À l’occasion de la réédition actualisée de Tempête sur le
Grand Moyen-Orient (1), nous avons rencontré Michel Raimbaud. L’ancien
diplomate, qui écrit avec des convictions en s’appuyant sur des faits bien
documentés, insiste sur le façonnement en cours du Moyen-Orient, et plus
vastement du monde, entrepris par les néoconservateurs américains, avec la
complicité des élites occidentales.
Pourquoi crier
au « conspirationnisme » lorsque l’on est saisi par la clarté du
grand dessein annoncé urbi et orbi par ses propres promoteurs ? Cela fait
longtemps que Michel Raimbaud, écrivain habité par la passion de l’État,
sincère, engagé et aux accents volontiers gaulliens, ne prête plus d’attention
aux chiens de garde de l’establishment qui le snobent. Ancien ambassadeur de
France en Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe, et bien connu des lecteurs d’Afrique
Asie, ce fin connaisseur du monde arabe et de l’Afrique a servi comme
diplomate dans de nombreux pays (avec un long passage au Brésil), avant de
diriger l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Tout
reste d’actualité dans Tempête au Moyen-Orient, ouvrage dans lequel il dénonce
les funestes « policides » orchestrés par les néoconservateurs
américains et occidentaux ayant débouché sur le démantèlement du Soudan, de la
Somalie, de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Libye et, aujourd’hui, de la Syrie.
Revenons sur l’affaire des « bombardements
chimiques » d’Idlib, en Syrie, en avril dernier. Pourquoi ne criez-vous
pas avec les loups sur la responsabilité du régime syrien ?
Nous nous
trouvons face à une redite de l’affaire Colin Powell de 2003 en Irak et de la
séquence de l’été 2013 en Syrie (attaque de la Ghouta). Je n’entrevois que deux
explications possibles : ou bien ce sont les rebelles qui ont utilisé les
armes chimiques en appliquant la technique familière du false flag (faux
pavillon), maquillant par la suite les photos des enfants. Ces enfants
n’auraient-ils pas été tués puis « soignés » par ces escrocs de
l’humanitaire que l’on nomme les « casques blancs », autrement dit
des associés du Front Al-Nosra, la franchise syrienne d’Al-Qaïda ? Sinon,
comment expliquer que les injections, à en croire certaines vidéos, semblent
factices, le niveau du liquide demeurant inchangé du début à la fin de la
piqûre de « réanimation » ? Si ces cadavres d’enfants morts,
soigneusement alignés comme à une parade pour les besoins de la propagande,
avaient été gazés, il eût été bien imprudent de s’exposer avec eux sans
précaution.
Ou bien, s’il
s’agit d’un bombardement de l’armée syrienne sur ce dépôt, cela veut dire que
le gaz appartenait aux rebelles. Car on sait qu’en Syrie le démantèlement de
l’arsenal des armes chimiques et bactériologiques a eu lieu sous contrôle de
l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), après les
inspections onusiennes.
Un mensonge de plus donc ?
La ficelle est
bien grosse. Les mensonges sont légion dans le cas syrien, tellement nombreux
qu’il s’avère difficile de les « traiter » tous. C’est une
conséquence typique des théories que j’ai étudiées dans mon livre, à savoir les
stratégies mises en œuvre par Washington : le chaos innovateur, la théorie
du fou et le false flag, autant d’intox dont les mécanismes ont été démontés,
notamment par Michel Collon. En définitive, si « complotisme » il y
a, ce sont les comploteurs eux-mêmes qui aiment les complots puisqu’ils en sont
les auteurs, et non pas ceux qui les dénoncent, systématiquement qualifiés de
« complotistes » afin de les discréditer par avance. Dans un ordre
d’idées proche, les régimes takfiristes qui financent les
« révolutions » chez leurs voisins espèrent ainsi faire oublier leur
nature profondément réactionnaire.
