« La mathématique est la reine des
sciences et
la théorie des nombres est la reine des mathématiques. » Gauss
la théorie des nombres est la reine des mathématiques. » Gauss
Avec la civilisation numérique que nous
vivons, nous constatons que l’affirmation de Pythagore, l’un des plus anciens
philosophes de l’humanité, énoncée il y plus de 2500 ans, selon laquelle
« tout est nombre » s’avère des plus actuelles. En effet, tout ce que
nous échangeons sur Internet est numérique, la culture numérique a été et est
encore le pivot du développement technologique le plus pointu. La culture
numérique ne semble pas faire question tant l’évidence d’un
déploiement technique rend partout présent la numérisation de nos tâches
et de nos œuvres.
Pythagore avait énoncé que les mathématiques
ordonnaient l’univers des dieux et des hommes. 24 siècles plus tard, le
mathématicien et philosophe britannique George Boole parvint à exprimer les
opérations de l’esprit logique par une algèbre.
Pythagore avait pressenti la science des
nombres, les Arabes l’ont créée.
Après la Renaissance, les Européens en ont repris le
flambeau pour créer le monde moderne. Dans ce
qui suit, nous désignons par le terme générique « arabe » l’ensemble
des peuples et des savants dont les œuvres ont été écrites en arabe : ils
furent Arabes, Persans, Berbères, Espagnols, etc. C’étaient des musulmans, des
juifs, des chrétiens, et d’autres encore.
Pour apprécier l’importance considérable de la
contribution de ces savants (qui ont été si nombreux et si féconds qu’il est
impossible de les citer tous ici), nous allons juste citer quelques
exemples de mathématiciens arabes réputés, en remarquant qu’en fait, les
mathématiques ne furent que l’une des facettes de leur savoir qui, à l’époque,
couvrait plusieurs domaines de la connaissance.
1. Abu Abdallah
Al-Khawarizmi (783-850) était un mathématicien persan, géographe et
astronome. Il est considéré comme le plus grand mathématicien de la
civilisation islamique. Il a contribué à l'adoption du système de numérotation
indienne, plus tard connu sous le nom de chiffres arabes. Il a introduit des
méthodes de simplification des équations. Il a utilisé la géométrie euclidienne
dans ses démonstrations. Il a donné son nom au mot « algorithme »,
qui est une suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions
permettant de résoudre un problème.
2. Abū Yūsuf al-Kindī (801—873). Dans le domaine de la géométrie, Al Kindi aborde la
théorie des lignes parallèles. Il donne un lemme sur l'existence de deux lignes
dans le plan, à la fois non parallèles et sans intersection, la géométrie non
euclidienne n'est pas loin.
3. Thabet ibn Qurra (826-901) est connu pour ses traductions des mathématiques grecques, et
ses recherches en arithmétique sur les nombres premiers. Il énonce et démontre
le plus important théorème connu sur les nombres amiables (deux nombres sont
amiables si chacun d'eux est égal à la somme des diviseurs propres
de l'autre) qui porte aujourd’hui son nom. Ce travail sur les nombres
amiables sera poursuivi par al-Fârisî (XIVe siècle). L’analyse des
conclusions d’al-Fârisî montre que dès le 14e siècle, on était
parvenu à un ensemble de résultats et de techniques attribués jusque-là aux
mathématiciens européens du 17e siècle.
4. Al Hassen Ibn Al-Haythem (965-1039), surnommé Alhazen par les Européens, est un savant qui a laissé
son nom sur la question connue aujourd'hui sous le nom de problème du
billard d’Alhazen. Le problème peut se résumer ainsi « soit deux
billes A et B placées en deux points quelconques d'un billard parfaitement
circulaire. Trouver le point du rebord sur lequel la bille A doit être envoyée
pour revenir heurter la bille B après avoir rebondi une seule fois ».
Alhazen a réussi à le trouver grâce à des sections coniques, mais il n'a pas
réussi à le prouver à l'aide d'un raisonnement d'algèbre mathématique. Durant
des siècles, plusieurs scientifiques ont essayé de résoudre ce problème, mais
ce n’est qu’en 1997 que Peter M. Neumann, professeur à Oxford, a démontré
que la solution fait appel à une équation du quatrième degré et ne peut donc
être résolue avec une règle et un compas.
