La
réunion entre les différentes parties libyennes s’est tenue le 10 et 11 mars à
Alger sous l’égide des Nations unies qui parlent d'"un grand pas".
Pourtant dans le Sud libyen, les Toubous revendiquent l'indépendance.
Aussi bien que sous le Roi Idriss que sous
Kadhafi, la Libye n’a jamais eu de parlement. Quatre ans après la
« révolution » ce pays en a deux, deux gouvernements qui
s’affrontent. L’un à Tripoli contrôlé par Fadjr Libya, groupe islamiste dirigé
par Abdelhakim Belhadj, un ex-djihadiste soutenu par le Qatar. L’autre à
Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, sans doute influencée par
l’œuvre immortelle de Bernard-Henri Lévy : « le sermon de
Tobrouk ». Sans oublier les milices et autres groupes islamistes tels que
l’EI, Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamiste).
Entre cécité et double langage
La
Libye est une vraie poudrière, la somalisation est à l'oeuvre. Aucune
armée étrangère n’est prête à s’engager dans le bourbier libyen. Pour les
soldats des pays limitrophes, la question de mourir pour Tripoli ou Tobrouk ne
se pose pas. En l’absence de solution militaire, seule une approche politique
peut laisser entrevoir une issue à terme. Bernardo Leon, représentant
personnel du secrétaire général de l’ONU déclare juste avant la tenue du
premier dialogue inter-libyen : « un accord politique ou la
destruction ». L’un n’empêche pas forcement l’autre, car ce processus
nécessite beaucoup de temps et le pays s’enfonce d’une part, d’autre part qui
mettrai les moyens nécessaires pour appliquer sur le terrain un éventuel et
hypothétique accord.
Pourtant,
l’heure serait à l’optimisme. Dès la clôture du sommet d’Alger, le
représentant de l’ONU annonce : « Il s'agit là, d'un pas
important pour la paix en Libye car les gens qui sont venus, ici à Alger, sont
de vrais leaders politiques qui décident. Nous avons travaillé sur deux
questions importantes, à savoir celle relative au futur gouvernement ainsi que
la sécurité». Et il ajoute : « c’est un grand
succès » ! En effet tous les Libyens présents à Alger se sont mis
d’accord pour condamner le terrorisme et s’engager pour le combattre. Quelle
avancée!
Vers une nation toubou?
L’intensité
des bonnes intentions tente à faire oublier la complexité de la pétaudière
libyenne. Parmi les éléments du désordre libyen, figure en bonne place le
problème des Toubous. Ces derniers, libyens noirs considérés par Kadhafi
comme citoyens de seconde zone, ont été arabisés par la contrainte dans la
foulée de la folie du livre vert. Le Guide les a même déchus de leur
nationalité en 2009. Ils se retrouvent avec des armes provenant des arsenaux de
la Grande Jamahiriya, contrôlant un vaste territoire riche en eau et en pétrole
et surtout propice à tous les trafics : drogue, armes, immigrés
clandestins.
Les
Toubous entendent, désormais se faire entendre en revendiquant l’indépendance
de leur territoire. Les plus modérés parlent de fédéralisme. Le territoire des
Toubous est la première porte d’entrée pour les migrants africains qui échouent
au large des cotes italiennes. Sans oublier que c’est dans cette
vaste région où pullulent les djihadistes échappés du Nord Mali suite au
déclenchement de l’opération Cerval. C’est aussi le lieu où évolue,
semble-t-il, le terroriste algérien Bel Mokhtar qui a revendiqué l’attentat
contre un restaurant français à Bamako. De ce fait aucune solution durable ne
peut s’esquisser sans le concours actif des Toubous. Seulement parmi les
conditions posées par la communauté internationale se place en tête l’intégrité
du territoire libyen. Et cela face à des aspirations indépendantistes
Toubous de plus en plus nettes. La quadrature du cercle.
Le général Haftar lorgne vers Moscou
Le général Khalifa Haftar, considéré comme le patron de l’armée
du gouvernement officiel libyen, celui de Tobrouk lorgne vers Moscou. Un
choix logique après l’accueil triomphal réservé par Sissi à Poutine
lors de son passage au Caire. Le maréchal- président étant le supporteur
numéro 1 d’Haftar.
Le but du général de Tobrouk, libérer le pays du poids de ses
milices, à commencer par Al Fajr Libya, filiale d’al Qaida puis lutter
aussi contre les colonnes de l’EI, l’Etat Islamique. Il ne lui restera
plus alors qu’à faire la peau de Belhadj, le chef de la milice Al Watan
qui, à Tripoli, se rêve patron de toute la Libye.
Un vaste programme pour Haftar et ses sponsors. L’armement russe
devrait remplacer celui que Tripoli prévoyait d’acheter à l’Ukraine,
pays dont on sait que ses soldats sont assez peu fringants dans leur
usage.