Depuis
que Donald Trump a largement contredit les sondages, les experts et l’ensemble
de l’establishment politique et médiatique en emportant
l’élection en tant que nouveau président américain, les commentateurs et
analystes arabes se sont efforcés d’en évaluer les implications pour le
Moyen-Orient et le reste du monde.
Il est un peu
prématuré de prédire avec une certaine confiance les politiques étrangères
qu’une administration Trump est susceptible de suivre. D’une part, il y avait
beaucoup de contradictions et d’incohérences dans les déclarations de politique
étrangère faites par Trump lors de sa campagne électorale, et ses positions
déclarées devraient être modifiées à une plus ou moins grande échelle une fois
qu’il entrera en fonction. Les politiques suivies par son administration
dépendront également de façon non négligeable de ses aides et conseillers et
des hauts fonctionnaires qu’il nommera, et le processus de sélection vient tout
juste de commencer.
De plus, Trump
s’est concentré principalement sur les questions intérieures, principalement
l’emploi et l’immigration, et c’est le programme national qui va orienter la
nouvelle administration sur les questions internationales. Il considère que la
reconstruction de l’économie américaine – plutôt que des mesures spécifiques de
politique étrangère en tant que telles – est la clé de la restauration du
pouvoir américain et de sa « grandeur »
à l’étranger.
Néanmoins, il
est possible, sur la base des éléments aujourd’hui disponibles, de faire
provisoirement quelques prévisions sur les possibles ruptures d’une « administration Trump » avec
la politique d’Obama au Moyen-Orient, et sur qui pourraient être les principaux
gagnants et perdants dans la région.
Le président
syrien Bashar al-Assad est en tête de liste des gagnants potentiels, en raison
de l’admiration et du respect déclarés par Trump envers le président russe
Vladimir Poutine et de son souhait déclaré de travailler avec lui et d’améliorer
les relations avec la Russie. Trump considère Poutine comme un adversaire
déclaré des « djihadistes »
en Syrie et il est prêt à les combattre à ses côtés plutôt que d’essayer de
renverser le régime syrien. Il s’est abstenu de rejoindre le chœur des
dénonciations américaines des actions militaires russes en appui au régime
syrien, à Alep et dans d’autres secteurs.
Combattre avec
la Russie contre l’État islamique et d’autres groupes « djihadistes »
équivaudrait à combattre aux côtés d’Assad, ce qui implique une ré-légitimation
effective aux yeux de l’administration américaine et une relation plus stable
avec le régime en place. Trump s’est exprimé contre l’invasion de l’Irak et
l’intervention de l’OTAN en Libye, et il a affirmé qu’il ne s’intéressait pas à
l’exportation de la démocratie américaine ou à l’évolution des régimes au
Moyen-Orient. Cette attitude bénéficie à un certain nombre de régimes dans la
région, mais surtout et avant tout à celui de Syrie.
L’Égyptien
Abdel Fattah al-Sisi peut également compter parmi les gagnants possibles. Trump
l’a chaleureusement salué lorsque les deux hommes se sont rencontrés sur les
bancs de l’Assemblée générale des Nations Unies et il a promis de renforcer les
relations avec l’Égypte, tout en critiquant l’administration Obama pour avoir
soutenu le gouvernement des Frères musulmans que al-Sisi a renversé.
Trump et Sissi à New_York, sept 2016 |
L’Iran, pour sa
part, pourrait avoir un pied à la fois dans les camps gagnant et perdant. En
tant qu’allié régional de la Russie, il tirerait profit d’un rapprochement
entre les États-Unis et la Russie, renforçant alors sa présence en Syrie et en
Irak. Mais si Trump tente de modifier ou d’annuler l’accord nucléaire iranien
comme il l’a promis lors de sa campagne électorale, cela le placerait dans une
confrontation directe avec Téhéran.
Pourtant, il
est peu probable que Trump respecte son engagement : l’accord n’est pas un
accord bilatéral avec l’Iran mais un accord international approuvé par les
Nations Unies et impliquant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité
et l’Allemagne. L’abandon de cet accord laisserait alors les mains libres à
l’Iran pour développer ses options nucléaires et placerait les deux pays sur la
voie d’une éventuelle confrontation militaire, une perspective que Trump ne
voudrait vraisemblablement pas avoir à gérer.
Donald Trump à Saint Petersbourg 1987 |
Parmi les
perdants d’une victoire de Trump, figurent les divers éléments, armés ou
modérés, de l’opposition syrienne. Ils ont attendu avec impatience que
l’administration Obama termine ses derniers jours au pouvoir et laisse la place
à un successeur plus vindicatif, comme Hillary Clinton. Celle-ci avait promis
de fournir à l’opposition armée des armes plus sophistiquées et de mettre en
place des zones d’exclusion aérienne en Syrie – ce qui aurait été un pas vers
le renversement d’Assad – et d’adopter une approche plus conflictuelle à
l’égard de la Russie. Mais la victoire inattendue de Trump a réduit en miettes
tous leurs rêves et les a laissés en plan… Au lieu de l’augmentation attendue
et décisive du soutien américain, ils font face à la possibilité de voir les
États-Unis s’associer à la Russie pour les détruire.
