Du printemps arabe à l’automne islamiste: une formule qui a fait
florès. Pour généraliste qu’elle soit, elle a le mérite de montrer que
l’on est passé d’une situation à une autre en deux ans. C’est vrai pour
les trois pays que sont le Maroc, la Tunisie et l’Egypte, sauf à relever
entre eux bien des traits distinctifs.
Le premier d’entre eux est assurément le principe de légitimité. Dans
le Royaume, la centralité de la monarchie – avec son double fondement
religieux et historique – investit depuis toujours le référentiel du
socle national. La transition dynastique s’est faite en juillet 1999
dans des conditions apaisées et consensuelles exemplaires.
Le nouveau règne s’est ensuite décliné durant la décennie écoulée sous l’égide de la démocratisation et des réformes même si c’était dans le cadre d’une «monarchie exécutive». Pour autant, le Maroc n’a pas échappé à l’onde de choc du printemps arabe dont l’expression atonale a été la contestation du Mouvement du 20 février. Le régime n’était pas menacé dans ses fondements, tout le monde en convient. Le Roi a eu l’intelligence et le courage de prendre en charge les fortes revendications formulées à cette occasion et d’y apporter pratiquement une réponse institutionnelle et politique avec son discours du 9 mars et le nouveau projet de Constitution adopté par le référendum populaire du 1er juillet 2011.
La législature dont le terme normal était en 2012 a été écourtée pour permettre l’organisation de nouvelles élections législatives le 25 novembre. Il s’en est suivi un cabinet dirigé par le leader islamiste du PJD, Abdelilah Benkirane, sa formation étant arrivée en tête. La nouvelle loi suprême a été ainsi appliquée (art. 47, a 1.I).
En Tunisie, c’est une toute autre équation qui s’est présentée. Avec la révolution du 14 janvier 2011, c’est le régime Ben Ali qui est renversé après plus de treize ans. Il avait perdu toute légitimité du fait de son format sécuritaire et de sa nature largement corrompue en particulier par un clan familial prédateur autour de son épouse Leila Trabelsi. Le changement a été d’abord déclenché par les pauvres et les exclus; il sera rapidement récupéré par le syndicat UGTT, les mouvements féministes et les étudiants.
Les islamistes, sous la houlette de Rached Ghannouchi, manœuvrèrent rapidement pour s’insérer dans ce processus et pour presser le gouvernement transitoire de Béji Caid Essebsi, à organiser des élections générales. Le 23 octobre, Ennahda se classa premier avec 90 députés et 41,47% des voix dans l’Assemblée nationale constituante. Il dirige alors le nouveau cabinet avec deux alliés, le Congrès pour la République de Moncef Marzouki investi comme président (30 sièges ) et le parti Attakatol (21) de Mustapha Ben Jaafar, à qui est confiée la présidence de l’ANC. De tels résultats en faveur de la formation islamiste tiennent à l’état de l’opposition démocratique désunie et désactivée par la répression; mais ils sont aussi liés à l’aide financière des pays du Golfe, surtout du Qatar.
Depuis, le processus devant conduire à une normalité institutionnelle accuse du retard. La récupération islamiste qui s’est ainsi faite s’est accompagnée de l’apparition et de la prégnance de plus en plus marquée du facteur terroriste jihadiste.
Le nouveau règne s’est ensuite décliné durant la décennie écoulée sous l’égide de la démocratisation et des réformes même si c’était dans le cadre d’une «monarchie exécutive». Pour autant, le Maroc n’a pas échappé à l’onde de choc du printemps arabe dont l’expression atonale a été la contestation du Mouvement du 20 février. Le régime n’était pas menacé dans ses fondements, tout le monde en convient. Le Roi a eu l’intelligence et le courage de prendre en charge les fortes revendications formulées à cette occasion et d’y apporter pratiquement une réponse institutionnelle et politique avec son discours du 9 mars et le nouveau projet de Constitution adopté par le référendum populaire du 1er juillet 2011.
La législature dont le terme normal était en 2012 a été écourtée pour permettre l’organisation de nouvelles élections législatives le 25 novembre. Il s’en est suivi un cabinet dirigé par le leader islamiste du PJD, Abdelilah Benkirane, sa formation étant arrivée en tête. La nouvelle loi suprême a été ainsi appliquée (art. 47, a 1.I).