Il y avait déjà
un certain cynisme de la part des intellectuels américains au temps où l’on
pérorait sur le contenu de la fiole qu’avait brandie Colin Powell au Conseil de
sécurité de l’Onu en 2003. Ils disaient : « L’Amérique est le plus
grand empire qui ait jamais existé sur Terre, discutez et critiquez telle ou
telle de nos actions si vous voulez, nous, pendant ce temps, nous créons des
réalités nouvelles et nous faisons l’Histoire ! » Effectivement,
pendant que tout le monde disserte : les idiots utiles, les médias, les
universitaires et la classe politique rivalisant en bêtise tout en maintenant
une omerta faramineuse sur les faits, les neocons façonnent effectivement cette
Histoire dont nous sommes les témoins. Cela participe à un enfumage qui ne nous
donne pas le loisir d’anticiper les mauvais coups que préparent ces néocons.
Que répondez-vous aux accusations de connivence entre
Moscou et Washington ?
Il n’y a pas de
connivence entre la Russie et les États-Unis. Si les Russes jouent la carte de
la diplomatie, c’est pour trouver une solution politique. Je m’étonne également
que le communiqué tripartite publié par Damas, Moscou et Téhéran au lendemain
de l’attaque américaine du 4 avril sur la base aérienne de Shayrat, en Syrie,
n’ait pas été divulgué dans les médias mainstream. Ce communiqué se voulait un
cinglant avertissement adressé à l’administration Trump, rappelant les
fondamentaux : respect de la souveraineté, de l’indépendance, de
l’intégrité de la Syrie, et son droit de reprendre le contrôle de l’ensemble de
son territoire.
Concernant l’hésitation du président Obama en 2013 qui, finalement n’a pas donné l’ordre d’attaquer, je me souviens avoir été parmi les rares personnes à être persuadées qu’il n’y aurait pas de frappes...
Concernant l’hésitation du président Obama en 2013 qui, finalement n’a pas donné l’ordre d’attaquer, je me souviens avoir été parmi les rares personnes à être persuadées qu’il n’y aurait pas de frappes...
Qu’est-ce qui a freiné Obama ?
Obama n’est pas
un personnage limpide. C’était sa façon à lui de s’affirmer en ne bombardant
pas. Non pas qu’il soit revenu à de meilleurs sentiments, car il était
suffisamment bien informé par ses renseignements pour connaître la vérité, mais
parce qu’il voulait marquer son pouvoir présidentiel face au think tank
collectif qui l’entourait – c’est ce qu’il affirme dans une interview en forme
de testament.
J’évoque souvent
« l’État profond néoconservateur » pour « expliquer » ce
qui, sinon, pourrait paraître inexplicable. À mes yeux, ce concept est d’une
importance fondamentale. Devenu populaire, il est une réalité visible, voire
très voyante, depuis la fin de la guerre froide. Il se réfère à la doctrine
dominante qui crée une symbiose idéologique entre les décideurs, les acteurs,
les faiseurs d’opinions dans tous les secteurs de la vie publique et tous les cercles
de pouvoir (politiques, diplomates, hiérarchie judiciaire, élites
intellectuelles, journalistes, milieux d’affaires, communautés diverses,
lobbies, etc.).
Né dans le camp
républicain qui est son berceau et ancré sur le double messianisme religieux du
judaïsme et des Églises protestantes dites « Églises d’éveil »,
l’État profond néoconservateur s’est solidement implanté dans les rangs
démocrates, avant de trouver des terreaux favorables dans toutes les terres
d’Occident et dans les États les plus improbables. La France est loin
d’échapper à la règle, tant est grande l’idolâtrie des élites vis-à-vis de tout
ce qui vient d’Amérique et le lien de vassalité que celles-ci ont intériorisé
durant les décennies passées.
À Paris, les
quartiers généraux et/ou les bastions de cet « État profond » sont
divers et variés : non seulement au Quai d’Orsay où sévit la
« secte » ou la « meute » néocon, mais aussi à Matignon, à
l’Élysée et dans les rouages de la société et les arcanes du pouvoir. Les
élites parisiennes sont depuis des années cooptées dans le fameux programme des
« Young Leaders » de la fondation franco-américaine. On chercherait
en vain un clivage entre droite et gauche « de gouvernement ».
Comment avez-vous observé l’évolution de la trajectoire
des néoconservateurs français depuis le Quai d’Orsay ? Comment et quand
ont-ils essaimé ?
