En 2007, j’ai écrit Reinventing Collapse (Réinventer l’effondrement) dans lequel j’ai comparé l’effondrement de l’URSS à celui des États-Unis. J’ai écrit ceci :
« Imaginons
que l’effondrement d’une superpuissance militaro-industrielle moderne
ressemble à de la soupe : hachez quelques ingrédients, chauffez et
remuez. Les ingrédients que j’aime mettre dans ma soupe d’effondrement
de superpuissance sont : un déficit grave et chronique dans la
production de pétrole brut (l’élixir magique des économies
industrielles), un déficit grave et chronique du commerce extérieur, un
budget militaire galopant et une dette extérieure démesurée. Pour
accélérer la cuisson, ajoutez une défaite militaire humiliante et la
peur généralisée d’une catastrophe imminente. » (p. 2)
Une
décennie plus tard, ces ingrédients sont tous présents, à quelques
détails près. Dans le cas des États-Unis, le déficit n’est pas de
pétrole physique mais d’argent : dans le contexte du déclin en phase
terminale du pétrole conventionnel aux États-Unis, la seule
augmentation significative de l’offre est venue de la fracturation
hydraulique, qui s’est révélée financièrement ruineuse. Personne n’a
gagné d’argent en vendant du pétrole produit par fracturation : c’est
trop cher.
Pendant ce temps, le déficit commercial a atteint de
nouveaux records, les dépenses militaires ont continué à gonfler et les
niveaux d’endettement sont actuellement à des niveaux stratosphériques
et continuent de grimper. La peur de la catastrophe est alimentée par
des ouragans qui viennent d’inonder des parties importantes du Texas et
de la Floride, des feux de forêt sans précédent dans l’Ouest, des
grondements inquiétants du super-volcan de Yellowstone et la
compréhension que toute une série de bulles financières pourraient
éclater à tout moment. Le seul ingrédient qui manque est une défaite
militaire humiliante.
Les défaites militaires peuvent prendre des
formes et des ampleurs très diverses, et le massacre de l’ennemi n’est
qu’un exemple parmi tant d’autres. La défaite d’être incapable de
vaincre un adversaire plus faible et plus petit est tout aussi palpable.
Le fait d’infliger accidentellement des dommages à ses propres forces
peut aussi être très humiliant. Et le coup de grâce ultime pour un
empire militaire, c’est de ne pas pouvoir combattre l’adversaire en
face-à-face.
Ce à quoi nous assistons en ce moment, c’est un peu
de tout ça. Nous avons des bâtiments de la marine US rapides, équipés de
tous les radars et équipements de navigation les plus modernes, qui
entrent en collision de manière inexplicable avec de grands cargos
lents, provoquant la mort de marins. [1]. Nous avons l’exemple de la Syrie,
où plusieurs années d’efforts concertés pour démembrer le pays et
déloger son président ont donné lieu à des catastrophes successives. Et
maintenant, nous avons l’exemple de la Corée du Nord, qui teste des
missiles balistiques et des armes nucléaires à la grande consternation
de tous, alors que les États-Unis organisent des exercices militaires
dénués de sens – car ils n’ont absolument aucune carte militaire à jouer
qui ne conduirait pas à l’annihilation complète de l’allié que les
États-Unis ont juré de protéger.
L’impasse nord-coréenne risque de
durer un certain temps, mais la défaite syrienne est déjà très proche
de son terme. Alors examinons-la en détail, car elle fournit un point de
vue très intéressant sur ce qui fait que les États-Unis, à ce stade,
sont bien moins qu’une superpuissance militaire. (Le mérite en revient à
Evgueny Krutikov en particulier, et à d’autres trop nombreux pour être
mentionnés ici.) La défaite syrienne n’est pas le résultat d’une seule
opération, mais de toute une séquence d’opérations, chacune d’entre
elles aboutissant à ce que l’on peut qualifier d’échec épique. Toute la
campagne des États-Unis en Syrie peut être décrite comme une
persévérance obstinée dans l’échec. Elle illustre plusieurs
caractéristiques qui rendent la machine militaire US plus qu’inutile.
Autrefois, le but des dépenses militaires des Etats-Unis était de
justifier les dépenses militaires des Etats-Unis ; aujourd’hui, ils ne
peuvent même plus le faire. Les éléments clés de cet échec sont :
- L’incapacité totale de faire rendre des comptes à ceux qui sont responsables des échecs, qu’il s’agisse de politiciens ou d’officiers militaires.
