Un regard sur les contrats d’armement irakiens avec la
Russie nous montre que Bagdad s’attelle à adopter une politique indépendante
vis-à-vis de Washington et à se procurer des armements, en Russie.
Selon l’agence de presse Tasnim, citant le quotidien
«As-Safir», le déplacement du Premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi, et de
ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères, en Russie, en vue de
conclure des contrats d’armement, témoigne du fait que Bagdad envisage de se
tenir à l’écart de Washington et de se rapprocher de la Russie. La visite de la
semaine dernière du Premier ministre irakien, à Moscou, simultanément à la
prise de Ramadi, par Daesh, revêt une importance toute particulière, avec de
larges répercussions, dans les médias russes. La une de tous les médias
évoquait cette question : la demande d’Al-Abadi au Kremlin d’accorder des aides
en armement à Bagdad, pour combattre Daesh. Lors de sa rencontre avec le
Président russe, Vladimir Poutine, le Premier ministre irakien a insisté sur
l’importance de la contribution de Moscou à la lutte menée par Bagdad contre
Daesh, par le biais de nouveaux contrats d’armement avec la Russe. Dans ce
contexte, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a tenu à
faire allusion aux conditions avancées par les Américains, pour fournir des
armes à Bagdad, disant que son pays ne posait pas de conditions à la vente
d’armes aux autres pays. «La Russie est disposée à assurer tous les besoins
de l’Irak, en matière de défense, pour qu’il puisse lutter contre les
terroristes de Daesh», a affirmé le chef de la diplomatie russe, qui a
rappelé que l’Irak, la Syrie et l’Égypte se trouvaient en première ligne du
front de la lutte anti-terroriste, dans la région, et que Moscou subvenait
à leurs besoins, dans le but de les aider à venir à bout de Daesh et d’autres
groupes terroristes. Il est clair que la réponse positive aux demandes, en
matière de défense, de ces pays-là annonce la vente d’armes russes et l’augmentation
des revenus budgétaires russes, car ces contrats, même à visée anti-terroriste,
ne sont pas gratuits. Mais avant la visite du Premier ministre irakien, en
Russie, les ministres irakiens de la Défense et des Affaires étrangères
s’étaient, déjà, déplacés, à Moscou, en vue de favoriser les préparatifs de
l’achat de nouvelles armes à la Russie. C’est pourquoi on disait que Haïdar
al-Abadi avait fait les démarches initiales, pour la signature de nouveaux
contrats d’armement, d’une valeur de trois milliards de dollars. Bien que le
type d’armes que la Russie doit vendre à l’Irak, ne soit pas, encore, défini,
toutefois, si cette transaction se réalise, elle sera la deuxième transaction,
relativement, importante, entre ces deux pays, durant ces quatre dernières
années. Autrement dit, lorsque l’ancien Premier ministre irakien, Nouri
al-Maliki, s’est rendu, en 2012, à Moscou, il a conclu un contrat d’un montant
de 4.3 milliards de dollars avec la Russie, comprenant l’achat de 50 systèmes
de défense anti-aérienne «Pantsir S-1», 30 hélicoptères d’attaque «MI 35» et
«MI 28» [1] et d’autres équipements militaires. Le complexe des industries
militaires russes a mis en application le contrat Poutine-Maliki, et, en 2013,
il a mis à la disposition de l’Irak, une quantité de ces équipements
militaires, dont les hélicoptères «MI 35» et «MI 28». En 2014, Moscou et Bagdad
ont signé, à peu d’intervalle, d’autres contrats militaires comprenant la vente
de chasseurs "Sukhoï-25" [2], de systèmes de défense et des équipements
de guerre. La même année, la Russie a vendu à l’Irak dix chasseurs
"Sukhoï-25" , six hélicoptères "MI 28" et dix "MI
25", donnant un coup d’envoi à l’exportation d’un système de défense
