Le think tank américain « Institut Brookings » a
publié un article sur l’agression militaire saoudienne contre le Yémen, et
estime qu’après la reprise des raids saoudiens après une trêve humanitaire de
cinq jours, les jeunes princes de la famille royale risquent plus que jamais
d’être les grands perdants de ce jeu de massacre. Le jeune prince Mohammed ben
Salman, 29 ans, ministre de la Défense, a misé sur une victoire militaire rapide
au Yémen, au prix de mettre en péril son avenir politique et les intérêts du
royaume, estime l’article de l’Institut Brookings.
Les raids aériens ont infligé d’importants dégâts aux infrastructures déjà fragiles du Yémen, mais le jeune prince est dans l’impasse en face de la position fortifiée des Houthis, d’autant plus que la poursuite des attaques a considérablement dégradé les relations entre les Yéménites dans leur ensemble et leurs voisins richissimes agresseurs, ce qui pourra porter atteinte aux relations bilatérales pendant de longues années. Et cela dans un contexte où les Yéménites ne décolèrent pas des ingérences des voisins dans leurs affaires, et peuvent chercher maintenant une occasion pour se venger.
Mohammed ben Salmane n’a aucune expérience de la guerre,
et n’a reçu aucune formation militaire non plus. Mais cela ne l’a pas empêché
de lancer une agression militaire contre les Houthis au Yémen, deux mois
seulement après sa nomination au poste de ministre de la Défense, afin, dit-il,
de permettre au président démissionnaire yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, de
reprendre le pouvoir.
Riyad n’a informé Washington de sa décision que trois
heures seulement avant le début des raids aériens. Le clan du roi Salman a
essayé de convaincre le Pakistan d’expédier les unités spéciales de son armée
pour une offensive terrestre contre le Yémen, mais Islamabad a compris vite que
le roi et son fils ont déclenché « précipitamment » une guerre sans avoir une
stratégie bien élaborée pour la gagner.
Dans tous les pays arabes du littoral sud du golfe
Persique, les voix s’élèvent pour critiquer la politique de Riyad, en accusant
les princes saoudiens d’agir trop hâtivement et de se laisser emporter par des
crises de nerfs. Or, jusqu’à récemment, les dirigeants saoudiens étaient réputés
être très conservateurs et de ne prendre aucun risque.
Les Houthis, de leur côté, semblent bien déterminés à
piéger les Saoudiens. Ils ont organisé des attaques le long des frontières, et
ils concentrent maintenant leurs opérations dans le sud du Yémen pour prendre
le contrôle du port d’Aden. Les Houthis ont prouvé qu’ils veulent rester au
pouvoir et ils résisteront de toutes leurs forces à l’Arabie saoudite.
Cyber-attaque houthi contre Riyad!!
La cyberarmée yéménite revendique
la vaste cyberattaque de jeudi soir contre trois ministères
saoudiens, cyber attaque qui s'est soldée par le piratage de milliers de
documents et fichiers classifiés, mettant en lumière les liens entre
les "agents yéménites de Riyad ". Dans son premier communiqué officiel,
la cyber armée du Yémen affirme : "Nos cyber combattants ont lancé une
vaste cyber offensive visant plus de 3.000 ordinateurs et serveurs
appartenant aux trois ministères saoudiens. Nous nous sommes emparés de
boites mails, de courriels de milliers d'employés, d'agents secrets, de
militaires saoudiens. Des missives, des circulaires, des documents
classifiés, dont certains remontent aux années 80, figurent parmi ces
documents". "Pour éviter tout démenti, de la part de Riyad, nous allons
rendre public une partie de ces documents, pour que Riyad sache que son
royaume n'est qu'une toile d'araignée". "Notre message est clair:
espions, agents, soldats des Al-e Saoud, trouvez-vous quelque part, pour
vous cacher". La cyber armée yéménite a, déjà, fait une première
démonstration de force, en hackant, il y a quelques semaines, le site du
journal saoudien, "Al-Hayat".
La guerre contre le Yémen a prouvé aussi les
limites du pouvoir saoudien. Riyad qui a acheté des milliards et des milliards
de dollars d’armements américains et britanniques, se voit incapable de
progresser au Yémen. La guerre de Riyad et ses trois vérités !
