Le témoignage de Jeffery
Feltman, ancien sous-secrétaire d’État et ambassadeur des États-Unis au Liban,
devant le Congrès américain a provoqué une tempête dans une tasse de thé au
Liban, même si, dans l’administration américaine, il n’occupe plus aucun poste
officiel.
Feltman,
qui travaille pour The Brookings Institution, a
présenté ses connaissances détaillées, basées sur une attention minutieuse
portée aux événements du Liban, en particulier dans le contexte des
manifestations en cours qui ont frappé ce pays. Cependant, il ne comprend pas
parfaitement la situation.
Il a exprimé des vœux pieux dans sa lecture des
événements au Liban. Il a montré la complexité de la situation dans le pays et
a conseillé le Congrès sur la façon de « vaincre le Hezbollah et l’Iran au
Liban » et « d’empêcher la Syrie, la Russie et la
Chine de prendre pied dans ce pays ». Mais sa mauvaise
interprétation de la dynamique locale et du pouvoir du Hezbollah sert
réellement le Liban de manière positive, mais seulement si le Congrès
attribue du crédit à ses paroles.
Il n’est
pas rare que «l’axe de la
résistance» – Iran, Syrie, Irak, Palestine, Hezbollah et Yémen –
permette que les malentendus et les sous-estimations de son pouvoir
soient diffusés, sans réaction ni rectification de sa part. L’Iran,
par exemple, utilise cette méthode pour montrer à quel point certains des
procédés visant à le faire plier, et à amplifier leurs effets, sont
dommageables, de sorte que les acteurs – en particulier une superpuissance
comme les États-Unis – croient que ses sanctions ou ses méthodes sont
efficaces. Le président Donald Trump a estimé
que le régime iranien tomberait d’ici quelques mois en raison de sanctions plus
sévères. Et pourtant, le gouvernement iranien ne cache pas l’effet des sanctions
sur son économie, mais est loin de se déclarer vaincu, en établissant son budget annuel hors
contribution du pétrole, et s’adapte au châtiment économique de
Trump.
Cette
approche – selon l’Axe de la résistance – convainc
les acteurs d’éviter d’ajouter des mesures plus sévères et pourrait satisfaire
l’administration américaine ou ses partenaires du Moyen-Orient, brouillant
ainsi la réalité. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, par
exemple, s’est vanté
de son efficacité à intercepter toutes les fournitures d’armes au Hezbollah en
bombardant des cargaisons expédiées de la Syrie au Liban. Pourtant, il est le
premier à reconnaître que le Hezbollah a reçu d’Iran, via la Syrie, des
missiles plus précis, ajoutant une puissance de feu mortelle à son arsenal de 150.000
missiles.
Lors de
son témoignage, l’ancien diplomate américain a loué et amplifié le rôle de
l’armée libanaise dans la défaite d’Al-Qaïda et de « État islamique » aux
frontières entre le Liban et la Syrie. Son point de vue – même s’il est quelque
peu éloigné de la réalité – pourrait servir à atténuer la position dure
des États-Unis qui, ces dernières années, ont voulu appauvrir le Liban. Mais c’est le Hezbollah qui a vaincu les
djihadistes, et non les douze
missiles hellfire «orphelins» accordés
conditionnellement par les États-Unis à l’armée libanaise, ni la participation
limitée de celle-ci à l’occupation de lieux débarrassés des
jihadistes par le Hezbollah au cours de sa progression. Les pertes de l’armée
libanaise ont été causées par le passage d’un véhicule sur une mine laissée par
les djihadistes.
Si
l’administration américaine pense que le Hezbollah pourrait être vaincu par
l’armée libanaise, et qu’un Liban en bonne santé était nécessaire pour freiner
l’influence du Hezbollah, cela ne peut avoir que des répercussions positives
sur le pays. Cependant, le vœu pieux de Feltman se situe dans une optique
différente des plans américains visant à imposer de nouvelles sanctions au Liban.
Non pas parce que certains décideurs américains sont plus intelligents que
Feltman, mais parce que l’administration
Trump est en grande partie manipulée par le désir d’Israël de mettre le Liban à genoux et
d’imposer par conséquent davantage de sanctions aux chiites et aux chrétiens,
tous classés comme des alliés du Hezbollah.
Feltman
a affirmé à tort que «la
guerre civile est une conséquence de l’influence de l’Iran». Son
analyse de l’influence du Hezbollah et de l’Iran n’est pas dans les clous.