anti-aérienne. La valeur de ce contrat d’armement s’élevait à 1.7 milliards de
dollars. L’Irak est le plus grand client d’armements russes, et les
statistiques officielles de Moscou témoignent du fait que l’Irak, en 2014, a
été le deuxième client d’armes russes, derrière l’Inde, s'attribuant 11% de
l’ensemble des exportations militaires russes, à l’étranger. La Chine et l’Iran
sont d’autres clients importants des armes russes. Ce faisant, la Russie,
derrière les États-Unis, est le deuxième exportateur d’armes vers l’Irak. De
l’avis des experts russes, eu égard à la situation critique, prévalant en Irak,
et aux attentats terroristes de Daesh, les exportations d’armes russes à l’Irak
revêtent une importance toute particulière, et ce, à tel point que les
hélicoptères "MI 35" et "MI 28" ont été utilisés, à
plusieurs reprises, contre les Daeshistes. Selon eux, l’Irak se sert, aussi, de
missiles anti-char russes, "Kornet", contre Daech. La partie
irakienne souligne que les "Sukhoï" russes ont joué un rôle vital,
dans la lutte contre les éléments de Daesh, toutefois, le récent échec de l’armée
irakienne, à Ramadi, mettra-t-il en question ces déclarations ? En tout état de
cause, Bagdad essaie de ranimer l’alliance stratégique avec Moscou, et les
contrats d’armement entre la Russie et l’Irak, selon certains Russes,
témoignent du fait que Bagdad a adopté une politique indépendante vis-à-vis de
Washington et s’efforce de revivifier l’alliance stratégique existant depuis
des décennies entre ces deux anciens alliés, détruite, après l’intervention
militaire des États-Unis, en Irak, en 2003. C’est pourquoi on est témoin de
nombreux rapports insistant sur l’impératif du respect, par la Russie, de ses
engagements envers la vente d’armes à Bagdad. Dans ce droit fil, il faut faire
allusion à certains changements créés, dans le sillage des révolutions populaires,
dans certains pays arabes, pour comprendre pourquoi le leadership russe s’est
concentré davantage sur la réanimation des contrats signés avec les anciens
gouvernements irakiens. Étant donné la situation déplorable de la Syrie, une
nouvelle union Moscou/Bagdad pourra baliser le terrain à une présence plus
renforcée de la Russie, au Moyen-Orient. Les partisans de ce point de vue, en
Russie, rêvent d’un leadership russe sur l’Alliance Téhéran/Bagdad/Damas,
estimant que l’achat, par Bagdad, de nouvelles armes à Moscou s’inscrivait dans
le cadre de la politique du renforcement de l’influence de la Russie, dans la
région. A leur avis, tenant compte des positions similaires russes et
irakiennes envers la crise syrienne, l’alliance du triangle Téhéran/Bagdad/Damas
serait une autre carte gagnante, pour Moscou, en Syrie.
Source : IRIB
[1] Le Mi-28 (en russe : Ми-28) est un hélicoptère d'attaque russe antiblindé conçu par Mil. Il ne dispose pas de fonction secondaire de transport comme le Mi-24 (et MI-35, version export du MI-24) et est surtout destiné à un rôle anti-char.
[2] Le Sukhoi Su-25 «Frogfoot» :
Le
Sukhoi Su-25 «Frogfoot» est un avion d’attaque et d’appui aérien dont
le prototype a réalisé son premier vol en 1975. Dès avril 1980, des
exemplaires de pré-série sont envoyés en Afghanistan pour essais
opérationnels. Le Su-25 dispose de 10 points d’emport pour armements
dont deux réservés, aux extrémités, à des missiles air air R-60M
d’autodéfense. Un large panel de roquettes et bombes classiques peuvent
être emportées ainsi que des missiles air surface et des pods canons
offrant une très grande puissance de feu. La protection de l’avion est
très élaborée, l’avion dispose d’un blindage. Une version d’attaque tout
temps plus perfectionnée, le Su-25T, a été développée dans les années
1980 avec des équipements et armements supplémentaires dont le missile
anti-chars AT-12.