samedi 13 mai 2017

Plan américain d'invasion de la Russie

Le Bulletin des scientifiques atomiques a publié une étude, le 1er mars 2017, qui commence ainsi :

« Le programme de modernisation des forces nucléaires des États-Unis a été présenté au public, comme un effort pour assurer la fiabilité et la sécurité des têtes nucléaires de l’arsenal nucléaire américain, plutôt que pour améliorer leurs capacités techniques. En réalité, ce programme va utiliser de nouvelles technologies révolutionnaires, qui augmenteront considérablement la capacité de ciblage de l’arsenal américain de missiles balistiques. Cette augmentation de capacité est étonnante. Elle augmente d’un facteur d’environ trois, le pouvoir global de destruction des forces existantes des missiles balistiques américains et cela crée exactement ce à quoi l’on s’attend, si un État possédant le nucléaire prévoyait d’avoir la capacité de combattre et de gagner une guerre nucléaire, en désarmant les ennemis grâce à une première frappe surprise. 

L’étude continue ainsi :
« Parce que les innovations dans les super-fuze apparaissent aux yeux des non-techniciens comme mineures, les décideurs politiques hors du gouvernement des États-Unis (et probablement à l’intérieur du gouvernement) ont complètement négligé leur impact révolutionnaire sur les capacités militaires et leurs importantes implications pour la sécurité mondiale. »
Cette étude a été coécrite par trois grands scientifiques américains spécialisés dans l’analyse des armes et surtout dans l’équilibre géostratégique entre les pays : Hans Kristensen, Matthew McKinzie et Theodore Postol [Le même chercheur qui a démonté le rapport officiel étasunien sur l’attaque au sarin à Khan Shaykhun, NdT]. Leur rapport se poursuit ainsi :
« Cette vaste augmentation de la capacité de ciblage nucléaire aux États-Unis, largement dissimulée au grand public, a de sérieuses implications pour la stabilité stratégique et pour la perception par les adversaires de la stratégie et des intentions nucléaires américaines.
Les planificateurs russes considéreront presque certainement cette avancée de la capacité de ciblage, comme augmentant le risque d’une frappe nucléaire préventive de la part des États-Unis – un risque qui obligerait la Russie à préparer des contre-mesures, qui accroîtraient encore le niveau d’alerte, déjà dangereusement élevé, des forces nucléaires russes. Les postures nucléaires tendues, basées sur des hypothèses de planification déjà les plus défavorables, entraînent la possibilité d’une réponse nucléaire à un faux signal d’attaque. La nouvelle capacité de destruction engendrée par le super-fuze augmente la tension et le risque que les forces nucléaires américaines ou russes soient utilisées en réponse à l’alerte précoce d’une attaque, même si l’attaque ne s’est pas réellement produite. »
Les auteurs expliquent ensuite pourquoi le départ accidentel de la troisième guerre mondiale, c’est-à-dire un anéantissement mondial, serait plus probable de la part de la Russie que des États-Unis :
« La Russie ne dispose pas d’un système d’alerte précoce satellite fonctionnel, mais repose principalement sur des radars d’alerte précoce, posés au sol pour détecter une attaque de missiles américains. Comme ces radars ne peuvent pas voir plus loin que l’horizon, la Russie dispose de deux fois moins de temps d’alerte précoce que les États-Unis. (Les États-Unis disposent environ de 30 minutes, la Russie 15 minutes ou moins).
En d’autres termes : alors que Trump disposerait d’environ 30 minutes pour déterminer si Poutine a lancé une frappe préventive, Poutine aurait moins de 15 minutes pour déterminer si Trump l’a fait. Et si, au bout de cette période, de chaque côté, il n’y a aucune certitude qu’aucune attaque nucléaire préventive n’a été lancée par l’autre, alors cette personne serait obligée de riposter contre l’autre, en supposant que ne pas le faire aurait non seulement pour résultat une planète toxique condamnée à un hiver nucléaire et une famine universelle, mais aussi une humiliante et scandaleuse absence de représailles contre l’auteur d’un tel acte. Ce qui serait une humiliation en plus d’un anéantissement, et donc un partage de la faute avec le vrai criminel, qui résultera, quelque soit le temps d’existence qui pourrait rester à le vivre, en une honte insupportable et se traduira rapidement en suicide, si les compatriotes survivants de ce pays ne l’exécutent pas avant que lui ne se tue.
Inévitablement, la moralité personnelle et l’image de soi du dirigeant de la nation, dans ce type de situation, sont des facteurs différents des conséquences mondiales très publiques qui détermineront la décision de la personne. Mais, avec seulement (au plus) 15 minutes pour décider du côté russe, et 30 minutes pour décider du côté américain, il y a une chance fortement élevée maintenant, qu’une guerre nucléaire mette fin à la vie de tous ceux qui existent actuellement et qui ne mourront pas rapidement de causes ordinaires avant le drame. Même les projections les plus désastreuses des dangers dus au réchauffement climatique sont loin du danger nucléaire.
