Le quotidien "Le Monde" a révélé l'implication de la HSBC dans un
gigantesque système de fraude fiscale. Mais la banque est aussi au cœur
de montages financiers opaques, via Israël et le Qatar.
Les dessous de l’enquête de la banque genevoise se limitent, si l'on
peut dire, à des révélations de listings d’exilés fiscaux. Mais dans les
coulisses très secrètes de ce vaste système d’évasion, se cache une
énorme machine de guerre financière et immobilière où l’émirat du Qatar
joue le rôle déterminant. Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget
avaient enquêté dans leur livre « Le vilain petit Qatar » (Fayard) sur
ces circuits opaques qui mènent de la Chine au Qatar, en passant par
Israël.
Voici les extraits du livre.
« Ces multiples achats du Qatar ne sont que des mises en
bouche, des broutilles, par rapport à d’autres opérations conduites de
façon souterraine, mais beaucoup plus lucratives. En 2010, c’est le
siège de la banque HSBC France, situé au 103, avenue des Champs-Élysées,
qui tombe à son tour dans la hotte de l’émirat. Le coût de la transaction,
qui porte sur trente-cinq mille mètres carrés, serait d’environ 400
millions d’euros. L’immeuble devrait, lui aussi, devenir un hôtel et
reprendre le flambeau laissé vacant par le Claridge, célèbre palace de
la « Belle Époque ».
En suivant à la trace les partenaires financiers de HSBC,
banque-conseil des Qataris, et ceux du puissant Crédit Suisse, dont le
Qatar est actionnaire, on touche à une mondialisation financière
vertigineuse, pierre angulaire de la stratégie de Doha. Ainsi trois gros
actionnaires de la banque internationale Crédit Suisse se sont
regroupés au sein d’un fonds spécial doté d’un milliard de dollars
destinés aux pays émergents, notamment la Chine, l’Inde et le Brésil.
Côté qatari, l’entité engagée est le fonds souverain de Doha, la QIA. Le
partenaire saoudien va être le groupe d’affaires Olayan, l’une des plus
grandes holdings du royaume (50 filiales présentes sur tous les
marchés). Enfin, le fonds sera placé sous la supervision et le pilotage
de Nochi Dankner, président du conglomérat IDB, le plus grand groupe
d’affaires israélien, avec 30 milliards d’actifs, qui apportera 250
millions de dollars via deux de ses prestigieuses filiales, Koor
Industries et Clal Insurance Entreprise Holdings. Lesquelles ont racheté
les sièges de HSBC à New York et à Londres. Toute cette avalanche
financière est révélée dans un article bien informé paru à l’été 2010
sur « nanojv.com ». L’information a été diffusée de manière édulcorée
sur le site de Crédit Suisse, puis reprise et détaillée par Reuters. Les
presses qatarie et saoudienne sont restées discrètes dans leur
compte-rendu et ce fabuleux Meccano financier, évitant de signaler la
présence d’Israël dans le montage (…) »
HSBC : Les barons de la banque et de la drogue
Le cas de la banque britannique HSBC constitue
un exemple supplémentaire de la doctrine « trop grandes pour être
incarcérées ». En 2014, le groupe mondial HSBC employait 260.000 personnes, est présent dans 75 pays et déclare 54 millions de clients. Au cours de la dernière décennie, HSBC a collaboré avec les cartels de
la drogue du Mexique et de Colombie, responsables de (dizaines de)
milliers d’assassinats avec armes à feu, dans le blanchiment d’argent
pour un montant de 881 millions de dollars.
Les relations commerciales de la
banque britannique avec les cartels de la drogue ont perduré malgré les
dizaines de notifications et d’avertissements de différentes agences
gouvernementales des États-Unis (dont l’OCC -Office of the Comptroller
of the Currency-). Les bénéfices obtenus ont non seulement conduit HSBC à
ignorer les avertissements mais, qui plus est, à ouvrir des guichets
spéciaux dans ses locaux à Mexico, où les narcotrafiquants pouvaient
déposer des caisses emplies d’argent liquide, pour faciliter le
processus de blanchiment. Malgré l’attitude ouvertement provocante de HSBC envers la loi, les
conséquences légales de sa collaboration directe avec des organisations
criminelles furent pratiquement nulles. En décembre 2012, HSBC dut payer
une amende de 1,9 milliard de dollars - soit l’équivalent d’une semaine
de recettes de la banque - pour clore l’affaire de blanchiment. Pas un
seul dirigeant ou employé n’a fait l’objet de poursuites criminelles,
bien que la collaboration avec des organisations terroristes ou la
participation à des activités liées au narcotrafic sont passibles de
cinq ans de prison. Être dirigeant d’une grande banque donne carte
blanche pour faciliter, en toute impunité, le trafic de drogues dures ou
d’autres crimes.
