Des
agresseurs qui s’emploient à ressusciter « le Pacte de Bagdad » comme
l’explique Madame Bouthaïna Chaabane, conseillère politique du Président Bachar
al-Assad, dans son article de ce 20 février, publié par le quotidien syrien
Al-watan.
Un rapport
confidentiel établi en 1983, et déclassifié le 20 janvier 2017 [1], révèle que
les États-Unis ont encouragé Saddam Hussein à attaquer la Syrie dans l’objectif
d’occuper les deux pays par une guerre sanglante qui épuiserait leurs forces.
Ce rapport
s’appuie sur les déclarations de Graham Fuller, un ex haut fonctionnaire de la
CIA, lequel affirme que les États-Unis ont fortement cherché à convaincre
Saddam Hussein d’attaquer la Syrie, sous un prétexte ou un autre, dans le but
de frapper les deux plus importantes forces du Moyen-Orient arabe et de les
éloigner du front de lutte israélo-arabe. Mais vu que Saddam était engagé dans
la guerre contre l’Iran, il fallait lui offrir de quoi le tenter avec le
soutien de la plupart des États régionaux inféodés aux États-Unis, comme
l’Arabie saoudite et d’autres Pays du Golfe, lesquels auraient financé cette
guerre afin d’affaiblir la Syrie en tant que force régionale en plein
développement. D’où la fourniture d’équipements modernes à Saddam afin de
boucler la boucle des pays voisins menaçant la Syrie : la Jordanie, la
Turquie et Israël.
Ainsi, et
selon les prédictions de ce rapport datant de 1983, la Syrie menacée de trois
côtés et peut-être plus, pouvait être contrainte à faire des concessions dans
le conflit avec Israël. Par ailleurs, le rapport affirme que convaincre Saddam
d’adopter ce scénario était crucial car il devait rompre le rang des arabes et
dissimuler le fait qu’Israël et les États-Unis avaient intérêt à ce que cette
guerre ait lieu.
Raison pour
laquelle les États-Unis ont travaillé à obtenir le consensus des Pays arabes
inféodés en faveur de Saddam dans cette affaire, tandis que les études
israéliennes de l’époque saluaient l’idée de créer des tensions sur les
frontières syro-irakienne, syro-libanaise, syro-jordanienne et
syro-turque ; Israël estimant que son problème était la Syrie, non Saddam.
Or, trente ans
auparavant, une alliance colonialiste s’est formée en pleine Guerre froide et
fut indûment qualifiée de « Pacte de Bagdad » :
[Le Pacte de
Bagdad, dont le nom officiel est « Traité d’organisation du
Moyen-Orient », a été fondé le 24 février 1955 entre l’Irak, la
Turquie, le Pakistan, l’Iran et le Royaume-Uni, rejoints par les États-Unis en
1958. Il sera rebaptisé « Organisation du Traité central » (Central
Treaty Organisation) ou CenTO, après le retrait irakien le 24 mars 1959.
Le Pacte de
Bagdad -et le Cento après lui- fait partie des alliances internationales du
camp occidental dans le contexte de la Guerre froide. Son but était de
« contenir » (politique américaine du containment) le communisme
et l’Union soviétique en ayant une ligne d’États alliés à sa frontière sud et
sud-ouest ; Ndt] [2].
Une alliance
regroupant donc la Turquie, l’Iran du Chah, l’Irak sous contrôle du
Royaume-Uni, avec le soutien des Pays du Golfe œuvrant contre Jamal Abdel
Nasser, afin d’empêcher la propagation des idées nationalistes dans les pays
arabes et d’arrêter le soutien de l’Égypte aux mouvements de libération en
Afrique et en Asie. Mais la révolution de 1958 en Irak a brisé ce pacte, suivie
de l’union de l’Égypte et de la Syrie en République arabe unie [1958-1961],
rejointe par l’Irak après dissolution, mais l’union tripartite n’a pas eu lieu.
Ici, il nous
faut remarquer que la Turquie a toujours été l’ennemie du nationalisme arabe et
particulièrement de la Syrie et de l’Irak, comme si elle ne leur pardonnait
toujours pas l’effondrement de l’Empire ottoman et la perte de ses colonies
arabes.
Quant aux
gouvernants de l’Arabie saoudite et des Pays du Golfe, une lecture attentive de
l’Histoire révèle la légèreté qui caractérise leur comportement face à leurs
propres causes. D’ailleurs, dans les années 1962 et 1963, le Président Nasser
avait souligné le danger des réactionnaires arabes incapables de soutenir la
Palestine pour la bonne raison que ceux qui les armaient, armaient Israël. Et
donc, qu’ils ne pouvaient que se tenir sur la ligne israélienne ; sinon,
que faisaient les bases militaires américaines sur leurs territoires ?
