RT France : Un jeune garçon a été décapité par l’opposition syrienne considérée
comme modérée. La vidéo de cet acte a été publiée le 19 juillet sur
internet. Comment peut-on définir ce qu'est l’opposition syrienne
modérée et ce qui ne l’est pas ?
Un islamiste signifie un djihadiste potentiel
Randa Kassis (R. K.): D’abord, l’appellation de
«rebelles modérés» ou d’«opposition modérée» a été donnée à l’époque aux
rebelles islamistes et à la coalition nationale syrienne soutenue par
l’Occident. Cela voulait dire «islamistes modérés» et pas laïques ou
opposants modérés. Désormais, «modéré», cela ne veut rien dire, parce
que malheureusement cela a été utilisé de telle façon qu’aujourd’hui
moi, franchement, j’ai honte de dire que je suis une opposante modérée.
Je suis une opposante laïque, politique, qui lutte pour un changement
progressif en Syrie, de concert avec la Russie. «Modéré» n’a aucun sens
aujourd’hui, parce que tous les islamistes «modérés», qui ont été
soutenus et armés par les États-Unis et l’Occident sont islamistes avant
d’être modérés. Nous avons vu l’égorgement - l’enfant n’a pas été
décapité, mais égorgé - par un mouvement soi-disant islamiste modéré,
soi-disant une branche de l’Armée syrienne libre qui démontre encore une
fois qu’il en s'agit pas là de personnes avec qui on peut négocier. Ça
fait des années que je le dis, il n’y a pas de rebelles armés islamistes
modérés, cela n’existe pas. Un islamiste signifie un djihadiste
potentiel, il faut le dire clairement aujourd’hui et être suffisamment
courageux pour le dire.
Je ne crois pas qu’il y ait une vraie volonté des Etats-Unis de combattre les islamistes modérés
RT France : Il y a eu récemment une rencontre entre John Kerry et Sergueï
Lavrov lors de laquelle leurs positions se sont rapprochées concernant
l’opposition dite modérée. Pensez-vous que ce rapprochement puisse avoir
un certain effet dans la lutte contre l’Etat Islamique et les
islamistes dits modérés ?
R. K. : Je ne crois pas qu’il y ait une vraie
volonté des Etats-Unis de combattre les islamistes modérés. Nous avons
vu des exactions de la part de ses islamistes modérés, il y a eu
l'égorgement de cet enfant. Malheureusement, les Etats-Unis, à mon avis,
ne vont pas arrêter, ils n’ont pas de volonté de trouver une solution
progressive pour la Syrie. J’ai beaucoup de confiance en la politique
russe, j’ai toujours cru que la Russie était un espoir pour le peuple
syrien, elle peut présenter un changement progressif, il faut le faire
par étapes.
La coalition occidentale n'est pas pour une solution politique mais pour une solution militaire, ils ne savent pas négocier
Pour commencer un processus politique, il faut être réaliste.
|...] Il faut y aller tout doucement pour protéger aussi la population
syrienne de ces islamistes-là. C’est ce que signifie le processus
politique. Jusqu’à aujourd’hui, l’Occident soutient farouchement la
coalition qui n’est pas, en réalité une coalition, mais une délégation
de Ryad appelée le Haut Comité des négociations. Ces gens-là ne peuvent
pas représenter ou défendre de solution progressive et de solution
politique, parce qu’ils veulent voir Bachar el-Assad tomber à n’importe
quel prix et n’ont même pas un programme, pas de vision, pour savoir qui
sera à la place. Ils veulent la chute du régime syrien, mais ils sont
tellement faibles que les islamistes, et les autres rebelles qui sont
sur le terrain prendront la place. Cette délégation de Ryad est
ailleurs, elle ne pourra même pas diriger le pays. Ces gens-là ne sont
pas pour une solution politique, ils sont pour une solution militaire,
ils ne savent pas négocier. L’Europe s’aligne sur la position de
l’Arabie Saoudite, la Turquie est incapable de faire quelque chose pour
une solution politique en Syrie.
