La
colonisation française commença à l'époque de Charles X (1757-1836), petit-fils
de Louis XV et frère cadet de Louis XVI et de Louis XVIII. Devenu roi de France
à la mort de Louis XVIII en 1824, Charles X imposa aussitôt une politique
autoritaire, cléricale et conservatrice, ce qui ébranla la stabilité de son
règne.
La
conquête de l’Algérie s'inscrivait dans une tentative de restaurer l'autorité
royale remise en question dès 1827. Sous prétexte de se débarrasser des
corsaires turcs dans la Méditerranée, Charles X prépara, à la mi-décembre de
1829, une expédition d'envergure en vue de conquérir l'Algérie soumise à la
suzeraineté du sultan turc d'Istanbul depuis trois siècles, sous le nom de
«Régence d'Alger». La France mit à contribution toute sa marine, avec l'accord
des puissances européennes qui renouaient ainsi avec les grandes croisades
chrétiennes contre les musulmans «infidèles».
Charles X
choisit le comte Louis de Bourmont, ministre de la Guerre dans le gouvernement
Polignac, qu'il nomma par ordonnance du 11 avril 1830 «commandant en chef de
l'expédition en Afrique». Juste avant l'embarquement (le 10 mai), le général de
Bourmont déclara solennellement à ses troupes:
La cause de la France est celle de l'humanité.
Montrez-vous dignes de votre belle mission. Qu'aucun
excès ne ternisse l'éclat de vos exploits;
terribles dans le combat, soyez justes
et humains après la victoire... Rendant la guerre moins
longue et moins sanglante, vous remplirez les vœux d'un souverain
aussi avare du sang de ses sujets que jaloux de l'honneur de la France.
C'est souvent par de beaux discours du genre qu'on tente de justifier la
plupart des conquêtes militaires.
1
Les forces d'occupation
Les troupes
françaises, formées de quelque 37.000 soldats et de 27.000 marins, répartis
dans 675 bâtiments, débarquèrent, le 14 juin 1830, dans la presqu'île
algérienne de Sidi-Ferruch à 25 km à l'ouest d'Alger. De là, le général de
Bourmont marcha sur la capitale qu'il fit bombarder jusqu'à la capitulation du
dey, le 5 juillet. L'expédition coûta 48 millions de francs (env. six millions
d'euros à l'époque) à la France, en plus des quelque 500 morts et 2000 blessés.
En débarquant à Alger, les Français chassèrent aussitôt les Turcs, mais
beaucoup de chefs locaux prirent les armes parce qu'ils n'acceptaient pas cette
incursion chrétienne en terre d'islam. À la suite de leur victoire, les
militaires français se livrèrent au pillage d'Alger, oubliant leurs vœux et
l'honneur de la France.
En France,
l'occupation de la ville fut accueillie avec une certaine indifférence. Le roi
Charles X fut renversé quelques semaines plus tard. Louis-Philippe, qui lui
succéda, conserva quelques troupes à Alger et se limita à une occupation
restreinte du littoral afin de pas donner l'impression de céder à la
Grande-Bretagne qui exigeait le retrait de la France. Pendant cinq ans, les
Français se contentèrent d'occuper Alger et ses environs, puis Oran,
Mostaganem, Bougie et Bône (Annaba). Le 26 février 1834, le général Louis-Alexis
Desmichels signa un traité par lequel il reconnaissait l'autorité de l'émir Abd-el-Kader sur la région d'Oran. À ce moment-là, le gouvernement français n'avait
aucune envie de s'aventurer dans l'arrière-pays ni de soumettre celui-ci. De
toute façon, les troupes d'occupation suscitèrent de grandes résistances de la
part des populations arabes et berbères habituées à une autorité turque
plus «indirecte». C'est pourquoi le roi Louis-Philippe avait décidé de s'allier
les chefs traditionnels musulmans qui contrôlaient l'intérieur du pays, dont
l'émir Abd-el-Kader.
À partir de 1839, la France entreprit la véritable conquête de l'Algérie en
y disposant d'une armée de 100.000 hommes. Cependant, cette conquête de
l’Algérie fut longue, contrairement au Maroc et à la Tunisie où quelques
accords avaient suffi pour imposer un «protectorat». La conquête se fit par la
force des armes, ville après ville, village après village. Certaines villes
furent dévastées par les troupes d'occupation françaises: Alger, Constantine,
Médéa, Miliana, Tlemcen, etc. Les Français réussirent à conquérir le Nord en
1839, mais la résistance armée de l'émir Abd-el-Kader perdura durant seize
longues années. En automne 1841, les principales villes du pays tombèrent aux
mains des Français, y compris Taqdemt, capitale de l'émir. L'armée française
parvint à occuper entièrement le pays seulement en 1848, lorsqu’ Abd-el-Kader
déposa les armes et se rendit aux forces d’occupation. La France le garda
prisonnier jusqu'à ce que Louis-Napoléon Bonaparte autorise sa libération en
1852. Il se réfugia en Syrie où il devint une véritable autorité morale et
spirituelle internationale, une sorte de pont entre l'Occident et l'Orient; il
mourut à Damas le 26 mai 1883.