Ibn Al-Haythem a découvert l’un des plus beaux
théorèmes de la théorie des nombres : « un entier p,
plus grand que 1, est premier si et seulement si ((p –
1) !+1) est divisible par p ». Sept siècles plus tard, les
Européens appelleront ce théorème, le théorème de Wilson (1741-1793).
5. Muḥammad Al-Bīrūnī (973- 1048)
est connu pour sa théorie sur la rotation de la Terre autour de son axe et
autour du Soleil, et ceci bien avant Copernic (1473-1543). Il mentionna,
avant Isaac Newton (1642-1727) la force d´attraction que la Terre exerce sur
les corps. Mathématicien, géologue, botaniste, astronome, historien, linguiste,
a laissé une œuvre considérable. Al-Biruni était un pionnier. Il a créé la
première mappemonde construite en Asie centrale. Avec l’aide d’un astrolabe, de
la mer et d’une montagne avoisinante, il a évalué la circonférence de la Terre.
Il a calculé avec précision les densités et les poids spécifiques de minéraux,
travaillé sur la "règle de trois", développé des équations à
plusieurs inconnues, contribué à développer la trigonométrie. Il a imaginé un
canal reliant la mer Rouge et la Méditerranée (actuel canal de Suez), a proposé
de dessaler l’eau de mer Lorsque les pour
approvisionner les contrées désertiques en eau douce. écrits d'Al-Bîrunî
parviennent en Europe, son nom fut francisé en Aliboron. On francisait et
latinisait autrefois les noms provenant des langues "barbares"
et imprononçables. Exemples : Ibn Sina = Avicenne, Pour les Européens Ibn Rushd =
Averroès, Kung-fu Tseu = Confucius. d’alors, ses œuvres apparaissent comme
ardues, voire ésotériques. Au lieu de reconnaître leur incompétence, les
savants français se sont moqués du contenu de ses livres. Par dérision,
Al-Bîrunî, alias Au 14e siècle, Aliboron, fut affublé du sobriquet de Maître Aliboron.
Jean Buridan (1300-1358), maître scolastique et philosophe aristotélicien,
nomma Aliboron son célèbre âne affamé et assoiffé qui, placé à égale distance
d'un seau d'eau et d'une botte de foin, mourut de faim et de soif, faute
d'avoir su choisir dans quelle direction aller en premier. Par la suite,
d'autres ânes furent nommés Aliboron, et "Maître Aliboron" devint une
périphrase pour désigner l'âne par Du
reste, je suis excellence, comme on le lit chez La Fontaine. convaincu que La Fontaine
n’aurait pas utilisé ce mot s’il savait l’ânerie qui en a été l’origine.
Autrement dit, les ânes ne sont pas toujours ceux que l’on pense !
6.
Omar Khayyâm (1048-1131) est un savant et un poète persan. C’était
le premier mathématicien à avoir traité systématiquement des équations
cubiques, en employant des tracés de coniques pour déterminer le nombre des
racines réelles et les évaluer approximativement. Outre son traité d'algèbre,
Omar Khayyâm a écrit plusieurs textes sur l'extraction des racines cubiques.
7. Nasir al-Din al-Tusi (1201-1274) était le premier à traiter la trigonométrie en tant que
discipline mathématique distincte, et dans son Traité sur le Quadrilateral,
il a donné la première exposition étendue de la trigonométrie sphérique, et il
était le premier à énumérer les six cas distincts d'un triangle équilatéral en
trigonométrie sphérique. Il a également créé la célèbre formule de sinus pour
les triangles isocèles, qui était l'une de ses contributions mathématiques
principales. En 1265, al-Tusi a écrit un manuscrit concernant le calcul pour
les nièmes racines d'un nombre entier. Il a indiqué les coefficients
d'expansion d'un binôme à n'importe quelle puissance, donnant la formule
binomiale (appelée plus tard "triangle de Pascal").
Les
Arabes avaient « la bosse des maths »
Le rôle de la civilisation arabe a été
particulièrement novateur en mathématiques : arithmétique, algèbre,
analyse combinatoire et trigonométrie. Ils ont utilisé les mathématiques comme
auxiliaires d'autres disciplines telles que l'astronomie, les techniques de
constructions géométriques (mosaïques, coupoles…) mais aussi à des fins
purement religieuses pour calculer les coordonnées géographiques et indiquer la
direction de La Mecque.
