Ça chauffe autour des deux villes syrakiennes, ça brûle même, et les
développements que nous annoncions sont en train de se réaliser.
Ainsi,
sur le théâtre nord-irakien, nous évoquions :
un dernier aspect de la bataille de Mossoul,
qui n'est pas le moins important et que l'on pourrait résumer par cette
question toute shakespearienne : porte ou pas porte de sortie ?
Selon
un certain nombre d'observateurs, l'empire ayant vu son plan A (Assad
doit partir) tomber complètement à l'eau et assistant impuissant à la
reconquête d'Alep par les loyalistes, il active un plan B
à minima : laisser une porte ouverte à l'ouest à Daech pour qu'un flot
de djihadistes fuyant Mossoul s'engouffrent en Syrie et y renforcent le
sunnistan. Une source anonyme russe confirme (ça vaut ce que ça vaut).
C'est
également indirectement corroboré par le comportement d'une partie des
combattants de la coalition, ce qui met une nouvelle fois en lumière
l'invraisemblable bric-à-brac de celle-ci. Peut-être soupçonneux des
intentions américaines et fermement décidées à éviter des difficultés
supplémentaires à leur allié Assad, les milices chiites irakiennes annoncent qu'elles vont couper
toute retraite possible aux petits hommes en noir du califat. De fait,
certaines se dirigent déjà vers Tal Afar, prenant à revers Mossoul et
isolant la ville. Si les Américains pensaient utiliser la grande
bataille du nord de l'Irak pour mettre Damas en difficulté, leurs
"alliés" au sein de la coalition sont en train de court-circuiter le
stratagème...
Eh bien nous y sommes ! Il y a trois jours, les milices chiites ont lancé le grand mouvement
d'encerclement à l'ouest de Mossoul, libérant un territoire conséquent.
Le but est de faire la jonction avec le territoire kurde au nord (en
jaune sur la carte), en prenant notamment la ville de Tal Afar (cercle
rouge), et de tuer ainsi dans l'oeuf toute possibilité de retraite de
Daech vers la Syrie.
Sauf
que, Moyen-Orient oblige, les choses ne sont évidemment pas si simples.
Si la "rencontre" entre chiites et Kurdes barzanistes ne devrait pas
trop poser de problème (quoique, à voir...), Erdogan refait des siennes !
Le sultan avale couleuvre sur couleuvre ces temps-ci, notamment en
Syrie (nous y reviendrons plus bas) et il voit avec horreur les cartes
lui échapper en Irak.
En l'occurrence, c'est la course des milices
chiites vers Tal Afar qui le préoccupe, du moins officiellement. La
raison invoquée est la protection de l'importante population turkmène de
la ville, qui avait d'ailleurs fourni certains des plus hauts cadres de Daech. Derrière se cache évidemment une lutte d'influence irano-turque
(notez que même les rares fois qu'elle informe relativement
sérieusement, la MSN ne peut se départir de son habituel ton
pro-sunnite, c'est-à-dire pro-pétromonarchique et anti-iranien). Mais
c'est plus globalement le futur des frontières irakiennes qui est en jeu
ainsi que l'avenir de la guerre en Syrie voisine.
Toujours est-il que le sultan éructe et, comme d'habitude, menace d'intervenir, sans que l'on sache s'il est vraiment sérieux (voir cette concentration de tanks turcs à la frontière) ou si c'est un énième coup de voix dans l'eau. Le führerinho d'Ankara semble de plus en plus allumé. Ne vient-il pas d'ailleurs de déclarer
que les îles grecques de la mer Egée étaient turques ? Il n'arrive
décidément pas à tenir sa langue, quitte à se couper de tout et de tous.
Car si, de manière ponctuelle, des réconciliations peuvent avoir lieu,
plus aucun dirigeant ne lui fait confiance. Témoin, le nord syrien...
Nous avons décrit la course vers Al Bab
entre les YPG kurdes et l'ASL soutenue par les Turcs, ainsi que les
coups bas que se donnent joyeusement les deux groupes chemin faisant.
Nous avions aussi évoqué :
le ton très
menaçant du gouvernement syrien. Après les bombardements aériens turcs
sur les Kurdes, Damas (et Moscou derrière ?) a sèchement averti que tout avion turc serait désormais purement et simplement abattu et que les troupes turques seraient considérées comme des "forces d'invasion".
Lavrov n'est pas non plus resté muet, mettant en garde Ankara que toute
nouvelle incursion aérienne "rencontrerait une résistance", sans
préciser s'il s'agirait des systèmes anti-aériens russes ou syriens.
Chose promise, chose due : les avions turcs ne s'aventurent plus
en territoire syrien depuis le 22 octobre ! Les S-300 et 400 refont
parler d'eux... Il se dit même que des F16 ottomans téméraires se sont
retrouvés nez à nez avec quelques Sukhois venus faire la causette et ont
fait demi-tour. Le sultan en a avalé son loukoum de travers. S'il
pensait que, sous couvert de réconciliation, Poutine lui avait donné
carte blanche, il a dû sérieusement déchanter.
Conséquence immédiate sur le terrain : l'ASL fait du surplace tandis que les Kurdes, en coopération avec l'armée syrienne, ont sécurisé leur flanc sud - et le flanc nord des loyalistes
qui font le siège d'Alep - et ont les mains libres pour avancer vers Al
Bab. Sur la carte ci-dessous, les hommes de paille d'Ankara sont au
même endroit que la semaine dernière (Tal Jijan, Ablah) alors que les
YPG ont largement rattrapé leur retard :
Aux toutes dernières nouvelles, elles ont même pris un peu d'avance,
bloquant partiellement la route à leur concurrent. Rappelons que de
l'identité de celui qui occupe Al Bab dépendra une partie de la
recomposition syrienne d'après-guerre...
Ca ne sera en tout cas
vraisemblablement pas l'armée syrienne, hypothèse que nous évoquions la
dernière fois sans lui donner d'ailleurs beaucoup de crédit. Les
loyalistes sont en effet trop occupés à Alep où la grande offensive
djihadiste annoncée a débuté et où d'importants moyens ont été mis en
oeuvre afin de la repousser.
Car le premier jour, Al Qaeda, Ahrar
al-Cham & co ont quelque peu semé la panique dans les rangs
gouvernementaux, envoyant bulldozer piégé sur bulldozer piégé et
réussissant à percer et même à mettre la main sur quelques points
importants. Cela faisait craindre le pire pour le million et demi
d'habitants de la zone gouvernementale (ceux dont la presstituée ne
parle jamais) où des obus de mortier commençaient à tomber (on a
également relevé une attaque au gaz).
Dès le deuxième jour cependant, l'armée, le Hezbollah et autres alliés réussissaient à stopper l'avance barbue et même à contre-attaquer, mouvement amplifié par la suite. La situation semble désormais stabilisée
et le terrain perdu presque repris. Surtout, les djihadistes, qui
avaient tout mis dans la bataille, doivent avoir pris un petit coup au
moral en réalisant qu'il leur sera quasiment impossible de rompre le
siège d'Alep.