Les déclinaisons d’Al-Qaïda. Sur les 9 déclinaisons d’Al-Qaïda (Ansar Bayt Al Maqdiss, dans la Péninsule du Sinaï, la Province du Pakistan, BOKO Haram du Nigeria, AQMI pour la zone sahélo saharienne, AQPA (Al-Qaïda pour la Péninsule Arabique), Ansar Al Chariah en Libye, les Shababs de Somalie (pour la Corne de l’Afrique), l’émirat du Caucase et Jabhat An Nosra, la filière syrienne d’Al-Qaïda, deux ont fait depuis lors allégeance à l’État Islamique: Wilayat Sinaï (Égypte) et Boko Haram (Afrique Occidentale anglaise).
Le Sinaï: Ansar Bayt Al Maqdiss
Le plus proche
idéologiquement et intellectuellement d’Al-Qaïda, la matrice de tous les
groupements djihadistes, par sa structure arachnéenne, Ansar Bayt Al Maqdiss
(Les partisans de Jérusalem) est un groupement djihadiste actif depuis 2001
dans la Péninsule du Sinaï.
Successivement
dirigé par Ashraf Ali Hassanein Gharabali (décédé), Ibrahim Mohammad Freg
(décédé) puis par Abou Oussama al-Masri, Ansar Bayt Al Madiss a prêté
allégeance à l’État Islamique qui le considère comme l’une de ses provinces, la
Province du Sinaï (Wilayat Sinaï). Le 31 octobre 2015, le groupe a revendiqué
le crash du vol Airbus A321 d’une compagnie russe dans la péninsule du Sinaï
qui coûta la vie à 224 passagers dont 7 membres d’équipage.
À son
lancement, le groupement dispose de petites unités pour l’enlèvement et
l’assassinat et de formations plus importantes de l’ordre de 200 combattants
équipées de mitrailleuses lourdes et de lances roquettes, pour des opérations
de plus grande envergure. Cette évolution qualitative et le fait d’échanges
d’expertise et de trafic d’armes, via les tunnels, avec son homologue de Gaza,
Jaych Al Islam. Les deux partenaires ont cherché à édifier dans un premier
temps l’Émirat de Cheikh Zouayed» au nom d’Ansar Al Chariah (les partisans d’Al
Chariah).
Le pillage de
l’arsenal libyen à la suite de la chute de Kadhafi a doté le groupement de
toutes sortes d’armes. Un nouveau leadership a été mis en place constitué de
trafiquants, notamment Chadi Al Marbahi et Salamah Abou Dina. En 2012 une
nouvelle force était à pied d’œuvre sous le nom d’ «Ansar Bayt Al Maqdiss».
À son
actif, les explosions de Taba, en 2004, revendiquées par les «Phalanges de
l’Unification Islamique» ainsi qu’en 2005 un attentat revendiqué, cette fois,
par les «Phalanges Abdallah Azzam». En Égypte même, il a revendiqué plusieurs
en 2013: l’attentat à la voiture piégée de Mansoura du 25 décembre 2013 contre
un bâtiment de la police dans le nord de l’Égypte, tuant 15 personnes, ainsi
que l’opération suicide du 5 septembre 2013 contre le convoi du ministre de
l’Intérieur à Nasr City au Caire.
Le 16 février
2014, le groupe a revendiqué l’attaque qui coûta la vie de quatre Sud-Coréens
et d’un Égyptien lors de l’explosion d’un bus à la frontière entre l’Égypte et
Israël (côté israélien).
La Province du Pakistan
La branche
pakistanaise d’Al-Qaïda constitue à la fois, le bouclier, le refuge et le
corridor de passage sécurisé des combattants et des correspondances entre les
diverses déclinaisons d’Al-Qaïda. De par sa structure et son organisation, Al-Qaïda-Pakistan
présente une configuration similaire à l’État Taliban en Afghanistan. Son
fonctionnement s’y apparente davantage qu’à une organisation clandestine et son
cloisonnement en cellules.
