Les derniers événements footballistiques (dans lesquels une centaine de fascistes ukrainiens [1] déguisés en supporters russes auraient attaqué des milliers de supporters anglais tout aussi avinés) renforcent un peu
plus la russophobie ambiante ; c’est tout juste si les hooligans russes
ne sont pas accusés d’avoir tenté un coup d’État dans la France
socialiste. Et la presse-système de tempêter contre les services secrets
de la Russie – car on n’est pas conspirationniste, mais quand même… –
et ce, alors que l’OTAN peaufine démocratiquement ses préparatifs de
guerre nucléaire en Europe. Si la Russie comme empire du mal n’existait
pas, il faudrait l’inventer…
Un qui avait déjà tout compris est Dostoïevski.
Et voici ce qu’il écrit dans son fabuleux Journal (année 1873), que l’on peut lire en bon français (puisque la traduction est ancienne) sur wikisource :
«On sait que notre peuple est assez ingénieux, mais qu’il manque de génie propre ; qu’il est très beau ; qu’il vit dans des cabanes de bois nommées isbas, mais que son développement intellectuel est retardé par les paralysantes gelées hivernales. On n’ignore pas que la Russie encaserne une armée très nombreuse, mais on se figure que le soldat russe, simple mécanisme perfectionné, bois et ressort, ne pense pas, ne sent pas, ce qui explique son involontaire bravoure dans le combat ; que cet automate sans indépendance est à tous les points de vues à cent piques au-dessous du troupier français.»
Et puis on arrive au choc de 1878, avec l’Angleterre et l’Autriche à
propos de la sainte Turquie que l’Occident veut toujours protéger de la
sainte Russie. En 1849 déjà, l’Angleterre veut nous – car la
République obéit toujours à Albion – entraîner dans une folle guerre
contre l’Autriche et la Russie, pour protéger le Turc. Cela donne, dans
les beaux Souvenirs de Tocqueville :
«Le gouvernement anglais, ainsi chauffé, prit aussitôt son parti. Cette fois il n’hésitait point, car il s’agissait, comme il le disait lui-même, non seulement du sultan, mais de l’influence de l’Angleterre dans le monde…
Les Anglais nous conviaient à agir comme eux ; mais notre position ne ressemblait guère à la leur… En défendant les armes à la main la Turquie, l’Angleterre risquait sa flotte et nous notre existence.»
La crise chronique de cette russophobie donne la guerre de Crimée –
déjà… Puis, en 1878, les Anglais chauffent une nouvelle fois le monde
libre contre la sainte Russie – toujours pour protéger la Turquie
ottomane qui massacre les chrétiens orthodoxes.
Et cela donne, sous la plume du maître :
«Nous voici, de nouveau, menacés d’un choc avec l’Europe. Ce n’est pas encore la guerre. On est, pour l’instant, bien peu disposé – ou plutôt disons que la Russie est bien peu disposée à la guerre. C’est toujours cette sempiternelle question d’Orient qui revient à l’horizon. Une fois de plus l’Europe regarde la Russie avec méfiance. Mais pourquoi essayerions-nous de faire la chasse à la confiance, en Europe ? Quand – à quelle époque – l’Europe nous a-t-elle épargné les soupçons ? Peut-elle seulement ne pas douter de nous et penser à nous sans un sentiment hostile ?»
Dostoïevski remarque que l’on reproche à la Russie d’être trop
révolutionnaire. Or on est bien d’accord : aujourd’hui, tous les
révolutionnaires en France et en Europe sont russophiles. Les autres
veulent comme Hitler l’invasion et la destruction de la Russie.
Dostoïevski donc :
«J’ai dit qu’on ne nous aime pas en Europe, nous autres, les Russes, et c’est un fait que personne ne désirera nier. On nous accuse surtout d’être des «libéraux» terribles et même des révolutionnaires. On a cru constater que nos sympathies allaient plutôt aux «démolisseurs» qu’aux conservateurs européens. C’est pour cela qu’on nous considère là-bas plutôt ironiquement, non sans une pointe de haine. On ne peut comprendre que nous nous posions en destructeurs de l’État social de nos voisins. »
Puis, comme s’il voyait venir nos hooligans, l’auteur de Crime et châtiment ajoute – avec la pointe d’humour qu’on lui connaît – ou plutôt qu’on ne lui connaît pas, car on ne le lit pas :
«On nous refuse positivement le droit de désapprouver ce qui se passe en Europe parce qu’on nous regarde comme étrangers à la civilisation européenne. Ce qu’on voit en nous, c’est une bande de barbares égarée en Europe, toujours heureuse quand il y quelque chose à démantibuler pour le plaisir de démantibuler, une horde de Huns toujours désireuse d’envahir la vieille Rome.»
La Rome anglo-américaine, celle du film Gladiator, n’a en tout cas pas changé et chasse toujours le barbare.
Par Nicolas Bonnal – juin 2016
[1] Que faisaient les Ukrainiens interpellés au milieu des supporters "russes"?
La
police de la ville de Lille, en France a interpellé deux supporters
russes et deux supporters ukrainiens. De sérieuses questions surgissent
au sujet de ces derniers.
Les
forces de l'ordre françaises ont placé en garde à vue deux supporters
russes et deux supporters ukrainiens à la veille du match entre la
Russie et la Slovaquie, annonce la préfecture de Lille citée par l'Express.
La
question se pose à nouveau: que faisaient des Ukrainiens, arrêtés
pourtant pour port d'arme prohibée, au milieu de supporters rassemblés
avant la rencontre entre la Russie et la Slovaquie?
En outre, la police de Lille a demandé aux supporters de football russes de ranger leurs drapeaux sous peine d’interpellation.
Quant aux incidents à Marseille, des blogueurs français ont remarqué que les hooligans soi-disant russes qui seraient à l'origine des violences, n'étaient pas si russes que ça. D'après leur physique, ils ressemblaient sur la majorité des photos plutôt à des supporters issus d'autres pays et portaient des tatouages typiques des nationalistes ukrainiens.
Mercredi, Lille accueillera le troisième match du groupe B du championnat Euro 2016. Sur la pelouse du stade Pierre Mauroy, les Russes affronteront les Slovaques. La ville voisine de Lens accueillant jeudi le match entre le Pays de Galles et l'Angleterre, un afflux de supporters de ces deux sélections est attendu.
Hier,
les forces spéciales françaises ont arrêté un bus qui transportait à
Lille 43 supporters russes. Ils sont actuellement à Marseille et
attendent la décision du procureur de la cité phocéenne.
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Quant aux incidents à Marseille, des blogueurs français ont remarqué que les hooligans soi-disant russes qui seraient à l'origine des violences, n'étaient pas si russes que ça. D'après leur physique, ils ressemblaient sur la majorité des photos plutôt à des supporters issus d'autres pays et portaient des tatouages typiques des nationalistes ukrainiens.
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