Tandis que
l’Arabie saoudite s’efforce de supplanter Israël en fait de crimes, de terreur
et de barbarie, poussant un pays tout entier au bord du gouffre dans
l’indifférence générale, le plus pauvre des pays arabes donne une leçon de
courage, de dignité et de lucidité au monde entier, à l’exemple du peuple
palestinien. Hier les Algériens, aujourd'hui les Syriens, les Irakiens et les Yéménites sauvent le peu d'honneur et de dignité qui restent aux Arabes. La déchéance des autres "Arabes" est totale : c'est la honte.
Chevènement au Figaro : «Le monde arabe est dans un état de décomposition profond»
Jean-Pierre
Chevènement, ancien ministre français et actuel président de l'association
France-Algérie (AFA), pose un regard lucide sur ce qui se passe dans les pays
arabes depuis 2011. Pour lui, «le monde arabe est dans un état de décomposition
profond». Il l’a dit dans une interview accordée au quotidien français Le Figaro. Son
jugement est à prendre au sérieux, émanant d’un homme politique, fin
observateur, qui connaît aussi bien le monde arabe que la religion, l’islam,
qui y prédomine très largement. Un rapide examen de la carte de la région
suffit pour lui donner raison. Dans presque tous les
pays arabes, la situation est instable, sur fond de menaces réelles
d’éclatement, à des degrés différents illustrés, pour ne citer que les cas
flagrants, par les exemples de la Libye,
en plein chaos, l’Irak, embourbé depuis
une vingtaine d’années dans une vague d’actes terroristes sans fin, la Syrie, qui continue, certes, de résister à
l’agression caractérisée orchestrée par les puissances occidentales et menée
sur le terrain par une horde de mercenaires venus d’une centaine de pays, ou le Yémen, qui subit, lui aussi, une agression militaire ouverte da
la part d’une coalition animée par les pétromonarchies du Golfe et dirigée par l’Arabie
Saoudite. Certains spécialistes prévoient même, à terme, parmi les
perspectives possibles, un impact dévastateur sur ces pétromonarchies du Golfe,
à commencer par l’Arabie Saoudite. En attirant l’attention sur la décomposition
du monde arabe, Jean-Pierre Chevènement veut sans doute adresser d’abord une
mise en garde à l’Occident et à son pays, la France, qui en fait partie. Il
explique pourquoi l’Occident doit revoir sa politique dans cette région: «le
Moyen-Orient reste un baril de poudre qui demande une vigilance particulière du
point de vue de la sécurité de la France, car il concentre la moitié des
réserves de pétrole et de gaz mondiales». Et il y a surtout le terrorisme ;
Jean-Pierre Chevènement fait constater que «la décomposition du monde arabe» a
favorisé la montée des groupes terroristes. Or, l’idéologie qu’ils propagent,
particulièrement depuis l’émergence de Daech, tend à mettre en place un
contexte d’affrontement du monde musulman tout entier contre l'Occident. Là
est, selon Jean-Pierre Chevènement, «le but des islamistes», autrement dit «le choc des civilisations»,
et il reproche à Manuel Valls, le Premier ministre français, de tomber dans ce
piège. Car c’est un piège, dans la mesure où un tel contexte d’affrontement
facilite le recrutement de terroristes dans les pays occidentaux. Il rappelle
qu’«aujourd'hui un certain nombre de jeunes "paumés" peuvent être
tentés par une démarche de radicalisation». Ces jeunes, pas seulement d’origine
immigrée, mais également des «Français de souche» constituent «le terreau sur
lequel le terrorisme djihadiste se développe».