A chaque fois que les Etats-Unis interviennent dans nos régions, ils y créent le chaos, ce qui les intéresse c’est le chaos avant tout
RT France : Après ce drame du jeune garçon décapité, le
département d’Etat américain a déclaré qu’il n'allait pas suspendre son
soutien à cette opposition parce qu’il n’y avait pas assez de preuves.
Les preuves obtenues, ce groupe islamiste a dit qu'il s'agissait d'une
faute, en prétendant avoir cru que ce garçon était un soldat.
Pensez-vous que cette explication suffise dans le cadre du soutien aux
rebelles de la part des Etats-Unis ?
R. K. : Même si cet enfant travaillait vraiment pour
le régime, l’exécuter d’une telle façon est inacceptable, c’est un
crime. Il faut quand même être fidèle à ses propres principes : on est
contre l’exécution des enfants. En plus, il a été exécuté sans preuve et
par égorgement, pour moi c’est un double crime. Nous ne devons pas
négocier avec des personnes pareilles. La seule réponse à ces rebelles,
c’est tout simplement le combat avec eux, l’extermination, il n’y a pas
de dialogue avec des djihadistes potentiels, avec des criminels. Les États-Unis peuvent soutenir même les extrémistes islamistes, on l’a vu
dans l’histoire, ce n’est pas la première fois, les États-Unis ont déjà
collaboré avec des islamistes. Les islamistes n’ont pas de principes,
ils ne cherchent pas une vraie solution en Syrie, ce n’est pas le cas de
tous les Syriens laïques qui veulent quand même un pays capable de
protéger la population syrienne et ses minorités. Il faut protéger ces
populations-là, mais, malheureusement, ce n’est pas avec les États-Unis.
A chaque fois que les Etats-Unis interviennent dans nos régions, ils y
créent le chaos, ce qui les intéresse c’est le chaos avant tout.
Il faut être encore plus ferme, sinon la France aura un autre attentat, parce que, face à ce laxisme du gouvernement français, les islamistes tenteront encore une fois d’attaquer la France.
RT France : Après l’attentat de Nice, François Hollande a promis d’intensifier la lutte contre l’Etat Islamique.
Il y a eu une série de frappes aériennes à Minbej et 30 frappes où les
forces militaires se seraient trompées, ayant visé les quartiers
majoritairement habités par les civils. Ces frappes sont-elle une sorte
de réaction à l’attentat de Nice ?
R. K. : Il faut savoir que, il y a pas mal de temps,
ont eu lieu des combats entre les Kurdes et l’État Islamique autour de
Minbej. Les Kurdes sont soutenus par François Hollande personnellement,
ce qui a poussé le président Hollande à bombarder Minbej pour aider les
Kurdes à le prendre. Ce n’est pas vraiment une réponse à l’attentat de
Nice. La position du gouvernement français, à mon avis, est très
mauvaise, parce qu’aujourd’hui on ne parle même pas de l’islamiste qui a
fait cet attentat et a été radicalisé, on parle toujours d’un perturbé
mental, d’une personne qui n’a rien à voir avec l’islam. Je crois qu’il
faut avoir à un moment donné le courage de dire les choses comme elles
sont : oui, il y a de l’islam radical, oui, l’islam a besoin d’une
réforme, oui, celui qui a commis cet attentat s’est radicalisé et est
devenu islamiste djihadiste. Il faut être encore plus ferme, sinon la
France aura un autre attentat, parce que, face à ce laxisme du
gouvernement français, les islamistes tenteront encore une fois
d’attaquer la France.
Frapper après l’attentat, c’était un symbole
RT France : Pourquoi alors bombarder en Syrie si l’auteur de
cet attentat s’est radicalisé en France et se trouvait sur le territoire
de la France ?
R. K. : Frapper après l’attentat, c’était un
symbole, mais la vraie raison c’est que le président français est très
proche des Kurdes qui combattent l’État Islamique sur le terrain en
Syrie. Il a juste trouvé le bon moment de soutenir les Kurdes par un
bombardement français à Minbej.