Dans le domaine de l’arithmétique, l’une des branches
les plus nobles et les plus difficiles des mathématiques, les Arabes ont
accompli une œuvre considérable en recueillant, en propageant et en enseignant
l’usage des chiffres et du calcul indiens, et en poussant l’étude de certaines
propriétés remarquables des nombres vers un embryon de la théorie des nombres.
C’est que, dans le domaine numérique,
l’esprit arabe « immatérialise le nombre et le personnalise ».
Le nombre n’est plus une nature douée de propriétés
mais un être actif doué d’un rôle opératoire, qui concourt avec d’autres dans
l’ensemble des opérations. Ainsi, ce qui intéresse les Arabes dans la série des
nombres, ce n’est pas la suite naturelle et chosifiée, c’est le terme défini
par sa place dans la série avec sa singularité. Ils ont recherché l’ordinal,
plutôt que le cardinal ; ils ne se sont pas rebutés et horrifiés par les
nombres impairs ou les nombres irrationnels, comme l’avaient été les Grecs.
« On a même trouvé chez Ibn Qurra la notion cantorienne du
transfini » (L. Massignon et R. Arnaldez).
Comme l’explique A.P. Youschkevitch, « l’assimilation
de l’héritage classique a permis aux mathématiciens arabes d’atteindre, dans le
développement des algorithmes numériques et des problèmes correspondants, un
plus haut niveau que celui auquel pouvaient accéder les mathématiciens indiens
et chinois. Là où ces derniers se contentaient
d’établir une règle de calcul particulière, les mathématiciens de l’Islam
réussissaient souvent à développer toute une théorie ».
Introduction
des chiffres indiens et du zéro
C'est d'Inde, tracés dans leur graphie nagari, que
sont venus de nouveaux signes permettant, grâce au zéro positionnel, une plus
grande souplesse d'emploi. Des astronomes musulmans, en apprenant cette science
des Indiens au 8e siècle, ont vraisemblablement importé dans un même
mouvement leurs chiffres. Al Khawarizmi serait le premier à avoir, au 9e
siècle, travaillé sur les méthodes de calcul indiennes. Rapidement adoptés, ces
signes ont subi de nombreuses modifications avant de prendre l'apparence des
chiffres dits arabes utilisés de nos jours. Ce sont les savants d'Afrique du
Nord (Kairouan) qui ont développé une nouvelle graphie appelée maghrébine,
ou ghobar, ou tout simplement arabe. C’est celle qui est employée
aujourd'hui par le monde entier, sauf au Moyen Orient, qui a conservé jusqu'à
nos jours la graphie indo-persane des 9 chiffres, parce qu'ils considèrent que
les Maghrébins ne sont pas des Arabes (ce qui est vrai) et donc qu'ils refusent
de considérer "les chiffres arabes", créés à Kairouan, comme
arabes !! Ainsi, comble de l’absurde, les seuls peuples qui n'utilisent
pas les chiffres arabes sont les Arabes eux-mêmes. Ajoutons à cela que la
langue arabe n’est la langue maternelle d’aucun Arabe et nous constatons par là
l’état actuel de schizophrénie des Arabes.
Introduction du système sexagésimal babylonien
On pourrait se demander pourquoi certaines
mesures sont exprimées de nos jours en base 60, dite base sexagésimale. On
utilise ce système par exemple pour le temps (heures, minutes, secondes), pour
les coordonnées géographiques (latitude, longitude) et pour mesurer les angles.
Ce système, positionnel, a été créé en Irak, par les Sumériens, ancêtres des
Babyloniens, vers le 19è siècle avant J.C., il y a presque 4000 ans !
Dans un système positionnel, la position du chiffre
indique son ordre de grandeur. Par exemple [3 ;4;2] signifie, dans notre
système positionnel décimal 3x102+4x10+2x1 soit 342. Pour les
Sumériens, il signifiait 3x602+4x60+2x1 soit 10800+240+2 soit encore
11042. Ce système disposait aussi du zéro.
Le système sexagésimal a l'avantage d'avoir de
nombreux diviseurs entiers (1, 2, 3, 4, 5, 6, 10, 12, 15, 20, 30, 60) qui
facilitent le calcul des fractions. Les fractions ont toujours été le cauchemar
des écoliers. Il en était ainsi chez les comptables ou les arpenteurs d’il y a
4000 ans. Par contre, si 60 est divisible par 1,2,3,4,5 et 6, il ne l’est pas
par 7. C’est pour cela que les Sumériens considéraient le chiffre 7 comme
démoniaque, et décidèrent qu’une semaine devait s’arrêter au 7e
jour. Le sept est devenu, dans beaucoup de croyances, un chiffre spécial, ayant
parfois une connotation divine et parfois une connotation diabolique.
