Press TV a interviewé le rédacteur
Kevin Barrett de Veterans Today, un
auteur et un spécialiste du Moyen-Orient à Madison, pour discuter des progrès
réalisés par les forces gouvernementales syriennes contre le groupe takfiri Daech dans le nord de la province Raqqah en Syrie.
Une transcription approximative
de l'entrevue apparaît ci-dessous.
Press TV: Quelle est
l'importance de la prise de la base aérienne de Tabqa des mains de Daech par
l'armée syrienne près de Raqqah?
Barrett: Eh bien, c’est très
important. Cette base aérienne a une signification à la fois symbolique et
surtout stratégique, et c’est une étape importante dans la marche sur la
capitale de Daech. Mais ce qui est intéressant ici, c’est que nous voyons
maintenant les États-Unis et leurs affidés proxys soudainement intéressés à se
joindre à la guerre contre Daech car il semble que le gouvernement syrien est
sur le point de prendre Raqqah.
Les
États-Unis ont dit que cela prendrait dix ans pour libérer Raqqah. D’ailleurs,
ils n’ont JAMAIS bombardé Raqqah.
Et maintenant que le
gouvernement syrien est en train d’aligner des succès, tout à coup ils sont
intéressés et ils ont donc créé un nouveau groupe proxy appelé les Forces Démocratiques
Syriennes, un ramassis hétéroclite de Kurdes, d’islamistes sionistes, de Turcomans,
, ce qui n’est pas si différent de Daech.
Et puis ils vont venir de
l'ouest alors que l'armée syrienne arrive de l'est, ce qui va créer beaucoup de
chaos.
J'espère donc que le
gouvernement syrien réussira à établir sa souveraineté sur son propre
territoire, sans trop de complications. Mais nous avons vu tellement d’ingérences
étrangères qu'il sera très difficile que
cela se produise.
Press TV: Qu'est-ce que la
communauté internationale peut faire pour mettre plus de pression sur les pays
et / ou les entités qui soutiennent Daech avec le financement, la main-d’œuvre,
des armes, et / ou de refuge?
Barrett: Eh bien, la communauté
internationale est souvent une sorte d’euphémisme pour désigner l’ONU, l’OTAN,
certaines ONG et ainsi de suite. Par exemple, la Russie, la Chine ou l’Inde,
qui sont les plus grands pays du Monde, soit par la superficie soit par la
population, ne sont pas généralement inclus dans cette « communauté
internationale ».
Et le
problème est que ces entités de la « communauté Internationale » sont
contrôlées par les mêmes grandes puissances occidentales (États-Unis, l'OTAN, etc.)
qui n’ont vraiment aucun intérêt pour arrêter Daech. Ils ont probablement, en
fait, créé Daech. D’ailleurs, initialement, ce sont les mercenaires soutenus
par les USA qui ont pris Raqqah, puis ils l’ont remis Daech.
Nous avons donc une sorte de
guerre de propagande sur Daech en Occident où Daech est blâmé pour chaque atrocité
commise par d’autres sous fausse bannière (false flag), comme la récente
fusillade à Orlando, et les populations occidentales sont alors excitées dans une
haine hystérique contre l'Islam, en leur disant que Daech est une version
extrême de l'Islam et vous devez donc haïr tous les musulmans , et nous sommes en
guerre contre Daech donc nous allons devoir aller et intensifier nos programmes
agressifs en Syrie.
Mais ce qu'ils ne disent pas aux
gens de l'Ouest, c’est que ce sont effectivement le gouvernement des États-Unis
et l'OTAN qui a contribué à créer Daech, qui l’ont fait grandir et prospérer,
qui délibérément, font tout pour que Daech ne soit jamais vaincu. Et
maintenant, ils sont pris de panique parce que l'armée syrienne est sur le
point d’infliger à Daech une énorme défaite, qui serait également une défaite
pour l'Occident. Et bien sûr, cela devrait provoquer chez les gens un haussement
des sourcils, et qui vont se demander «quelle est la vraie politique
occidentale en Syrie dans tout ce merdier?».
Press TV: Pourquoi, il semble-t-il
au fur et à mesure qu’on liquide des terroristes en Syrie, d’autres groupes
takfiri sont facilement reconstituées avec de nouveaux membres? D’où viennent tous
ces gens ? Pourquoi est leur voyage en Syrie est, semble-t-il très facile,
malgré les prétendus contrôles aux frontières ?
Barrett: Eh bien, tout cela est
relié à l'argent.
Toutes ces
Toyota "Land Cruisers" et l'équipement en armements lourds que Daech en est une preuve.
Comme l’a déclaré le cheikh Imran Hossein, cela ne vient pas du Père Noël. Il y
a beaucoup d'argent investi dans la création et le maintien de Daech et la
question importante est «d’où vient tout cet argent? » Il semble que ce
soit « l'état profond » de l'Ouest qui en est principalement
responsable. Et tout cela transite par la Turquie.
Nous savons que, par exemple,
Raqqah est tombée aux mains de Daech parce que les USA effectivement aidé ses
forces proxy, y compris al-Nosra (alias al-Qaïda). Mais apparemment ces amis d’aujourd’hui
des États-Unis seraient ceux-là même qui auraient, selon l'histoire officielle,
exécuté le 11/9 / 11. Ensuite, ces amis des États-Unis ont remis Raqqah à
Daech, qui en fit sa capitale.