- -L’incapacité totale d’apprendre des erreurs et d’ajuster les stratégies, en s’obstinant à faire des choses qui ont toujours échoué.
- L’incapacité totale d’accepter la vérité de la situation, préférant plutôt évoluer dans un royaume fictif rempli de terroristes modérés, de chefs tribaux amis, de fées et de bisounours.
- L’incapacité totale de résister à la corruption sous toutes ses formes, y compris aux escroqueries dont le vol pur et simple de biens publics.
L’ensemble
de l’engagement militaire US a commencé à l’été 2014. À l’époque, il y
avait une sorte de complexe armé près de Raqqa, fourmillant de
djihadistes barbus qui pouvaient ou non avoir été associés à Daech. Ils
détenaient beaucoup d’otages, y compris des soldats syriens ainsi que
des citoyens US et britanniques qui s’étaient retrouvés en Syrie. Après
une longue analyse, la CIA a décidé que le complexe devait être attaqué
et occupé et les otages libérés.
Début juin, quelques dizaines de
soldats des forces spéciales ont été déposés à proximité du campement.
Après une bataille de trois heures (ce qui signale déjà un échec ; les
opérations de libération d’otages doivent durer quelques minutes, et pas
des heures), les troupes US tuèrent cinq terroristes et prirent le
contrôle d’un bâtiment complètement vide au milieu d’un désert. Il n’ y
avait pas d’otages, pas d’ennemis de haut rang, rien d’utile. Plus tard,
il s’est avéré que les otages avaient été évacués la veille, avant le
début de l’opération, ce qui a soulevé toutes sortes de questions au
sein de la CIA quant à d’éventuelles fuites.
Quelques jours plus
tard,"Jihadi John" et son groupe de trois Arabes britanniques qui se
faisaient appeler "les Beatles" et agissaient sous les pseudonymes de
John, Paul et Ringo décapitèrent un groupe d’otages devant des caméras.
Parmi eux, le photographe James Foley, le journaliste Steven Sotloff, le
travailleur humanitaire David Heins, le chauffeur de taxi britannique
Alan Henning (qui travaillait pour la même ONG humanitaire que Heins)
et, last but not least, Peter Kassig, ancien membre de l’armée US
mais qui travaillait à l’époque pour une ONG humanitaire basée à
Beyrouth et en Turquie, mais qu’on retrouvait souvent en Syrie, de
manière illégale et pour des raisons inconnues.
C’est la mort de Kassig qui suscita une réaction curieusement forte de la part de Barak Obama, qui a déclaré que Kassig « nous avait été enlevé par un groupe terroriste que le monde associe à juste titre à l’inhumanité ».
La colère exprimée fut largement interprétée comme une indication que
Kassig travaillait pour la CIA ou un service de renseignement militaire.
Il était notamment le seul à s’être converti en captivité à l’islam et à
avoir pris un nom islamique.
Plus tard, d’autres faits étranges
ont commencé à faire surface. En particulier, on a appris que "Jihadi
John" avait négocié avec le gouvernement US et la famille de James
Foley, en exigeant une rançon soit d’un montant de $100 millions ou,
pour une raison étrange, soit d’un montant précis de $132 millions. Sa
dernière communication eut lieu une semaine avant l’opération ratée des
forces spéciales US, mais les Etats-Unis ont refusé de payer. Le
représentant officiel du Pentagone, le Contre-amiral James Kirby, a
rejeté toute la faute sur la CIA. De façon étonnante, les responsables
de cet incroyable ratage ne se sont pas tirés une balle dans la tête
comme ils auraient dû le faire pour l’honneur, mais ont poursuivi avec
bonheur leur illustres carrières.
Certes, il y eut ensuite
d’autres échecs épiques, encore plus épiques. Les Etats-Unis entamèrent
des vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien,
cartographiant soigneusement le désert d’abord avec des drones, ensuite
avec l’aviation régulière, mais sans la moindre idée de ce qu’ils
voyaient. Ils ont apparemment vu des choses qui semblaient faire de
jolies cibles, car à l’automne de la même année, Obama a annoncé son
intention de commencer à bombarder Daech en Syrie.
Il a également
annoncé le lancement d’un programme d’entraînement et d’équipement de
l’Armée Syrienne Libre dans le but de renverser Bachar Assad. La CIA a
choisi des groupes prometteurs, leur a donné des armes, puis les a
regardés rejoindre en masse Daesh ou à Jabhat an-Nusra. Pendant ce
temps, les responsables US continuaient à parler de ces nouveaux
terroristes avides de terrorisme comme d’une "opposition modérée". Le
mythe cultivé par les États-Unis, celui de l’Armée syrienne libre, s’est
finalement effondré, au grand dam de tous. Mais une fois de plus,
l’embarras n’était pas suffisant pour que les responsables accomplissent
le geste honorable de se tirer une balle dans la tête.
