“Dans un tel monde de conflit, un monde de victimes et de
bourreaux, il est du devoir des pensants de ne pas être du côté des
bourreaux.”
~ Albert Camus ~
Journée Christophe Colomb mythe et réalité de la célébration morbide de l’holocauste du continent américain.
Tous les écoliers d’Amérique du Nord apprennent ce poème qui commence par ces vers devenus forcément célèbres:
“In fourteen hundred ninety-two
Colombus sailed the ocean blue,”
Poème, contine, écrit pour immortaliser auprès de la jeunesse la
“découverte” du “nouveau monde” par la chrétienté occidentale au XVème
siècle.
Colomb, un aventurier italien, mercenaire du roi d’Espagne, de son nom espagnol Cristobal Colón, qui veut dire “le colonisateur porteur de la croix”
posa le pied sur les îles des Caraïbes le 12 octobre 1492, où il fit de
suite érigé une croix et des gibets, histoire de donner d’entrée, le
ton de l’aventure.
Le narratif colonial nous dit qu’il apporta les lumières de la
civilisation chrétienne en ces terres paiennes, le poème à sa gloire
citant même le “commerce des épices” avec les locaux.
Si bon nombre connaît le narratif officiel, immortalisé par le “Gégé”
national dans un film de propagande de commande réalisé par Ridley
Scott en 1992, dont le but évident fut de redorer l’image de Colomb
ternie par la vérité historique émergeant pas à pas et contrant le
narratif propagandiste colonialiste.
Le 12 octobre fut célébré pour la première fois 300 ans après
l’arrivée de Colomb, le 12 octobre 1792. Le 12 octobre fut déclaré fête
nationale “Colombus Day” en 1912, puis de nouveau par le président FDR
en 1934. Ce n’est que plus tard, sous la présidence de Richard Nixon, en
1971, que “Colombus Day” fut établi comme fête nationale ayant lieu
tous les seconds lundis du mois d’octobre.
L’arrivée de Colomb en ce jour néfaste de 1492 marqua le début du plus grand holocauste de l’histoire de l’humanité
qui vit la destruction et l’annihilation d’entre 30 et plus de 100
millions d’indigènes, selon les sources, depuis cette époque sur
l’ensemble du continent des Amériques. Si les chiffres sont toujours
débattus, le massacre généralisé, qui continue de nos jours alors que
nous écrivons ces lignes, aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil, dans la
forêt amazonienne et là où des intérêts liés aux ressources naturelles
et leur exploitation par les corporations et gouvernements sont en jeu,
lui est totalement avéré par les archives.
Célébrer le jour de Colomb, célébrer le mythe de la civilisation
apportée au “nouveau monde”, c’est célébrer le plus grand holocauste qui
s’est tenu sur cette planète et pour l’expliquer un peu mieux, laissons
la place aux historiens et à la parole historique autochtone.
Ce que nous dit l’histoire hors propagande coloniale
Dans la préface de l’incontournable ouvrage de Dee Brown “Bury my Heart at Wounded Knee” (1970, réédité en 2000 et 2007) il est fort justement dit ceci: “Si
les anglo-américains ont ‘gagné’ l’Ouest du continent, alors pourquoi
ne par raconter l’histoire du point de vue de ceux qui l’ont ‘perdu’:
les Apaches, les Nez-Percés, les Utes, les Cheyennes, les Sioux, les
Arapahos, les Navajos ?… Pour les Indiens du reste, l’Est a toujours été
la direction de laquelle le trouble est venu. […] Dee Brown fut capable
de montrer comment le gouvernement des Etats-Unis a employé une méthode
consistante de mensonge et de tromperie ainsi que de manipulation pour
arracher leurs terres ancestrales, nation autochtone après nation
autochtone.”
C’est aussi ce à quoi se sont attelés depuis lors, des historiens tels que Howard Zinn,
David Stannard, Roxanne Dunbar-Ortiz, Charles C. Mann, ainsi que des
historiens, juristes et militants autochtones tels Vine Deloria Jr, Taiaiake Alfred, Ward Churchill, Russell Means, Steven Newcomb
que nous allons citer pour illustrer ce propos et éclairer l’histoire
du côté des soi-disant “vaincus” et ainsi réviser les positions
historiques colonialistes et eurocentristes de la doctrine officielle
faisant la promotion de fêtes nationales comme le “Colombus Day” et
“Thanksgiving” afin de maintenir la bonne conscience coloniale dans les
esprits citoyens sous emprise.
