Noam
Chomsky est un idéologue et philosophe américain, célèbre pour avoir
travaillé sur la manipulation de(s) masse(s) à travers une violente
critique de La fabrication du consentement. Depuis quelque temps,
la paternité d’un texte qui circule sur Internet lui est attribuée à
tort. Son contenu éveille néanmoins la curiosité face aux (prétendues)
méthodes de persuasion de masse et aux moyens de s’en
prémunir. Parce qu’elles sont indument attribuées à Noam Chomsky, ces Dix stratégies de la manipulation sont d’autant plus intéressantes à évoquer. Chacun jugera ensuite de leur pertinence ou de leur ineptie.
1/ La stratégie de la distraction
Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion est d’inspiration romaine et antique : panem et circenses – du
pain et des jeux. Elle consiste à détourner l’attention du peuple des
problèmes importants et des mutations décidées par l’élite politique et
économique, grâce à un déluge continuel de distractions et
d’informations insignifiantes : le football, le sport en général, les
Jeux olympiques, certaines émissions de télévision…
2/ Créer des problèmes avant d’offrir les solutions
Cette
méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». Elle consiste à
créer une problématique sociale d’où naitra un ensemble de
circonstances qui suscitera une réaction populaire demandeuse de mesures
qu’on souhaite faire accepter. Par exemple : laisser se développer la
violence urbaine afin de mieux instaurer des lois sécuritaires au
détriment de la liberté individuelle.
3/ La stratégie de la dégradation
Découlant
du point précédant, la stratégie de la dégradation permet de faire
accepter l’inacceptable. Il suffit d’appliquer les mesures
progressivement, en « dégradé », sur plusieurs années. Ainsi, chômage
massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant
plus un revenu décent, baisse des retraites et allongement de la durée
du travail… autant de changements à l’avantage du néolibéralisme et de
la mondialisation, qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient
été appliqués brutalement.
4/ La stratégie du différé
Autre
manière de faire accepter une décision impopulaire : la présenter comme
une difficulté nécessaire, obtenant l’accord du public dans le présent
pour une application future. Il est, en effet, toujours plus facile
d’accepter un sacrifice s’il n’est pas immédiat. Cela laisse du temps
pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation
lorsque le moment sera venu.
5/ S’adresser au public comme à des enfants
La plupart
des publicités destinées au grand public utilisent un discours, des
arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants,
comme si le spectateur était un enfant à convaincre.
6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
Faire
appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter
l’analyse rationnelle et le sens critique des individus. L’utilisation
du registre émotionnel permet d’ouvrir un accès à l’inconscient afin d’y
« implanter » certains désirs, idées, peurs, pulsions ou comportements.
7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
Comme ce
fut le cas pendant des siècles lorsque le savoir et la connaissance
étaient tenus par le clergé, il est (souvent) fait en sorte que le
public soit incapable de comprendre les méthodes utilisées pour son
contrôle et son esclavage. 80 % des élèves des universités ou des
grandes écoles sont issus des classes moyennes ou supérieures, et rien
n’est réellement fait pour qu’il en soit autrement.
8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité
Encourager
le public à la bêtise, la vulgarité et l’inculture, comme c’est le cas
de certains tabloïds ou émissions de TV hélas ! particulièrement
populaires.
9/ Remplacer la révolte par la culpabilité
Faire
croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur. Ainsi, au
lieu de se révolter contre le système, le peuple se culpabilise et s’en
prend à lui-même, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des
effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolte ni
révolution !
10/ Connaître les individus mieux qu’ils se connaissent eux-mêmes
Au cours
du XXe siècle, les progrès fulgurants de la science et de la technologie
ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et
celles des élites. Grâce à la biologie, la neurobiologie, la
psychologie… le « système » est parvenu à une connaissance avancée de
l’être humain. Il en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen qu’il
ne se connaît lui-même. Dans la majorité des cas, le « système »
détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les
individus que les individus eux-mêmes. Il est, à cet égard, essentiel de
s’interroger : pourquoi politiciens et dirigeants font autant appel aux
instituts de sondages et publicitaires alors que la justesse de leurs
opinions devrait suffire à nous convaincre ?…
Pour conclure, je rappelle que ces Dix stratégies de la manipulation et
leurs multiples ersatz sont en accès libres sur le Net. Bien que le
texte soit considéré comme un « hoax » (canular informatique), les plans
qu’il évoquent semblent être appliqués avec une remarquable
synchronisation dans la société occidentale depuis plus de 30 ans. En
outre, il peut allègrement servir de prolégomènes à l’intelligence du
travail de Noam Chomsky. Le reste, tout le reste, n’est qu’aveuglement ou certitudes en fonction des obédiences de chacun.
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La fabrication du consentement de Noam Chomsky & Edward Herman
« De la propagande médiatique en démocratie »
Editions Agone – 27 €
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