Historiquement,
les origines du néoconservatisme remontent à la création des États-Unis, à
l’arrivée des « Pilgrim Fathers », ces Pères fondateurs, pour l’essentiel des protestants
fuyant l’Europe pour des raisons religieuses et se référant à la Bible plutôt
qu’au Nouveau Testament. En vertu du messianisme qui les inspirait, ils
pensaient que Dieu les avait guidés vers l’Amérique afin qu’ils deviennent le
nouveau peuple élu. Notez le parallèle avec le sionisme... Du reste, les
groupes ou lobbies chrétiens sionistes s’inscrivent dans cette tradition. Les
premiers migrants en Amérique se référaient à la pensée de Cromwell, imprégnée
de mystique sioniste.
Mais il faut attendre l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan dans les années
1980 pour que cette mystique trouve sa traduction politique dans le
néoconservatisme, une traduction associée à la promotion du néolibéralisme et à
la fin de la détente.
C’est sous le
mandat de Reagan que l’on assiste au retour de la confrontation contre l’URSS,
encouragé par la Britannique Margaret Thatcher et le pape Jean-Paul II. Si
l’équilibre de la terreur les empêche alors d’agir en transgressant les règles
du jeu, les neocons (on ne les connaît pas encore sous cette appellation) ont
les coudées franches à partir des années 1990-1991, après l’implosion de l’URSS
et la disparition du « bloc communiste ». À noter que Donald Trump est le produit plus ou
moins inavoué de cet establishment (malgré ses affirmations) puisqu’il semble
considérer Reagan comme un père spirituel et se réfère volontiers aux Pères
fondateurs de l’Amérique.
Trump a pourtant fondé son discours de campagne en
s’opposant aux élites de Wall Street afin d’engranger des soutiens dans l’Amérique
profonde...
S’il a été élu
par le « petit peuple » et par « l’Amérique profonde »
contre l’establishment, il ne pourra pas résister longtemps aux pulsions de
l’État profond. Très isolé face aux élites, il en a bien eu besoin sitôt élu. Au passage, le fait
qu’il bombarde la Syrie dès son début de mandat fait de lui un « président
normal », et cela deux jours à peine après avoir fait une proposition de
reprise de contact à Bachar al-Assad par l’intermédiaire d’une congressiste
américaine (démocrate) chargée par Trump lui-même de transmettre un message en
ce sens au président syrien. Voilà
la théorie du chaos remise en application : elle correspond à dire tout et
son contraire.
Il n’est pas
évident pour les Américains de gérer cette théorie du chaos, qui paraît très
anglo-saxonne, en ce sens qu’elle permet d’associer toutes les ambiguïtés,
selon une méthode que l’on retrouve dans le langage des ONG, dans les discours
du FMI, dans le style des politiques et diplomates américains : mélanger le passé et le présent,
les affaires importantes et les détails, la réalité et la fiction. Cela
ouvre beaucoup de possibilités aux prestidigitateurs du droit, aux
manipulateurs de valeurs, aux magiciens maîtres de l’Univers. C’est également
une illustration de la « théorie du fou »
inventée par Kissinger au temps de Nixon : les États-Unis ont vocation à
être les maîtres du monde et entendent le rester ; pour effrayer leurs ennemis, ils doivent projeter
l’impression que l’Amérique est, en partie du moins, gouvernée par des dirigeants
cinglés ou imprévisibles.
La ligne Trump représente un
archétype de la « théorie du chaos innovateur » mise en œuvre selon
les normes de la théorie du fou. Le président « flexible » est
un pur produit de l’école néoconservatrice, fondée sur le double messianisme
protestant et juif, évoqué précédemment. Dans ce contexte, notons que l’alliance avec les
islamistes djihadistes n’est pas circonstancielle, mais naturelle,
les islamistes radicaux se réclamant également d’une mission divine, afin
d’éradiquer tout ce qui s’écarte de leur conception de l’islam et recréer in
fine un califat, un État islamique fondé sur la charia (la loi coranique
interprétée à leur façon).
Vous ne m’avez toujours pas dit à quand remonte la
pénétration du néoconservatisme dans les arcanes du pouvoir français.
La première
manifestation de leur apparition en France remonte, me semble-t-il, au
lendemain de la chute de l’URSS et à la signature du traité de Maastricht en
1992. François Mitterrand n’était pas néoconservateur, mais son entourage
l’était en bonne partie, ou faisait du néoconservatisme sans le savoir, comme
Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
La seconde
manifestation intervient à mon sens avec la crise affectant les relations
franco-africaines en 1994, marquée par la dévaluation inopinée du franc CFA de
50 % sous la pression conjointe de la Banque Mondiale et du FMI.