Voyons d’abord ce que nous disent les études historiques sur le
continent des Amériques avant l’arrivée de Colomb, dans la période dite
pré-colombienne. L’histoire coloniale officielle fait toujours état de
populations autochtones éparses, peu nombreuses, mal organisées et peu
nombreuses, bref, le portrait typique d’un monde obscur et barbare ne
demandant qu’à recevoir la civilisation chrétienne. Là encore,
l’histoire classique parle toujours des “Européens”, du continent avant
l’arrivée des “Européens”, les “Européens” qui découvrirent le “nouveau
monde”, de la “civilisation européenne” et tout ce qui est utile pour
occulter le fait que dans les écrits de l’époque, il n’était fait nulle
mention des “Européens”, mais des Chrétiens. Les documents officiels,
décrets pontificaux, chartes royales ne parlent que de “terres
païennes”, “d’ennemi du Christ”, de “barbares et d’infidèles” à “réduire
en esclavage perpétuel”, à “dominer”, à “subjuguer”, ce qui fut
effectivement fait en respectant la lettre des décrets et chartes
publiés.
D’autre part, la controverse sur les chiffres de la démographie
autochtone dans la période pré-colombienne tend à se dissiper au fur et à
mesure de la publication d’éudes de plus en plus approfondies sur la
question. L’histoire officielle veut nous faire croire
depuis des décennies que la population amérindienne pré-colombienne
était de quelques centaines de milliers d’individus vivant disséminés
sur le continent de manière nomade et arriérée. Cette vision d’un monde
obscur et de survie extrême, servant la doxa coloniale, est balayée par
les nouvelles études universitaires.
Ainsi nous apprenons ceci dans l’ouvrage récent de l’historienne Roxanne Dunbar-Ortiz “An
Indigenous History of the United States”, 2014, p.17 que: “La
population totale du continent était d’environ 100 millions à la fin du
XVème siècle, les 2/5 de la population se situant en Amérique du Nord,
incluant ce qui est aujourd’hui le Mexique. Le région centrale du
Mexique à elle seule comportait quelques 30 millions de personnes. A la
même époque, la population de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural était
de 50 millions…”
L’Amérique pré-colombienne:
Charles C. Mann, journaliste au magazine “Science”, auteur de 4 ouvrages dont “1491, nouvelles révélations sur les Amériques avant Colomb”, Vintage Book, 2005 ~ Extraits traduits par Résistance 71~
“Lorsque Cortez arriva, d’après les chercheurs de l’université de
Berkeley, Californie, Cook et Borah, 25.2 millions de personnes
vivaient dans la région centrale du Mexique seule, une zone de 125 000
km2. Après son arrivée, la démographie de toute la région s’effondra.
Dans les années 1620-25, il ne restait plus que 730 000 Indiens,
approximativement 3% de la population originale avant la première
apparition des colons. Cook et Borah ont calculé que cette zone précise
n’a pas retrouvé sa population du XVème siècle avant la fin des années
1960.
Dès l’époque de Bartolomé de Las Casas, les Européens (chrétiens)
ont su que leur arrivée avait amené une catastrophe pour les
populations des Américains natifs. “Nous les chrétiens, avons détruit
bien des royaumes ; où l’Espagnol passa, conquît et découvrit, ce fut
comme si un feu avait traversé l’endroit, détruisant tout sur son
passage.” écrivit Pedro Cieza de León, le grand voyageur de l’après
conquête du Pérou.”
“Il est vrai que les conquistadores ne voulaient pas la mort en
masse des Indiens ; mais ce désir n’était en rien motivé par un élan
humanitaire. Les Espagnols voulaient en effet que les indigènes soient
utilisés comme source de travail forcé (esclavage). De fait, les morts
en masse des Indiens fut un tel coup dur financier aux colonies,
qu’elles menèrent, d’après Borah à une ‘dépression économique’, qui dura
plus d’un siècle. Pour se repourvoir en main d’œuvre, les Espagnols
commencèrent à importer des esclaves d’Afrique.”
