Alors qu’il a annoncé, le 2 juin, qu’il
remettrait son mandat lors d’un congrès électif extraordinaire prévu
entre décembre 2015 et mars 2016, le Suisse Joseph Blatter continue à se
répandre dans la presse. Dans un entretien au journal allemand Welt am Sonntag,
le président de la Fédération internationale de football accuse la
France et l’Allemagne d’être intervenues politiquement avant le vote
d’attribution, le 2 décembre 2010, des Mondiaux 2018 et 2022,
respectivement à la Russie et au Qatar.
« Avant l’attribution des Mondiaux au Qatar et en Russie, il y a eu deux interventions politiques »,
insiste le patron de la FIFA, qui est actuellement ébranlé par la
litanie d’affaires de corruption qui secouent l’institution. Le
dirigeant de 79 ans charge ainsi nommément l’ancien président français
Nicolas Sarkozy et Christian Wulff, son homologue allemand de l’époque. «
Messieurs Sarkozy et Wulff ont essayé d’influencer le vote de leur représentant [le patron de l’UEFA, Michel Platini, et l’ex-icône allemande Franz Beckenbauer]. C’est pourquoi nous avons maintenant une Coupe du monde au Qatar » , avance l’Helvète.
« Regardez les entreprises allemandes ! »
En décembre 2012, lors du Doha Goals,
forum mondial du sport organisé dans la capitale qatarie, Nicolas
Sarkozy s’était publiquement félicité de la victoire du richissime
émirat gazier à l’issue du processus d’attribution du Mondial 2022. Il
avait ailleurs milité pour une « adaptation » du calendrier du
tournoi planétaire, qui aura lieu de novembre à décembre 2022, en
raisons des fortes chaleurs estivales au Qatar. « Ceux qui l’ont décidé [de confier l’organisation du Mondial au Qatar] doivent prendre leurs responsabilités pour cela », insiste le Suisse, qui dit avoir été contraint « d’accepter » le vote de quatorze des vingt-deux membres du Comité exécutif de la FIFA en faveur de l’émirat.
Selon « Sepp » Blatter, la Fédération allemande de football (DFB) aurait reçu la consigne de voter pour le Qatar en raison « d’intérêts économiques ». « Regardez les entreprises allemandes !, pointe le Suisse. Deutsch Bahn [la compagnie ferroviaire allemande], Hochtief [entreprise de BTP allemande] et beaucoup d’autres compagnies avaient des projets au Qatar bien avant que la Coupe du monde soit attribuée. »
Platini visé
En accusant Nicolas Sarkozy d’avoir
influencé le vote en faveur du Qatar, le président de la FIFA charge
surtout son ancien allié et conseiller Michel Platini, le président
français de l’Union des associations européennes de football (UEFA), qui
hésite à briguer sa succession lors du prochain congrès de la
Fédération internationale. L’ex-numéro 10 des Bleus avait notamment prié
Blatter de démissionner avant sa réélection pour un cinquième mandat,
le 29 mai.
« Je ne dirai jamais qu’ils ont acheté le Mondial, c’était la poussée politique aussi bien en France qu’en Allemagne »,
avait déjà lancé, en mai 2014, le patron de la FIFA à la
Radio-Télévision suisse. M. Blatter faisait ainsi allusion à un déjeuner
organisé à l’Elysée le 23 novembre 2010, soit dix jours avant
l’attribution du Mondial 2022 au richissime émirat, par Nicolas Sarkozy.
Ce jour-là, l’émir du Qatar, Al-Thani, et son premier ministre, ainsi
que Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital, alors propriétaire
du Paris-Saint-Germain, et Michel Platini étaient réunis autour de la
table du président français.
Planifiée six mois avant le rachat du PSG
par le fonds d’investissement qatari QSI (le président du PSG, Nasser
Al-Khelaïfi, est un proche de Nicolas Sarkozy), cette réunion alimente
depuis les suspicions de collusion d’intérêts. D’autant que Michel
Platini a reconnu avoir voté en faveur du Qatar lors de l’attribution du
Mondial 2022, le 2 décembre 2010, à Zurich. A posteriori, Blatter avait
estimé que le choix de confier l’organisation du tournoi planétaire à
l’émirat gazier avait été une « erreur ».
Le 3 juin 2014, le journal The Daily Telegraph, relatait que Michel Platini avait rencontré « en secret »
le qatari Ben Hammam, l’ex-patron de la confédération asiatique de
football et ancien vice-président de la Fédération internationale,
accusé par le Sunday Times d’avoir versé plus de 5 millions de
dollars (3,7 millions d’euros) de pots-de-vin à des membres de la FIFA.
Le quotidien britannique faisait état d’un petit déjeuner pris en commun
par les deux dirigeants en novembre 2010, quelques jours avant le vote
d’attribution du Mondial 2022 au Qatar. Le patron de l’UEFA se trouvait
directement visé, alors que son fils, Laurent Platini, dirige en France Burrda
Sports, l’équipementier sportif du Qatar.
« Je suis ici pour me battre »
Dans son entretien au Welt am Sonntag, Blatter assure qu’il n’a pas perdu sa combativité. « Je
suis ici pour me battre. Pas pour moi, mais pour la FIFA. Tout le monde
a peur, par exemple, de la mort, mais au regard de mon travail à la
FIFA, je n’ai pas peur. J’ai peur qu’ils souhaitent briser la FIFA, un
travail auquel j’ai contribué », glisse celui qui est, de fait,
dans le collimateur de la justice américaine et des enquêteurs suisses,
sans donner plus de précisions.
Alors qu’il a renoncé à assister à la
finale du Mondial féminin au Canada, programmée dimanche 5 juillet entre
les États-Unis et le Japon, le Valaisan explique qu’il n’entreprendra «
aucun voyage à risque tant que tout n’est pas clarifié » sur
le plan judiciaire. Craint-il d’être interpellé ? Le président de la
FIFA a néanmoins indiqué qu’il serait présent à Saint-Pétersbourg, le 25
juillet, lors du tirage au sort des qualifications au Mondial 2018,
organisé en Russie. Il compte notamment sur le soutien de Vladimir
Poutine, l’un de ses plus fervents alliés.
Platini : pro sioniste ? |
Rémi Dupré
Comme Sarkozy, Platini corrompu par le Qatar ? |