En Tunisie, c’est une toute autre équation qui s’est présentée. Avec la révolution du 14 janvier 2011, c’est le régime Ben Ali qui est renversé après plus de treize ans. Il avait perdu toute légitimité du fait de son format sécuritaire et de sa nature largement corrompue en particulier par un clan familial prédateur autour de son épouse Leila Trabelsi. Le changement a été d’abord déclenché par les pauvres et les exclus; il sera rapidement récupéré par le syndicat UGTT, les mouvements féministes et les étudiants.
Les islamistes, sous la houlette de Rached Ghannouchi, manœuvrèrent rapidement pour s’insérer dans ce processus et pour presser le gouvernement transitoire de Béji Caid Essebsi, à organiser des élections générales. Le 23 octobre, Ennahda se classa premier avec 90 députés et 41,47% des voix dans l’Assemblée nationale constituante. Il dirige alors le nouveau cabinet avec deux alliés, le Congrès pour la République de Moncef Marzouki investi comme président (30 sièges ) et le parti Attakatol (21) de Mustapha Ben Jaafar, à qui est confiée la présidence de l’ANC. De tels résultats en faveur de la formation islamiste tiennent à l’état de l’opposition démocratique désunie et désactivée par la répression; mais ils sont aussi liés à l’aide financière des pays du Golfe, surtout du Qatar.
Depuis, le processus devant conduire à une normalité institutionnelle accuse du retard. La récupération islamiste qui s’est ainsi faite s’est accompagnée de l’apparition et de la prégnance de plus en plus marquée du facteur terroriste jihadiste.
L’insécurité qui marque
la Tunisie et l’Egypte avec son lot d’attentats et de manifestations ne
crée pas un climat attractif ni pour le tourisme ni pour
l’investissement. Les partis islamistes se voulaient porteurs d’un
programme de justice sociale et de relance économique. Leur arrivée au
pouvoir a eu des effets contraires
Les islamistes radicaux vont tirer profit de la mise sur pied d’un
gouvernement dirigé par Ennahda. Tout paraissait se passer alors comme
si les salafistes de Tunisie étaient protégés par ce parti au pouvoir,
eux-mêmes couvrant les jihadistes qui formaient les organisations
militantes et terroristes.
Des cellules fourmillant dans le sud et à l’ouest, dans la région Chaambi, frontalière de l’Algérie; la connexion avec les réseaux Al Qaida et avec AQMI, opérant en Algérie et au nord du Mali, était renforcée; l’assassinat de Chokri Belaïd, leader de l’opposition laïque, puis à la fin juillet dernier, du député Mohammad Brahimi, opposant: voilà de quoi mettre en cause la passivité du parti Ennahda à lutter contre le terrorisme islamiste. La centrale syndicale UGTT de Houcine Abassi, appuyée par les partis d’opposition et de larges pans de la société civile, se mobilise pour faire plier le gouvernement. Toute cette mouvance demande la constitution d’un cabinet de technocrates. Depuis le 25 octobre, Ennahda et l’opposition ont repris langue, le Premier ministre, Ali Larayedh, a accepté de se démettre par écrit mais il tarde à s’exécuter. Le désaccord persiste encore sur la durée du mandat du nouveau gouvernement prévu. Le président Merzouki soutient le délai ultime du mois d’avril 2014. D’autres étapes doivent être engagées d’ici là, notamment la mise en place de l’Instance supérieure indépendante des élections et la loi électorale.
Avec l’Egypte, voilà un pays qui plonge aussi dans l’islamisme et qui refait surface, comme en Tunisie d’ailleurs. L’abdication du président Moubarak, en janvier 2011 a été rapidement engloutie par la vague islamiste, mieux organisée et financée que les libéraux. La succession d’évènements politiques sur les deux écoulés depuis la révolution de janvier 2011 a hissé la confrérie des Frères musulmans au pouvoir jusqu’à la fin juin 2013. A la tête de l’Etat, c’est le président du Conseil militaire suprême, Mohamed Hussein Tantaoui, qui est investi pour assurer l’intérim. Il promet que l’armée rendra le pouvoir à un gouvernement civil et démocratique, en soulignant que cette institution qui était restée neutre pendant la révolution, était légitime pour assurer cette mission, le 19 mars, le peuple s’est rendu massivement aux urnes pour se prononcer sur une révision de la Constitution.