Autrement dit,
les Pays du Golfe étaient déjà secrètement engagés dans une réelle et véritable
alliance avec Israël. Aujourd’hui, cette alliance est devenue publique. Et le
lecteur de l’Histoire observant les événements actuels peut se dire :
« Qu’hier ressemble à aujourd’hui ! ».
Car, voici que
la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar s’allient de nouveau, et ouvertement,
avec les États-Unis et Israël pour financer la guerre enragée menée depuis six
ans contre la Syrie, la Libye, l’Égypte, le Liban, le Yémen et l’Irak, avec
destruction de leurs infrastructures, de leurs économies, de leurs
institutions, de leurs armées, de leurs statuts au niveau international, de
leurs monuments historiques et de leur identité culturelle.
Voici que sous
la pression des États-Unis, les dirigeants arabes se comportent en associés ou
en spectateurs de la « Guerre du printemps arabe », déclenchée grâce
au rôle essentiel joué par la Ligue arabe dirigée par le Qatar.
Et voici que
la Turquie ottomane d’Erdogan tissent des liens d’alliance avec l’Arabie
saoudite et des Pays du Golfe, soutenue en cela par une décision
israélo-américaine, afin que la guerre continue à embraser la Syrie sous le
slogan « isoler et affaiblir l’Iran », alors que le but
israélo-américain est de détruire l’ensemble des arabes, y compris ceux qui les
suivent à la trace et financent leurs guerres contre d’autres arabes.
Ce qui
signifie que depuis les années cinquante du siècle dernier et jusqu’à ce jour,
les outils utilisés contre des arabes, sont des frères arabes inféodés à Israël
et aux États-Unis, secrètement ou publiquement. Sauf qu’à chaque fois, sont
créés les scénarios appropriés pour qu’ils bondissent sur leurs frères par
l’Histoire, l’arabité, la civilisation et la religion, sans que cela n’empêche
qu’ils soient eux-mêmes dépossédés de toutes leurs ressources. Et le résultat
est bien l’affaiblissement de tous les Arabes qu’ils soient complices de
l’ennemi, résistants ou la cible du même ennemi.
Certes, la
réaction arabe contre le Pacte de Bagdad fut bonne, en théorie, puisqu’elle a
mené à renforcer l’union entre l’Égypte et la Syrie, mais elle n’a pas abouti à
la mise place des mécanismes pouvant lui assurer force et pérennité.
Ce que les
Arabes perdent toujours c’est le temps. Ils endurent depuis soixante-dix ans
des réactionnaires fidèles aux ennemis de la nation, desquels ils sont
complices et dont ils accueillent les bases assurant la sécurité d’Israël, tout
en finançant leurs guerres.
Malgré cela,
il n’y a toujours pas de vrai projet pour contrer le dernier projet
réactionnaire israélo-turc travaillant à leur effondrement et à l’épuisement de
leurs énergies afin de les transformer tous en une nation faible et vaincue.
Combien de
fois faut-il que les événements prouvent que l’Occident et Israël mettent à
exécution leurs plans par l’intermédiaire de leurs agents, des Frères Musulmans
et des oppositions manipulées par leurs services du renseignement ?
N’est-il pas venu le temps de mettre en place notre propre alliance arabe,
forte et résistante, sur des bases solides et selon des mécanismes avancés,
quitte à apprendre de nos ennemis ?
N’est-il pas
venu le temps de réaliser qu’aujourd’hui Erdogan, Israël et les États-Unis
pompent l’argent des Pays du Golfe pour financer leur guerre terroriste contre
la Syrie, l’Irak, le Yémen et l’Égypte, exactement comme lorsque l’Occident et
les dirigeants du Golfe pro-occidentaux ont encouragé Saddam à s’embourber dans
la guerre irako-iranienne ? À l’époque ils l’avaient désignée par le
« double endiguement » dans l’espoir d’affaiblir l’Irak et l’Iran à
la fois. Finalement, l’Irak a été détruit et mis sous occupation, tandis que
l’Iran est devenu une puissance nucléaire.
Par
conséquent, une coopération arabe sincère est désormais une exigence
existentielle pour nous préparer à faire face à l’ennemi qui planifie pour une
longue bataille à venir, mais dont les termes et les objectifs ne seront
probablement pas divulgués d’ici une trentaine d’années !