L’Arabie
saoudite attendait avec impatience une victoire de Clinton dans l’espoir
qu’elle allait adopter une ligne plus dure que celle d’Obama envers l’Iran et
la Syrie. L’Arabie saoudite et d’autres États du Golfe savent que Trump n’a que
peu d’égards pour eux, malgré les politesses diplomatiques qu’il a échangées
avec le monarque saoudien par téléphone. Obama s’est peut-être plaint – dans
son célèbre entretien avec le magazine The
Atlantic – de l’Arabie Saoudite essayant d’abuser des États-Unis et
de leur faire livrer ses guerres à sa place, mais Trump est allé plus loin. Il
veut se faire rembourser les coûts de toutes les protections militaires
américaines qui ont été accordées [à l’Arabie saoudite] au fil des années et il
a promis qu’il n’y aura plus de passe-droit ou de protection. Il est également
l’un des partisans les plus enthousiastes de la loi JASTA qui encourage les
Américains touchés par les attentats du 11 septembre, à poursuivre l’Arabie
saoudite pour obtenir une compensation financière pouvant s’élever à plusieurs
milliards de dollars.
Il reste
difficile de dire sur la base des déclarations de Trump, dans quelle mesure les
Israéliens et les Palestiniens se retrouveront – en termes relatifs – dans le
camp des perdants ou des gagnants. Initialement, Trump avait déclaré qu’il
adopterait une position neutre dans le conflit, mais il a ensuite exprimé un
soutien inconditionnel pour Israël – comme Clinton – et il a promis de déplacer
l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem sous occupation. C’était
probablement destiné à séduire ou au moins neutraliser le lobby israélien aux
États-Unis. Ce lobby n’a pas joué de rôle actif pour soutenir sa campagne ou
lui fournir des dons. Sa future administration cependant, garantit qu’Israël
restera l’allié privilégié et choyé de toute administration américaine. C’est
donc un pari sûr, jusqu’à nouvel ordre, de placer les Palestiniens dans le camp
des perdants.
Je ne peux pas être
plus d’accord avec le point de vue selon lequel les Arabes devraient cesser de
spéculer sur les résultats des élections présidentielles américaines et
devraient compter sur eux-mêmes pour améliorer leur condition. Il aurait
peut-être été plus logique de dire cela quand il y avait des États forts et
stables dans le Monde arabe, et des dirigeants réellement indépendants. Le fait
que cela semble maintenant inconcevable est un reflet douloureux de l’ampleur
de son déclin.
*Source
et Traduction :
Chronique de Palestine
– Lotfallah
Version
originale : Raï
al-Yaoum
Netanyahou veut saboter le rapprochement Poutine-Trump
Le jeu commence. La Turquie et l'Arabie saoudite ne sont pas
disposées à suivre la politique annoncée par Trump sur la Syrie et prévoient
maintenant redoubler d'efforts pour soutenir ISIS. Afin d'éviter une
confrontation évidente avec les États-Unis, qui a, jusqu’à maintenant, soutenu
toutes les forces qui combattent le gouvernement Assad, y compris ISIS et
d'autres organisations officiellement qualifiées de «terroristes», la Turquie
et l'Arabie saoudite se sont retournées vers le Premier ministre israélien
Benjamin Netanyahu, pour lui demander son aide.
Netanyahou, par l'intermédiaire des canaux de communication
spéciaux, a averti toutes les puissances régionales, y compris l'Iran, que tout
accord avec les États-Unis devrait passer par lui et celui du lobby juif américain.
L'Iran a déjà reçu d’Israël un prix pour
faire échec à la démolition promise par Trump du règlement nucléaire.
Netanyahou leur a promis qu'il n'y aura pas de nouvelles sanctions tant que
l'Iran externalisera les principaux domaines de sa modernisation militaire à
travers Israël. Israël a traditionnellement été un moyen de restreindre les
transferts de technologie militaire des États-Unis vers les pays de la "liste
noire".
Netanyahou s'adressant à l'élite US |
Israël, l’Arabie et la Turquie considèrent que Trump commet une énorme
erreur, lorsqu’il a déclaré qu'il envisagerait de soutenir l'Assad et la Russie
contre des terroristes soutenus par Israël et ses amis arabes et turcs. Il est
peu probable qu'Assad, qui a une longue expérience de Netanyahu et de ses coups
tordus, accepte un accord quelconque avec lui, à l’image de l’Iran. Au
contraire.
