C'est une véritable Bérézina pour les coupeurs de tête
modérés d'Alep... Chaque heure apporte son lot de nouvelles et elles sont
mauvaises pour les protégés du camp du Bien ; les quartiers rebelles tombent
les uns après les autres.
Après la prise d'Hanano, l'armée syrienne et ses alliés ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Les districts adjacents,
notamment l'important Jabal Badro, ont été pris d'assaut. Le patient
travail de renseignement russe durant la "trêve humanitaire" ainsi que
les drones ont permis aux Sukhois et autres Mig de vaporiser les barbus :
La partie nord de l'enclave s'écroule comme un château de cartes et les djihadistes sont en train de l'abandonner. Celle-ci se réduit à peau de chagrin et, chose intéressante, les Kurdes d'Alep participent à la curée.
Après
des mois de relatif statu quo, le ciel est tombé sur la tête des
modérément modérés en quelques dizaines d'heures. Le fidèle lecteur ne
sera pas surpris, nous avions à plusieurs reprises annoncé que l'échec
de la tentative de la dernière chance fin octobre avait porté un rude coup au moral barbu. Mais avouons que nous n'anticipions pas une débâcle aussi rapide.
Prudence tout de même : restera encore la partie sud de l'enclave où les loyalistes commencent aussi à avancer.
Mais le sort d'Alep est scellé : la ville reviendra intégralement dans
le giron gouvernemental, la seule incertitude demeurant le facteur
temps. Cadeau de Noël pour Bachar ?
La prise d'Alep, incontestable
tournant de la guerre, libérera des dizaines de milliers de soldats qui
iront renforcer les autres fronts, chaque fois moins nombreux
d'ailleurs et libérant à leurs tour des milliers de combattants.
Resteront alors deux gros morceaux :
- la province d'Idlib où Al Qaeda, Ahrar al-Cham & Co, en relatif état de faiblesse après les pilonnages russes, sont d'ailleurs en train de se dévorer entre eux.
- l'Etat islamique.
Dans
ces deux cas, un délicieux retour à l'envoyeur se profile. Pressés de
tous côtés, les djihadistes d'Idlib n'auront qu'une échappatoire : la
Turquie, où tonton Erdogollum aura toutes les peines du monde à les
contrôler. Quant à Daech, nous évoquions l'année dernière le scénario rêvé :
Il
existe une possibilité formidable à tous les sens du terme, bien que
très hypothétique pour l'instant. C'est une idée qui avait traversé
l'esprit de votre serviteur il y a quelques semaines mais qu'il avait
chassée tellement elle lui paraissait énorme... jusqu'à ce qu'elle
réapparaisse dans la conclusion d'un article passionnant
du site spécialisé Oil Price. L'article lui-même s'attache aux causes
énergétiques du conflit syrien, dont nous avons déjà parlé à plusieurs
reprises ici. Les pays du Golfe (dont le Qatar et son projet de
méga-gazoduc) voulaient faire transiter leurs fabuleuses ressources en
hydrocarbures vers l'Europe, le tout sous contrôle américain, ce qui
aurait eu pour effet de marginaliser considérablement la Russie. Passer
par l'Irak saddamique puis chiite étant impossible, la seule voie pour
les pipelines du Golfe était la Syrie, pays à majorité sunnite qui ne
ferait aucune difficulté une fois Bachar renversé.
Assad
ne l'entendait pas de cette oreille, qui mettait une contre-proposition
sur la table : un tube "chiite" Iran-Iraq-Syrie. De quoi donner une
crise d'urticaire aux cheikhs du Golfe et à leur allié américain. Quatre
ans après, Riyad, Doha et Washington n'ont pas abandonné l'idée bien
que le projet paraisse maintenant bien compromis (même si Assad perdait
finalement, l'EI est devenu totalement incontrôlable).
Mais revenons à notre idée, géniale, diabolique, colossale en réalité. Nous avons vu
il y a quelques jours comment la coalition irano-irako-syro-russe
pourrait, avec l'aide des Kurdes au nord, mettre fin à l'EI. Notons
d'ailleurs au passage qu'à l'est, les Irakiens commencent à avancer et
ont quasiment réussi à tuer le calife grâce au centre
de renseignement commun mis sur pied avec Téhéran, Moscou et Damas (ce
n'est certes pas sur les Américains que Bagdad pouvait compter pour
trouver les cibles de l'EI...)
Cher
lecteur, que voyez-vous sur cette carte ? Entre la poussée
Syrie-Iran-Hezbollah à l'ouest, kurde au nord et Irak-Iran à l'est, le
tout soutenu par l'aviation russe, l'Etat Islamique serait cerné et
n'aurait plus qu'une échappatoire : vers le sud, vers... l'Arabie
Saoudite !
Ô divin retour à l'envoyeur, renvoi du monstre à son créateur... Riyad prend les choses suffisamment au sérieux pour ériger une frontière électronique.
Mais si cet amusant gadget peut stopper quelques djihadistes égarés
dans le désert, que fera-t-il face à des (dizaines de) milliers de
fanatiques surarmés et désespérés ? Gageons que les bombes US
retrouveront soudain toute leur efficacité mais sera-ce suffisant ?
Si
l'EI entre en Arabie Saoudite, c'est tout le fragile édifice de la
monarchie moyenâgeuse wahhabite qui explose. Et avec elle les prix du
pétrole. Pour Poutine, ce serait un incroyable triple coup : s'allier
aux Kurdes et ravaler la Turquie au rang de faire-valoir, détruire la
maison des Saoud et enfin faire grimper les prix du pétrole à des
niveaux jamais atteints. Nous n'en sommes pas (encore ?) là...
Rédigé par Observatus geopoliticus