Riyad: retour du bâton
Un retour de bâton douloureux, pour l'Arabie saoudite,
qui a, longtemps, joué - et continue de jouer - avec le feu. Un boomerang,
d'autant plus douloureux, que Riyadh n'était pas étrangère à l'avènement des
groupes extrémistes, qui attisent la fitna, parmi les peuples, et les nations
arabes. L'attentat de jeudi - immédiatement, revendiqué par DAECH, (État
islamique/EI) - contre une mosquée, fréquentée par les militaires, (15 morts),
induit une nouvelle donne, dans le Royaume wahhabite. De fait, l'EI promet
d'autres attentats et s'engage à instaurer le chaos, dans le royaume des Saoud,
comme en Syrie et en Irak. L'attentat de jeudi est le quatrième, en trois mois
- en particulier, contre des mosquées chiites - et le deuxième ciblant des
services de sécurité, faisant plus d'une quarantaine de morts. Dès lors,
l'Arabie saoudite est, sans doute, un cas d'école, dans les événements, qui
marquent, depuis quatre ans, le Moyen-Orient. Poids lourd des monarchies du
Golfe, menant, en sous-main, une guerre de leadership contre l'Iran chiite,
s'activant, dans un prosélytisme abusif, notamment, dans les pays arabes,
africains et asiatiques, finançant des groupes islamistes de tout acabit,
l'Arabie saoudite est, également, un allié stratégique des États-Unis, et est -
avec Israël - le plus farouche adversaire du nucléaire iranien. Donc, l'Arabie
saoudite, «bouge» et s'est découvert un destin de puissance régionale, pouvant,
à l'occasion, suppléer le grand protecteur états-unien, dans de menus affaires
de police. Ainsi, à la tête d'une coalition des monarchies du Golfe, l'Arabie
saoudite mène, depuis le 26 mars, des frappes contre la rébellion houthie, (chiite),
au Yémen. Dès lors, la carte géopolitique du Moyen-Orient, fortement,
brouillée, par ailleurs, est devenue très complexe et le rôle du royaume - même
s'il semble évident - n'apparaît pas, clairement, tant Riyadh joue jeu double,
voire, triple. En fait, l'Arabie saoudite - la plus acharnée à vouloir la chute
du Président syrien, Bachar al-Assad - soutient, de toutes les manières, les
groupes rebelles et jihadistes, qui combattent le régime de Damas. Parmi ces
groupes, outre le Front islamique [qui regroupe une dizaine de factions
islamistes syriennes] et le Front Al-Nosra, [branche locale d'Al-Qaïda], il y a
l'autoproclamé «État islamique», (DAECH/EI, Isis, en anglais), qui reçoit des
aides substantielles (notamment, financières), de la part du Royaume wahhabite.
Aussi, il apparaît singulier et contradictoire que Riyadh, qui contribua à
l'essor régional et à l'international des groupes jihadistes, prenne part à la
coalition internationale, menée par les États-Unis, contre DAECH, en Irak et en
Syrie. En fait, c'est là une position tactique, [même si elle apparaît
antinomique, dans les guerres, qui minent le Moyen-Orient], qui justifie, selon
Riyadh, ses ambitions géopolitiques. De plus, Riyadh doit bien cela aux États-Unis,
du fait des liens spécifiques qui les unissent. En effet, la coalition, menée
par les États-Unis, et regroupant une vingtaine de pays occidentaux, avait
mauvaise presse, dans le Monde arabe, et se présentait comme une nouvelle
croisade occidentale. L'apport des monarchies du Golfe, outre de cautionner
cette intervention étrangère, devait, ainsi, rassurer les «indigènes». En fait,
les Saoud ne pouvaient refuser ce geste à leurs protecteurs états-uniens, qui
veillent sur le trône légué par Abdelaziz Saoud. Ce qu'on peut ne pas comprendre,
en revanche, est que l'Arabie saoudite se fasse hara-kiri, en participant au
plan américano-israélien de refonte géopolitique du Moyen-Orient - dans lequel
le royaume saoudien est inclus - par la déstructuration des nations arabes. DAECH/EI
en est l'un des instruments, qui doit, à terme, induire la disparition des États-nations
arabes, remplacées par des entités ethniques et confessionnelles, facilement,
contrôlables. L'Irak et la Syrie en sont les prolégomènes. Il est, d'ailleurs,
surprenant que ledit «État islamique» se soit renforcé, depuis le début des
frappes de la coalition internationale, gagnant du terrain, en Syrie. Riyadh -
conjointement, avec le Qatar - a, de fait, joué un rôle prépondérant, dans la
tentative de renversement du régime syrien, par le recrutement et le
financement de Jihadistes, qu'elle estimait pouvoir manipuler. Ce que les
évènements ont démenti. Entre-temps a surgi «l'État islamique», qui avait
d'autres missions et objectifs, sous-traitant, pour ses commanditaires, [les
véritables maîtres d’œuvres], le démembrement du Moyen-Orient. Un dépècement,
auquel le Royaume wahhabite n'échappera pas. En fait, géant aux pieds d'argile,
l'Arabie saoudite - malgré ses prodigieuses dépenses en armement - incapable,
militairement, de se prendre en charge, joue, dans ce poker menteur, un jeu
dangereux, dont elle ne dispose pas de tous les atouts, qui, à terme, (déja?),
se retournera contre elle. Les attentats et le chaos promis par DAECH n'en sont
que les prémices.
