Développé par l'armée prussienne au XIXe
siècle pour enseigner les tactiques de combat aux officiers (Napoléon III en
saura quelque chose) puis exporté partout dans le monde sous des noms
différents, le kriegsspiel est une activité
devenue habituelle parmi les principaux états-majors de la planète.
Plusieurs scenarii ont été envisagés,
dont une attaque sur Taïwan, et le résultat est désespérément le même pour les
stratèges US : la défaite. Voire même, comme le dit un analyste, une
fessée...Popotin endolori, l'oncle Sam verrait surtout l'un de ses pires
cauchemars se matérialiser.
Avec plus ou moins de bonheur
d'ailleurs. En ce 80e anniversaire de la campagne de France,
rappelons ce général français qui, quelques années auparavant, lors d'une
simulation, en avait exclu un officier ; ce dernier, dans le rôle de l'ennemi
allemand, avait eu l'outrecuidance de faire passer ses divisions par les Ardennes.
L'avenir allait lui donner raison...
Le Pentagone est particulièrement
friand de ce genre d'exercices même s'il aurait sans doute préféré ne pas voir
le résultat des derniers wargames
simulant une guerre avec la Chine dans le Pacifique. La conclusion des ébats est sans appel :
A se demander si le bandeau noir du
vénérable Times
ne porte pas déjà le deuil des espoirs impériaux...
Certes, on connaît la propension
chronique des militaires à hurler au loup afin de bénéficier de plus de
crédits. Mais, dans le cas présent, l'exagération semble peu vraisemblable.
Truquer une simulation est toujours possible ; en falsifier toute une série
l'est beaucoup moins. D'autant que plusieurs observateurs indépendants
confirment l'hypothèse.
Non seulement Pékin a patiemment
bâti une flotte, notamment sous-marine, qui ne doit plus être prise à la
légère, mais les missiles anti-navire et hypersoniques chinois mettent les
escadres et les bases américaines (y compris Guam) sous le feu du dragon.
Plusieurs scenarii ont été
envisagés, dont une attaque sur Taïwan, et le résultat est désespérément le
même pour les stratèges US : la défaite. Voire même, comme le dit un analyste,
une fessée...
Popotin endolori, l'oncle Sam
verrait surtout l'un de ses pires cauchemars se matérialiser. Car le fidèle
lecteur sait bien que la problématique dépasse de loin la seule question taïwanaise :
C'est de haute géostratégie dont il s'agit. Nous
sommes évidemment en plein Grand jeu, qui voit la tentative de containment du Heartland eurasien par la
thalassocratie (...) La guerre froide entre les deux Corées ou entre Pékin et
Taïwan sont évidemment du pain béni pour Washington, prétexte au maintien des
bases américaines dans la région.
Pour les États-Unis, le sud du Rimland semble
définitivement perdu (entrée de l'Inde et du Pakistan dans l'OCS, fiasco
afghan), le Moyen-Orient tangue sérieusement (Syrie, Iran, Irak, voire Yémen).
Restent les deux extrémités occidentale (Europe) et orientale (mer de Chine) de
l'échiquier où l'empire maritime s'arc-boute afin de ne pas lâcher.
Washington utilise habilement des
conflits historiques (Chine vs Taïwan, Corée du Nord vs Sud) pour placer ses
pions sur l'échiquier actuel du Grand jeu. Les bases américaines, la VIIe
flotte ou les batteries THAAD en Corée du Sud visent évidemment à contenir la
Chine qui, de son côté, cherche à briser l'encerclement. C'est bien sûr dans ce
contexte qu'il faut replacer les malheureux kriegsspiel
du Pentagone...
Cette montée en puissance chinoise
met en péril la stratégie des chaînes d'îles, concept fondamental que nous avions expliqué en 2016 lors des bisbilles entre Duterte et
Barrack à frites :
L'aigle perd son plumage (...) Or la plume
philippine est d'importance : dans l'encerclement de l'Eurasie par les États-Unis, elle est la clé du sud-est.