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Un
pacte élargi bien au-delà du premier d’après l’analyse du Général Amin
Hoteit qui revient, toujours ce 20 février, sur le nouveau plan américain
visant la partition de la Syrie et sinon, la prolongation d’une guerre d’usure
au bénéfice d’Israël :
Les premières
déclarations de Trump concernant la « crise syrienne » portaient sur
deux points : l’établissement de zones de sécurité pour la protection des
déplacés et la guerre contre Daech. Et alors que le premier point a
soulevé des problèmes complexes d’ordre pratique et juridique, le second a paru
acceptable car initialement interprété dans le cadre d’un comportement
contraire à celui d’Obama, avec modification des priorités, des méthodes et des
objectifs stratégiques essentiels.
Mais, au bout
d’un mois à la Maison Blanche, il est clair que les paroles et les promesses de
Trump ne correspondent qu’à une modification linguistique, les objectifs
stratégiques américains en Syrie restant inchangés. En effet, dès les premiers
jours suivant son investiture, il s’est employé à réorganiser le camp des
agresseurs et à redistribuer les missions futures aux partenaires anciens et à
ceux nouvellement recrutés pour rejoindre ce camp sur le terrain.
Un nouveau
plan américain est donc sur les rails. Bien que ses détails ne soient pas
encore clairement précisés, nous pensons que les États-Unis travaillent à ce
qu’il repose sur quatre piliers essentiels qui sont la Turquie, la Jordanie,
les Émirats arabes unis et lesdites Forces Démocratiques Syriennes [FDS].
Ce faisant, il
ne s’agit évidemment pas d’écarter l’Arabie saoudite et le Qatar, mais de
répartir les missions entre les financiers propagandistes et les guerriers sur
le terrain, avec la possibilité d’intégrer plus tard des forces militaires
saoudiennes si les circonstances le permettent.
Avant de
répondre à la question de savoir quelles sont les missions attribuées à chacun
et leurs objectifs cachés, il nous faut rappeler que les « zones de
sécurité », voulues par Trump pour de prétendues raisons humanitaires,
sont en réalité destinées à poursuivre l’objectif premier de partition de la Syrie,
contrarié par les victoires retentissantes de l’Armée arabe syrienne les
semaines précédant son investiture. Et aussi, que sa volonté de
« combattre Daech » s’est accompagnée du refus des États-Unis de
toute coopération militaire avec les forces qui le combattent effectivement et
efficacement sur le terrain syrien, que ce soit l’Armée arabe syrienne, que ce
soit le camp des défenseurs de la Syrie, tout en suggérant l’envoi de troupes
au sol, alors que des forces américaines sont déjà présentes dans plusieurs
bases militaires récentes au nord de la Syrie.
Partant de ces
réalités et du refus de l’OTAN de coopérer avec la Russie, nous pouvons dire
que Trump brandit le slogan de la lutte contre Daech, mais dissimule
l’intention d’une intervention militaire directe, ou indirecte par
l’intermédiaire de ses alliés, et qu’en cela il répond aux attentes d’Israël
qui lui donne le choix entre résoudre le conflit par une action militaire
directe au bénéfice du camp des agresseurs ou le prolonger en poursuivant la logique
des guerres par procuration à des acteurs locaux ou régionaux afin de torpiller
toute chance de solution politique.
C’est
pourquoi, il ne nous faudra pas trop compter sur la réunion de Genève 4, ce 23
février, en dépit des dispositions apparemment favorables des États-Unis,
lesquels ne voient pas d’intérêt à négocier une solution politique de la crise
syrienne alors que les réalités du terrain ne sont pas à leur avantage. Ils
préfèrent miser sur une escalade militaire, probablement sur une période minimum
de trois mois, en ameutant de nouvelles forces qui pourraient modifier la
situation et les amener aux négociations dans des conditions plus confortables.
Ceci étant
dit, revenons aux missions attribuées aux nouvelles forces censées pouvoir
concrétiser les objectifs américains.
D’abord la Jordanie, pays
qui subit des pressions contraires :
·
Pression russe qui l’invite à
la réunion d’Astana 2 censée consolider et définir les modalités du processus
de cessation des hostilités décidé à la réunion d’Astana 1, alors qu’il s’était
soustrait à son engagement de fermer ses frontières aux terroristes en raison
de pressions américaine et saoudienne à la fois.
·
Pression américaine qui
le pousse à prendre en charge la création d’une dite « zone de
sécurité » dans le sud syrien, aux frais des Pays du Golfe et en
coordination avec Israël, conformément à ses exigences.
·
Pression saoudienne qui
le somme de soutenir les groupes terroristes attaquant la ville de Daraa par
une dernière opération intitulée « Plutôt la mort que
l’humiliation », laquelle a échoué jusqu’ici du fait de la bravoure des
défenses syriennes dans la région.