Boko Haram
Le plus en vue
des groupes terroristes «Boko Haram» porte un nom dont le sens résume ses
motivations premières. Le groupe de départ était constitué essentiellement
d’étudiants qui avaient quitté l’université plus tôt que prévu. Des talibans
d’Afrique en somme qui ont créé un sanctuaire à la frontière du Tchad, baptisé
«Afghanistan». De ce lieu, leur mouvement appelé «Boko Haram» («l’éducation
occidentale est un péché», en langue haoussa, celle qui domine dans le nord du
Nigeria) a organisé des attaques contre les «infidèles» et les représentants de
l’état fédéral.
Boko Haram,
officiellement appelé «Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad» (arabe: جماعة اهل السنة للدعوة والجهاد, «Groupe sunnite pour la prédication et le djihad»), est un
mouvement salafiste djihadiste du nord-est du Nigeria ayant pour objectif
d’appliquer la Charia dans l’ensemble du pays. Fondé par Mohammad Yusuf en 2002
à Maiduguri, le mouvement est classé comme organisation terroriste par le
Conseil de sécurité des Nations Unies et parfois qualifié de secte. Prônant un
islam radical et rigoriste, le mouvement a d’abord revendiqué une affiliation
aux talibans afghans, avant de s’associer aux thèses djihadistes d’Al-Qaïda et
de l’État islamique.
Le mouvement est
à l’origine de nombreux attentats et massacres à l’encontre de populations
civiles de toutes confessions, au Nigeria mais aussi au Cameroun. Son leader
actuel est Abubakar Shekau. Le 7 mars 2015, Boko Haram a prêté allégeance à
l’État islamique. Boko Haram a enlevé au moins 2 000 femmes et fillettes depuis
le début de 2014, dont le 14 avril 2014, 276 adolescentes du lycée de Chibok,
petite ville du nord-est du Nigeria. Amnesty affirme avoir listé 38 cas
d’enlèvement de masse commis par ce groupe islamiste. Selon Amnesty, Boko Haram
devrait être poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Plus
de 4.000 personnes ont été tuées par le groupe islamiste en 2014 et au moins 1
500 personnes ont été tuées au cours du premier trimestre 2015. Pour aller plus
loin sur ce sujet: http://www.renenaba.com/la-galaxie-terroriste-en-afrique/
AQMI
AQMI a été fondé
en 1998 par Hassan Hattab lors de la guerre civile algérienne, alors en
dissidence du Groupe islamique (GIA), lui-même fondé à partir des groupes de
l’insurrection islamiste de la décennie 1990. Composé au départ de 800
personnes il se démarque du GIA en élargissant la lutte à la scène africaine:
Mauritanie, Mali, Burkina Faso.
AQMI est le plus
ancien et le plus puissant groupe terroriste du Sahel est Al-Qaïda au Maghreb
islamique (Aqmi). Sous le commandement de Mokhtar Belmokhtar, un ancien de
l’Afghanistan, l’AQMI va s’implanter hors d’Algérie, dans les pays du Sahara et
du Sahel, principalement au Mali. Il est d’ailleurs l’un des principaux
artisans du ralliement des djihadistes algériens à Al-Qaïda qui aboutit à la
formation d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) en 2007.
En décembre
2012, en conflit avec les autres chefs d’AQMI, il crée son propre mouvement,
les «Signataires par le sang», dont la principale action est la prise d’otages
d’In Amenas, en Algérie, en janvier 2013. En août, son groupe fusionne avec le
MUJAO pour former Al-Mourabitoune dont il est désigné émir en juillet 2015. Il
rallie finalement de nouveau Al-Qaïda au Maghreb Islamique en décembre 2015.
Depuis mars
2013, AQMI est commandé par Djamel Okacha (son nom de guerre Yahia Abou El
Houmâm). Il porte le grade d’Émir.