N’oublions pas non plus que lorsque les chrétiens arrivèrent sur ce
continent, y vivaient déjà les grandes civilisations centralisées Inca
et Maya, et plus au nord les confédérations des grandes nations des
plaines centrales (Cheyennes, Sioux, Arapahos, Commanches, Apaches), au
nord-est la confédération iroquoise, les nations algonquines, toutes
avec un mode de gouvernance gérant, de manière centralisée (Inca,
Aztèque) ou non, des millions de personnes.
La culture nord-américaine a gravé dans sa littérature l’épopée
romancée des premiers explorateurs à atteindre la côte Pacifique:
Meriwether Lewis et William Clark plus connus sous le vocable de Lewis
& Clark, décrivant les étendues vierges et sauvages du
sous-continent. Voici ce qu’en dit Charles Mann:
“Incroyable d’imaginer aujourd’hui des bisons vivant de New York à
l’état de Georgie. Une créature des grandes plaines, le Bison bison fut
importé à l’Est par les Indiens suivant une route de feu de prairie
géré et contrôlé par les indigènes, alors que cela changeait des forêts
en pâturages pour que le bison puisse survivre si loin des ses terres
originelles. Le feu des Indiens a eu un gros impact sur le milieu du
continent que les Amérindiens transformèrent en une prodigieuse grande
ferme d’élevage. Les Amérindiens ont brûlé tant de fois les prairies
centrales et du Midwest, que cela a étendu leur superficie, en toute
probabilité, les grands pâturages célébrés aujourd’hui par les cow-boys
furent établis et entretenus par les peuples vivant là les premiers.
‘Lorsque Lewis & Clark se dirigèrent vers l’Ouest depuis St Louis,
ils n’explorèrent pas une étendue sauvage mais une très vaste pâture
gérée par et pour les Indiens”, écrivit l’éthnologue Dale Lott.”
Roxanne Dunbar-Ortiz: Docteur ès
Histoire de l’université d’UCLA, chaire d’études des nations
amérindiennes de l’université d’état à Hayward, Californie, auteure de
plusieurs ouvrage dont “Une histoire indigènes des Etats-Unis”, 2014
Extraits traduit par Résistance 71
Quand on lit ce qui suit, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle
avec la société celtique qui mena l’Europe de l’Irlande au Danube
pendant plus de 800 ans…
“Au moment des invasions européennes chrétiennes, les peuples
indigènes avaient occupé et façonné chaque parcelle des Amériques,
établi des réseaux extensifs d’échange et des routes de communication et
ils subvenaient à leur population en s’adaptant à des environnements
naturels spécifiques, mais ils adaptaient aussi la nature à leurs
besoins. […]
L’universitaire David Wade Chambers écrit: “… Les
Amériques pré-colombiennes étaient sillonnées et reliées par un réseau
complexe de routes et de chemins qui devinrent les premiers chemins
empruntés par les occupants et furent ensuite transformés en
autoroutes.’ […] L’Amérique du nord en 1492 n’etait pas une étendue
sauvage vierge de toute civilisation mais un réseau complexe de nations
indigènes, les peuples du maïs. Le lien entre les peuples du nord et du
sud du continent peut être observé par la distribution du maïs depuis la Mésoamérique… Cette
brève revue d’une Amérique du Nord précoloniale suggère la magnitude de
ce qui fut perdu par l’humanité et contredit tout à fait le mythe
entretenu par les occupants colons des chasseurs-cueilleurs néolithiques
vadrouillant sur la terre pour juste survivre.
Celles-ci étaient des civilisations fondées sur une agriculture avancée
et caractérisées par un système politique de gouvernance.
L’holocauste
David Stannard:
Historien, professeur d’études américaines à l’université
d’Hawaii, auteur de six ouvrages et de nombreux articles universitaires.
Son livre phare est “American Holocaust: The Conquest of the New
World”, publié aux éditions Oxford Press, 1992, dont nous avons traduit
l’extrait ci-dessous.
“Pour remettre ceci dans une perspective contemporaine, le ratio
de survivants natifs sur le continent des Amériques après le premier
contact avec les Européens, fut moins de la moitié de ce que serait le
ratio de survie aujourd’hui aux Etats-Unis si chaque blanc ou noir
mourait. La destruction des Indiens sur le continent fut et de très loin, le plus important génocide de l’histoire de l’humanité.