Karim Mohsen
Déchéance des Arabes du Golfe
La guerre saoudo-américaine contre le Yémen dure maintenant depuis plus de 4 mois. Elle a causé plus de 4.000 morts, dont 3.000 causés directement par les bombardements terroristes de la coalition arabe contre le Yémen, on dénombre 20.000 blessés et près de 1,3 millions de déplacés, 6,5 millions de personnes immédiatement menacées par la famine, tandis que 13 millions – soit la moitié de la population – sont privés d’accès aux moyens de subsistance les plus basiques et réduit à une lutte permanente pour glaner leur pain quotidien.
Selon un
récent rapport d’Oxfam :
Le Yémen est une cocotte-minute qui a atteint son point critique avant
explosion. Attaqués depuis les airs et au sol, et assiégés par la terre, par la
mer et par les airs, les Yéménites sont dans une situation de dénuement
désespérée et n’ont nulle part où aller. […] Des milliers de personnes sont
menacées de mort et de détresse en raison des effets secondaires de ce conflit
comme la faim, la malnutrition et la maladie. Pour éviter que le Yémen bascule
dans le gouffre, la communauté internationale doit de toute urgence lever les
restrictions sur les importations et implémenter un cessez-le-feu permanent qui
facilite le mouvement sécurisé des marchandises à travers le pays. […] Même
pour le Yémen, un pays où l’insécurité alimentaire est chronique, c’est le
nombre le plus élevé jamais enregistré de personnes vivant dans la faim. Quatre
mois de frappes aériennes intenses, de bombardements, de combats au sol et de
restrictions sur les importations imposées par la coalition dirigée par
l’Arabie saoudite ont mis le pays en ruines. Un manque cruel de nourriture
affame le peuple et provoque une augmentation des niveaux de malnutrition, en
particulier chez les femmes et les enfants, et met des centaines de milliers de
vies en danger. […] Nuha Al Saïdi, vice-directrice du programme d’Oxfam et
résidente de la capitale Sanaa, déclare : ‘Même si nous survivons aux bombes,
nous sommes à court de nourriture.’ La violence, les restrictions sur les
importations et le coût du carburant ont pour conséquence que les quelques
provisions limitées que l’on peut encore trouver ne sont disponibles que de
façon sporadique, et à des prix qui ont subi une inflation extraordinaire. Les
hausses de prix ont rendu les biens alimentaires de première nécessité, le
carburant et les médicaments hors de portée pour des familles à court d’argent,
dont la plupart n’ont pas eu de revenus réguliers depuis des mois. Un manque de
nourriture sur le marché, les prix élevés, les difficultés d’accès aux marchés,
et un manque de revenus ont contribué à une augmentation rapide du nombre de
yéménites souffrant de la faim. […]
Les familles fuyant la violence constituent une pression supplémentaire sur
les communautés qui les accueillent à présent, car elles arrivent les mains
vides et ces communautés partagent le peu qu’elles ont. […]
L’UNICEF annonce que le taux de malnutrition
infantile a dépassé le stade critique. L’eau potable manque
cruellement, et des maladies infectieuses curables
se propagent et font des centaines de victimes faute de médicaments. Le manque de carburant, de gaz et
d’électricité peut à lui seul déclencher à nouveau un véritable
désastre. Faudra-t-il attendre qu’on commence vraiment à parler de génocide? La détresse du
peuple yéménite dépasse tout ce que peuvent exprimer les mots et les égrenages
de statistiques, et même les photos les plus déchirantes
ne pourront qu’imparfaitement contribuer à en mieux représenter l’horreur.
Le rapport
d’Oxfam a été relayé par la presse britannique et américaine, et ces images
sont tellement insoutenables que malgré l’embargo médiatique occidental, elles
ont pu se frayer un chemin jusqu’au Daily Mail, un quotidien
britannique sensationnaliste et voyeuriste. Mais le public français a été
épargné d’un tel spectacle, ce rapport n’ayant eu aucun écho dans nos médias
qui gardent un silence pudique sur la crise humanitaire au Yémen. Il est vrai
que l’agression saoudienne bénéficie d’un soutien total des États-Unis et de
la Grande-Bretagne, et qu’elle
se fait notamment avec des armes françaises, qui jouent actuellement un rôle majeur à Aden –
celles-là mêmes qui, comme devait censément le montrer la saga des Mistral, ne seraient jamais
livrées à des parties belliqueuses.