Cette
organisation est divisée en plusieurs groupes armés (les katiba, quatre ou
cinq, selon les sources). On y trouve la katiba Al Fourqan, commandée
initialement par Djamel Okacha, aujourd’hui par le mauritano-Libyen Aderrahmane
(dit Talha). Une katiba à dominante arabe où l’on trouve aussi des Peuls et des
Songhaïs, La katiba Tarik Ibn Ziyad, commandée par l’Algérien Said, dit «Abou
Mouqatil». Et la katiba Al Ansar, composée de Touaregs, commandée par Hamada Ag
Hama (dit Abdelkrim Taleb). L’otage français Serge Lazarevic, enlevé avec
Philippe Verdon (mort en 2012) en novembre 2011 au Mali, était détenu par cette
unité. Cette katiba a également revendiqué la responsabilité de l’enlèvement et
l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les deux journalistes de RFI
tués le 2 novembre 2013.
En Juillet 2003,
Nabil Sahraoui (Ibrahim Moustapha) remplace Hassan Hattab à la tête du groupe.
À partir de 2004, les filières de recrutement pour la guerre en Irak se
multiplient, elles s’organisent jusqu’en Espagne et en France où des liens se
nouent avec la nébuleuse islamiste des jeunes franco-maghrébins.
Son dirigeant
actuel est Abdel Malek Droukdal. L’Emir d’AQMI qui ambitionne d’être le «Ben
laden du Maghreb», alias Abou Moussab Abdelwadoud, âgé d’une cinquantaine
d’années, est né à Meftah, dans la banlieue sud d’Alger. Licencié en chimie en
1994, il a rejoint le maquis la même année, matérialisant ainsi son engagement
au sein du Groupe islamique armé (GIA). Spécialiste des prises d’otages et des
exécutions de touristes occidentaux, il se propose un double objectif:
instaurer «un califat planétaire» et de «combattre les croisés». Sous sa
direction, ces djihadistes ont fait de la bande saharo-sahélienne, avec ses
frontières poreuses, une zone désertique difficile d’accès, leur zone
d’opération privilégiée. En raison de ses richesses naturelles (uranium,
pétrole, gaz), cette région désertique suscite la convoitise des pays
occidentaux, de la Chine et… des terroristes islamistes.
AQMI a
revendiqué le 16 janvier 2016 la responsabilité de l’attaque contre l’Hotel
Splendid d’Ouagadougou (Burkina Faso) faisant 20 morts. Cette attaque survient
près de deux mois après celle de l’hôtel Radisson Blu à Bamako, au Mali.
21 personnes avaient été tuées dans une prise d’otages revendiquée par le
même mouvement, Al-Mourabitoune, mené par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar.
Le mouvement de la jeunesse de Somalie «Shababs»
Le mouvement de
la jeunesse somalienne vise à étendre son action vers l’Éthiopie et le Kenya,
deux pays africains anglophones non musulmans de surcroît alliés d’Israël, dans
l’incapacité de l’Union Africaine de projeter des forces tous azimut sur le
continent. Les Shababs de Somalie fonctionnent sur la base d’un système
d’alliance tribale et ses unités combattantes sont plus importantes que les
formations similaires opérant en Afghanistan et au Pakistan. Loin d’être une
organisation clandestine constituée en cellules, les Shababs nourrissent le
projet d’exercer leur emprise sur la Corne de l’Afrique et, au delà, sur la
majeure partie du continent africain.
Le Yémen
Al-Qaïda dispose
du groupement Ansar Al Chariah qui s’est longtemps borné à assurer un rôle de
mobilisation de djihadistes et de leur transfèrement vers l’Afghanistan
(1980-1990), puis en Irak (2003-2009), avant de basculer dans le combat armé
avec, à titre d’exemple, l’attaque contre le destroyer américain US COLE, dans
le Golfe d’Aden.
À la faveur
de l’anarchie au Yémen et de l’effondrement des structures de l’État, la
branche yéménite a fusionné avec la branche saoudienne pour constituer «Al-Qaïda
Pour la Péninsule arabique» (AQPA) se déployant à Zinjibar et au Hadramaout,
secteur qui abrite d’importantes réserves pétrolières, débouchant sur le Golfe
d’Aden et la Mer Rouge.
Pour aller plus
loin sur les enjeux sous-jacents de la nouvelle guerre du Yémen: Cf. à ce
propos:
Le premier
dirigeant d’AQPA a été Nasser Al Wahchi (Abou Bassyr), l’ancien secrétaire
particulier d’Oussama Ben Laden, lui même originaire du Yémen, qui avait rang
de N°3 d’Al-Qaïda. Abou Bassyr a été tué en juillet 2014. Ancien de
l’Afghanistan, il avait participé à la bataille de Tora Bora avant de retourner
au Yémen où il a été incarcéré. Évadé de prison en 2006, il fonde la branche
yéménite d’Al-Qaïda en association avec Qassem Al Rimi, qui lui, avait fui
l’Arabie saoudite.
Comme Al Shabab
de Somalie, AQPA a développé un réseau d’alliances tribales. Sa politique
d’ancrage et d’expansion l’a conduit à se muer en prestataire de services pour
les nécessiteux pour suppléer la défaillance de l’État. Avant sa mort, Nasser
Al Wahchi avait fait allégeance à Da’ech. Les deux groupements djihadistes sont
désormais en compétition tant à Aden que dans le Hadramaout pour le contrôle du
territoire et des ressources énergétiques, à la faveur de l’agression pétro
monarchique conte le plus pauvre des pays arabes, lancée en Mars 2015, deux
mois après l’accession au trône du Roi Salmane.
Libye
La branche
libyenne est la plus complexe dans l’impossibilité de se doter d’une
organisation solide, davantage structurée selon une ventilation clanique à
soubassement régional:
- Katiba Al Chariah à Derna, dirigée par Soufiane Ben Qannou
- Katiba des Martyrs à Benghazi (Salem Al Barani)
- Ansar Al Chariah (Mouftah A Daoud)
- Takfir et Hijra (Anathème et Émigration): Hassan Al Hammar
- Groupement islamique de Derna: Abdel Basset Azouz)
La plupart ont
combattu en Afghanistan, notamment Abdel Hakim Belhadj, qui a été à l’avant
garde des combattants libyens pour l’Afghanistan. Toutefois, la Katiba Al
Chariah paraît la mieux organisée. Elle s’est dotée d’une réglementation
chargée de régir les activités des combattants, un organisme présidé par Ali Al
Zahawi, secondé par Nasser Al Torchane. Ce groupement dispose d’un département
pour la prédication et d’un autre pour les prestations de service et
l’assistance, ainsi que de deux sections à Syrte et à Ajdabia. Son responsable
pour le Sinai, Mohammad Imad Abou Ahmad, est chargé du transfert de armes de
Libye vers la péninsule égyptienne.
((NDLR: Dans une
déposition devant la commission des affaires étrangères et de la défense de
l’assemblée nationale française, le Général Didier Castres, adjoint du chef
d’Etat-Major pour les opérations extérieures de l’armée française, a décrit en
ces termes la situation en Libye: «La Libye constitue une proie idéale pour
Da’ech. C’est un pays sans état, infecté par le terrorisme djihadiste et riche
en ressources naturelles», rapporte l’hebdomadaire satirique «Le Canard
Enchaîné», dans son édition du 13 janvier 2016, précisant que «des avions
français et anglais survolent toujours la Libye pour effectuer des repérages de
cibles à bombarder. Comme Da’ech recrute et développe son implantation dans cet
immense pays, les cible sont de plus en plus nombreuses».
L’EMIRAT DU CAUCASE
Fondé par le
saoudien Tamer Saleh Al Soueylen, alias Khattab, en 1995, qui avait rallié les
Moujahhiddines en 1988, participant à la majorité des combats contre l’URSS.
Par la suite, il a été chargé par Oussama Ben Laden en personne de former les
combattants tchétchènes, turcs et tadjiks aux côtés de Djokhar Moussaïevitch
Doudaïev. Ancien général de l’armée de l’air soviétique d’origine tchétchène,
médaillé de l’ordre de Lénine, premier président de la République tchétchène
d’Itchkérie (1991-1996), Djokhar Doudaîev (décédé en 1996) sera l’agent de
liaison des séparatistes tchétchènes auprès d’Al-Qaïda.
Khattab quittera
l’Afghanistan pour la Tchétchénie en 1995 où il travaillera avec Chamil
Bassaief dans le domaine militaire, notamment lors de l’assaut de Grozny en
1996. Chamil Salmanovitch Bassaïev (décédé le 10 juillet 2006 en Ingouchie)
était le commandant d’un groupe d’indépendantistes tchétchènes, se revendiquant
comme djihadiste. Son groupe armé agissait en Russie, généralement dans le nord
du Caucase, principalement en Tchétchénie et a revendiqué de nombreuses actions
terroristes Toutefois l’émirat du Caucase, en raison de sa spécificité, a cherché
à prendre son autonomie par rapport à la stratégie planétaire d’Al-Qaïda en vue
de mener un combat pour l’indépendance de la Tchétchénie et l’édification d’un
état indépendant.
Al-Qaïda en
Tchétchénie a vu son extension limitée par le projet de l’Émirat du Caucase,
mais Al-Qaïda continuera de faire bénéficier les Tchétchènes de son expertise
et de sa logistique, alors qu’en contrepartie, l’Émirat de Caucase continuera
de fournir des combattants tchétchènes à Al-Qaïda pour ses divers théâtres
d’opération.
((NDLR:
L’hebdomadaire satirique «Le Canard Enchainé» chiffre à 4.000, dont la moitié
de nationalité russe, le nombre de combattants russophones ayant rejoint les
rangs de Da’ech)).
Jabhat An Nosra fi Bilad Al Sham (Le Front des Partisans au Levant)
La branche
syrienne d’Al-Qaïda a pris son envol avec le déclenchement du soulèvement
populaire en Syrie, en 2011, faisant sécession de l’État Islamique d’Irak,
lançant ses premières opérations sous le nom de Jabhat An Nosra quelques mois
après le début des troubles, en 2012.
Jabhat An Nosra
a emprunté à Al-Qaïda ses méthodes de combat et sa structure arachnéenne
notamment le recours aux attentats à la voiture piégée, l’attaque des bases
militaires et des édifices publics. Elle a signé son engagement sur le théâtre
des opérations en Syrie par une série de spectaculaires opérations:
- Attentat contre le siège de l’État-major à Damas, en Octobre 2012
- Attentat contre le siège des services de renseignements de l’armée de l’air à Harssel
- Attentat suicide au quartier Al Midane (Damas) et contre le siège de la télévision syrienne à Droucha, dans le sud de Damas
- Explosion de trois voitures piégées place Abdallah Al Jabri, à Alep, le 3 octobre 2012
- Attentat contre la direction de la sécurité pénale à Damas
- Élimination physique de 13 personnes passées par un peloton d’exécution Deir Ez Zorr le 22 Mai 2012, sans compter les attentats suicides à Homs, Damas, ainsi que l’attaque de la base aérienne d’Alep, la caserne Hanono et la base Tattanar, en Novembre 2012.
Abou Mohammad Al
Joulani, de son vrai nom Oussama Wahidi, a annoncé, le 20 avril 2012, le
lancement de Jabhat An Nosra, en même temps que son allégeance à Ayman Al
Zawahiri (Al-Qaïda), répudiant dans la foulée son allégeance à Abou Bakr Al Baghdadi
(EI). Ce volte face a déclenché un sanglant règlement de compte du fait qu’en
prenant ses distances avec l’État Islamique le syrien Abou Mohammad Al Joulani
cherchait à préserver la spécificité syrienne de son combat, refusant le
clonage de l’expérience de l’État Islamique en Irak.
Jabhat An Nosra
est devenu l’un des plus importants groupements armés de Syrie, du fait que ses
cadres aguerris étaient dans leur grande majorité des anciens syriens ayant
participé au Djihad tant en Afghanistan, qu’en Tchétchénie qu’ en Irak, ayant
de surcroît une longue expérience des combats contre des armées régulières,
notamment Abou Mohammad Al Joulani (1), Abou Mari Al Qahtani (2) Abou Hammam Al
Chami (3) et Mohammad Srour (4).
L’organigramme
de Jabhat an Nosra présente une structure différente des autres groupements
dotés de cellules clandestines, en ce que, comme son non l’indique, Jabhat est
un FRONT doté d’une structure fédérative. Son organisation militaire obéit aux
subdivisions classiques: unités, compagnies, bataillons, dont l’importance
numérique et l’armement est variable en fonction de la nature des combats et
des besoins de la bataille.
Les unités
combattantes de Jabhat An Nosra sont dotées d’une grande flexibilité dans leurs
déplacement et d’une grande autonomie. Les combattants de Jabhat An Nosra
disposent d’une solide expérience dans l’art du camouflage et la dissimulation,
dans le maniement des armes et la fabrication des explosifs, le percement des
tunnels ainsi que d’un usage économe des munitions dans les grandes
confrontations.
Les unités de
Jabhat An Nosra (5) sont fortes de 15 à 20 membres, dirigées par un Émir, ainsi
que des bataillons de 200 combattants, eux aussi dirigés par un Émir, chargé de
la supervision de la totalité des activités du groupement opérant dans sa zone
de déploiement. Les Émirs provinciaux sont responsables tant sur le plan
militaire, que sur le plan de la prédication que de l’assistance sanitaire et
alimentaire aux populations vivant dans leur province. Ils disposent des pleins
pouvoirs, à l’exception des décisions fondamentales engageant l’avenir du
Groupement, en tant que tel, dans son ensemble, auquel cas l’émir provincial
doit obligatoirement référer au Conseil Consultatif.
Avec l’afflux
des combattants arabes et étrangers et l’adhésion en plus grand nombre des
Syriens, Jabhat An Nosra a pu se déployer à la périphérie Ouest et Est d’Alep,
ainsi qu’entre Alep et Idlib, ainsi qu’a la périphérie de Homs et autour du
Qalmoun et du Horan. Jabhat An Nosra passe pour être le groupement le mieux
organisé et le plus discipliné en Syrie.
Il a fait preuve
de souplesse dans ses apports avec la population locale, établissant des
alliances avec les autres groupements armés. Il bénéficie d’un solide soutien
de la part de la Turquie et du Qatar et prend ses ordres directement d’Ayman
Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al-Qaïda.
((NDLR: Laurent
Fabius, ministre français des affaires étrangères, lui a accordé un satisfecit
en estimant que «Jabhat An Nosra fait du bon travail en Syrie», occultant le
fait que la branche syrienne d’Al-Qaïda a été l’artisan de la prise d’otage de
4 journalistes français et le commanditaire du massacre des journalistes de
l’hedomadaire satirique «Charlie hebdo», en janvier 2015.
Références pour Al-Qaïda et Jabhat an Nosra
1- Abou
Mohammad Al Joulani, de son vrai nom Oussama Wahidi, originaire de la province
d’Idlib bourgade de Shouweyleh. A sa sortie de prison, il se rend en Irak pour
coopérer avec Abou Moussa’b Al Zarkaoui, puis avec Abou Bakr Al Baghdadi, avant
de revenir en Syrie en 2011.
2- Abou
Marya Al Qahtani, irakien, de son vrai nom Mayssar Ali Moussa Abdallah Al
Joubouri.