Pour savoir comment arrêter la
reconstitution des forces de Daech et des autres groupes terroristes takfiri, « la
communauté internationale » doit reconnaître que c’est l'Occident qui
dirige « la communauté internationale » qui est responsable de cela,
et ce n’est pas seulement la faute du gouvernement turc. Les Turcs ne font que
répondre à la configuration du terrain et de la pression de l'Occident et de
son état profond.
Donc, ce que nous avons vraiment
besoin est une décision de la part de l'Occident qu'il est temps d’enterrer
définitivement Daech. Et je souhaite que la décision soit prise le plus tôt possible.
Les États-Unis perdent un round diplomatique
Comme le déclare le chef de l'état
major des forces armées russes en Syrie Valéry Guerassimov, la Russie
perd patience face au double jeu mené par les États-Unis dans la région
et les incessantes accusations sans fondement qui lui sont adressées. Ça
ne continuera pas éternellement. Une certaine crise diplomatique,
jusque là latente, s'officialise entre la Russie et les États-Unis.
Tout a commencé par une déclaration à l'emporte pièce faite par le Secrétaire d'état américain J. Kerry:
«La Russie doit comprendre que notre patience n’est pas infinie. En fait, elle est même très limitée quant au fait de savoir si Assad va ou non être mis devant ses responsabilités»Les États-Unis reprochent à la Russie de ne pas faire tout son possible pour contraindre le Président syrien Assad de cesser les combats, alors qu'avant leurs afforts avaient porté leurs fruits. En effet, l'intensité du combat avait baissé et les groupes terroristes ont pu se reconstituer et reprendre des forces. Ce qui ne semble pas perturber particulièrement le Secrétaire d'état américain. Qui regrette particulièrement que l'armée d'Assad ne permette pas aux groupes terroristes de s'emparer d'Alep. Car rappelons que ce sont bien des groupes terroristes qui combattent à Alep.
Selon les dernières informations données à ce sujet par le bulletin d'information du Centre russe pour la réconciliation:
Les
groupements terroristes de Jabhat al-Nusra ne cessent pas de tentatives
pour faire échouer le cessez-le-feu dans la province d’Alep.
Au
cours des dernières 24 heures, les terroristes ont porté des coups sur
les cités suivantes: dans la province de Lattaquié – Khakour-Takhtani,
Racha et Nekhchebba; dans la province de Hama – Al-Hamra, dans la
province d’Alep – Khandrate, les quartiers Cheikh Maqsoud,
Sallakh-ed-Dine, Az-Zagra et l’aéroport Al-Naïrobe de la ville d’Alep;
dans la province de Damas – les quartiers résidentiels du village
Mardj-Soultan et les positions des Forces armées syriennes près du
village Khaouch-Kharabou.
Au
nord de la province d’Alep, près de la frontière entre la Syrie et la
Turquie, les unités des Forces armées syriennes ont arrêté une offensive
de grande échelle des formations armées de Jabhat al-Nusra ainsi que
les tentatives des terroristes de mettre sous contrôle la cité Khalassa
(au sud-ouest de la province d’Alep) et saisir les hauteurs dominantes.
Dans ce contexte, forcément, la déclaration du Secrétaire d'état passe mal. D'ailleurs, son porte-parole s'est empressé de préciser qu'il ne s'agit pas du tout d'une menace contre la Russie, mais simplement les Etats Unis sont fatigués du comportement d'Assad.
En effet, combattre le terrorisme, quelle idée... Afin de mieux faire comprendre sa position stratégique, le Président russe a envoyé le ministre de la défense, S. Choïgu , à
Damas rencontrer le Président syrien qui, à en croire la taille de son
sourire, ne s'attendait pas à un tel soutien. Cette question-là est
réglée, les Etats Unis ont permis de renforcer finalement la position
d'Assad.
En ce qui concerne la réponse aux paroles de J. Kerry, la réaction russe ne s'est pas faite attendre non plus. Valery Guerassimov, le chef de l'état major des forces armées russes en Syrie, a déclaré:
En ce qui concerne la situation en Syrie, c'est nous qui perdons patience, pas les Etats Unis. Nous avons entièrement rempli nos obligations concernant la garantie du cessez-le-feu et de la réconciliation nationale. Alors que pendant ce temps, du côté américain, il y a toujours des "difficultés" avec "l'opposition" contrôlée. C'est pourquoi, lorsque nous entendons la direction du Pentagone nous accuser de manque de "professionnalisme" dans l'utilisation des canaux de communication, soit ils ne sont pas au courant des canaux existants, soit ils sont en possession d'informations erronées.
V. Guerassimov a par ailleurs ajouté que depuis trois mois la
Russie envoie aux Etats Unis les coordonnées de la localisation
géographique des cibles détenues par Daesh et par Al-Nusra, quand eux
n'arrivent toujours pas à se décider à indiquer où se trouve "leur"
opposition et où se trouvent les groupes terroristes. En résultat de
quoi, les terroristes se sont renforcés et le sang coule à nouveau. Et
lorsqu'ils attaquent à l'artillerie lourde les villes et les civils, ce
n'est qu'un dégât collatéral. Lorsque l'armée combat ces groupes
terroristes, c'est considéré comme une violation inacceptable du
cessez-le-feu. Cette situation ne peut durer longtemps.
Bref, la Russie perd (enfin) patience. C'est le premier résultat patent de la tentative du coup de force, somme toute assez primaire, fait par les États-Unis. Voyons la suite.
Hannibal GENSERIC