dimanche 13 octobre 2013

USA : La Chine devient le nouvel ennemi


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Les pays sont des "pièces d’un échiquier sur lequel se joue un grand jeu pour la domination du monde», écrivait Lord Curzon, vice-roi des Indes, en 1898, rien n’a changé. Le massacre du centre commercial de Nairobi était une façade derrière laquelle une sanglante invasion en bonne et due forme de l’Afrique et une guerre en Asie sont le grand enjeu.

Les tueurs du centre commercial du groupe Al-Shabaab sont venus de Somalie. Si un pays est une métaphore impériale, c’est la Somalie. Partageant une langue et une religion commune, les Somaliens ont été divisés entre les Britanniques, les Français, les Italiens et les Ethiopiens. Des dizaines de milliers de personnes ont été ballotées d’un pouvoir à l’autre. «Quand on les fait se haïr les uns les autres», écrit un fonctionnaire colonial britannique, "la bonne gouvernance est assurée."
Aujourd’hui, la Somalie est un parc à thème de divisions artificielles, brutales, appauvrie durablement par la Banque mondiale et le programme "d’ajustement structurel" du FMI, saturée d’armes modernes, notamment l’arme personnelle favorite du président Obama, le drone. Le seul gouvernement somalien stable, les tribunaux islamiques, a été "bien accueilli par les gens dans les zones sous son contrôle", a rapporté le service de recherche du Congrès américain, «[mais] a reçu une couverture médiatique négative, en particulier en Occident." Obama l’a écrasé; et en Janvier, Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat, a présenté son homme au monde. "La Somalie reste reconnaissant de l’appui indéfectible du gouvernement des Etats-Unis," avait déclaré avec effusion le président Hassan Mohamud, "merci, l’Amérique."

Depuis que l’OTAN a réduit la Libye moderne à un état ​​de Hobbes en 2011, les derniers obstacles vers l’Afrique sont tombés. "Les conflits pour l’énergie, les minéraux et les terres fertiles sont susceptibles de se produire avec une intensité croissante», rapportent les planificateurs du ministère de la Défense britannique. Ils prédisent "un nombre élevé de victimes civiles", donc que "la perception de légitimité morale sera importante pour aboutir à un succès". Sensible au problème de relations publiques relatif à l’invasion d’un continent, le mammouth de l’armement, BAE Systems, avec Barclay Capital et BP, conseillent au «gouvernement de définir sa mission internationale comme une gestion des risques au nom des citoyens britanniques». Le cynisme est mortel. Les gouvernements britanniques ont eu, à plusieurs reprises, des mises en garde, notamment de la part de la Commission parlementaire de renseignement  et de Sécurité, que les aventures à l’étranger attireraient des représailles chez nous.
Avec un intérêt des médias réduit au minimum, le Commandement africain américain (Africom) a déployé des troupes dans 35 pays africains, établissant un réseau familier de larbins autoritaires avides de pots de vin et d’armements. Dans les jeux de guerre, la doctrine « de soldat à soldat » s’applique à tous les officiers américains à tous les niveaux de commandement, du général au grade de sous-lieutenant. Les britanniques ont fait de même en Inde. C’est comme si la fière histoire de libération de  l’Afrique, de Patrice Lumumba à Nelson Mandela, était reléguée aux oubliettes par une nouvelle élite coloniale de nouveaux maîtres noirs dont la "mission historique", avait averti Frantz Fanon il y a un demi-siècle, est l’assujettissement de leur propre peuple dans la cause d’un "capitalisme sauvage bien camouflé". La référence est aussi valable pour le Fils de l’Afrique de la Maison Blanche.