3- Abou
Hammam Al Chami, syrien de son vrai nom Samir Hijazi.
4- Cheikh
Mohammad Abdallah Srour, originaire d’Alep (Nord de la Syrie). Fondateur du
Rassemblement des Jeunes et des Oulémas de la renaissance (Tajammoh al Chabab
wal Oulama’ al Nahda). Il est en charge de l’instance législative.
5- Hamza
Moustapha Al Moustapha: Centre arabe pour les études et les recherches politiques.
Novembre 2013.
——
II Partie: DA’ECH ET LES METHODES DE COMBAT COMPOSITE
L’expertise
militaire accumulée par Al-Qaïda sur des champs de bataille variés, à travers
le temps, de l’Afghanistan à la Syrie, en passant par la Tchétchénie, la Bosnie
et l’Irak, ont donné naissance à une méthode de combat composite, alliant les
méthodes de la guerre classique d’une armée régulière aux méthodes des
partisans dans la guerre de guérilla.
L’État Islamique
a opté pour cette méthode complexe, une synthèse d’éléments d’hétérogénéité, en
raison de la nature paritaire de sa constitution, un mélange d’anciens
officiers de l’armée régulière irakienne et d’anciens djihadistes d’Afghanistan
et d’Irak.
L’État Islamique
a opté, sur le plan stratégique, la méthode de la guerre asymétrique. Sa force
militaire s’articule sur le modèle d’une armée populaire: autour de petites
unités, menant des batailles dans des formes variées, selon son positionnement
et la nature du champ de bataille.
Cette stratégie
a été théorisée par le syrien Omar Abel Hakim (Abou Mouss’ab Al Soury) dans son
ouvrage «La guerre conte les supposés faibles»-Al Harb A’la al Moustad’afine).
Al-Qaïda et les
groupements de sa mouvance appartiennent à l’école de la guerre asymétrique,
hétérogène, usant, alternativement, de méthodes de combat de manière variée,
selon la nature du terrain et de l’ennemi.
Face à un état
structuré, disposant d’une forte armée, Al-Qaïda se limite à des attentats
suicides contre des cibles gouvernementales et militaires. C’est généralement
le mode opération d’AQMI, la filiale d’Al-Qaïda pour le Maghreb.
En revanche,
face à un état désarticulé, tel l’Irak post invasion américaine, Al-Qaïda
n’hésite pas à mener de véritables offensives doublées d’attentats suicides et
d’un usage intensif de l’artillerie. Cela a été particulièrement le cas en Irak
où elle s’est livrée à des offensives suicides contre des cibles américaines et
irakiennes.
Grozny (Tchétchénie), un tournant majeur dans la guerre de guérilla
L’assaut de
Grozny, capitale de la Tchétchénie, en 1994, a marqué un tournant majeur dans
la guerre de guérilla en zone urbaine; une des plus difficiles batailles de
l’époque contemporaine car elle se déroulait en zone urbaine à forte densité
démographique.
La guerre entre
la Russie et les séparatistes tchétchènes a éclaté à la suite de la décision
des indépendantistes de proclamer l’indépendance de la Tchétchénie, entraînant
une violente riposte de Boris Elstine.
Sur le plan
opérationnel, les séparatistes tchétchènes ont opté pour une stratégie mobile
constituée de petites unités légères décentralisées, de huit membres chacune,
équipées de deux mitrailleuses lourdes, de deux missiles anti-chars, assistés
d’un sniper, de trois mitrailleuses légères, qui faisaient office également d’infirmiers,
en sus d’un chargé des transmissions et d’un chargé du ravitaillement en
munitions.
En zone habitée,
difficile à neutraliser, les Tchétchènes attiraient les Russes loin de leurs
lignes, à l’intérieur de Grozny où le front est curviligne, pour s’abattre
massivement sur eux détruisant leurs blindés par des opérations commandos.