Bref, la mesure
peut être résumée par : « Vilain garnement, file-nous une semaine de ta paie et qu’on ne t’y reprenne pas pendant 5 ans ». Nous avons bien là un exemple évident de la formule « trop grande pour être condamnée ».
Combien de milliards une banque doit-elle blanchir avant qu’on considère la possibilité de la fermer ?
En juillet 2013, lors d’une commission sénatoriale qui portait sur
l’affaire HSBC, Elizabeth Warren, une sénatrice démocrate de l’État du
Massachusetts, a mis sur le grill David Cohen, représentant le ministère
des Finances, au sein duquel il occupe le poste de sous-secrétaire
responsable de la lutte contre le terrorisme et l’espionnage financier.
Elle a tenu grosso modo les propos suivant : « Le gouvernement des États-Unis prend très au sérieux le blanchiment d’argent (…). Il est
possible de fermer une banque qui s’est engagée dans le blanchiment
d’argent, des individus peuvent se voir interdire un métier ou une
activité dans la finance, et quelqu’un peut être envoyé en prison. Or en
décembre 2012, HSBC… a avoué avoir blanchi 881 millions $ des cartels
mexicains et colombiens de la drogue, la banque a également admis avoir
violé les sanctions. HSBC ne l’a pas fait qu’une seule fois, elle l’a
fait de manière répétée. HSBC a payé une amende mais aucun individu n’a
été banni du métier bancaire et on n’a pas entendu parler d’une possible
fermeture des activités de HSBC aux Etats-Unis. Je voudrais que vous
répondiez à la question suivante : combien de milliards de dollars une banque doit-elle blanchir avant qu’on considère la possibilité de la fermer ? »
Le représentant du Trésor a botté en touche en disant que le dossier était trop complexe pour émettre un avis. La sénatrice a poursuivi en déclarant que lorsqu’un petit vendeur de
cocaïne est pincé, il se retrouve pour des années en prison tandis qu’un
banquier qui blanchit des centaines de millions de dollars de la drogue
peut rentrer tranquillement chez lui sans rien craindre de la justice.
Stephen Green, patron de HSBC (2003-2010) devenu ministre britannique du Commerce (2011-2013), une figure emblématique
La biographie de Stephen Green constitue une illustration vivante de
la relation symbiotique entre la finance et le gouvernement. Cela va
même plus loin car il ne s’est pas contenté de servir au mieux les
intérêts du grand capital, en tant que banquier puis ministre, il est
également prêtre de l’église officielle anglicane et a écrit deux livres
sur l’éthique et les affaires, dont un est intitulé « Servir Dieu ?
Servir Mammon ? ». Le titre du livre renvoie notamment au nouveau testament : « Aucun
homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l’un et
aimera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon ». Mammon représente la richesse, l’avarice, le profit, le trésor. On
retrouve ce mot en araméen, en hébreu, en phénicien. Parfois Mammon est
assimilé à Satan. Quant à Stephen Green, il est honoré par les plus
hautes autorités universitaires et est manifestement intouchable.
Conclusion
Green et tous ceux qui ont organisé le blanchiment
d’argent au sein de HSBC doivent répondre de leurs actes en justice et
être condamnés sévèrement avec privation de liberté et obligation de
réaliser des travaux d’utilité publique. HSBC devrait être fermée et la
direction licenciée. Ensuite, le mastodonte HSBC devrait être divisé
sous contrôle citoyen en une série de banques publiques de taille
moyenne dont les missions devraient être strictement définies et
exercées dans le cadre d’un statut de service public.