Avec une présence militaire russe permanente en Syrie et
Assad reconstruisant sa nation après la défaite d'ISIS/Daech, les efforts syriens
se concentreront sur la récupération des Hauteurs du Golan, occupées
illégalement par les sionistes depuis 1967.
La fin de l’époque Obama a été mise à profit par Israël pour
prendre le reste de la Cisjordanie, la destruction illimitée des maisons
palestiniennes et le nettoyage ethnique de facto sans restriction à travers le
reste de l'Israël (y compris la Judée et la Samarie, 40% D'Israël d'avant 1967).
Ce nettoyage ethnique est soutenu par presque tout le monde. Les Arabes et le
Qatar réduisent l'aide aux Palestiniens, la Jordanie les considère depuis
longtemps comme la principale menace pour leur sécurité, bien plus qu’Israël.
(La Jordanie est une marionnette israélienne)
Là où il ya eu un changement significatif, c'est comment
Assad voit maintenant les Palestiniens, dont les islamistes du Hamas ont
rapidement rejoint ISIS/Daech, transférés de Gaza vers la Syrie par Tsahal. Pour
Israël, c’est d’une pierre deux coups : éliminer le Hamas et affaiblir
Assad. Tout cela est rendu possible par le libre passage par Israël des
combattants du Hamas en Syrie et en Jordanie vers les centres de formation de
la CIA.
La Turquie menace activement l'intégrité territoriale de
l'Irak et de la Syrie et les mouvements turcs dans les deux pays visent
directement à mettre la main sur les réserves de pétrole et de gaz. Avec la
Russie et l'Iran bloquant la Turquie de saisir les champs de gaz massifs près
d'Alep. Ces réserves de gaz près d’Alep sont beaucoup plus grandes que les
réserves offshores trouvées par Israël. La Turquie veut aussi mettre la main
sur les réserves de pétrole de l’Euphrate à l'ouest de Raqqa et plus au sud
comme à Deir Ezzor, une autre région riche en pétrole en Syrie.
En Irak, la Turquie travaille en étroite collaboration avec
le gouvernement kurde fantoche de la Turquie et d’Israël pour saisir les champs
pétrolifères de Kirkouk, parmi les plus importants du monde. Les forces de
Peshmerga ont nettoyé ethniquement cette zone, en prétendant se battre contre
Daech de Mossoul. Ces forces kurdes se dirigent maintenant vers les zones
sunnites irakiennes, nettoyant ethniquement les populations arabes.
Ce qui est révélé par ceci est la relation longtemps cachée
entre les Kurdes d’Erbil et Daech et comment les deux ont été contrôlées par
Erdogan. Lorsque la Russie a montré les photos satellites mondiales de 12 000
camions de pétrole entrant en Turquie en provenance d'Irak, ce qui n'a pas été
dit, c'est que ces camions, pendant les 200 dernières milles de leur voyage ont
été gardés par les forces Peshmerga. La plupart du pétrole ISIS volé en Irak a
été prélevé dans les régions contrôlées par le Kurdistan et non par ISIS,
commercialisé dans le monde à partir de la capitale kurde d'Erbil et transporté
par camion vers des dépôts de gazoduc en Turquie par le Kurdistan, l'ISIS et
même les régions turques contrôlées d'Irak.
En fait ISIS a obtenu très peu de recettes pétrolières, mais
en fait seulement facilité le transit de pétrole volé par les Kurdes Erbil et
leurs partenaires turcs, y compris, selon les rapports, le fils d'Erdogan.
La vraie question ici est ce que la Russie permettra?
Permettra-t-il à la Turquie et à l'Arabie Saoudite de démembrer la Syrie?
Restera-t-elle silencieuse sur les efforts de la Turquie pour soutenir ISIS
alors qu'elle exécute des opérations militaires contre ISIS. Des sources à
Damas ont longtemps affirmé que l'occupation par l'ISIS de zones de la Syrie du
Nord actuellement sous l'occupation turque était toujours contrôlée par la
Turquie.
Poutine permettra-t-il à Netanyahu de jouer son jeu, qui
inclut la trahison de la Russie? Jusqu'où ira Netanyahu avant que la Russie ne
s'affirme militairement?
Ce que Netanyahou dit aussi, c'est qu'il a une influence,
voire un contrôle, sur le gouvernement de Kiev. Nous ne savons pas si
Netanyahou a promis d'avoir Trump reconnaître le contrôle de la Russie de la
Crimée. Cela donnerait un effet de levier considérable sur la Russie, peut-être
assez pour mettre en danger le soutien de la Russie à la Syrie, que Netanyahu
doit considérer comme une menace.
Il faudra observer les événements dans la région. Si Trump
ne parvient pas à affronter la Turquie et l'Arabie saoudite sur leur soutien à
ISIS contre le gouvernement de Damas, cela représentera une grande défaite de sa
politique étrangère dès le début de son administration.
Hannibal GENSERIC