Ensuite, les
Émirats
arabe unis, pays
pour la première fois directement plongé par les États-Unis en
territoire syrien, et qui semble avoir été choisi pour les raisons
suivantes :
·
D’une part, rassurer les tribus
arabes de la région nord-est dont les habitants hésitent à combattre sous la
bannière desdites « Forces Démocratiques Syriennes » dominées par les
Kurdes et soutenues par les USA, l’animosité des Émiratis pour les Frères
Musulmans [dont Erdogan est le chef de file, NdT] pouvant compenser cette
hésitation.
·
D’autre part, atténuer les
angoisses des Turcs qui craignent la création d’une entité indépendante kurde
dans cette région nord-est de la Syrie, laquelle serait gérée par les Émirats,
justement là où les USA cherchent à installer leur nouvelle base militaire.
Quant à la Turquie, troisième
volet essentiel du plan américain qu’il faut absolument éloigner de la Russie,
elle aura les mains libres dans le centre de la Syrie pour couper entre l’Est
et l’Ouest par la création d’une prétendue « zone de sécurité » de
5000 Kms2, laquelle atténuera encore plus ses angoisses face aux
Kurdes, servira ses intérêts et, du même coup, empêchera l’État syrien de
restaurer son unité territoriale et démographique.
La mise en
œuvre de ce énième plan américain nécessite le report de toute solution
politique, à Genève ou ailleurs, et la non-consolidation du processus de
cessation des hostilités, sauf dans un sens compatible avec les objectifs
américains.
C’est ce qui
explique le comportement négatif de la Turquie et de la Jordanie à la réunion
d’Astana 2. Et c’est aussi ce qui explique les déclarations de Staffan Mistura
destinées à torpiller Genève 4 par la proposition d’un ordre du jour qui n’est
pas de son ressort, mais de celui de la Constitution adoptée par le peuple
syrien.
Pour finir,
nous pensons que les espoirs fondés sur un changement de la politique
américaine, notamment son abandon de l’exploitation du terrorisme pour se
mettre à le combattre, sont sans doute déplacés, et que les objectifs visant la
partition de la Syrie paraissent inchangés.
Reste
l’hypothèse qu’en tentant de modifier l’équilibre actuel des forces sur le
terrain, Trump ne cherche qu’à gagner des cartes exploitables à la table des
négociations ; auquel cas, il nous faut rester concentrés sur le terrain
militaire, tout en restant nécessairement disponibles sur le terrain politique.
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Pour
conclure, il n’est pas interdit de partager l’optimisme de Monsieur Nasser
Kandil dans une brève de ce 19 février :
·
Tout observateur de la guerre
sur la Syrie sait que l’opposition et les factions armées sont des façades
syriennes complètement contrôlées par des volontés étrangères du fait d’une
dépendance inchangeable financière, militaire, géographique et politique.
·
Washington, la Turquie et
l’Arabie saoudite se partagent la gestion de ces façades.
·
Genève et Astana sont des
stations de fructification des résultats militaires de la guerre en Syrie par
des accords politiques entre une station et la suivante.
·
Au début, Genève était une
occasion de tester le degré de maturité de l’État syrien et de ses alliés pour
accepter l’idée de la défaite et accorder les concessions qui remettraient la
Syrie au camp adverse, contre l’arrêt de la guerre. Les termes désignant une
telle reddition ont varié, mais leur sens est resté invariable avec Lakhdar
Brahimi et Staffan de Mistura.
·
Suite aux victoires de l’Armée
syrienne, depuis le positionnement russe jusqu’aux batailles d’Alep, la
situation s’est inversée et Genève est devenue une station d’évaluation du
degré de maturité du camp guerrier adverse pour reconnaître sa défaite et
obtenir de quoi sauver la face sous le titre de « la guerre contre le
terrorisme ».
·
Astana est destinée à tester la
séparation entre le Front al-Nosra et les autres factions armées, et Genève est
destinée à ôter l’exclusivité de la représentation de l’opposition au
« Groupe de Riyad », en attendant l’émergence d’une opposition
compatible avec la dernière station.
·
La Turquie n’a pas encore mûri
parce que les États-Unis ne sont toujours pas mûrs.
·
Cette fois-ci, Genève, ce sera
pour la « photo souvenir ».
B. Chaabane ; A. Hoteit ; N. Kandil
Sources : Al-Watan / Elnashra / Top News Nasser Kandil
Traduction par
Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca
20/02/2017
Notes :
[1] BRINGING REAL MUSCLE TO BEAR AGAINST SYRIA
[2] Pacte de
Bagdad