L’Iran – qui est intervenu au Liban après l’invasion
israélienne de 1982 et non lorsque la guerre civile a éclaté en 1975 – veut
que le Liban et l’Irak soient stables, car toute guerre civile détournera les
partenaires de l’Iran de ses
objectifs principaux : la solidarité entre tous les membres de l‘Axe de
la résistance pour lutter contre leurs ennemis communs, pour
dissuader Israël et soutenir la cause des Palestiniens.
Feltman,
un ancien diplomate américain averti – contrairement à d’autres responsables de
l’administration américaine – croit toujours, à tort, que l’hégémonie
syrienne est un scénario qui pourrait se reproduire au Liban. Les relations
entre la Syrie et ses alliés au Liban, en particulier le Hezbollah, ont changé.
Depuis de nombreuses années, le président Bachar al-Assad n’est plus
directement impliqué dans la politique libanaise, bien que le Liban reste très
important pour la Syrie en raison de plusieurs facteurs liés à la sécurité, au
commerce et au voisinage. Bien que de nombreux Libanais se rendent encore à
Damas, Assad comprend toutefois que les politiciens libanais sont divisés et
que l’Axe de
la résistance est assez fort pour empêcher un comportement hostile
contre la Syrie.
Au
Liban, le Hezbollah n’a jamais contrôlé ni bénéficié du soutien de tous les
chiites. Même son partenaire proche, le mouvement Amal – bien que non hostile
au Hezbollah – rivalise avec lui pour asseoir son influence dans le sud du
Liban et dans toutes les positions institutionnellement allouées aux chiites.
Il existe de nombreux chiites libanais qui sont des ennemis déclarés du
Hezbollah. Ce phénomène n’est pas répandu, mais pas rare non plus. Néanmoins,
le Hezbollah a le soutien de la majorité des chiites en raison de la protection
contre les djihadistes, apportée à ses alliés parmi les minorités chrétiennes,
de son rôle dissuasif contre l’agression israélienne et de l’intention d’Israël
d’annexer davantage de territoire libanais – sur terre et en mer.
Les
manifestants au Liban sont dans la rue depuis moins de 40 jours pour protester
contre la médiocrité des services publics, la mauvaise gestion des ressources
économiques et la corruption de tous les dirigeants politiques actuellement au
pouvoir. Cependant, la crise s’est aggravée quand il est devenu évident
qu’aucun gouvernement ne serait formé de si tôt. Le Premier ministre par
intérim, Saad Hariri, veut répondre à la demande des États-Unis
d’exclure le Hezbollah et son partenaire chrétien, le «Mouvement
patriotique national», du sein d’un cabinet de technocrates,
et avoir les mains libres pour nommer tout ministre du futur gouvernement, même
s’il ne contrôle que 21 des 128 députés et que ses opposants
politiques détiennent la majorité des sièges au Parlement – plus de la moitié –
et refusent d’être exclus.
Hariri
n’est pas à l’abri de la corruption mais essaie d’enfourcher
le cheval des réformes. Ses opposants politiques tiennent à le
réélire au poste de Premier ministre, afin qu’il assume la responsabilité de la
corruption sous le règne de son père avant lui, et la gestion des nombreux
gouvernements qu’il a dirigés après l’assassinat de son père. Ses partisans ont
été poussés dans les rues pour contribuer à bloquer les routes
principales au Liban : un signal qui visait à faire pression, mais qui
participait à la paralysie du pays.
En moins
de deux mois de fermeture des routes, le Liban a perdu environ 2 milliards
de dollars d’échanges commerciaux. Sa monnaie s’est dévaluée de 33% par
rapport au dollar sur le marché noir.
Ce n’est
que la semaine dernière que l’armée libanaise a pris la décision de garder
toutes les routes principales ouvertes, afin d’éviter une éventuelle
aggravation de la situation. Les villes chiites et le principal axe reliant
Beyrouth au sud du Liban, à la vallée de la Bekaa, étaient fermées depuis
plusieurs jours. Une telle situation était sur le point de déclencher une
réaction qui aurait pu entraîner le pays dans une situation dangereuse.
Le Liban est au bord de la faillite totale. Il n’y
a plus de confiance dans la lire libanaise, ni dans le système bancaire. Le
soutien américain – non lié à la crise financière et non
versé jusqu’à présent – de 105 millions de dollars à l’armée libanaise
couvre à peine une petite partie du déficit de 85 milliards de
dollars du pays.
