Jusqu’à
présent, j’ai globalement essayé d’ignorer la course à la présidence
des États-Unis. C’est une diversion qui empêche de faire des choses soit
agréables soit utiles. Cette élection n’est ni l’une ni l’autre. Je
n’ai pas toujours essayé d’ignorer totalement ces torrents de non-sens
qui éclatent tous les quatre ans comme un égout jaillissant, mais, en
général, je ne me suis jamais intéressé à l’issue, parce que dans tous
les cas sauf un, j’ai véritablement détesté tous les candidats. Jimmy
Carter est le seul dont j’aurai voulu serrer la main. Je n’aurais pas
voulu respirer le même air que tous les autres, tous des mécréants aux
cerveaux détraqués qui ont laissé une traînée visqueuse à la Maison
Blanche.
Si je comprends bien, la façon dont ce système est censé fonctionner est
la suivante. Il n’y a qu’une solide et bonne raison de voter pour le
candidat Démocrate : ne pas voir passer les Républicains, qui sont bien
pires que les Démocrates. Et il n’y a qu’une solide et bonne raison de
voter pour le candidat Républicain : ne pas voir passer les Démocrates,
qui sont bien pires que les Républicains. Maintenant, vous pouvez vous
demander comment il est possible pour les deux partis d’être pire que
l’autre en même temps. Eh bien, vous avez raison, c’est impossible. De
toute évidence, ils deviennent pires à tour de rôle. Celui qui se
retrouve au Bureau Ovale ajoute un autre tour à la spirale descendante.
Cela semble être un solide et bon arrangement si le but est de
produire le gouvernement le plus pléthorique, corrompu, criminel,
belliciste, dorloteur de terroristes et en faillite que la Terre ait
jamais connu. Et c’est le cas en effet. Mais il a seulement un minuscule
défaut : amener les gens à voter pour vous en leur apprenant à détester
l’autre côté est efficace, mais c’est purement négatif. Pour introduire
un élément positif ambitieux, il est nécessaire d’une manière ou d’une autre
de faire que les gens sentent qu’il est possible d’apporter des
changements politiques en votant pour quelqu’un chez les Démocrates ou chez les Républicains. Bien sûr, c’est une pure absurdité, parce que les
seules personnes qui tirent les ficelles sont celles qui signent les
chèques, et vous ne votez pour aucune d’entre elles. Mais les gens ne
veulent pas croire qu’ils sont complètement impuissants, et les mêmes
personnes qui sont tombées dans le panneau en pensant qu’ils pourraient
apporter un changement en votant pour Obama sont maintenant en train de
retomber dedans en pensant qu’ils peuvent faire changer les choses en
votant pour Bernie Sanders. Non, vous ne pourrez jamais changer les
choses en votant pour le duopole Démocrate / Républicain. Oh, et vous ne
pourrez probablement jamais changer les choses non plus en votant
contre lui. Désolé, Jill Stein.
Voilà donc comment ça se passe, en général, la situation empirant à
chaque fois. Mais les choses ne peuvent tout simplement pas continuer à
aller de mal en pis pour toujours ; finalement, quelque chose doit
céder. À un certain moment, il faut en venir à une transition de phase
ou un point d’inflexion, ou une sorte de scénario d’effondrement
politique. Et cette année semble quelque peu atypique parce que la
qualité des candidats est si pauvre.
Du côté démocrate, nous avons Hillary, le lézard volant géant, mais
elle semble plutôt diminuée par à peu près tout ce qu’elle a
fait, certaines affaires étant si illégales qu’il sera difficile de
l’empêcher d’être mise en accusation avant l’élection. Elle semble
seulement populaire en ce sens que si elle était empaillée et montée sur
un podium, beaucoup de gens paieraient pour prendre leur tour et lui
lancer des tomates pourries. Et puis nous avons Bernie, le joueur de flûte
pour la foule des "je ne peux pas croire que je ne peux pas changer les
choses en votant". Il semble faire un bon travail sur ce plan-là, comme
si ce cela comptait vraiment.
Du côté Républicain, nous avons Donald et les Sept Nains. J’ai déjà écrit
que je considère Donald comme étant un mannequin digne d’être installé
en figure de proue au point d’être rebaptisé Trump Maison Blanche et
Casino
(il serait indigne de mentionner l’un des nains par son nom), mais
Donald a un problème : il dit parfois la vérité. Dans le plus récent
débat avec les nains, il a dit que Bush a menti pour justifier
l’invasion de l’Irak. Les candidats doivent mentir, comme vous
le savez, pour obtenir le poste. Et le problème quand on se met à dire
la vérité, c’est qu’il devient difficile de s’arrêter. Quel bout de
vérité va-t-il livrer la prochaine fois ? Que le 9/11 était un inside job ?
Qu’Oussama Ben Laden a travaillé pour la CIA, et que sa mort a été
truquée ? Que la bombe du marathon de Boston a été une mise en scène, et
que les deux garçons tchétchènes étaient des bouc-émissaires ? Que
l’armée américaine est un gaspillage d’argent et ne peut rien gagner ?
Que l’effondrement financier et économique des États-Unis est maintenant
inévitable ? Même s’il peut se retenir de laisser fuiter autre chose,
la confiance a été brisée : maintenant qu’il a laissé tomber la bombe T [Truth bomb ou bombe de la vérité, NdT], comment est-ce qu’on peut avoir confiance en lui pour mentir honnêtement comme il est censé le faire ?
Et
donc nous allons peut être avoir en spectacle Hillary, le lézard
volant, en route vers un pénitencier fédéral mais affrontant Donald le
bombardier volant. Ce serait amusant à regarder. Ou peut-être le lézard
va-t-il imploser dans l’isoloir, et nous aurons Bernie contre le
bombardier. Comme vieux bougre, et ne voulant pas être en reste, il
pourrait aussi faire balancer quelques bombes-T de son cru. Ce serait
amusant à regarder aussi.
Non pas que tout cela soit important, bien sûr, parce que la
trajectoire du pays est le fruit d’un ensemble. Et peu importe qui sera
élu, Bernie ou Donald, leur premier jour à la Maison Blanche servira à
leur montrer une courte vidéo pour leur expliquer ce qu’ils doivent
faire exactement pour éviter d’être assassiné.
Dmitry Orlov
Article original de Dmitry Orlov, publié le 16 Février 2016 sur le site ClubOrlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
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