Le Parlement, dissous le 13 février 2011, n’est réactivé qu’à la suite des élections législatives de novembre 2011- janvier 2012. Mohamed Morsi du Parti de la liberté et de la justice (Frères musulmans) emporte 235 sièges – dont 22 alliés – et 37,5 des voix; il est suivi par le parti Al-Nour de Emad Abdel Ghaffour avec 123 sièges (28% des voix) et le Néo Wafd d’El Sayyid el- Badawi (38 sièges). Six mois plus tard, Mohamed Morsi est élu à la présidence avec 51,6% des voix. Ce scrutin sera salué comme s’étant “tenu démocratiquement”. Un président islamiste, un Parlement à majorité islamiste et une Constitution amendée: tel était le rapport de forces durant douze mois. Morsi va s’atteler à détricoter tous les acquis de la révolution égyptienne initiale: législation par décret, annulation des décisions de justice en cours, restriction des droits constitutionnels des Egyptiens (droits des femmes, des minorités et des laïcs).
Il faut y ajouter la transformation du commandement de l’armée et des forces de sécurité et la nomination de préfets radicaux dont un membre d’un groupe terroriste à Louksor où avaient eu lieu des attentats en 1997. A la mi-décembre, il propose un nouveau projet de Constitution préparé par une Assemblée constituante où les islamistes (Parti de la liberté et de la justice et parti Al-Nour) avaient imposé leurs vues. Le 3 juillet 2013, il est déchu à la suite d’un vaste mouvement populaire, et remplacé par un président intérimaire, Adli Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle, et ce à l’initiative de l’armée dirigée par le général Abdelfatah Al Sissi.
A la fin de cette année 2013, comment ne pas relever le destin contrarié des islamistes dans les trois pays? Au plan économique, tout d’abord, l’état des lieux reste préoccupant quand il ne s’est pas dégradé. Si le Maroc reste dans une fourchette moyenne de croissance (5% en 2011 puis 2,7% en 2012 et 4,8% en 2013), tel n’est pas le cas de la Tunisie – 1,8 % et 3% puis 3,2% – ni de l’Egypte avec 0,4% et 2,6% pour 2012-2013. Tous les déficits budgétaires, compte courant et commercial se sont creusés; de même, le chômage se situe à hauteur de 9% au Maroc mais il est de 18% ailleurs. L’insécurité qui marque la Tunisie et l’Egypte avec son lot d’attentats et de manifestations ne crée pas un climat attractif ni pour le tourisme ni pour l’investissement.
Les partis islamistes se voulaient porteurs d’un programme de justice sociale et de relance économique. Leur arrivée au pouvoir a eu des effets contraires. Au Maroc, après deux ans, le gouvernement Benkirane a dû être remanié pour espérer appréhender les problèmes de fond à l’ordre du jour. En Tunisie et en Egypte, l’instabilité politique n’a pas été encore? maîtrisée et elle nourrit toutes les incertitudes. Dans le Royaume, si une solution transactionnelle a fini par s’imposer dans un cadre négociatoire laborieux d’ailleurs, en Tunisie et en Egypte, c’est un rapport de force qui a remis en cause l’équation qui prévalait depuis 2011-2012. Les démocrates tunisiens ont fini par avoir gain de cause pour arriver à une censure du gouvernement d’annahda et lui substituer un cabinet d’experts indépendants. En Egypte, c’est l’armée soutenue par une immense mobilisation populaire qui a démis le président Morsi. Dans les trois pays, s’est posée cette question de principe: la légitimité électorale issue des urnes constitue-t-elle un acquis intangible jusqu’à la fin de la législature ou de la mandature présidentielle? Par nature, les partis islamistes sont expansionnistes et annexionnistes: ils ont une forte propension à vouloir formater la société suivant leurs valeurs religieuses et à prendre les leviers de commande de l’appareil d’Etat. Après bien des tentatives et des incursions, Abdelilah Benkirane et son parti paraissent balisés dans un champ de compétences strict tant avec la nouvelle composition de la majorité que du fait de la fonction de régulation du Roi. L’islamisme gouvernemental, saison I
pourrait-on dire, a consacré son échec. Le printemps arabe dont il n’a pas été l’initiateur lui a permis de récupérer une contestation sociale grâce à son maillage organisationnel et à ses capacités de mobilisation. Cette mainmise lui a donné le premier rang dans les urnes et lui a permis d’accéder au pouvoir. Aujourd’hui, sa place et son rôle sont mis en équation. Il n’a pas fait la preuve de sa capacité de gestion et de réforme économique. Il a dû acter le fait qu’il n’était qu’une composante sociale parmi d’autres. Enfin, il s’est vu appliquer cette loi non écrite: la légitimité électorale n’est pas un chèque en blanc pour imposer un mode de gouvernance et un projet de société aux antipodes des attentes et des aspirations d’une majorité du peuple.