Seules
la Chine et la Russie, les pays que Feltman craint le plus, peuvent apporter un
espoir financier au Liban. La Chine a investi
dans le port de Haïfa par un contrat de 25 ans visant à élargir sa capacité de
transport et à moderniser les centrales électriques et les transports publics
en Israël, dépensant 12,19 milliards de dollars entre 2005 et 2019.
La Chine
a signé
un contrat avec l’Irak pour la réalisation de 80 puits de pétrole dans le
gigantesque gisement de Majnoon Basra pour un montant de 54 millions de dollars
et un autre contrat pour le forage de 43 puits pour 255 millions de dollars
afin de porter la production de pétrole à 400.000 barils par jour. Elle a
signé un contrat de 1,39 milliard de dollars pour le logement, l’éducation et
les soins médicaux dans des projets à Najaf, Karbalaa et Basra. Le volume
des échanges entre l’Irak et la Chine a dépassé les 30 milliards
de dollars en 2017. La Chine importe chaque année 20 milliards de dollars
de pétrole brut irakien, avec une augmentation annuelle de 10% des échanges
commerciaux.
Contrairement
à Israël, principal partenaire des États-Unis, les
politiciens libanais pro-américains sont très soucieux de ne pas nuire à
Washington et rejettent donc tout don russe ou accord économique important avec
la Chine, même si cela pourrait relancer l’économie affaiblie du Liban.
Le
fragile équilibre politique et économique du Liban contribue à sa
désintégration financière. L’administration américaine se comporte comme un éléphant
dans un magasin de porcelaine au Moyen-Orient, imposant des sanctions sans
distinction, mais obtenant peu en retour. Ses décisions agressives
et arrogantes fabriquent des ennemis à Trump, et alimentent l’incompréhension
des États-Unis quant à la dynamique du Moyen-Orient. L’Iran, le Liban, l’Irak,
le Yémen et la Syrie sont les exemples les plus évidents de situations où l’administration Trump «donne
des coups d’épée dans l’eau» et contribue ainsi de
manière significative au succès de l’Iran et de ses alliés. À présent, les «politiques»
de Trump – identifiées comme «la plus grande source d’instabilité mondiale»
– permettent à la Russie et à la Chine d’être présentes dans de plus en plus de
pays du Moyen-Orient.
Par Elijah J. Magnier
− Le 25 novembre 2019 –
Source :
le Saker
Francophone
BONSOIR HANNIBAL HEUREUSEMENT ON A LE GAFFEUR
RépondreSupprimerhttps://nicolasbonnal.wordpress.com/2019/12/10/trump-bafouille-vous-les-juifs-etes-nombreux-dans-le-secteur-immobilier-parce-que-je-vous-connais-tres-bien-vous-etes-des-tueurs-brutaux-pas-des-gens-sympas-du-tout-mais-vous-devez-voter/
Bonjour Nicolas : https://numidia-liberum.blogspot.com/2019/12/des-groupes-juifs-accusent-trump.html sur le même sujet
RépondreSupprimerSuper Hannibal n'oubliez pas de parler de BlackRock : c'est très savoureux aussi...
RépondreSupprimer1988–1997
BlackRock was founded in 1988 by Larry Fink, Robert S. Kapito, Susan Wagner, Barbara Novick, Ben Golub, Hugh Frater, Ralph Schlosstein, and Keith Anderson[7] to provide institutional clients with asset management services from a risk management perspective.[8] Fink, Kapito, Golub and Novick had worked together at First Boston, where Fink and his team were pioneers in the mortgage-backed securities market in the United States.[9] During Fink's tenure, he had lost $100 million as head of First Boston.
BlackRock. Un géant américain de la finance à l’assaut des retraites des Français
SupprimerFonds de pension. Le gigantesque gestionnaire d’actifs BlackRock lorgne l’épargne hexagonale, qu’il voudrait transformer en retraite par capitalisation. Il attend que la loi Pacte votée au printemps et la réforme Delevoye lui ouvrent les portes de ce marché.
Pas la peine de chercher le nom de BlackRock dans l’agenda des concertations ministérielles sur les retraites : il ne figure nulle part. Cela n’empêche pas ce mastodonte de la Bourse américaine, présent dans le capital des plus grandes entreprises françaises et gérant l’épargne de millions de salariés à travers le monde, de s’intéresser de très près à la réforme des retraites, en dispensant ses « recommandations » au gouvernement et au président de la république.
source: L'Humanite
On y reviendra plus tard