Lors d’une
grande attaque, les unités tchétchènes opéraient leur regroupement à raison de
3 petites unités de 8 membres pour en faire une compagnie de 27 membres,
pour porter leur formation, en cas de nécessité, à un bataillon de 75
combattants. (9 unités de base). Les Tchétchènes se livraient au harcèlement de
lignes arrières de l’armée russe, menant combat à moins de 50 mètres de leurs
adversaires, leur bouclier humain protecteur en quelque sorte, contre les raids
de l’aviation russe, alors que les hélicoptères étaient tenus en respect par
les missiles lance-roquettes dont ils ont en fait un usage abondant.
Les RPG (rockett
propelled grenade) et les Snipers (francs tireurs) ont constitué les deux armes
vedettes des Tchétchènes dans la bataille de Grozny, infligeant de lourdes
pertes à l’armée russe. Les RPG étaient d’ailleurs dégoupillées pour amplifier
l’impact de la charge et sa capacité destructrice particulièrement contre les
blindés. Le harcèlement des lignes arrières russes se doublaient souvent
d’opérations suicide, d’embuscades et d’assauts répétitifs.
Transposition de la méthode Grozny sur le champ de bataille de Syrak (Syrie-Irak)
Daech a tiré les
enseignements de la bataille de Grozny et a transposé cette méthode au champ de
Sourakia (état constitué par la contraction des termes en arabe de Syrie et
d’Irak), dont il contrôle 40 pour cent de la superficie.
Combinant les
règles de la guérilla et de la guerre classique, Daech a opté, à son tour, pour
la stratégie de la guerre asymétrique.
L’effet de
surprise, le choc et la terreur, la rapidité d’exécution, la précision des
tirs, l’habilité dans le contournement des lignes ennemies ainsi que l’adresse
dans le maniement des armes ont conduit les forces de Daech de passer de la
guérilla, marquée par des coups de main, selon le principe «Frapper et Fuir», à
une milice constituée sous la forme d’une armée populaire apte de mener
bataille avec usage de la technologie, de commandos suicides ainsi que des
raids-surprises (ghazzou), autant d’éléments qui ont constitué des éléments
essentiels de sa conquête des territoires en Irak et en Syrie.
Le principe des offensives subintrantes ou l’offensive permanente
Au delà de la
guerre asymétrique, Daech a opté pour le principe de l’offensive permanente ou
offensive continuelle, tirant profit d’une offensive pour la doubler d’une
autre offensive, une stratégie des offensives subintrantes. Il est rare que
Da’ech ait recours à une action défensive.
Les formations
militaires de Da’ech sont subdivisées de la manière suivante: Katiba, Saraya,
Fassil.
La Katiba (bataillon), unité de
base, au nombre de 250 à 300 combattants. Chaque Katiba est composée de
plusieurs Saraya (compagnie), au nombre de 50 à 60 membres. Enfin chaque Saraya
est subdivisée en 4 Fassil (détachements), au nombre d’une dizaine de
combattants chacun.
La totalité des
subdivisions est placée sous l’autorité d’ un Émir, secondé par plusieurs
émirs, un émir pour la sécurité, un émir pour la législation, un émir
administratif etc..
Autre
particularité des combattants de Daech. Aucun déplacement en masse n’est
autorisé, mais des déplacements en petites unités, par des voies variées, de
préférence les zones montagneuses et couvertes, des zones inhabitées, jusqu’au
point de jonction du champ de bataille.
L’entraînement
physique se double d’une formation spirituelle et d’une préparation
psychologique tendant à la familiarisation à l’idée du sacrifice. Ces principes
ont été édictés par le yéménite Nasr Ben Ali Al Ansi, formateur et conférencier
à l’Académie militaire et professionnelle djihadiste et à l’Académie «Al Farouk
Lil Irchad», deux établissements relevant de l’autorité d’Al-Qaïda.
La Rédaction
Madaniya -
Par Samir Hassan.
Adaptation
en version française par René Naba,
Directeur
du site www.madanya.info