Pour Obama, il y a une cause plus urgente – la Chine. L’Afrique est la réussite de la Chine. Là où les américains apportent des drones, les chinois construisent des routes, des ponts et des barrages. Ce que les Chinois veulent ce sont les ressources, notamment les énergies fossiles. Le bombardement de la Libye par l’OTAN a chassé 30.000 travailleurs de l’industrie pétrolière chinoise. Plus que le djihadisme ou l’Iran, la Chine est désormais l’obsession de Washington en Afrique et au-delà. C’est la «politique» connue sous le nom de «pivot vers l’Asie", dont la menace pour une guerre mondiale est aussi grande que jamais dans l’ère moderne.
La réunion de cette semaine à Tokyo du secrétaire d’Etat américain John Kerry et du secrétaire à la Défense Chuck Hagel avec leurs homologues japonais a accéléré la perspective d’une guerre avec le nouveau rival impérial. Soixante pour cent des forces américaines et navales doivent être basées en Asie en 2020, visant la Chine. Le Japon se réarme rapidement avec le gouvernement de droite du Premier ministre Shinzo Abe, qui est arrivé au pouvoir en Décembre avec un engagement à construire une "nouvelle et forte armée» et à contourner la "constitution de paix". Un système de missiles antibalistiques nippo-américain près de Kyoto vise la Chine. En utilisant des drones à long rayon d’action, les  Global Hawk, les Etats-Unis ont fortement augmenté leurs provocations dans l’Est de la Chine et la mer de Chine méridionale, où le Japon et la Chine se disputent la propriété des îles Senkaku / Diaoyu. Des appareils avancés à décollage vertical sont maintenant déployés au Japon; leur but est la blitzkrieg.
Sur l’île du Pacifique de Guam, à partir de laquelle les B-52s attaquaient le Vietnam, le plus grand déploiement militaire depuis les guerres d’Indochine regroupe 9.000 Marines américains. 

En Australie, cette semaine, une prise d’armes militaire qui a diverti les habitants de Sydney, correspond à une campagne de propagande du gouvernement pour justifier un accroissement sans précédent du potentiel militaire américain de Perth à Darwin, visant à la Chine. La grande base américaine de Pine Gap près d’Alice Springs est, comme Edward Snowden l’a divulgué, une plaque tournante de l’espionnage américain dans la région et au-delà ; c’est aussi un élément essentiel pour les assassinats par drone d’Obama à travers le monde.
Un ancien secrétaire d’Etat adjoint américain, McGeorge Bundy, avait dit un jour : «Nous devons informer les Britanniques pour les garder de notre côté. Vous en Australie,  êtes avec nous, quoi qu’il arrive ». Les forces australiennes ont longtemps joué un rôle de mercenaire pour Washington. Cependant, il y a un problème. La Chine est le plus grand partenaire commercial de l’Australie et en grande partie responsable de sa sortie de la récession de 2008. Sans la Chine, il n’y aurait pas de boom pour les mines du pays ; pas de retour minier hebdomadaire de près d’un milliard de dollars.
Les dangers que cela représente sont rarement débattus publiquement en Australie, où le patron du premier ministre Tony Abbott, Rupert Murdoch, contrôle 70 pour cent de la presse. Occasionnellement, l’anxiété s’exprime sur le «choix» des USA sur ce que  l’Australie aura à faire. Un rapport de l’Institut australien de politique stratégique avertit que tout plan américain pour attaquer la Chine impliquerait "l’aveuglement" du système de surveillance chinois, de renseignement et de commandement. Cela "augmentera, par conséquent, les chances de préemption du nucléaire Chinois… et une série d’erreurs de calcul des deux côtés si Pékin perçoit les attaques conventionnelles sur son sol comme une tentative de désarmer sa capacité nucléaire".
Dans son discours à la nation le mois dernier, Obama a dit: «Ce qui rend l’Amérique différente, ce qui nous rend exceptionnel, c’est que nous sommes déterminés à agir."
The Guardian
John Pilger
http://avicennesy.wordpress.com/2013/10/12/nouvelle-obsession-nouvel-ennemi-la-chine-john-pilger/


Chine Nouvelle parle et annonce au Monde que la Nouvelle Grande Transformation est officiellement actée