En effet, la constance et la persévérance du front
intérieur yéménite, face aux agressions saoudiennes, ont fait tomber à l’eau
les calculs de Riyad, qui visait une guerre éclair. Mais cette guerre a mis au
grand jour trois vérités cachées.
primo, la structure
de la révolution yéménite ne se limite pas à un groupe particulier –les Houthis-
mais elle couvre les différents courants et blocs politiques, voire, les
tribus. Auparavant, un certain nombre d’experts, dont Nadjib Gholab, analyste
et écrivain yéménite, et Président du Congrès Al-Jazeera al-Arabiya, avaient
fait part de l’ampleur de la révolution. De même, il existait de nombreux
rapports faisant allusion à la présence de groupuscules occultes, au sein du
Mouvement du Sud, prouvant que leurs agissements, en temps opportun,
favoriseront les efforts des révolutionnaires visant à s'emparer d'Aden.
Secundo, le sang des
civils innocents, versé sous les bombes de l’aviation saoudienne, a provoqué la
haine et l'indignation de la société tribale, et a revivifié l'esprit de
vengeance, au sein de cette société. Cet esprit de vengeance a gagné toutes les
couches yéménites, et a surmonté toutes les contradictions et les divergences.
L’Arabie saoudite tentait de faire croire que ses frappes aériennes contre le
territoire yéménite seraient de nature sélective, mais, en réalité, elles
couvrent toutes les régions, n’épargnant pas les civils. Autrement dit, les
Saoudiens veulent, implicitement, transmettre un message, à l’adresse des
Yéménites : «Si nous ne pouvons pas diriger le Yémen, nous pouvons,
alors, le transformer en un tas de ruines pour les prochaines générations !»
Tertio, les
révolutionnaires yéménites se préparent à une opération militaire de longue
haleine, et cela se voit, à travers les équipements militaires, les munitions,
les denrées alimentaires et les carburants, qu’ils sont en train de stocker. Ils
se préparent à une guerre d’usure, que
les Saoudiens pourraient leur imposer. Par ailleurs, tous les pays, dont et
surtout, les alliés de l’Arabie saoudite, savent bien que cette dernière s’est
enfoncée dans un bourbier, duquel elle ne pourra pas sortir facilement. Compte
tenu de sa position géographique et de ses hautes montagnes, le Yémen s’est
toujours sorti des agressions étrangères depuis la nuit des temps. On dirait
bien que Riyad n’a tiré aucune leçon des invasions américaines au Vietnam, en Afghanistan et en Irak, ni de
la guerre déclenchée par le régime sioniste au Liban et dans la bande de Gaza. Ryad
ne semble pas avoir compris que sa force aérienne ne serait pas en mesure de
briser, à elle seule, la volonté de fer des Yéménites.
Sous un certain angle, le conflit en cours au Yémen nous en dit plus sur la situation géopolitique régionale que sur celle du Yémen même. La crise actuelle de ce pays est, en quelque sorte, la miniaturisation de l’échiquier géopolitique régional, impliquant d’un côté l’Arabie saoudite – avec Israël et les États-Unis en arrière-plan – et de l’autre l’Iran et ses alliés, ainsi que la Russie en arrière-plan.
La principale motivation de l’agression de la coalition (OTAN + Arabes) menée par l’Arabie saoudite est la suivante : ramener le Yémen dans le giron atlantiste, de la même manière que les Saoudiens l’avaient fait – avec, entre autres, le Qatar – au Bahreïn, en écrasant la révolte de 2011 qui menaçait le régime, dont le renversement était vu d’un mauvais œil par les États-Unis, qui possèdent une base militaire sur l’île.
En effet, depuis le début des années 2000, le Yémen connaît une révolte qui s’est transformée en révolution populaire en 2011 et qui est menée par l’organisation houthi, Ansarullah, contre laquelle luttent les États-Unis et l’Arabie saoudite, usant d’armes comme les drones mais aussi, et surtout, d’outils comme Al-Qaïda, dont la présence au Yémen, à l’instar de Daech en Irak et en Syrie, sert d’agent corrosif destructeur des nations et de prétexte à des frappes américaines pour affaiblir la résistance au Yémen et l’armée régulière en Syrie.
L’action de la coalition arabe est conforme aux intérêts géo-énergétiques américains et israéliens dans la région. Par ailleurs, du point de vue saoudien, il est vital d’empêcher que la révolution yéménite n’aboutisse totalement. Ceci aurait un effet de contagion dans le royaume saoudite, qui menace déjà d’imploser, non seulement en raison des luttes de pouvoir au sein de la famille régnante, mais aussi par la nature profondément tribale de l’Arabie qui menace de resurgir.