Bien que
nombre de pays du Moyen-Orient soient déchirés par des conflits sanglants et
sans précédent depuis des années, qui continuent à faire les titres de
l’actualité, le Yémen se distingue déjà du fait de la grande vulnérabilité de
sa société, qui comptait parmi les plus pauvres au monde et dépendait presque
totalement de l’extérieur. De plus, sa situation géographique le met à la merci
du blocus naval impitoyable
qui lui est imposé, et empêche la population de rejoindre les millions de réfugiés
qui ont fui la dévastation de leur pays par des hordes terroristes sanguinaires
soutenues en sous-main par ceux-là même qui, dans leur rage et leur dépit,
déchaînent aujourd’hui ouvertement leurs ressources colossales pour anéantir le
plus faible des pays arabes, sans la moindre ligne rouge – même les trêves sont
systématiquement violées par de nouvelles frappes aériennes dès leur
implémentation. La coalition saoudo-américaine assiste également Daech et
al-Qaïda au Yémen, collaborant étroitement avec eux. Et pourtant, malgré cette
disparité extrême entre les forces en présence, le Yémen résiste héroïquement
et s’annonce comme un nouveau Leningrad pour l’agresseur
saoudien.
Depuis le
début de la guerre, Abdel-Malik al-Houthi, le chef de la Résistance yéménite,
dénonce avec la plus grande véhémence la Trinité du Mal, composée des
États-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite, la corne de Satan qui s’est
entièrement assujettie à leurs intérêts. Il la décrit comme leur bras armé dans
la région, au service desquels elle a enfanté le monstre Daech, et insiste sur
les crimes atroces qu’elle perpètre contre le peuple yéménite. Mais ce qui est
le plus notable dans son dernier discours est la
mention récurrente qu’il a fait de la Palestine, de la souffrance du peuple
palestinien et de la lutte contre Israël, qui reste selon lui la cause centrale
du peuple yéménite malgré la situation dramatique et sans précédent dans
laquelle il se trouve.
En effet, le
10 juillet 2015, à l’occasion de la Journée internationale d’Al-Quds
(Jérusalem), commémorée chaque dernier vendredi du mois de Ramadan en
solidarité avec le peuple palestinien, des dizaines, voire des centaines de
milliers de Yéménites ont pris part à ces manifestations pour exprimer leur
attachement indéfectible à la cause palestinienne. Et ce malgré le fait que la
trêve humanitaire, décrétée par les Nations Unies pour les dix derniers jours
du mois sacré de Ramadan, et ce après plus de 100 jours d’une agression impitoyable
et sans précédent contre le Yémen, était violée quotidiennement par l’Arabie
saoudite.
A l’occasion
de son discours commémorant cette journée, Hassan Nasrallah, le Secrétaire
général du Hezbollah, a évoqué les millions de personnes sorties massivement dans
les rues du monde entier pour manifester leur soutien à la cause palestinienne
(en Iran, en Irak, en Syrie, en Jordanie, en Arabie saoudite même, en Tunisie,
en Mauritanie, au Soudan, en Palestine, en Turquie, au Pakistan, et plus
modestement dans d’autres villes occidentales et européennes, jusqu’à la place
du Trocadéro à Paris, où siège le gouvernement le plus pro-sioniste au monde),
mais il a rendu tout particulièrement hommage au peuple yéménite en ces termes
:
« Permettez-moi de m’arrêter tout particulièrement sur deux manifestations,
deux commémorations : la première au Yémen, où ces chers et nobles (frères)
sont sortis dans les rues de Sanaa, manifestant pour la Palestine et pour
Al-Qods, et ce malgré la poursuite de l’agression saoudo-américaine contre leur
pays, leurs villes et leurs villages, et absolument tout ce qu’ils possèdent en
fait d’être vivants et de pierres (inanimées). Malgré les frappes continues
jusque sur Sanaa même, contre l’intérieur de Sanaa et la banlieue de Sanaa, des
dizaines de milliers de personnes – pour ne pas dire des centaines de milliers
– sont sorties et ont manifesté pour Al-Qods, pour la Palestine, pour Gaza et
pour le peuple palestinien.
Bien sûr, sur le plan psychologique, nous comprenons très bien cela. Le
peuple yéménite a le sentiment que le monde entier l’a abandonné, car le monde
arabe et le monde islamique l’ont abandonné. Le monde ne s’est pas divisé entre
soutiens à la guerre et opposants à celle-ci, mais entre les soutiens à
l’agression contre le Yémen et ceux qui se taisent à son sujet. Et peu nombreux
sont ceux qui s’opposent à cette guerre.
Malgré cela, malgré cette réalité douloureuse, consternante et honteuse, le
peuple yéménite n’a pas été amené à déclarer qu’il n’en avait rien à faire de
la Palestine, d’Al-Qods, de Gaza ou du peuple palestinien. Cela mérite le
respect et l’hommage, et, en vérité – je ne trouve pas de mots assez forts – la
glorification et l’exaltation, l’admiration et la vénération face à la volonté
du peuple yéménite, à son éveil et à sa résistance, ainsi qu’à la sincérité de
ce peuple qui a confirmé aujourd’hui son attachement de principe, politique,
combattant et moral à la cause de la Palestine.
Et le deuxième endroit que je tiens à évoquer est le Bahreïn. Car ce qui
unit le Bahreïn et le Yémen, c’est l’abandon. L’abandon du monde arabe et
islamique, et du monde entier.
Pour d’autres pays du monde, où on trouve des oppositions, des groupes
armés, des révolutions populaires – appelez-les comme vous voulez – on trouve
des pays extraordinaires, qui les soutiennent financièrement, en armes,
médiatiquement, ils organisent pour eux des conférences internationales, des
sessions au Conseil de sécurité, et des mouvements régionaux et internationaux
considérables. Mais pour le Bahreïn et le Yémen, il en va tout autrement. Ces
deux pays sont victimes d’une injustice et d’une oppression toutes
particulières, et c’est pourquoi je les ai distingués tout particulièrement.»
Cet hommage
rendu au Yémen par le Hezbollah libanais, qui, de 1982 à 2000, et à nouveau
durant l’été 2006, s’est trouvé dans une situation de dévastation et d’abandon
similaire – rappelons qu’en 1982, l’invasion du Liban par Israël avait été
éclipsée dans l’actualité du monde arabe par la Coupe du monde de football, ce
qu’a déjà maintes fois dénoncé Hassan Nasrallah
–, et constitue le premier rang de la lutte contre Israël, souligne le
caractère exceptionnel de l’engagement du peuple yéménite pour la cause
palestinienne, et sa grande lucidité dans la lecture des événements qui se
produisent dans la région. Hassan Nasrallah avait déjà souligné qu’en2011-2012,
le Yémen avait massivement manifesté en solidarité avec la Syrie pour dénoncer
la guerre terroriste internationale qui lui était livrée, alors que le monde
arabe était encore plongé dans l’aveuglement et la torpeur. Et selon
Abdel-Malik al-Houthi, cet acharnement américano-israélo-saoudien est bel et
bien dû à cet éveil remarquable du peuple yéménite, et à sa volonté
d’indépendance et de réalignement sur la cause des peuples arabes, à l’exemple
de l’Iran et en opposition flagrante avec le projet d’inféodation et de
collaborationnisme saoudien
«Prétendre (la réalité de cette influence iranienne) n’est qu’une tentative
d’égarement : le régime saoudien essaie de tromper les peuples de la région.
Celui qui manifeste de l’hostilité à Israël, ils le décrivent en disant que
c’est un Iranien (hostile) ; celui qui apporte un soutien total à la Résistance
palestinienne et libanaise dans leur lutte contre Israël, ils disent que c’est
un Iranien. Ils essaient ainsi de duper et de museler tout le monde, et de
créer de nouveaux équilibres dans les causes stratégiques de la région de sorte
que la normalisation des relations avec Israël et la collaboration avec Israël
deviennent le cœur de l’identité arabe, que cela devienne une défense de la
sécurité nationale arabe. Ils veulent que la lutte contre Israël et contre la
domination israélienne, et que la solidarité avec le peuple palestinien, le
sentiment de responsabilité à l’égard de la mosquée d’Al-Aqsa (à Jérusalem) et
des lieux saints en Palestine deviennent une cause iranienne, et estiment que
quiconque construit sa politique dans cette direction doit être ciblé et accusé
par tous comme étant sorti de l’arabisme. Est-ce que l’arabisme signifie le
collaborationnisme, l’humiliation, la dégénérescence, la reddition, la
soumission à Israël? L’assimilation aux régimes qui collaborent avec Israël?