C’est pourquoi, comme un historien l’a dit abruptement, loin du
romantisme et de la chevalerie habituellement employés pour symboliser
l’établissement des chrétiens d’Europe aux Amériques, le symbole le plus
approprié à la réalité serait en fait une pyramide de crânes. […]
De plus, la question importante pour le futur dans ce cas n’est
pas “cela peut-il encore se produire?” mais plutôt si “cela peut-il être
arrêté ?” Car le génocide des Amériques et dans d’autres endroits du
monde où des peuples indigènes survivent, n’a jamais vraiment cessé.
Aussi récemment qu’en 1986, la Commission des Droits de l’Homme pour
l’Organisation des Etats-Unis a observé que 40 000 personnes simplement
“disparurent” au Guatémala durant les quinze années précédentes. 100 000
autres ont été ouvertement assassinées. Ceci représente l’équivalent
aux Etats-Unis de plus de 4 000 000 de personnes qui seraient massacrées
ou retirées sous décret officiel du gouvernement, un chiffre qui est
presque six fois le chiffre de toutes les morts américaines durant la
guerre de sécession, 1ère guerre mondiale, seconde guerre mondiale,
guerres de Corée et du Vietnam, le tout combiné.“
Dunbar-Ortiz cite dans son livre sus-mentionné, l’auteur de la fameuse histoire “Le merveilleux magicien d’Oz” L. Frank Baum, qui écrivit en 1890 5 jours après le massacre de Wounded Knee, le 3 janvier 1891: “Les
pionniers (sic) avaient déclaré auparavant que notre seule sécurité
dépend de l’extermination totale des Indiens. Les ayant trompé pendant
des siècles nous ferions mieux, afin de protéger notre civilisation, de
faire suivre cela par un autre méfait et de faire disparaître de la face
du monde ces créatures sauvages et indomptables.”
[…]
“En 1913, la cour suprême des Etats-Unis déclara dans sa décision
de maintenir le peuple Pueblos comme pupille du gouvernement fédéral:
‘Ils sont essentiellement un peuple simple, non informé et inférieur’.”
Le mensonge du narratif historique va jusque dans les caractères
mêmes des soi-disants héros de la longue guerre des Etats-Unis contre
les Indiens. C’est ainsi que le narratif s’est enrichi des images
hollywoodiennes de la cavalerie pimpante coloniale chargeant les
méchants Indiens tuant les pauvres fermiers blancs qui ne leur avaient
rien fait, tout comme dans les films de John Ford, qui participèrent
grandement à la propagande du statu quo colonial. A ce sujet voici ce
que nous dit Dunbar-Ortiz dans son livre p.148:
“Comme l’a écrit l’historien amérindien Jace Weaver: “Les guerres
indiennes des Etats-Unis ne furent pas combattues par la cavalerie
blanche américaine comme montré dans les films de John Ford, mais par
des Africains-Américains, et des immigrants irlandais et allemands
enrôlés.” La chanson célèbre et envoûtante de Bob Marley “Buffalo Soldier” capture parfaitement l’expérience coloniale des Etats-Unis: “Said he was a buffalo soldier / Win the war for America.”
De tous les historiens américains, Howard Zinn de
l‘université de Boston, fut celui qui en 1980, jeta l’énorme pavé dans
la mare coloniale lorsqu’il publia son livre choc devenu culte
aujourd’hui (plus de 2 millions de copies vendus pour un livre
d’histoire, pas mal du tout !…) “Une histoire populaire des Etats-Unis” qui s’ouvre sur le chapitre qui frogorifia l’Amérique “Christophe Colomb, les Indiens et le progrès humain” . Il récidiva dans le chapitre 5 de son livre entretien avec Donaldo Macedo en 2005: “Christophe Colomb et la civilisation occidentale”, qui reprend tous les thèmes de son premier chapitre de 1980.
En voici quelques extraits, nous avons par ailleurs traduit et publié ce chapitre sur Résistance 71 en septembre 2012.