Voilà pour
le fiasco numéro deux, passons au fiasco numéro trois. Une fois que
l’Armée Syrienne Libre fictive s’est évaporée comme la rosée du matin,
la CIA a décidé de tout miser sur les Kurdes et l’opération Timber Sycamore
est née. Déclarée top secret et autorisée directement par Obama, la
plupart des documents portent la signature de Hillary Clinton. À bien
des égards, elle a reproduit les leçons non apprises d’un précédent
fiasco US connu sous le nom de l’affaire Iran-Contras ou l’affaire
Oliver North.
L’argent saoudien ut employé pour acheter des armes
désuètes de l’ère soviétique, principalement dans les Balkans, pour les
expédier en Turquie et en Jordanie, en utilisant des documents falsifiés
pour éviter l’apparence d’illégalité. De là, elles étaient censées
entrer en Syrie et se retrouver entre les mains des Kurdes, qui
défendaient alors la ville de Kobani contre Daesh. Il n’est pas
surprenant de constater que rien ne s’est déroulé comme prévu. Le marché
noir des armes au Moyen-Orient a commencé à déborder, y compris celui
des armes lourdes. Les agents de renseignement US ont commencé à acheter
des Ferraris, refusant d’accepter les pots-de-vin en papier-monnaie
mais uniquement en lingots d’or. Les petits marchands d’armes sont
soudainement devenus très riches et ont commencé à se disputer les parts
de marché. Une seule fusillade dans une base militaire jordanienne a
coûté la vie à deux officiers jordaniens, à deux entrepreneurs US et à
un Sud-Africain. (Existe-t-il un trafic d’armes illégal où un
Sud-Africain n’est pas impliqué ?) Lorsque l’ampleur du fiasco devint
évidente, les Jordaniens impliqués furent licenciés, mais rien ne fut
confisqué. Hillary Clinton fut particulièrement furieuse ; elle se
retrouva en bien mauvaise posture lorsqu’une personne intelligente a
affiché sur un site Web officiel du gouvernement US un contrat pour
l’acheminement de plusieurs tonnes d’armes depuis la Bulgarie vers les
ports de Tasucu (Turquie) et d’Aqaba (Jordanie) et pour lequel Wikileaks
s’est empressé de déterrer plus de détails.
Il s’avère que
l’administration Obama a dilapidé un demi-milliard de dollars pour
l’Armée Syrienne Libre et l’opération Timber Sycamore. Au lieu d’assumer
la faute, les personnes impliquées (la plupart d’entre elles sont
toujours en poste, sans la moindre balle bien méritée dans la tête) se
sont empressées de rejeter la faute sur la Russie, accusée de les avoir
empêché de "finir le travail". Voici un très beau graphique, cadeau de
Wikileaks, qui détaille l’énorme quantité de fonds gaspillés par les
Etats-Unis sur ses méfaits en Syrie.
Fin
du fiasco numéro trois, en avant pour fiasco numéro quatre. Au lieu de
se contenter de balancer dans la direction générale de la Syrie des
tonnes d’armes désuètes de l’ère soviétique achetées en Europe de l’Est à
l’aide d’argent blanchi et de faux papiers, les Etats-Unis décidèrent
de jouer un rôle actif « sur le terrain » : en octobre 2015, les 15
premiers instructeurs US furent hélitreuillés au Kurdistan syrien. A
partir de ce moment, les étasuniens se consacrèrent entièrement au
développement des Forces Démocratiques Syriennes (les deux plus grands
groupes armés kurdes) et, pour des raisons de diversité ethnique, de
quelques tribus arabes locales.
En mai 2015, le général Joseph L.
Votel, commandant des forces US au Moyen-Orient, fut transporté en Syrie
dans le secret (relatif) pour rencontrer des commandants kurdes. Il
tenta d’imposer l’idée d’une présence de conseillers US au Kurdistan
pour préparer les locaux au combat. Les commandants kurdes et les chefs
de tribus ne furent pas réceptifs à l’idée et exigèrent que les
étasuniens leur fournissent des armes lourdes. Heureusement, Votel
n’avait aucune autorité pour le faire, et quand les Kurdes ont commencé à
assiéger Daech à Raqqa, ce sont les étasuniens qui ont tiré les
mortiers et l’artillerie, avec des Marines pour assurer la sécurité.