Des cellules fourmillant dans le sud et à l’ouest, dans la région Chaambi, frontalière de l’Algérie; la connexion avec les réseaux Al Qaida et avec AQMI, opérant en Algérie et au nord du Mali, était renforcée; l’assassinat de Chokri Belaïd, leader de l’opposition laïque, puis à la fin juillet dernier, du député Mohammad Brahimi, opposant: voilà de quoi mettre en cause la passivité du parti Ennahda à lutter contre le terrorisme islamiste. La centrale syndicale UGTT de Houcine Abassi, appuyée par les partis d’opposition et de larges pans de la société civile, se mobilise pour faire plier le gouvernement. Toute cette mouvance demande la constitution d’un cabinet de technocrates. Depuis le 25 octobre, Ennahda et l’opposition ont repris langue, le Premier ministre, Ali Larayedh, a accepté de se démettre par écrit mais il tarde à s’exécuter. Le désaccord persiste encore sur la durée du mandat du nouveau gouvernement prévu. Le président Merzouki soutient le délai ultime du mois d’avril 2014. D’autres étapes doivent être engagées d’ici là, notamment la mise en place de l’Instance supérieure indépendante des élections et la loi électorale.
Avec l’Egypte, voilà un pays qui plonge aussi dans l’islamisme et qui refait surface, comme en Tunisie d’ailleurs. L’abdication du président Moubarak, en janvier 2011 a été rapidement engloutie par la vague islamiste, mieux organisée et financée que les libéraux. La succession d’évènements politiques sur les deux écoulés depuis la révolution de janvier 2011 a hissé la confrérie des Frères musulmans au pouvoir jusqu’à la fin juin 2013. A la tête de l’Etat, c’est le président du Conseil militaire suprême, Mohamed Hussein Tantaoui, qui est investi pour assurer l’intérim. Il promet que l’armée rendra le pouvoir à un gouvernement civil et démocratique, en soulignant que cette institution qui était restée neutre pendant la révolution, était légitime pour assurer cette mission, le 19 mars, le peuple s’est rendu massivement aux urnes pour se prononcer sur une révision de la Constitution.
Le Parlement, dissous le 13 février 2011, n’est réactivé qu’à la suite des élections législatives de novembre 2011- janvier 2012. Mohamed Morsi du Parti de la liberté et de la justice (Frères musulmans) emporte 235 sièges – dont 22 alliés – et 37,5 des voix; il est suivi par le parti Al-Nour de Emad Abdel Ghaffour avec 123 sièges (28% des voix) et le Néo Wafd d’El Sayyid el- Badawi (38 sièges). Six mois plus tard, Mohamed Morsi est élu à la présidence avec 51,6% des voix. Ce scrutin sera salué comme s’étant “tenu démocratiquement”. Un président islamiste, un Parlement à majorité islamiste et une Constitution amendée: tel était le rapport de forces durant douze mois. Morsi va s’atteler à détricoter tous les acquis de la révolution égyptienne initiale: législation par décret, annulation des décisions de justice en cours, restriction des droits constitutionnels des Egyptiens (droits des femmes, des minorités et des laïcs).
Il faut y ajouter la transformation du commandement de l’armée et des forces de sécurité et la nomination de préfets radicaux dont un membre d’un groupe terroriste à Louksor où avaient eu lieu des attentats en 1997. A la mi-décembre, il propose un nouveau projet de Constitution préparé par une Assemblée constituante où les islamistes (Parti de la liberté et de la justice et parti Al-Nour) avaient imposé leurs vues. Le 3 juillet 2013, il est déchu à la suite d’un vaste mouvement populaire, et remplacé par un président intérimaire, Adli Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle, et ce à l’initiative de l’armée dirigée par le général Abdelfatah Al Sissi.
A la fin de cette année 2013, comment ne pas relever le destin contrarié des islamistes dans les trois pays? Au plan économique, tout d’abord, l’état des lieux reste préoccupant quand il ne s’est pas dégradé. Si le Maroc reste dans une fourchette moyenne de croissance (5% en 2011 puis 2,7% en 2012 et 4,8% en 2013), tel n’est pas le cas de la Tunisie – 1,8 % et 3% puis 3,2% – ni de l’Egypte avec 0,4% et 2,6% pour 2012-2013. Tous les déficits budgétaires, compte courant et commercial se sont creusés; de même, le chômage se situe à hauteur de 9% au Maroc mais il est de 18% ailleurs. L’insécurité qui marque la Tunisie et l’Egypte avec son lot d’attentats et de manifestations ne crée pas un climat attractif ni pour le tourisme ni pour l’investissement.