Elle fait même
partie d'un réseau de containment mis en place par les Etats-Unis dans les
années 50 : l'Island chain strategy ou, en bon français, stratégie des
chaînes d'îles. Si ce fait est très peu connu en Europe et n'est jamais évoqué
dans les médias, même les moins mauvais, il occupe pourtant les pensées des
amiraux chinois et américains ainsi que les états-majors de tous les pays de
la région ou les publications spécialisées (tag
spécial dans The Diplomat, revue japonaise par ailleurs très favorable à
l'empire).
Petite parenthèse historique : la réflexion
stratégique autour des îles du Pacifique-ouest commença dès le début du XXe siècle, quand les Etats-Unis
mirent la main sur les anciennes colonies espagnoles de Guam et... des
Philippines (1898), tandis que l'Allemagne occupait les îles Marianne et Palau,
et que la marine japonaise prenait son essor en dépossédant la Chine de Taïwan
(1895). C'est à Haushofer, attaché militaire allemand au Japon de 1908 à 1910,
que l'on doit les premières analyses sérieuses, où apparaissent déjà des
considérations bien actuelles (rideau de protection, nœuds stratégiques etc.)
Pour Haushofer, cependant, ces chaînes d'îles
constituaient pour les Etats continentaux comme la Chine ou l'Inde un rempart
face aux menées des puissances maritimes. Les vicissitudes du XXe
siècle et l'inexorable extension de l'empire US ont retourné la donne : ces
arcs insulaires étaient désormais un rideau de fer contenant l'Eurasie (le bloc
sino-soviétique durant la Guerre froide) et "protégeant" le Pacifique
américanisé.
Ce qui nous amène au Grand jeu actuel. Que le
domino philippin tombe et c'est la première chaîne qui est sérieusement
ébréchée. La deuxième ligne étant plus virtuelle (car uniquement maritime, sans
armature terrestre véritable), c'est le Pacifique, donc les côtes américaines,
qui s'ouvrent partiellement à la Chine.
Le domino est en effet bien prêt de basculer, comme nous le rapportions il y a un mois :
La décision du président philippin Duterte de
mettre fin au Visiting Force Agreement, accord facilitant l’accès des troupes
américaines à l’archipel, continue de faire des vagues. C'était le 11 février
et, jusqu'ici, nous n'en avions pas parlé, trop conscient des incessants
retournements de veste qui ont lieu dans ce domaine. Cette fois, ça paraît la
bonne.
Jusqu'ici, Duterte ne lâche rien. Mais surtout, de
l'autre côté du Pacifique, Trump n'en a que faire. En bon entrepreneur, il pense avant tout, comme
dans le cas coréen, aux écus sonnants et trébuchants : "Ca ne me dérange
pas vraiment car cela permettra d'économiser beaucoup d'argent. Je sais que mon
opinion diffère en cela de celle des autres".
Les autres, c'est l'Etat profond et les stratèges
de Washington, qui s'arrachent littéralement les cheveux devant cet Harpagon
des temps modernes susceptible de couler, volontairement ou non, les avancées
stratégiques péniblement acquises durant des décennies (...)
La fin du Visiting Force Agreement ne signifie pas
obligatoirement la fin de la coopération militaire entre Manille et Washington
mais, selon tous les analystes, elle constituerait un coup de canif
difficilement réparable. Qui plus est, elle pourrait avoir des conséquences
dans toute la région comme l'analyse Radio Free Asia, média impérial qui craint que
l'Asie du Sud-est ne se rapproche de Pékin en cas de retrait américain. Si la
majorité des Etats de la zone craignent l'avancée du dragon en Mer de Chine
méridionale, aucun n'est prêt à dégrader ses relations avec le grand voisin en
accueillant des bases de l'US Navy.
Entre l'incertitude philippine et
l'ascension militaire chinoise constatée par les jeux de guerre
pentagoniens, c'est toute la stratégie des chaînes d'îles, première et
deuxième, qui a du plomb dans l'aile. Et ce n'est pas la vague sortie du
QUAD de son bocal de formol qui consolera les stratèges américains.
