une d’entre-elles :
« Nous ne sommes pas d’accord avec la définition (de Trump). Vous savez tous que la Russie entretient des relations chaleureuses avec l’Iran, nous coopérons sur un certain nombre de questions et nous apprécions nos liens économiques qui, nous l’espérons, vont aller plus loin. Ce n’est un secret pour personne que Moscou et Washington ont des opinions diamétralement opposées sur de nombreuses questions de politique internationale et régionale. En attendant, cela ne peut et ne doit pas être un obstacle lorsqu’il s’agit d’établir une communication normale et des relations pragmatiques mutuellement bénéfiques entre la Russie et les États-Unis. »
Lavrov a salué le rôle de l’Iran dans la lutte contre les groupes terroristes :
L’Iran n’a jamais été complice de liens avec le Front al-Nusra ou Daesh. En outre, l’Iran contribue à la lutte contre Daesh. Nous avons longtemps préconisé l’idée de créer un front antiterroriste unifié. Je suis convaincu que l’Iran doit faire partie de notre effort commun si nous évaluons objectivement les contributeurs potentiels à une telle alliance.
En effet, Moscou suivra également de près le programme de politique étrangère de Trump, dans son ensemble. Après une forte condamnation de la Russie par l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, au sujet de la dernière vague de violence dans l’est de l’Ukraine, Trump a téléphoné au président Petro Porochenko à Kiev samedi, et a également discuté de l’Ukraine avec le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg dimanche. Les commentaires de la Maison Blanche (ici et ) étaient soigneusement rédigés, mais le texte de l’OTAN (ici) mentionnait que les relations avec la Russie figuraient dans la conversation avec Stoltenberg.
Fait intéressant, lors d’une conférence de presse à Moscou dimanche, Lavrov a également précisé que les attentes de la Russie concernant l’administration Trump sont enracinées dans le réalisme :
« Nous sommes prêts à faire notre chemin vers l’amélioration des relations avec les États-Unis […] En même temps, nous comprenons qu’il faudra des efforts sérieux des deux parties pour réparer les graves dommages causés à nos relations bilatérales […] Il serait prématuré de parler du type de relations que nous pourrions avoir avec l’administration républicaine. Nous devons attendre […] pour tirer des conclusions à long terme […] une coopération efficace entre la Russie et les États-Unis est possible, mais uniquement dans le respect mutuel des intérêts des uns et des autres. »
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Tour Spasskaya
– Kremlin
De toute évidence, ce n’est pas comme si les sentinelles du Kremlin ne se souciaient plus de verrouiller les portes principales des tours de Spasskaya, Borovitskaya, Troitskaya et Nikolskaya.

Pendant ce temps, le ministère chinois des Affaires étrangères a exprimé son opposition aux sanctions de Trump contre l’Iran. Un commentaire de Xinhua a également noté que « l’aventure diplomatique et l’antagonisme inconscient » de l’administration Trump concernant l’Iran prônent « une ère d’agressivité de la part du nouveau chef suprême des politiques étrangères des États-Unis ». L’évaluation de Moscou ne peut pas être très différente de celle de la Chine concernant le comportement erratique de l’administration Trump.
Dans l’ensemble, même un bon ami d’Israël comme David Ignatius du Washington Post admet que « Il (Trump) a commencé cette confrontation sans beaucoup de préparation ou de planification stratégique […] L’Iran est un ennemi commode pour Trump. Israël et les États arabes du Golfe partagent l’antipathie de l’administration envers l’Iran. » 
Ignatius met en garde contre les dangers :
« Le Commandement central des États-Unis a des milliers de troupes en Irak et dans le Golfe qui pourraient être vulnérables aux représailles iraniennes […] L’Iran est un adversaire endurci […] Toute confrontation doit tenir compte de la position forte de l’Iran en Syrie et en Irak et de sa capacité à contrecarrer l’engagement de Trump à éradiquer État islamique […] L’Iran tient quelques goulots d’étranglement. Son plus fort effet de levier est en Irak […] Les Iraniens peuvent mobiliser des milliers de miliciens chiites irakiens à travers le pays. Les conseillers américains sont vulnérables aux attaques de ces milices soutenues par l’Iran, comme il y a dix ans.
L’Iran est l’un des défis de politique étrangère les plus difficiles auquel Trump devra faire face, et il devrait faire attention à éviter les actions précipitées mal planifiées qui en feraient sa Baie des cochons. »
C’est un avertissement assez sévère, mais éminemment raisonnable. Dans un discours prononcé lundi à Téhéran, le président iranien, Hassan Rouhani, a vraisemblablement laissé entendre à peu près la même chose, dans un contexte persan, en disant que le «paradigme des négociations » sur l’accord nucléaire iranien constituait un « modèle pour les pourparlers de paix syriens au Kazakhstan ».
M.K. Bhadrakumar
Article original paru sur Indian Punchline
Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone