Pour fêter la nouvelle année, la Sinistre Arabie a décapité une cinquantaine d'opposants, dont un éminent religieux chiite, Nimr al-Nimr. Quelques heures plus tard, des manifestants iraniens
ont mis le feu à l'ambassade saoudienne à Téhéran. Le gouvernement saoudien,
qui se prétend le gardien de l'islam sunnite, a immédiatement rompu ses
relations diplomatiques avec l'Iran, république islamique chiite.
Les Émirats croupions du Golfe Persique ont suivi leur parrain saoudien. L'Occident n'a pas moufté, car, dès qu'il s'agit de pétrole et de pétrodollars, les droits de l'homme et autres balivernes démocratiques passent à la trappe.
Pour expliquer ce qui se passe au Moyen-Orient, il ne suffit pas de se
référer aux différends entre l'islam sunnite et chiite, qui datent d’il y a 1.383
ans.
Il est utile de s'arrêter un peu sur les différences qui
séparent sunnites (environ 80% des musulmans dans le monde) et chiites
(environ 15%). À la mort du prophète Mahomet, en 632, les musulmans se divisent
autour de sa succession. La majorité des croyants, les sunnites, se sont rangés
derrière Abou Bakr, compagnon de Mahomet. Les autres, les chiites, suivent Ali,
le gendre et compagnon du prophète.
·
Pour les
sunnites, le chef de la communauté musulmane est le calife, un homme "élu" par la
communauté des fidèles et seulement doté de compétences politiques. Les chiites
accordent davantage d'importance à leurs dirigeants religieux: ils considèrent
que les imams sont des guides qui ont accès au sens caché du message divin.
·
Les sunnites
prennent exemple sur la "sunna" (gestes et paroles du prophète) et
développent l’idée que le croyant doit rester fidèle à la loi immuable, ce qui
laisse moins de place à l’interprétation. Pour les chiites en revanche, le
Coran est une œuvre humaine, ils accordent plus d'importance à la liberté
individuelle.
·
Selon les
sunnites, le cycle de la prophétie est clos, tandis que les chiites attendent
et préparent l'arrivée sur terre du "douzième imam". "Cette
attente, qui implique souvent chez les chiites un rejet de l'ordre actuel et la
préparation de l'arrivée du Mahdi, est un facteur de déstabilisation",
écrit L'Internaute.
Mais dans la mesure où, à notre avis, la crise actuelle a peu à voir
avec la religion, il est important de savoir qui contrôle aujourd’hui, et qui
va contrôler demain, les gisements de pétrole et de gaz de la région.
Beaucoup d’articles ont déjà abordé les conflits
concernant les tracés des futurs gazoducs et oléoducs de la région, dont le nœud
gordien est la Syrie. Nous n’abordons pas ce sujet ici.
Un autre aspect, encore plus important, peut expliquer
la persistance des conflits au Moyen-Orient. La carte ci-dessous, créée par M. Izady, professeur de
cartographe des écoles des opérations spéciales US Air Force, y apporte un
éclairage fascinant.
La carte ci-dessus montre les populations religieuses au
Moyen-Orient et les réserves prouvées de pétrole et de gaz.
- Les espaces verts
sombres sont à majorité chiite;
- Les espaces vert clair sont majoritairement sunnites;
- Les espaces en violet
sont principalement wahhabites / salafistes, la branche la plus réactionnaire du sunnisme,
celle de L’État Islamique, d’Al-Qaïda, et de tous les rois et émirs de la
région.
- Les zones noires et rouges représentent, respectivement, les gisements de pétrole et de
gaz.
Cette carte montre une forte corrélation
entre la répartition religieuse de la région et la décomposition anaérobie du
plancton : presque tous les combustibles fossiles du Golfe Persique sont
situés dans les zones chiites. Cela est vrai même en Arabie saoudite sunnite,
où les principaux champs de pétrole sont dans la Province de l'Est, qui a une population
à majorité chiite. En conséquence, l'une des peurs paniques des rois fainéants
saoudiens est qu'un jour les chiites saoudiens fassent sécession, et, avec leur
pétrole, s’allient à l'Iran chiite. Le cheikh Nimr avait lui-même déclaré
en 2009 que les chiites saoudiens appelleraient à la sécession si le
gouvernement saoudien continue à les traiter comme des sous-hommes, c’est pour
cela qu’il a été décapité.
Cette crainte n'a fait que croître depuis l’invasion américaine de l'Irak en 2003, qui a
eu pour conséquence néfaste pour les Saoudiens, d’ôter le pouvoir à la minorité sunnite du régime de Saddam Hussein. Le pouvoir est maintenant
aux mains de la majorité chiite pro-iranienne.
Comme le démontre la carte de façon frappante,
la quasi-totalité de la richesse pétrolière saoudienne est situé dans une petite
enclave de son territoire, dont les occupants sont à majorité chiite. (Nimr,
par exemple, a vécu dans Awamiyya, au cœur de la région de l'Arabie du pétrole
juste au nord-ouest de Bahreïn.).
Si cette enclave de l'Est de l'Arabie
saoudite venait à se détacher, il ne resterait plus aux vieillards et cacochymes
que sont les émirs saoudiens, pour se consoler, que du colorant pour leur barbe et du viagra
pour « honorer » leurs innombrables esclaves sexuelles.
L'exécution de Nimr peut donc être expliquée, en
partie, par le désespoir des Saoudiens de ne pouvoir éradiquer les velléités
séparatistes des chiites du pays.
Le même désespoir explique pourquoi l'Arabie saoudite a
écrasé dans l’œuf la version bahreïnie du printemps arabe en 2011.
Bien sûr, il est trop simple de dire que tout ce qui
se passe entre les Saoudiens et les Iraniens peut être expliqué par le contrôle de l'énergie fossile.
Le dédain, voire la haine pour les chiites semblent faire partie de l'ADN du wahhabisme saoudien, la
version la plus sectaire et la plus belligérante de
l'Islam. En 1802, 136 ans avant la découverte du pétrole en Arabie Saoudite,
les prédécesseurs idéologiques de L’État saoudien avaient commis les mêmes exactions que commettent aujourd'hui leurs amis et protégés, les mercenaires de l’État Islamique. Kerbala, la
ville sainte des chiites, située en Irak, a été pillée et détruite. Les
assaillants ont massacré des milliers d'innocents et pillé la tombe de Hussein fils d'Ali et petit fils du prophète Mahomet,
l'une des figures les plus importantes de l'islam chiite.
Sans les combustibles fossiles, cependant, ce
sectarisme envers les chiites serait aujourd'hui probablement moins violent et agressif. Et
il serait certainement moins bien financé.
Winston Churchill avait déclaré, à propos du pétrole d'Iran - que le Royaume-Uni pillait alors sans vergogne - que c'était "un cadeau féerique ( aux Britanniques) qui va au-delà nos meilleurs rêves."
Winston Churchill avait déclaré, à propos du pétrole d'Iran - que le Royaume-Uni pillait alors sans vergogne - que c'était "un cadeau féerique ( aux Britanniques) qui va au-delà nos meilleurs rêves."
Churchill avait raison, mais ne savait pas que ce genre de trésors de fées cache souvent une terrible
malédiction. Tant que le gaz et le pétrole aiguiseront les appétits insatiables de l'Occident, cette malédiction continuera à s'abattre sur le Moyen-Orient. Et cela continuera jusqu'à l'épuisement des énergies fossiles et humaines.
Hannibal GENSERIC