Les Saoudiens ont, certes, avancé un pion au Yémen, mais en abaissant leur garde. Une occasion pour l’Iran qui, par le bras d’Ansarullah, pourrait leur infliger un échec cuisant, qui redessinerait la carte de l’Arabie et, par suite, redéfinirait les rapports de force dans tout le Proche-Orient.
Nous assistons à une fin de partie entre l’Iran et la gérontocratie wahhabite, dont cette dernière ne sortira pas indemne. Ce qui rend fébrile Israël, pour qui l’Arabie saoudite est un pion important dans le bras de fer qui l’oppose à l’Iran. Israël est allé jusqu’à menacer publiquement d’offrir l’arme nucléaire à son allié saoudien ; un coup de bluff évident dont l’Iran n’est pas dupe. Mais l'Iran a répliqué qu'il est prêt à envoyer des dizaines de milliers de missiles sur Israël.
Une fin de partie saoudo-iranienne qui pourrait, en toute logique, conduire à terme à un affrontement entre l’Iran et Israël, l’Arabie saoudite ne jouant jusqu’ici que le rôle de harki, sorte de second couteau, au profit de l’État hébreu.
Le dessous des cartes
Comprendre la situation au Yémen et anticiper les conséquences de son évolution nécessite de faire un zoom arrière sur l’ensemble du Proche-Orient ; de la même façon, la confrontation des puissances régionales au Yémen, si l’on y est attentif, offre une clé de compréhension quant à l’avenir de cette région.Sous un certain angle, le conflit en cours au Yémen nous en dit plus sur la situation géopolitique régionale que sur celle du Yémen même. La crise actuelle de ce pays est, en quelque sorte, la miniaturisation de l’échiquier géopolitique régional, impliquant d’un côté l’Arabie saoudite – avec Israël et les États-Unis en arrière-plan – et de l’autre l’Iran et ses alliés, ainsi que la Russie en arrière-plan.
La principale motivation de l’agression de la coalition (OTAN + Arabes) menée par l’Arabie saoudite est la suivante : ramener le Yémen dans le giron atlantiste, de la même manière que les Saoudiens l’avaient fait – avec, entre autres, le Qatar – au Bahreïn, en écrasant la révolte de 2011 qui menaçait le régime, dont le renversement était vu d’un mauvais œil par les États-Unis, qui possèdent une base militaire sur l’île.
En effet, depuis le début des années 2000, le Yémen connaît une révolte qui s’est transformée en révolution populaire en 2011 et qui est menée par l’organisation houthi, Ansarullah, contre laquelle luttent les États-Unis et l’Arabie saoudite, usant d’armes comme les drones mais aussi, et surtout, d’outils comme Al-Qaïda, dont la présence au Yémen, à l’instar de Daech en Irak et en Syrie, sert d’agent corrosif destructeur des nations et de prétexte à des frappes américaines pour affaiblir la résistance au Yémen et l’armée régulière en Syrie.
L’action de la coalition arabe est conforme aux intérêts géo-énergétiques américains et israéliens dans la région. Par ailleurs, du point de vue saoudien, il est vital d’empêcher que la révolution yéménite n’aboutisse totalement. Ceci aurait un effet de contagion dans le royaume saoudite, qui menace déjà d’imploser, non seulement en raison des luttes de pouvoir au sein de la famille régnante, mais aussi par la nature profondément tribale de l’Arabie qui menace de resurgir.
Les Saoudiens ont, certes, avancé un pion au Yémen, mais en abaissant leur garde. Une occasion pour l’Iran qui, par le bras d’Ansarullah, pourrait leur infliger un échec cuisant, qui redessinerait la carte de l’Arabie et, par suite, redéfinirait les rapports de force dans tout le Proche-Orient.
Nous assistons à une fin de partie entre l’Iran et la gérontocratie wahhabite, dont cette dernière ne sortira pas indemne. Ce qui rend fébrile Israël, pour qui l’Arabie saoudite est un pion important dans le bras de fer qui l’oppose à l’Iran. Israël est allé jusqu’à menacer publiquement d’offrir l’arme nucléaire à son allié saoudien ; un coup de bluff évident dont l’Iran n’est pas dupe. Mais l'Iran a répliqué qu'il est prêt à envoyer des dizaines de milliers de missiles sur Israël.
Une fin de partie saoudo-iranienne qui pourrait, en toute logique, conduire à terme à un affrontement entre l’Iran et Israël, l’Arabie saoudite ne jouant jusqu’ici que le rôle de harki, sorte de second couteau, au profit de l’État hébreu.
Hannibal GENSERIC