“Laissez-moi ici vous faire une confession: Je ne savais
pas grand chose de Colomb jusqu’à il y a environ une douzaine d’années,
quand j’ai commencé à écrire mon livre “Une histoire populaire des
Etats-Unis”. Je possédais un doctorat en Histoire (Ph.D) de l’université
de Colombia, ce qui veut dire que j’avais reçu l’entrainement adéquat
d’un historien, mais ce que je savais en fait de Christophe Colomb
n’était que ce que j’avais appris à l’école primaire. […]
Ainsi, comment devais-je donc raconter l’histoire de Christophe
Colomb ? J’en vins à la conclusion que je devais la voir au travers des
yeux des gens qui étaient là lorsqu’il arriva, les gens qu’il appelait
les “indiens”, parce qu’il croyait être arrivé en Asie. Et bien, ils
n’ont laissé aucun mémoire, aucune histoire. De plus, ils avaient été
exterminés en quelques décennies après l’arrivée de Colomb.
[…] Oui il était concerné par Dieu, mais il l’était plus encore
par l’or. Partout sur l’île d’Hispagnola (aujourd’hui Haïti) où lui, ses
frères et ses hommes passèrent le plus clair de leur temps, il fit
ériger des crucifix partout. Mais ils construisirent également des
échafauds partout sur l’ïle, on en comptait 340 en 1500. Des crucifix et
des échafauds, cette terrible juxtaposition historique.
[…] Les atrocités se multiplièrent. Las Casas témoigna
d’Espagnols embrochant des indiens au fil de leurs épées pour le
plaisir, fracassant la tête de nouveaux-nés sur les rochers; lorsque les
indiens résistaient, les Espagnols les traquaient, équippés pour les
tuer de chevaux, d’armures, de lances, d’épieux, d’arquebuses,
d’arbalètes et de chiens dressés particulièrement féroces. Des indiens
prirent parfois ce qui appartenait aux Espagnols, pour ce que les
indiens n’avaient pas de concept de ce qu’était la possession privée et
donnait eux-mêmes tout à fait librement ce qui leur appartenait, ils
furent décapités ou brûlés vifs au bûcher.”
Nous vous engageons à lire notre traduction complète du chapitre.
Dans le premier chapitre sur Colomb de son livre “Une histoire populaire des Etats-Unis”, Zinn dit ceci:
“En deux ans [après l’arrivée de Colomb], par le meurtre, les
mutilations ou le suicide, plus de la moitié des 250 000 Indiens vivant
sur Ispañola (aujourd’hui Haïti) étaient morts. […] En 1550 ils
n’étaient plus que 500. Un rapport datant de l’année 1650 indique
qu’aucun des Indiens originels Arawaks/Tainos ou leurs descendants
n’existait sur l’île.”
Puis plus loin: “lorsqu’il arriva sur Ispaõla en 1508, Bartolomé
de Las Casas dit “Il y avait 60 000 personnes vivant sur l’île incluant
les Indiens, ainsi entre 1494 et 1508, plus de trois millions de
personnes périrent de la guerre, de l’esclavage et du travail dans les
mines. Qui des générations futures croira cela ? Moi-même écrivant ceci
en tant que témoin occulaire ayant connaissance de ceci, ai-je du mal à
le croire…”
“Ce que Colomb fit aux Indiens Arawaks aux Bahamas et à Haïti, Cortez
le fit aux Aztecs du Mexique, Pizzaro aux Incas du Pérou et les
occupants colons anglais en Virginie et dans la Massachussetts le firent
aux Indiens Powhatans et aux Péquots.
Que nous disent les natifs sur le sujet ?
Vine Deloria Jr: Historien, théologien
et ancien directeur du Congrès National Indigène, auteur de nombreux
ouvrages dont le fameux “Custer est mort pour vos pêchés”, 1978.
“l’acquisition de terres et le travail des missionnaires fonctionnent toujours ensemble dans l’histoire américaine.
[…] Les premiers colons ne fuirent pas les persécutions
religieuses autant qu’ils voulaient les perpétuer dans des circonstances
qui leur étaient favorables.”
Taiaiake Alfred: Professeur de Science
Politique, responsable de la chaire de gouvernance indienne à
l’université de Victoria, Colombie Britannique, Canada. Auteur de
plusieurs ouvrages de référence comme “Wasase” et “Peace, Power and
Rightousness”, dont nous avons traduit de larges extraits.