L’héritage gaullien, déjà ébréché, va dès lors être dilapidé de plus en plus
ouvertement, la France renonçant de facto – en le niant – aux attributs de sa
souveraineté. Dans la foulée du baroud d’honneur du duo Chirac-Villepin en 2003
concernant l’opposition de la France à la guerre en Irak, le président Chirac
va s’affoler et multiplier des concessions inutiles, allant au-devant des
sollicitations de Washington. Le retour au commandement intégré de l’Otan se
fera en douce ; il ne restera plus qu’à l’afficher politiquement, ce qui
sera chose faite dès le début du mandat de Sarkozy.
Paris appuiera
ainsi les sanctions contre la Syrie promulguées par le Congrès américain par le
biais du Syrian Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act en
décembre 2003. La France sera en quelque sorte
chargée de « gérer » pour le compte de Washington le dossier de la
détérioration programmée des relations avec Damas. Le levier libanais (à la suite à l’assassinat du
premier ministre Rafiq Hariri, ami de Chirac) sera utilisé pour convaincre
Paris d’assurer cette mission : jusque-là assez bonnes, les relations
franco-syriennes vont dès lors se dégrader brutalement. Elles ne s’en
remettront pas, malgré une brève embellie sous l’ère Sarkozy.
La pénétration du courant néocon
s’accompagne d’une opération de casse menée contre les diplomates du Quai
d’Orsay, tenu pour pro-arabe : le cadre d’Orient, les arabisants et les
islamisants en premier lieu sont ciblés. Cette offensive qui ne dit pas
son nom emprunte deux biais : on disperse les experts de la région dans
des zones géographiques éloignées du monde arabe, et on recrute pour les postes
clés des énarques et technocrates formatés. À cela s’ajoute les saignées
budgétaires consécutives et incessantes, le recours à des contractuels,
l’ubérisation, autant d’éléments qui ont définitivement sapé notre action
diplomatique et notre rayonnement à l’international. Au vu de l’ampleur des
missions d’un « Département » (comme on l’appelle), régalien par
excellence, le budget du ministère des Affaires étrangères a toujours été
relativement modeste, ne dépassant pas 1 % du PIB. Depuis un quart de
siècle, on ne parle plus que d’austérité !
Qu’est-ce qui motive les diplomates néocons de la
« secte » du Quai d’Orsay à poursuivre cette politique, selon
vous ?
Le suivisme, l’atlantisme et le
sionisme, qui sont pour ainsi dire synonymes.
Dans le cas du dossier nucléaire iranien, l’équipe de
Laurent Fabius n’était-elle pas motivée par la défense de l’intérêt national en
freinant des quatre fers l’acquisition de la bombe par Téhéran qui affaiblirait
les positions de la France dans la région ?
Non. Cela
faisait partie des rôles délégués à la France et aux Européens par Washington.
Le dossier du nucléaire iranien, dont le programme remonte à l’époque du chah,
a été fabriqué par les ancêtres des neocons américains dans le cadre du projet
« Atome pour la paix ». Il avait toujours fait l’objet de
l’unanimité nationale en Iran ; tout le monde trouve ça très bien et
personne en Occident n’y a trouvé à redire jusqu’à la révolution islamique. Le
dossier a ressurgi dans la foulée de l’occupation de l’Irak. Après la guerre
irano-irakienne (politique du double endiguement), puis la première et la
seconde guerre d’Irak qui ont mis ce pays à terre, les États-Unis ont délégué à
la France, au Royaume-Uni et à l’Allemagne la gestion du dossier. En cela, il
me semble que l’ancien président Khatami s’est engouffré dans un piège, d’où la
rupture actée par son successeur Ahmadjinehad.
En 2006, le
dossier est transféré de l’Agence internationale de l’énergie atomique au
Conseil de sécurité des Nations unies, dont les cinq membres permanents sont
des « puissances nucléaires légales ». Ce qui va accentuer la
pression sur Téhéran et dévoiler les objectifs cachés de la « négociation
nucléaire ». La signature de l’accord « historique » en juillet
2014 n’a pas réglé le différend de fond entre l’Iran et ses quatre interlocuteurs
occidentaux (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Allemagne).