Petit rappel :
Pour faire simple,
le QUAD est la troisième chaîne de containment de la Chine, composé de
puissances économiques importantes, en arrière ligne, inféodées aux Etats-Unis
: Japon, Australie et, du moins dans les rêves des stratèges US, Inde. Cette alliance informelle, créée au milieu des années 2000, a
traversé diverses vicissitudes et connaît un regain de forme avec la sinophobie
primaire du Donald, pour une fois d'accord avec son Deep State. D'aucuns voient dans le QUAD le prémisse d'une OTAN
indo-pacifique.
Mais en août 2018,
Modi avait déjà mis le holà, montrant ainsi de profondes divergences entre
l'Inde et les deux autres valets de l'empire. Son idée de sécurité régionale,
avancée lors du sommet avec Poutine, semble enfoncer un clou dans le cercueil
du QUAD.
Confirmation en mars 2019 :
L'amiral Phil
Davidson, chef du commandement indo-pacifique de la flotte américaine, vient
de reconnaître que le QUAD est mis en sommeil pour une durée indéfinie. En
cause, le refus entêté de New Delhi d'en faire une alliance anti-chinoise,
c'est-à-dire un outil de l'impérialisme US dans la région. Et le bonhomme de
continuer : "Nous avons remis le sujet sur la table à plusieurs reprises
mais le patron de la marine indienne, l'amiral Sunil Lanba, nous a très
clairement fait comprendre que le QUAD n'avait pas de potentiel dans
l'immédiat". En décodé : nous ne sommes pas intéressés.
En réalité, le groupement informel ne
s'est jamais transformé en alliance contre la Chine comme le rêvait
Washington, l'Inde et même l'Australie refusant de s'engager dans cette
voie. Pourtant, notre Grand jeu ne manquant décidément pas de
rebondissements, les Etats-Unis ont tenté de redonner une dynamique au
moribond avec la crise du coronavirus. Afin de discuter des solutions à
apporter à la pandémie, les représentants des quatre pays ont
"télé-conférencé" fin mars, invitant même trois autres États - Corée du
Sud, Nouvelle-Zélande et Vietnam - pour former un virtuel "QUAD Plus".
La revue nippo-impériale The Diplomat a cependant très vite douché
les espoirs de ceux qui se prenaient à imaginer une grande ligue
anti-chinoise. Les nouveaux arrivants n'ont absolument aucune intention
de mettre à mal leurs relations avec Pékin et ce QUAD à sept, groupe
informel visant uniquement des buts humanitaires, pourrait même faire
perdre sa raison d'être au QUAD à quatre, censé contenir (très
imparfaitement de toute façon) le dragon.
Humiliation suprême, même la "mission" humanitaire a fait un flop retentissant dont se lamente un autre article au chapeau intéressant :
Et la revue de conclure :
L'incapacité du QUAD à
cueillir ce fruit à portée de main a permis à la Chine de prendre l'avantage [dans le soft power humanitaire] et a nui à la
crédibilité du QUAD. N'ayant mené aucune action coordonnée, même en ces temps
d'urgence, il est de plus en plus douteux que le groupe puisse inspirer une
quelconque confiance dans la région indo-pacifique.
La méthode Coué propre à ce site bio ne rend pas compte de la solidité impériale :
RépondreSupprimerhttps://www.egaliteetreconciliation.fr/En-accord-avec-les-Etats-Unis-l-Inde-se-detache-des-routes-de-la-soie-59497.html
L'empire se fout des porte-avions, il a les masques et les médias. Ruine du secteur financier en Asie.
https://www.zerohedge.com/markets/rabobank-how-does-hong-kong-continue-function-financial-center
ENFIN ET SURTOUT LA BATAILLE DES AMES EST PERDUE PARTOUT.
https://nicolasbonnal.wordpress.com/2020/05/22/blog-de-la-resistance-ferme-les-esclaves-du-systeme-se-demasquant-et-procedant-affaires-il-ne-sert-plus-a-rien-de-mimer-la-colere-enchantes-par-les-progres-de-la-bourse-et-de-la-planche-a-billets/
RépondreSupprimerLes généraux américains doivent lire Sun Tzu et non les Marvel Comics
nous avons quitte l 'ere des juifs obama bush clinton ....il faudra changer vos donnees
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