Cette distorsion ne vous profitera en rien, absolument rien, car votre
collaboration avec Israël est révélée aux yeux de tous. Vous êtes clairement
devenus (israéliens), vous le régime saoudien et les instruments takfiris
(Daech et al-Qaïda), votre identité s’est révélée comme sioniste et votre
serment d’allégeance est clairement pour Israël. […]
L’une des causes principales de ce rôle néfaste et ce ciblage de notre
noble peuple yéménite est ce qui est connu de ce digne peuple, à savoir ses
valeurs, son éthique, ses principes, et son engagement majeur et actif avec les
peuples arabes en direction de la Palestine et de la cause palestinienne, ainsi
que dans le sens d’une hostilité marquée pour Israël. Lorsqu’une prise de
conscience croissante s’est révélée au sein de notre peuple yéménite, et
lorsque son niveau d’engagement et de réactivité s’est grandement développé au
sein des marches et des manifestations de solidarité, au point qu’en ce premier
anniversaire de l’agression contre Gaza, nous pouvons nous souvenir des
manifestations de très grande ampleur au Yémen tout au long de la guerre contre
Gaza, à un point inégalé par tout autre pays arabe, des manifestations énormes,
spectaculaires, avec une très grande réaction de notre peuple, au point qu’en vérité,
des centaines de milliers d’entre notre peuple yéménite désirent, espèrent et
aspirent à pouvoir être côte à côte avec la Résistance en Palestine et la
Résistance au Liban pour combattre directement l’ennemi israélien. Tel est le
peuple yéménite, au sujet duquel on peut dire avec certitude que c’est le
peuple arabe le plus engagé pour la cause palestinienne, celui qui fait le
preuve de plus de solidarité et de compassion avec elle, humainement et
moralement, mais il est malheureusement très pauvre au niveau financier à cause
de la politique d’appauvrissement et de ciblage dont ce peuple est victime
depuis des décennies. De même, ce peuple a toujours été soumis à la guerre, à
une guerre de très grande ampleur, et on assiste à l’intensification de la violence
de l’agression et du ciblage contre lui, à un point qui a encore augmenté son
éveil et sa conscience, ainsi que son engagement pour cette cause majeure.»
Suite aux
événements qui ont secoué le monde arabe depuis son prétendu Printemps des
peuples en 2011, le plus grand danger qui menace la cause palestinienne est
bien que chaque gouvernement, chaque peuple, chaque pays arabe (et jusqu’à
l’opinion publique internationale), pris dans leurs propres crises et luttes
internes, mettent de côté la question d’Israël, de la Palestine et du projet de
domination américano-israélien dans la région, dont Daech n’est que le dernier
avatar. Sayed Ali Khamenei et Hassan Nasrallah n’ont eu
de cesse de le rappeler, et Abdel-Malik al Houthi, et avec lui le peuple
yéménite dans sa majorité, se sont clairement rangés à leurs vues. Bien plus,
comme l’a souligné le chef de la Résistance yéménite, la barbarie saoudienne
éclipse même les crimes israéliens à Gaza, ce qui constitue le comble de
l’infamie et une trahison peut-être plus grande encore que celle de Sadate :
«Ils n’ont aucune humanité en eux, aucun honneur, pas de morale, pas
de valeurs. Ils n’ont aucune qualité (humaine). Ce sont des monstres à tous les
sens du terme. Qui commet de tels crimes? Qui cible jusqu’aux marchés, jusqu’à
la foule des gens dans les marchés dans toutes les provinces, ici et là, tant
au nord qu’au sud? A travers tous ces crimes, ils révèlent leur monstruosité :
ils n’ont aucune humanité, ni aucune des valeurs que les hommes respectent même
durant les guerres. Ils n’ont aucune telle conception. Pour eux, celui qui a de
l’argent peut faire tout ce qu’il veut, sans aucune limite, et il distribuera
l’argent ici et là, tant pour le Conseil des droits de l’homme, tant pour les
Nations Unies, pour tel et tel pays, et son agression sera couverte et légitimée,
et il n’aura aucun problème. […]
L’emprise israélienne démoniaque sur le régime saoudien est parvenue à
entrainer cette folie furieuse saoudienne dans son agression contre le Yémen,
cette terreur, cette barbarie dans la perpétration des crimes les plus atroces
et les plus odieux contre le peuple yéménite digne, musulman et arabe.