Contrairement à ce que relatent tous les journaux, ce n’est pas « un media chinois » parmi d’autres, mais c’est Le média chinois, plus précisément l’Agence d’informations Chine Nouvelle Xinhua qui déclare urbi et orbi : « Alors que les hommes politiques américains échouent à trouver un accord viable pour refaire fonctionner normalement les institutions politiques dont ils sont si fiersc'est peut-être le bon moment pour une planète abasourdie de commencer à envisager la construction d'un monde désaméricanisé ». La nuance est de taille.
Lorsque Karl Polanyi publie en 1944 son maître ouvrage intitulé La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps (titre exact), il théorise en quelque sorte les bases de l’univers économique et financier dans lequel le monde aura vécu durant soixante ans et dont des pans entiers ont commencé de s’écrouler depuis l’ouverture de la « crise mondiale » en 2008.
Avec la prise de position et la posture économique et diplomatique adoptées par la Chine officielle (RPC), ce sont désormais les bases de ce qu’il convient d’appeler une Nouvelle Grande Transformation post-Polanyi qui sont désormais posées.
« Ironie de l'histoire, ainsi que l’écrit Evelyne Jardin dans la recension qu’elle fait de la traduction française de l’œuvre de Polanyi, cette critique majeure du libéralisme économique fut publiée la même année que le plaidoyer contre la « planification » de Friedrich von Hayek, La Route de la servitude. Mais il attendra pourtant près de quarante ans avant d'être traduit de l'anglais, ce qui illustre bien le relatif insuccès de cette œuvre à sa sortie. La démarche de Karl Polanyi est cependant novatrice : elle associe l'histoire et l'anthropologie pour démontrer que l'économie de marché est une construction sociohistorique et non un trait de la nature. Son socialisme humaniste se situe à l'opposé des déterminismes libéraux et marxistes. Cet économiste d'origine hongroise décrit l'avènement de l'économie de marché, ses contradictions internes et la réaction de la société aux dangers qui en découlent. »
Nous y sommes, à ceci près que, pour tous ceux qui s’intéressent à la marche du monde et à ses avatars économiques qui le remodèlent à vive allure, le concert d’avertisseurs qui signalaient l’imminence d’une catastrophe et d’un bouleversement économique et financier de la planète est aujourd’hui couvert par les mises en garde d’un géant asiatique sérieusement inquiet de la tournure que prennent les événements.

En élevant la voix la Chine montre surtout, après les Etats-Unis d’Amérique désormais dans l’impasse, qu’elle ne dispose d’aucune prise sur ce monde qui s’en va.
Le « shutdown  », cette impasse budgétaire qui frappe les administrations centrales américaines depuis trois semaines représente-t-il vraiment pour la Chine cette opportunité à saisir dont elle se prévaut ? « Les jours inquiétants où les destinées d'autres pays se trouvent dans les mains d'une nation hypocrite doivent prendre fin, déclare l’agence Chine Nouvelle, et un nouvel ordre mondial doit être mis en place, où toutes les nations (...) verront leurs intérêts respectés et protégés sur un pied d'égalité ».
« Le blocage qui paralyse de façon cyclique à Washington tout accord bipartisan sur le budget fédéral et le relèvement du plafond de la dette menace de nouveau les importantes réserves en dollars de nombreux pays et angoisse fortement la communauté internationale ».
La réalité est que les dirigeants chinois qui ont procédé à de sérieux appels du pied jusqu’à adresser des avertissements et appels au compromis budgétaire ont très peur du glissement financier vers l’abîme. Une guerre financière menée par les USA contre la Chine pour se défausser de soixante années de ruine financière et reprendre la main pour tenter de mettre en place un nouvel ordre économique planétaire ne procéderait pas autrement.
Cette aporie mise de côté, le fait est qu’en tant que deuxième économie mondiale, la Chine est à ce titre le principal détenteur de dette américaine, avec 1,280 milliards de dollars en bons du Trésor.
« Les économies émergentes doivent avoir davantage leur mot à dire dans les institutions financières internationales  », insiste Chine Nouvelle qui évoque à ce propos la création d'une « nouvelle devise de réserve » pour remplacer le dollar et une évolution du Fonds monétaire international (FMI). »
La légende dit comment Yukong réussit à déplacer les montagnes, certes, mais pour le moment la crise de la dette, arrivée à maturité, annonce un choc imminent dans la Grande Muraille. Veuillez redresser le dossier de votre fauteuil, fermer vos tablettes et attacher vos ceintures, nous entrons dans une zone de turbulences.