La question, maintenant, est : comment le monde en est-il arrivé à ce niveau extraordinairement sinistre ? Les co-auteurs se réfèrent à plusieurs reprises au secret, gardé par le gouvernement américain comme une source essentielle, telle que « … qui a été largement dissimulé au public en général… » et «  … que les décideurs politiques en dehors du gouvernement américain (et probablement à l’intérieur du gouvernement ont complètement négligé… ». Ces passages se réfèrent à un phénomène ordinaire dans les conspirations au sommet de grandes opérations criminelles comme la criminalité du monde des affaires, où seul un très petit cercle d’individus, communément une demi-douzaine ou même moins, sont conscients de l’objectif stratégique principal de l’opération et des principaux moyens tactiques qui sont mis en place afin d’exécuter le plan. Dans ce cas particulier, il n’inclurait pas le chef de chaque cabinet ministériel, ni rien de si large que cela. Mais il est clair que puisque la décision clé, la mise en œuvre des « super-fuze » sur « toutes les ogives placées dans les sous-marins balistiques américains » a été prise par Obama, il est la principale personne responsable de cette situation. Cependant, Trump, en tant que personne qui a hérité cette situation de son prédécesseur, n’a toujours pas montré de signe comme quoi il désirait abandonner l’objectif stratégique américain actuel de conquête de la Russie. Plus le temps passe sans que Trump annonce au public qu’il a hérité de cette opération moralement répugnante de son prédécesseur et qu’il retire tous les super-fuzes, plus cela indique que Trump a décidé de poursuivre le plan d’Obama. Habituellement, dans une telle situation, le dirigeant qui a hérité d’un tel plan serait assassiné, s’il donnait une indication claire de son intention de changer de plan ou de l’annuler (les initiés clés sont généralement obsédés par le « succès », en particulier à une étape aussi tardive ). Et donc, si Trump essayait de le faire, il tenterait presque certainement de cacher ce fait, jusqu’à ce que le plan hérité soit déjà désactivé et ne soit plus une menace.
Le point tournant clé qui a mené à la crise actuelle a été l’acceptation progressive et croissante, du côté américain, de la possibilité d’utiliser l’arme nucléaire pour conquérir, plutôt que seulement pour la dissuasion – le système antérieur, celui de la dissuasion, ayant été appelé «  MAD » [fou, NdT], acronyme de Mutually Assured Destruction(destruction mutuelle assurée), exprimant l’idée que si les deux superpuissances nucléaires se déclaraient la guerre, le monde entier serait détruit de manière catastrophique et rendrait l’idée d’un « gagnant » et d’un « perdant » du conflit une distorsion grotesque de la réalité. La seule réalité étant l’anéantissement mutuel et une planète invivable. Un événement historique, dans le processus de re-conceptualisation qu’une telle guerre peut être considérée comme étant « gagnable », a été la publication, en 2006, de deux articles dans les deux revues les plus prestigieuses de relations internationalesForeign Affairs et International Security, introduisant officiellement le concept de « Primauté nucléaire », c’est-à-dire la (prétendue) opportunité pour les États-Unis de planifier une conquête nucléaire de la Russie. Jusqu’à ces deux articles (tous deux co-écrits par les deux mêmes auteurs), une telle idée était considérée comme farfelue, mais depuis lors, elle est devenue populaire. Comme l’explique le dernier lien ci-dessus (l’article en lien précédent), l’origine, avant même George W. Bush, remonte au 24 février 1990 lorsque son père, alors également président américain, a secrètement lancé une opération dont le but final est de conquérir la Russie. Dans cet article, se trouvent les liens aux documents-sources sur les origines d’un plan qui nous mènera à une guerre nucléaire de fin du monde. Remonter aux causes originelles de la progression régulière, après le 24 février 1990, dans la direction d’une conquête de la Russie par les États-Unis (assisté de ses alliés) peut maintenant être fait par les historiens, même si ce n’est que maintenant que l’information est finalement révélée au public, 27 ans après la très fatale décision de George Herbert Walker Bush, qui a déjà coûté aux contribuables américains des milliards de dollars, un vrai gaspillage, et dont le résultat risque d’être un anéantissement total.
Cet article est soumis gratuitement à tous les médias, pour publication, dans l’espoir que le président actuel des États-Unis va le commenter publiquement, même si c’est pour s’en moquer afin d’éviter d’être assassiné pour y avoir fait référence. Nous sommes à un moment extrêmement dangereux dans l’Histoire, et Donald Trump est maintenant sur un siège très chaud, ce que toute personne intelligente et bien informée reconnaît être le cas. Si jamais le monde avait besoin d’un grand dirigeant courageux, c’est maintenant ; parce que, sans cela, nous pourrions entrer bientôt en enfer. L’éviter, 27 ans après que le gouvernement américain s’est lancé sur cette pente savonneuse, sera extrêmement difficile, mais pas encore totalement impossible. C’est là que nous en sommes à l’heure actuelle et, depuis le coup d’État en Ukraine en 2014, les achats de bunkers « à l’épreuve du nucléaire » ont augmenté de façon conséquente.
Ce danger extrême est la nouvelle réalité mondiale. Si l’élimination de la menace ne vient pas de la Maison Blanche, l’apothéose de la menace viendra, qui que ce soit qui frappera le premier. La décision – soit d’envahir la Russie, soit d’annuler et de condamner la préparation des États-Unis à le faire depuis plus d’une décennie – ne peut être prise que par le président américain. S’il reste silencieux sur la question, Poutine peut raisonnablement continuer à supposer qu’il devra être le premier à frapper. Il ne s’est pas placé lui-même dans cette position ; le régime étasunien l’aura forcé. Espérons que les États-Unis vont diminuer la menace, dès maintenant.
Eric Zuesse
Traduit par Wayan, relu par Michèle pour le Saker Francophone

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