L’emprise israélienne démoniaque sur le régime saoudien est reflétée dans ce
que perpètre ce régime en fait de crimes horribles et inqualifiables qui font
affront à l’humanité elle-même, des crimes qui n’ont pas d’exemple dans la
région. Et on peut même dire qu’Israël est parvenu à pousser le régime saoudien
à faire pire encore que ce qu’il avait fait lui-même de sorte que ce régime
apparait dans la conscience mondiale comme le pire de tous, le plus grand, le
plus odieux et le plus atroce criminel, le plus tyrannique dans son agression.
Israël a réussi à faire cela, de même qu’il a réussi à pousser tous les
takfiris dans cette direction.»
Encore une
fois, Sayed Ali Khamenei et Hassan Nasrallah ont également souligné cet
exploit de l’Arabie Saoudite surpassant les massacres israéliens à Gaza, un
fait exceptionnel étant donnée leur hostilité foncière et indépassable envers
Israël, l’ennemi ultime. Mais ils
ont prédit une défaite humiliante pour l’agresseur, voire même la chute du régime saoudien.
En effet, aux slogans «Mort à Israël» et «Mort à l’Amérique»,traditionnels au
sein de la rue yéménite, s’est en effet surajouté «Mort à la Maison des Saoud»,
un développement sans précédent qui se révèle comme le préliminaire
indispensable, la condition nécessaire à la fin de l’hégémonie Usraélienne au
Moyen-Orient, ce à quoi appelait déjà Nasser. Et
c’est effectivement un horizon qui se dessine de plus en plus clairement aux
yeux de tous.
Depuis
l’implication directe du Hezbollah en Syrie aux côtés de l’Armée arabe
syrienne, Hassan Nasrallah a souvent expliqué que selon la vision du Hezbollah
– une vision confirmée par tous les développements récents –, la lutte contre
Israël et pour la libération de la Palestine et d’Al-Qods passait
nécessairement par la Syrie, «par le Qalamoun, par Zabadani, par Homs, par
Alep, par Dera’a, par Sweida, par Al-Hassaka. Car si la Syrie tombe, la
Palestine tombe aussi et Al-Qods sera perdue», comme il a pu le rappeler dans son
discours du 10 juillet. Mais concernant le Yémen, il a également ajouté ceci
:
«La voie (de la libération) d’Al-Qods passe également par le Yémen. Il est
impératif que cesse l’agression saoudo-américaine contre le Yémen, dont nous
renouvelons notre condamnation et notre dénonciation véhémente. Et au
Hezbollah, nous nous rapprochons de Dieu le Très-Haut à toute heure, à tout
instant et à toute occasion en déclarant ouvertement, haut et clair, notre
condamnation de cette agression barbare, inconséquente et inhumaine contre le
Yémen et le peuple du Yémen de la part de l’Arabie saoudite et ceux qui la
soutiennent. L’agression perdure depuis 107 jours. Quel en est le résultat?
Échec sur échec. Je ne veux pas être long, je jeûne et vous aussi, mais vous
connaissez le dossier et nous en avons déjà parlé par le passé : énoncez-moi
donc les objectifs de l’opération Tempête décisive, mes chers, et montrez-moi
ceux que vous avez accomplis. Et énoncez-moi donc les objectifs de l’opération
Restauration de l’espoir, mes bien-aimés, et montrez-moi ceux que vous avez
accomplis. Vous ne trouverez que l’échec s’ajoutant à l’échec. N’est-il pas
temps pour l’Arabie Saoudite – pour le régime saoudien – de réaliser que sa
guerre est sans espoir? Et qu’il est incapable de briser la volonté du peuple
yéménite? Et que l’espoir qu’il fonde sur ses groupes armés à l’intérieur du
Yémen n’a d’autre résultat que d’augmenter les tueries? Et que la poursuite de
ses frappes aériennes ne brisera pas la volonté de ce peuple résolu à obtenir
son indépendance, sa liberté et sa souveraineté, ainsi qu’une vie noble et
digne? Voyez donc les manifestations de Sanaa aujourd’hui, vous les avez vues
et vous avez entendu ses slogans. Après 107 jours de massacres ! Cent sept
jours de bombardements qui n’ont absolument rien épargné : hôpitaux, villes –
même pendant le mois de Ramadan – marchés… Ils voient bien que c’est un marché,
ce n’est pas une erreur, ce n’est pas parce que quelqu’un a placé une Katioucha
dans ce marché, ce n’est qu’un simple marché, au cœur du Yémen, d’où une
roquette ne peut pas être lancée sur le territoire saoudien, ils viennent le
bombarder, et des dizaines de martyrs tombent quotidiennement. Mais ce peuple
est descendu dans la rue aujourd’hui, et il a annoncé sa position, il a révélé
sa détermination.