L’efficacité de ces actions reste discutable.
Les Kurdes se sont
montrés obstinés et peu coopératifs en tant qu’alliés. Leur principal
objectif est de gagner le plus de territoire possible et de s’en servir
par la suite dans les négociations avec le gouvernement de Damas afin
d’établir la plus grande autonomie kurde syrienne possible. Ils sont
généralement peu disposés à s’aventurer en dehors de leur territoire
établi. Ils n’étaient pas particulièrement disposés à se battre même
pour Manjib, qui est majoritairement kurde sur le plan ethnique, et leur
intérêt pour la capture de Raqqa était pratiquement nul.
Et
pourtant, les étasuniens considèrent qu’il est raisonnable de penser
qu’une fois Daech mise en déroute (dans quelques mois au rythme où vont
les choses), ces mêmes Kurdes les aideront à établir et à maintenir le
contrôle sur toute la rive est de l’Euphrate jusqu’à la frontière
irakienne. Non seulement les Kurdes ne sont pas motivés pour le faire,
mais les Syriens sont actuellement en train de fortifier une tête de
pont et à ériger un ponton à Ayash au nord de Deir ez-Zor, récemment
reconquise. Au cours des derniers jours, ils ont transporté des armes
lourdes sur la rive est de l’Euphrate, ont chassé les restes de Daech
des villages environnants et se préparent à avancer vers la frontière
irakienne. Ils n’ont pas caché leur intention de rétablir leur contrôle
sur l’ensemble du territoire syrien.
On dirait que le quatrième
fiasco est déjà bien avancé. Mais comme d’habitude, cela n’empêche pas
les étasuniens d’ajouter des conseillers et des armes, qui conseilleront
des gens qui refuseront d’écouter leurs conseils et armeront des gens
qui se battront aussi facilement d’un côté que de l’autre. Ils
consacrent également d’autres ressources à la construction de bases
militaires sur le territoire syrien, qu’ils ne contrôleront pas
longtemps. Il y a l’aérodrome de Rmeilan, une plus grande base à Kobani
et un autre aérodrome à Tal Beidir. Le Kurdistan syrien accueille
aujourd’hui quelques centaines d’étasuniens armés d’armes légères, de
Hummers et de Strykers et qui ne cessent de se plaindre des conditions
de vie déplorables et du manque d’informations sur ce qui se passe
autour d’eux.
Sans attendre la fin du quatrième fiasco, les
Etats-Unis se lancent dans le cinquième fiasco : la construction d’une
base militaire dans le sud de la Syrie. Étonnamment, même après tout ce
qui s’est passé, ils ont jugé bon d’essayer de donner un nouvel élan à
l’Armée Syrienne Libre, et aussi de trouver une certaine utilité pour
leurs bases en Jordanie qui avaient été totalement discréditées par leur
performance dans l’opération Timber Sycamore. À cette fin, ils ont
rallié quelques groupes armés obscurs qui étaient entrés en Syrie depuis
la Jordanie et, avec leur aide, ils ont établi une base à Al Tanf,
suffisamment armée pour tenir ce territoire pendant longtemps, et
possiblement pour servir de position avancée en vue d’une invasion
depuis le sud.
Mais ce qui s’est produit, c’est que les Syriens et
les Iraniens ont rapidement contourné Al Tanf et pris le contrôle de la
frontière irakienne (avec la pleine coopération de l’Irak), rendant la
base d’Al Tanf complètement caduque. En reconnaissance de ce fait, les
Etats-Unis ont commencé à démanteler et à évacuer la base alors que les
groupes armés obscurs qu’ils avaient côtoyés se rendaient aux Syriens ou
s’enfuyaient et rejoignaient Daech. Fiasco numéro cinq est maintenant
terminé.
Fiasco numéro quatre est toujours en cours, mais le
résultat final est déjà clair. Bientôt, il n’y aura plus de Daech en
Syrie que les Etats-Unis pourront faire semblant de combattre. Leur
position, tant au Moyen-Orient que dans le monde entier, est de plus en
plus faible. Hormis la Syrie, le pays qui a le plus à gagner de cette
situation est la Russie. Considérez ce qui suit :
- L’Arabie Saoudite a été le principal bailleur de fonds du conflit syrien, mais même les Saoudiens se sont lassés de l’impudence des Etats-Unis et essaient de négocier avec les Russes.
