Sergio
Rico, ingénieur polytechnicien mexicain, est l’inventeur de la pluie
solide, une potion magique très simple qui pourrait révolutionner
l’agriculture mondiale. Depuis une dizaine d’années, le Mexique subit des sécheresses
terribles dans le nord du pays. Sergio Rico, sensible aux problèmes de
pauvreté, de famine et de migration, a cherché comment mieux utiliser
les faibles pluies qui tombent malgré tout sur ces zones arides.
"En travaillant sur la récupération de
l’eau de pluie, déclare Sergio Rico, nous avons trouvé le moyen de la
solidifier pour lui donner une autre valeur. Je me suis inspiré des
couches pour bébés qui permettent d’absorber un liquide dans un minimum
d’espace, et c’est à partir de là que j’ai eu l’idée de transformer
l’eau de pluie en la gardant sous forme moléculaire dans un acrylate
très absorbant dont la caractéristique est d’emmagasiner jusqu’à 500
fois son poids en eau sans en modifier la structure chimique."
L’eau de pluie, captée des toits, est canalisée vers un réservoir
dans lequel il suffit de verser une dose de 1,5 gramme de polyacrylate
de potassium pour 1 litre d’eau. En 15 minutes, on assiste au processus
de solidification de l’eau. Se produisent alors une ionisation et une
précipitation qui permettent aux molécules d’eau de se coller aux
polymères, ce qui donne de l’eau en grains, à l’état solide. Avec ce
procédé, plus besoin de pompes, de tuyaux, d’énergie électrique, de
camions-citernes pour transporter le liquide. L’eau solidifiée peut se
mettre dans des sacs en plastique que l’on peut stocker facilement
jusqu’à en avoir besoin.
Les plantes n’ont aucun stress
Le polyacrylate de potassium permet de gélifier les liquides et de
les réhydrater autant de fois que l’on veut pendant huit à dix ans.
C’est une sorte de poudre blanche qui ressemble à du sucre. Pour le
mélange, le chimiste mexicain, qui connaît bien son pays, utilise comme
unité de mesure la capsule de n’importe quelle bouteille de boisson
gazeuse, car il sait que les paysans des hameaux ou des petits villages
auxquels s’adresse en priorité cette technologie ne possèdent pas une
balance précise permettant de peser 1,60 gramme de polyacrylate.
Pour démontrer la fiabilité de son invention, Sergio Rico a comparé
dans l’État du Sonora, où le thermomètre monte facilement au-dessus de
45 degrés, deux systèmes d’irrigation. Avec le système traditionnel, où
le paysan attend la saison des pluies pour arroser son champ, le
rendement est de 600 kilos de maïs pour un hectare. Dans le champ d’à côté, la même culture avec de la pluie solide a permis une récolte de 10 tonnes par hectare !
Les résultats sont incroyables, car la racine des plantes est
maintenue humide pendant plusieurs mois et se réhydrate chaque fois
qu’il y a une ondée ou un petit arrosage. La plante n’a, d’autre part,
aucun stress, car elle sait qu’elle peut compter sur l’exacte quantité
d’eau qui lui est nécessaire sans qu’il y ait de déperdition, car l’eau solide ne s’infiltre pas dans la terre ni ne s’évapore.
Nul n’est prophète en son pays
Sergio Rico améliore sa technique depuis cinq ans. Il a déposé un
brevet dans le monde entier sous le nom de "Silos de Agua". Sa technique
est déjà employée avec succès en Inde pour les cultures de fruits, de
cacahuètes, de coton, de blé et palmes. Avec un système traditionnel,
ces cultures requièrent une irrigation de 80 litres d’eau par semaine, avec l’utilisation de l’eau solide, il ne faut que 50 litres tous les 3 mois.
Un même succès en Colombie, en Équateur, en Espagne et au Portugal où
son procédé est utilisé pour les cultures en serres ou dans les
programmes de reforestation.
"Les agriculteurs, qui connaissent les
coûts de production, sont les plus intéressés, car ils voient
immédiatement les économies d’eau qu’ils vont faire avec notre produit."
Silos de Agua est très bon marché puisque le sac de 25 kilos pour un hectare ne coûte que 400 euros et dure 10 ans.
Autre avantage, l’eau solide se transporte facilement, ce qui est
très pratique pour les lieux difficiles d’accès, que ce soit à dos de
mule ou en hélicoptère. Les grandes sociétés agricoles mexicaines
commencent à s’habituer à cette nouvelle technologie et ont de plus en
plus souvent un stock d’eau solide au cas où les pluies cesseraient
avant la récolte.
C’est également un produit idéal pour arrêter les incendies.
En déposant à même le sol des sacs d’eau solide, les feux rencontrent
une masse d’humidité qui ne s’évapore pas, ils s’éteignent d’eux-mêmes
sans mettre en danger la vie des pompiers.
Le rêve de Sergio Rico serait bien sûr de convaincre le ministre de
l’Agriculture du Mexique de lancer une campagne d’information et
d’assistance technique pour permettre aux zones les plus touchées par le
changement climatique d’optimiser l’usage de l’eau de pluie. Il
aimerait voir sa technologie au service des paysans mexicains les plus
démunis. Pour l’heure, il ne recueille que des applaudissements, des
diplômes et de bonnes paroles.
Sources : WIFUproject / Le Point / Le Journal du Siècle