Il apparaît, mes frères et sœurs, que la guerre saoudienne n’a plus
d’objectifs. Elle n’a plus d’objectifs politiques et son seul objectif restant
est la vengeance contre le Yémen et le peuple du Yémen. Ce qui se passe
aujourd’hui au Yémen n’est pas une opération militaire, car où donc pourrait
intervenir l’armée (de terre) saoudienne? Elle doit défendre ses
postes-frontière. Je n’ai pas retenu tous leurs noms, mais on entend chaque
jour que les Yéménites ont pris les poste-frontière, que les Saoudiens ont
déserté leurs postes, puis que les Yéménites se sont retirés car ils ont besoin
de défense anti-aérienne pour garder ces positions, et que les avions saoudiens
viennent les bombarder, et donc c’est leur force aérienne qui doit intervenir.
Mais de toute façon, n’importe quel pays qui possède des avions peut faire une
telle chose, bombarder, détruire, perpétrer des massacres… Que votre armée soit
d’abord capable de garder ses postes-frontière, et après, on verra si vous êtes
capables ou pas d’entrer dans le territoire du Yémen. Ce n’est ni une opération
militaire, ni une opération politique. Nous sommes face à une opération de
vengeance : ‘Vous, le peuple yéménite, vous avez cessé d’obéir au maitre (car
les Saoudiens se considèrent comme les maitres), vous avez cessé d’être les
esclaves du Seigneur saoudien, vous voulez être les maitres de vous-mêmes, mais
ce n’est pas autorisé dans cette région, il n’est pas permis que le peuple
yéménite soit ainsi, donc très bien, payez le prix de votre choix.’ Quel est le
prix? Les bombardements, les destructions, les massacres, l’écrasement, etc. Il
n’y a pas d’autre voie. Voilà ce qui se passe.
Quoi qu’il en soit, l’Arabie saoudite doit cesser, et le monde doit l’aider
à descendre de l’arbre (sur lequel elle s’est juchée), à descendre de son
perchoir. L’agressé qui se défend, et qui a fait le choix de défendre sa
dignité, sa famille, sa souveraineté et sa liberté n’a pas d’autre choix que de
continuer à se défendre, aussi longtemps que puisse durer la guerre. Quant à
l’agresseur, c’est à lui de revoir ses choix. Et j’estime l’Arabie Saoudite a
commencé à revoir ses choix.»
Jour après
jour, le peuple yéménite révèle sa détermination à défendre son indépendance et
ses principes, et son rejet de toute reddition face à l’agression
américano-saoudienne, quels que soient les sacrifices. Le Yémen semble
clairement engagé dans la voie de la Résistance islamique libanaise, tant du
point de vue de son attachement indéfectible à la cause palestinienne que par
ses victoires historiques – passées et à venir. De même, l’opinion publique
arabo-musulmane s’éveille de plus en plus à la réalité du projet takfiri dans
la région et à la collusion des forces de l’impérialisme, et l’écran de fumée
qui recouvrait l’identité véritable de l’Arabie saoudite, parée de son titre
trompeur de berceau de l’islam et de garant de ses lieux saints, s’estompe
irrémédiablement. L’aura saoudienne ne peut que diminuer à l’avenir, tandis que
celle de l’Axe de la Résistance ne fait que croître.
Le Yémen offre aujourd’hui un exemple de courage et de
lucidité au monde entier, et sa lutte héroïque et tragique pour son
indépendance, malgré l’abandon honteux de l’ensemble du monde – à l’exception
de l’Iran et du Hezbollah –, fait honneur au monde arabe par son exemple, à
l’exemple de la lutte du peuple palestinien.
Sayed
Hasan