“La plupart des non-indigènes ont toujours vu les peuples
indigènes en termes problématiques: comme obstacles au progrès de la
civilisation, comme pupilles de la couronne, des reliques des temps
sauvages, la lie de la société moderne, des criminels, des terroristes…
C’est toujours l’objectif des gouvernements canadien et américain de
faire disparaître les Indiens ou, si cela échouait, de les empêcher de
bénéficier de leurs territoires ancestraux.”
Steven Newcomb: Juriste, co-fondateur de l’Indigenous Law Institute, auteur de “Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte”, Fulcrum, 2008, dont nous avons aussi traduit et publié de larges extraits.
Newcomb a intensivement recherché et publié sur la motivation fondamentale
qui envoya Colomb sur le continent du nouveau monde et tous ceux après
lui: l’hégémonie coloniale, la conquête et l’extension de l’empire
chrétien, de la chrétienté. Ceci a commencé à la fin du XIème siècle
avec la première croisade et a atteint son point culminant avec les bulles pontificales Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493)
qui envoyèrent, justifièrent la conquête du monde “païen” par la
“grâce” d’un dieu vengeur et mystificateur et pour le bénéfice de ses
représentants de “droit divin” sur terre, le pape et les rois et reines,
c’est à dire la chrétienté: l’empire chrétien ou “imperii
christianorum”…
“Quand, de la perspective aborigène, nous rejetons la fausse
affirmation des chrétiens européens que “dieu” les a envoyé pour prendre
possession et coloniser les terres indigènes des “Amériques”, il est
évident que les chrétiens européens n’avaient aucune autorité légitime
sur les nations indigènes et leurs territoires ancestraux. Ce que les
chrétiens européens clâmèrent au nom de la loi, sur la base inconsciente
du modèle cognitif du conquérant n’était rien d’autre que le droit
d’empire et de domination, qui était intégral à la mentaité de
domination de la chrétienté.”
“Durant le XVème et le XVIème siècles et plus tard, les
monarchies et nations de la chrétienté levèrent le vieux narratif de
l’ancien testament et le thème du peuple élu et de la terre promise du
contexte géographique général du Moyen-Orient et commencèrent à le
transférer au reste du monde. […] Ainsi, ils ont conçu que pour
eux-mêmes, ils avaient reçu l’ordre de dieu de prendre possession des
parties les plus importantes de la terre’. […] Les monarques et
les conquistadores de la chrétienté transformèrent le ‘commandement ‘
de Yaveh aux Hébreus de prendre la terre de Canaan en une version
globalisée chrétienne de la même doctrine.”
Christophe Colomb fonctionna sur ce système. De fait, il était
mandaté par ce système incarné par le roi d’Espagne et protégé par les
bulles Dum Versitas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera
(1493). Le colonialisme occidental est avant tout un colonialisme
religieux utilisant le bras séculier des états monarchiques de “droit
divin” ne rendant compte qu’au “vicaire de dieu” sur terre: le pape.
Russel Means: Activiste Lakota de renom,
membre fondateur de l’American Indian Movement (AIM), figure du siège de
Wounded Knee en 1973, acteur, philosophe et sociologue, que nous avons
traduit et publié également. Il la publié deux ouvrages remarquables, le
premier son autobiographie “Where White Men Fear to Tread” en 1995 et le second juste avant sa mort en 2012 “Si vous avez oublié le nom des nuages vous avez perdu votre chemin”,
qui est une superbe introduction à la pensée et à la philosophie
amérindienne. Ce petit livre de juste 100 pages dont chaque mot est
pesé, fut le testament spirituel de ce grand activiste. Nous avons
traduit et publié de larges extraits de l’ouvrage sur Résistance 71.
“Pour les peuples indigènes de ce continent, la célébration du
jour de Colomb est l’affirmation ultime que depuis 1492, la société
occidentale nous a regardé comme négligeables et périssables. Colomb
était un assassin païen qui a soi-disant ‘découvert’ le paradis sur
terre, qui était la patrie de mes ancêtres et il s’est attaché à faire
de cet endroit un enfer sur terre pour eux.”
[…] “Ainsi, Colomb, afin de pouvoir s’enrichir et de mettre les
Indiens en esclavage, a dû convaincre l’église que nous étions des
sous-hommes et que nous pouvions donc être réduits en esclavage ou
massacrés en toute impunité. Afin de persuader l’église de cela, Colomb
accusa les Indiens d’actions anti-naturelles comme par exemple de
cannibalisme, un mensonge éhonté…”
En fait, Colomb n’avait même pas besoin de “convaincre” l’église qui
était déjà convaincue de tout cela puisque les papes Nicolas V et
Alexandre VI (Borgia) avaient déjà émis des bulles en ce sens,
autorisant la mise en esclavage perpétuelle des païens et des infidèles.