Ce système, antérieur au système décimal indien a
exercé une grande influence depuis la plus haute antiquité à nos jours. Depuis
le 2e siècle avant J.C., les astronomes grecs l’utilisèrent. Après
les Grecs, les astronomes arabes l’ont utilisé pour leurs tables astronomiques,
d’autant plus que les Babyloniens avaient aussi un calendrier lunaire. Et c’est
ainsi que le système savant babylonien est parvenu jusqu’à nous, et au monde
entier, grâce aux Arabes.
Pour la première fois dans l’Histoire, les
mathématiciens arabes prennent conscience du fait que les propriétés de la
numération de position d’origine indienne sont indépendantes de sa base. Ils
comprennent donc, peu à peu que, dans une numération de position, munie du zéro
et possédant des chiffres significatifs détachés de toute intuition visuelle
directe (comme par exemple dans la numération romaine), la notation des entiers
est extensible à une représentation simple et rationnelle de tous les nombres.
Ainsi, les opérations fondamentales de l’arithmétique (addition, soustraction,
multiplication, division), s’y effectuent aussi aisément selon des règles
simples indépendantes de la base envisagée (à l’époque, base 10 et base 60). Je
suggère aux sceptiques d'essayer de diviser ou de multiplier deux nombres
écrits en chiffres romains.
Transmission des chiffres arabes en Europe et au reste du monde
L’histoire de cette transmission est assez édifiante.
- Une première tentative a été faite par le pape de l’an 1000, Sylvestre II.
Premier pape français, Sylvestre II, né Gerbert d’Aurillac, est aussi un grand
savant et un acteur politique majeur. Né vers 945 dans une famille de paysans,
Gerbert est éduqué à l'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac, dans un esprit
moderniste. Remarqué par le comte de Barcelone, le garçon poursuit son
instruction dans les abbayes catalanes. Il y découvre le « quadrivium »,
c'est-à-dire les quatre sciences profanes de son époque : l'arithmétique
(dont la numération indo-arabe), la géométrie, la musique et l'astronomie, à
travers des manuscrits en latin traduits de l'arabe. Ce faisant, le moine
précède de plus d'un siècle les étudiants des universités de Paris, Montpellier
et Oxford qui vont au XIIe siècle traverser comme lui les Pyrénées pour
compléter leurs connaissances grâce aux maîtres et savants arabes. Devenu pape
en 999, sous le nom de Sylvestre II, il use de toute son autorité pour imposer
les chiffres arabes chez les chrétiens, à la place des chiffres romains peu
pratiques. Sa tentative va échouer, à cause de la résistance des savants
de l’Église, qui considéraient que tout ce qui venait des Sarrasins (les
Arabes) ne pouvait qu’être diabolique. On accusa même ce pape d’être habité par
le diable. Cette légende a eu la vie tenace, à tel point qu’en 1648, six
siècles plus tard, l’autorité pontificale fit ouvrir le tombeau de Sylvestre II
pour vérifier si les diables de l’enfer ne l’habitaient point !
- Deux siècles plus tard, une deuxième
tentative va réussir.
Né à Pise en Italie, Leonardo Fibonacci (1175-1250),
a été élevé et éduqué en grande partie à Béjaïa (Bougie), l’une des capitales
du Maghreb d’alors, où vivait son oncle Guillermo Bonacci. Celui-ci était le
représentant, auprès des douanes maghrébines, des marchands toscans en Algérie,
en Tunisie et au Maroc. Le jeune Leonardo, formé dans les écoles algériennes,
s’est vite passionné pour les mathématiques arabes. Fibonacci rapporta à Pise
en 1198 les chiffres arabes et la notation algébrique. Grâce à ses écrits et à
sa persévérance, Finobacci réussit là où le pape Sylvestre II échoua.
L’introduction du papier, des chiffres arabes et de
tout le savoir arabe en Europe va grandement faciliter la Renaissance
européenne.
Hannibal Genséric