- Quand les Israéliens ont compris que la Syrie était définitivement "perdue" pour eux, Netanyahou a immédiatement pris l’avion pour... Moscou, bien sûr, pour mendier quelques miettes à la table du maître.
- La Turquie a décidé que la coopération avec l’OTAN n’est plus stratégique et a versé un acompte pour l’acquisition de systèmes russes de défense aérienne S-400 qui, contrairement aux armes fournies par les Etats-Unis et approuvées par l’OTAN, ne sont pas bridés par un système d’identification d’appareils amis ou ennemis et sont donc parfaitement capables d’abattre les appareils de l’OTAN.
- Même l’Allemagne, le chien de garde le plus obéissant des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, vient d’ouvrir une enquête sur les livraisons d’armes à des groupes terroristes syriens reconnus internationalement qui ont transité par la base militaire de Rammstein et qui sont illégales en droit allemand.
Alors que les Syriens
détruisent Daesh, avec l’appui aérien russe, les Etats-Unis,
conformément à leur tradition, blâment la Russie pour leur défaite,
voire leur défaite stratégique. Et ce jeu de blâme idiot est un signe
évident de faiblesse extrême. La fin de la partie n’est peut-être pas
encore tout à fait claire, mais ce qui est déjà clair, c’est ceci : pour
qu’une superpuissance cesse d’être une superpuissance, il suffit d’une
défaite militaire relativement faible, pourvu qu’elle soit suffisamment
significative. La performance US en Syrie est telle que les Etats-Unis
ne participeront plus aux négociations internationales sur l’avenir de
la Syrie, parce que leur position est aujourd’hui tellement faible
qu’ils peuvent tout simplement être ignorés. Et lorsqu’il s’agit de
défaites militaires significatives, une défaite auto-infligée est de
loin la plus efficace.
La Syrie n’est pas le seul endroit où la
puissance militaire US se révèle pas si puissante que ça. Il y a aussi
l’Afghanistan, où les talibans sont en train de reconquérir le nord du
pays - la partie qui a été le plus facilement "libérée" lorsque les
Etats-Unis ont envahi le pays pour la première fois en 2001. Et il y a
aussi la Corée du Nord, dont les dirigeants ont réussi à tenir en échec
les États-Unis, ce qui leur laisse exactement zéro option militaire
viable - une situation que les Etats-Unis sont constitutionnellement
incapables d’accepter. Alors ils insultent les Nord-Coréens, qui les
insultent en retour, le tout sous les rires nerveux du reste du monde.
En
conclusion, permettez-moi de m’aventurer sur une piste et de deviner où
tout cela nous mène. Je pense que maintenant que tout indique que le
statut de superpuissance des Etats-Unis n’est plus qu’un souvenir un peu
nostalgique de la Guerre froide, ce qui viendra ensuite, c’est la
punition. Que font maman et papa lorsque leur enfant gâté a dilapidé ses
cartes de crédit en boites de nuit, jouets chics et prostituées ? Ils
lui confisquent ses cartes de crédit, bien sûr !
Dans le cas des États-Unis, cette action porte le nom de dedollarisation.
Ceux qui l’ont déjà tenté - comme Saddam Hussein et Muammar Khadafi -
ont été rapidement tués et leurs pays détruits. Mais aujourd’hui, des
pays comme la Chine et la Russie sont à la tête de la campagne de
dé-dollarisation - des pays auxquels les États-Unis ne peuvent espérer
s’opposer, surtout lorsqu’ils agissent de concert – et les Etats-Unis
n’ont jusqu’à présent répondu que par des menaces creuses, des
sanctions sans effet et beaucoup de grognements coléreux mais
incohérents.
Pour décrire la situation en termes simples : la
fonction de l’armée US est d’intimider les autres pays pour qu’ils
laissent les États-Unis acheter ce qu’ils veulent en imprimant des
dollars américains à volonté, ce qui revient à voler le reste du monde
sous la menace d’une arme. Une fois leur capacité d’intimidation
disparue, leur capacité de piller la terre entière disparaîtra avec. Et
une fois que cette capacité aura disparu, tout ce qui restera du "pays
le plus riche du monde" sera un tas de papier sans valeur. Personne ne
peut prédire quand cela arrivera, mais on n’a pas besoin d’en connaître
la date précise si on s’y est déjà préparé. Ce que je vous conseille de
faire, si ce n’est pas déjà fait.
Dmitry ORLOV
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https://www.legrandsoir.info/la-defaite-militaire-comme-declencheur-de-l-effondrement-economique-club-orlov.html
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