Et la saisie des terres non-chrétiennes dans le monde. Bulles qui n’ont
non seulement toujours pas été abrogées en 2016, mais qui ont servi de
fondement aux décisisons de la Cour Suprême des Etats-Unis et de celle
du Canada par jurisprudence, pour maintenir la “loi de la terre” sur le
continent nord-américain. La loi de la terre, coloniale, est gravée dans
le marbre et repose sur des décrets pontificaux racistes et inhumains
datant du XVème siècle… Qui dit mieux ?…
A l’occasion de ce jour de Colomb 2016, voici ce qu’a à dire une
femme de la nation Ojibwe, Tessa McLean, activiste et déléguée du forum
permanent pour les peuples indigènes à l’ONU (traduction Résistance 71):
“Ma famille a survécu les tactiques des pensionnats pour Indiens
utilisés durant la tristement célèbre phase du ‘tuer l’Indien, sauver
l’Homme’.
Ma famille apprend comment survivre dans la lutte contre les femmes indigènes disparues et assassinées.
Ma famille apprend à survivre aux abus d’alcool et de drogues.
Ma famille apprend comment survivre au génocide.
Je dis que Christophe Colomb nous a apporté cette destruction.
Il a le premier assassiné nos femmes.
Il nous a le premier violé et mutilé.
Il a apporté la mort et la maladie, ce qui s’est transformé avec le temps en abus d’alcool et de drogue.
Il a en premier volé nos terres et nos ressources pour remplir ses poches.
Ceci peut sembler familier jusqu’à Standing Rock aujourd’hui dans le Dakota du Nord, où nos frères et sœurs se battent toujours pour leurs droits à la terre et contre les industries d’extraction et d’exploitation et ce depuis 524 ans.”
Ma famille apprend comment survivre dans la lutte contre les femmes indigènes disparues et assassinées.
Ma famille apprend à survivre aux abus d’alcool et de drogues.
Ma famille apprend comment survivre au génocide.
Je dis que Christophe Colomb nous a apporté cette destruction.
Il a le premier assassiné nos femmes.
Il nous a le premier violé et mutilé.
Il a apporté la mort et la maladie, ce qui s’est transformé avec le temps en abus d’alcool et de drogue.
Il a en premier volé nos terres et nos ressources pour remplir ses poches.
Ceci peut sembler familier jusqu’à Standing Rock aujourd’hui dans le Dakota du Nord, où nos frères et sœurs se battent toujours pour leurs droits à la terre et contre les industries d’extraction et d’exploitation et ce depuis 524 ans.”
La boucle est bouclée dans le cycle sans fin du consensus du statu
quo oligarchique. Nous proposons de sortir du cycle induit
“évolution-révolution” pour prendre la tangente et retrouver la
linéarité de la société humaine vers le véritable progrès. Depuis
quelques millénaires nous avons été enfermés et leurrés à accepter comme
inéluctable, le cercle vicieux de la domination du plus petit nombre.
Briser les chaînes c’est RElinéariser le cycle vers le progrès infini.
Nous vivons dans une société globale volontairement muselée pour le
profit et la domination du plus petit nombre.
Nous laisserons le mot de la fin à l’historienne Roxanne Dunbar-Ortiz, qui en conclusion de son livre, “An Indigenous Peoples’ History of the United States” nous dit ceci (traduction Résistance 71):
Nous laisserons le mot de la fin à l’historienne Roxanne Dunbar-Ortiz, qui en conclusion de son livre, “An Indigenous Peoples’ History of the United States” nous dit ceci (traduction Résistance 71):
“Il y a 45 ans, l’archéologue Robert Silverberg écrivit au sujet
de l’appel des ‘tribus perdues’ aux Anglo-américains: ‘le rêve d’une
race préhistorique perdue au cœur du continent américain était une
satisfaction profonde et si les disparus avaient été des géants, ou des
hommes blancs, ou des israélites, ou des Danois, ou des Toltecs ou de
grands juifs blancs toltec vikings, cela aurait été encore mieux.’ Tout
sauf des Indiens, car cela aurait fourni la preuve rappelant aux
descendants des colons anglais que le continent avait été volé, un
génocide commis et la terre repeuplée par des colons en quête
d’authenticité mais qui ne la trouvèrent jamais à cause du mensonge avec
lequel ils vivent, suspecant la vérité, mais ayant bien trop peur de
l’affronter… (p.233)
[…] Comment donc la société américaine peut-elle venir à bout de
son passé ? Comment peut-elle reconnaître sa responsabilité ?