Les néoconservateurs sortent-ils fragilisés par
l’élection de Donald Trump ?
Non, au
contraire, car il est leur meilleur représentant. Trump s’est fait élire sans
le soutien des élites. Mais une fois au pouvoir, il ne peut se contenter de
l’appui des cowboys ou des mormons. Or, depuis des lustres, les élites
américaines, tous partis confondus, sont néoconservatrices. Trump a dû aller puiser dans le
même réservoir où aurait pioché Hillary Clinton (État profond, Goldman
Sachs...) si elle avait été élue. Trump n’a pas d’autres choix que d’obtempérer aux
desiderata de l’État profond américain. Il suffit de voir ses choix en
ce qui concerne ses ministres et collaborateurs (au sein de l’establishment) et
ses décisions, notamment en politique étrangère. En Syrie et Russie, par
exemple.
En France, l’atlantisme et le sionisme
sont désormais les deux mamelles des néocons. Cette adhésion a
commencé avec Chirac, puis s’est finalisée avec Sarkozy qui parlait de
« retour au bercail » pour justifier la réintégration pleine et
entière de nos forces au sein du commandement intégré de l’Otan. Pour ce qui
est de Hollande, je ne vous apprends rien en vous disant que les socialistes ont un ADN européiste,
sioniste et colonialiste qui remonte au minimum à Guy Mollet (sous
la IVe République). Ce n’est nullement une légende. Durant son deuxième mandat,
Mitterrand aura cette déclaration de fossoyeur : « La France est
notre patrie, l’Europe est notre avenir. » Petit à petit, cette idée a
gagné du terrain au Quai d’Orsay et dans « l’État profond », y
compris à l’Université, sensible aux sirènes de l’Amérique, de l’Europe, de
l’Otan, de la globalisation et de ses succursales diverses.
On a bien vu dans la campagne présidentielle française
que l’Europe était relayée à un rang subalterne. Un grand nombre de candidats
ont rivalisé dans leurs discours prosouverainistes. Cet idéal vend-il
encore ?
L’Europe n’est
pas une idée populaire, contrairement à ce qu’affirment les illusionnistes du
« rêve européen ». Les candidats ont souvent promis de
« renégocier » les traités européens, ce qui est un leurre à usage
électoral. À toutes les élections, on nous a fait la même promesse. De mon
point de vue, l’Europe est la
prison de la France. Ce n’est pas nous qui décidons. Allons même
plus loin : nous nous indignons que les décisions nous concernant soient
prises à Bruxelles, alors qu’en réalité c’est en Amérique que tout se décide.
Nos élites du mainstream se satisfont de ce statut de « territoire »
à la Massachusetts, auquel la France a été réduite. Mais alors, à quoi bon
payer et entretenir cette administration bruxelloise tentaculaire et si
onéreuse qui prend ses ordres à Washington ?
La réédition de votre livre connaît un vif succès.
Pourtant, vos détracteurs ne vous épargnent pas dans la véhémence de leurs
attaques...
Je reprends à
mon compte ce proverbe chinois : « Quand
le sage montre la Lune, l’imbécile montre le doigt. »
J’écris en fonction de mes convictions. La thèse que je développe est bien
documentée et rend compte des réalités, de l’enchaînement d’événements qui
autrement resteraient incompréhensibles. Elle me semble beaucoup mieux acceptée
et comprise en cet an VII de la « tempête sur le Grand Moyen-Orient »
qu’il y a deux ans. En effet, rien dans les évolutions constatées n’est venu
démentir ce qui était inscrit dans la première édition, au niveau du
Moyen-Orient, du Grand Moyen-Orient de George W. Bush, au sein de l’islam et en
ce qui concerne l’ordre du monde dont la mutation se dessine sous nos yeux.
Autant de sujets qui font l’objet de mon ouvrage.
Propos recueillis par Tigrane Yégavian
(1) Michel Rimbaud. Tempête sur le Grand
Moyen-Orient, 2ème édition enrichie et remise à jour, Éd. Ellipses, 716 p.,
28 euros.
9 juin 2017