Les partis islamistes se voulaient porteurs d’un programme de justice sociale et de relance économique. Leur arrivée au pouvoir a eu des effets contraires. Au Maroc, après deux ans, le gouvernement Benkirane a dû être remanié pour espérer appréhender les problèmes de fond à l’ordre du jour. En Tunisie et en Egypte, l’instabilité politique n’a pas été encore? maîtrisée et elle nourrit toutes les incertitudes. Dans le Royaume, si une solution transactionnelle a fini par s’imposer dans un cadre négociatoire laborieux d’ailleurs, en Tunisie et en Egypte, c’est un rapport de force qui a remis en cause l’équation qui prévalait depuis 2011-2012. Les démocrates tunisiens ont fini par avoir gain de cause pour arriver à une censure du gouvernement d’annahda et lui substituer un cabinet d’experts indépendants. En Egypte, c’est l’armée soutenue par une immense mobilisation populaire qui a démis le président Morsi. Dans les trois pays, s’est posée cette question de principe: la légitimité électorale issue des urnes constitue-t-elle un acquis intangible jusqu’à la fin de la législature ou de la mandature présidentielle? Par nature, les partis islamistes sont expansionnistes et annexionnistes: ils ont une forte propension à vouloir formater la société suivant leurs valeurs religieuses et à prendre les leviers de commande de l’appareil d’Etat. Après bien des tentatives et des incursions, Abdelilah Benkirane et son parti paraissent balisés dans un champ de compétences strict tant avec la nouvelle composition de la majorité que du fait de la fonction de régulation du Roi. L’islamisme gouvernemental, saison I
pourrait-on dire, a consacré son échec. Le printemps arabe dont il n’a pas été l’initiateur lui a permis de récupérer une contestation sociale grâce à son maillage organisationnel et à ses capacités de mobilisation. Cette mainmise lui a donné le premier rang dans les urnes et lui a permis d’accéder au pouvoir. Aujourd’hui, sa place et son rôle sont mis en équation. Il n’a pas fait la preuve de sa capacité de gestion et de réforme économique. Il a dû acter le fait qu’il n’était qu’une composante sociale parmi d’autres. Enfin, il s’est vu appliquer cette loi non écrite: la légitimité électorale n’est pas un chèque en blanc pour imposer un mode de gouvernance et un projet de société aux antipodes des attentes et des aspirations d’une majorité du peuple.
Revirement de l’Occident.
La question démocratique dans la région implique aussi l’Occident et son opinion publique. Les révoltes arabes et leur succès sont liés au soutien qu’elles obtiennent à Washington surtout et en Europe. Le président Obama, dans son discours du Caire en juin 2009, avait amorcé des perspectives nouvelles dans le dialogue avec l’Islam et partant avec les islamistes considérés comme l’expression la plus authentique des peuples.
A la différence de l’administration Bush, il ne comptait plus privilégier les contacts avec les libéraux. Lors du printemps arabe, l’Occident s’en est tenu à considérer que c’était là un processus d’une seule communauté de citoyens réclamant la liberté et la dignité alors qu’elle était “composite”, formée de libéraux, d’islamistes, de jeunes, de femmes,.
Washington a pesé en Egypte pour faire arriver les islamistes au pouvoir en surmontant les préventions passées. En Tunisie aussi, la même démarche a prévalu sauf que l’armée n’y occupe pas la centralité qu’elle a en Egypte depuis soixante ans. Au Maroc, la tonalité de la Maison-Blanche – bien avant 2011 d’ailleurs – n’était pas hostile au PJD: loin de là. L’analyse dominante était que les partis islamistes pouvaient être des facteurs de stabilisation politique – la preuve contraire a été désormais établie…; et qu’il valait mieux les intégrer pour renforcer la démocratie. Or, avec cette année 2013, il semble bien que Washington ait fortement réévalué sa position. La question démocratique n’est plus tellement prioritaire. C’est ainsi que la destitution du président Morsi n’a pas été qualifiée officiellement de “coup d’Etat”. A l’éphémère “partenariat” avec les islamistes a succédé le retour au soutien à l’armée égyptienne bénéficiant de surcroît de l’appui d’une majorité du peuple égyptien.
Pr. Mustapha SEHIMI