L’Historien autochtone Jack Forbes a toujours insisté sur le fait que
bien que les personnes en vie actuellement ne sont pas responsables de
ce que leurs ancêtres ont fait, ils n’en sont pas moins responsables de
la société dans laquelle ils vivent et celle-ci est un produit du passé.
Tout le monde et toute chose dans le monde est aujourd’hui affecté, le
plus souvent négativement, par la domination américaine et son
interventionnisme, souvent violent avec des moyens militaires directs ou
par procuration. C’est un problème des plus urgent. L’historien et
enseignant Juan Gomez-Quiñones écrit: ‘L’ancestrie et les héritages
amérindiens devraient être une partie intégrante des curricula des
collèges et lycées ainsi que des universités et ce avec une intégration
complète des histoires et cultures amérindiennes dans les currucula
universitaires.’
Les peuples indigènes offrent des possibilités de vie après l’empire, des possibilités qui n’effacent ni les crimes du colonialisme ni ne demandent la disparition des peuples originels colonisés sous le couvert de les inclure dans la société à titre individuel. Ce processus commence vraiment par le fait d’honorer les traités établis avec les nations indigènes, de restaurer les sites sacrés, à commencer avec les Black Hills et incluant la vaste majorité des parcs nationaux détenus fédéralement et toutes les terres et objets sacrés dérobés et de payer des réparations pour la reconstruction et l’expansion des nations autochtones. Dans le processus, le continent se trouvera radicalement reconfiguré, physiquement et psychologiquement. Pour que ce futur se réalise, cela demandera des programmes éducatifs intensifs et le plein soutien et la participation active des descendants des colons, des Africains mis en esclavage, des Mexicains colonisés ainsi que de la population immigrante.” (p.235-6)
Les peuples indigènes offrent des possibilités de vie après l’empire, des possibilités qui n’effacent ni les crimes du colonialisme ni ne demandent la disparition des peuples originels colonisés sous le couvert de les inclure dans la société à titre individuel. Ce processus commence vraiment par le fait d’honorer les traités établis avec les nations indigènes, de restaurer les sites sacrés, à commencer avec les Black Hills et incluant la vaste majorité des parcs nationaux détenus fédéralement et toutes les terres et objets sacrés dérobés et de payer des réparations pour la reconstruction et l’expansion des nations autochtones. Dans le processus, le continent se trouvera radicalement reconfiguré, physiquement et psychologiquement. Pour que ce futur se réalise, cela demandera des programmes éducatifs intensifs et le plein soutien et la participation active des descendants des colons, des Africains mis en esclavage, des Mexicains colonisés ainsi que de la population immigrante.” (p.235-6)
Nous ne disons pas autre chose lorsque nous affirmons que l’avenir de
l‘humanité passe par les occidentaux émancipés de l’idéologie coloniale
se tenant main dans la main avec leurs frères colonisés de tous les
continents pour construire ensemble, solidairement la société des sociétés.
Le temps n’est plus seulement à la critique mais à l’action, le
progrès passe par l’éradication du colonialisme et de son pilote
historique: l’État, qui est la négation de l’Humanité. Ceci se voit
aujourd’hui comme le nez au milieu de la figure, il suffit de
lâcher-prise de ce modèle politique fallacieux et arrêter d’avoir peur
de notre ombre. La vérité nous libèrera.
“Dans un monde de mensonges, dire la vérité est un acte révolutionnaire.”~ George Orwell ~
https://resistance71.wordpress.com/2016/10/10/la-journee-de-colomb-celebration-officielle-du-plus-gros-genocide-de-lhistoire-de-lhumanite/
VOIR AUSSI :
Non ! Christophe Colomb n’a pas « découvert » l’Amérique