Certains
intellectuels français ont qualifié l’émir Abd-el-Kader de «meilleur ennemi de la
France». On résume ainsi les trois grandes étapes de sa vie: «Notre
adversaire, seize ans; notre prisonnier, quatre ans; notre ami, trente et un
ans.»
Dès
1839, les territoires d'Afrique du Nord situés entre le royaume
du Maroc à l'ouest et le beylicat de Tunis à l'est
furent appelés Algérie, mot créé à partir d'Alger. Le 14 octobre 1839, le général Antoine Virgile Scheider, ministre de
la Guerre sous la monarchie de Juillet, avait adressé une lettre à Sylvain-Charles,
comte Valée, gouverneur général des possessions
françaises en Afrique du Nord :
Le pays occupé par les Français dans le nord de l'Afrique sera, à l'avenir,
désigné sous le nom d'Algérie. En conséquence, les dénominations d'ancienne
Régence d'Alger et de Possessions françaises dans le nord de l'Afrique
cesseront d'être employées dans les actes et les correspondances officielles.
Même
si cette nouvelle appellation d'Algérie allait être acceptée par les Algériens
eux-mêmes, il n'en demeure pas moins qu'elle avait pour effet de nier la
dénomination originelle El Djazaïr, signifiant «royaume de Ziri». Le mot Ziri renvoie à Bologhin Ibn
Ziri de la tribu des Zirides. Celui-ci fut le fondateur de la dynastie berbère
des Zirides régnant sur l'Ifriqiya de 972 à 1152. Le nom arabe de Bologhine
devint 'abû al-futûh sayf al-dawla bulukîn ben
zîrî.
2
Le saccage des Français
Les archives
algériennes et les œuvres d'art en bois servirent souvent de combustion pour
les feux de camp des militaires. Les méthodes utilisées par l’armée française
furent généralement brutales, comme en fait foi ce témoignage du
lieutenant-colonel Lucien-François de Montagnac, officier durant la conquête
d’Algérie (Lettres d’un soldat, 15 mars 1843):
Toutes
les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout
doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe: l'herbe ne doit
plus pousser où l'armée française a mis le pied [...]. Voilà comment il faut
faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de quinze ans,
prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments, les envoyer
aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas
à nos pieds comme des chiens. [1]
Les Français se
livrèrent à une guerre
bactériologique en empoisonnant les puits, sans parler de la destruction
systématique des cultures. Le général Thomas-Robert Bugeaud (1784-1849),
par exemple, organisa de façon systématique le massacre de populations civiles en enfermant les gens dans des
grottes afin de les gazer en les enfumant. Il se vantait même de
chercher à exterminer les Arabes: «C’est la
guerre continue jusqu’à extermination… Il faut fumer l’Arabe!»
En réalité, seules quatre ou cinq «enfumades» auraient été recensées; elles
auraient été étalées sur une période de cinq ans.
Néanmoins, des tribus entières arabes et
berbères furent rayées de la carte.
Alors
que la population algérienne était estimée à quelque trois millions en 1830,
elle n'en comptait plus que deux millions en 1845.
Aujourd'hui, on
n'hésiterait guère à parler d'une forme de génocide.
En 1843, le général Bugeaud
reçut la grande croix de la Légion d'honneur, puis fut fait maréchal de
France en récompense de ses loyaux services. Ce genre de reconnaissance
nationale n'a pas été inventé par les Français; d'autres puissances
impérialistes, notamment chez les Britanniques, l'ont pratiqué également sur
une grande échelle.
3
L'arrivée des colons européens
Quant à la
colonisation française proprement dite, elle avait commencé aussitôt après la
prise d’Alger, alors que des dizaines de milliers de Français venaient
s'installer en Algérie. Le général Louis Juchault de Lamoricière
(1806-1865) résumait ainsi en 1843 la position des militaires par rapport à la
colonisation:
En
vue d'atteindre cet objectif, il est nécessaire de faire appel aux colons
européens, et ce, parce que nous ne pouvons en aucun cas faire totalement
confiance aux indigènes. Ces derniers profiteront de la première occasion pour
se soulever contre nous. La soumission des Arabes à notre autorité ne constitue
qu'une phase transitoire nécessaire entre la guerre d'occupation et la
véritable conquête. La seule chose qui nous permette d'espérer pouvoir un jour
affermir nos pas en Algérie, c'est de peupler ce pays par des colons chrétiens
s'adonnant à l'agriculture…Pour cela, nous nous devons de tout mettre en œuvre
pour attirer le plus grand nombre de colons immédiatement en Algérie et les
encourager à s'y établir en leur attribuant des terres dès leur arrivée.
Les colons
firent main basse sur les terres arabes en achetant à vil prix de vastes
domaines aux Turcs ottomans. Déjà, en 1841, dans ses Notes sur l’Algérie,
le député Alexis de Tocqueville (1805-1859) dénonçait ainsi les
spoliations dont étaient victimes les «indigènes»:
Un
marin qui était là et qui possède des terres reprenait avec vivacité qu'on
avait tort de traiter les colons de cette manière; que sans colonie il n’y
avait rien de stable ni de profitable en Afrique; qu'il n’y avait pas de
colonie sans terres et qu'en conséquence ce qu'il y avait de mieux à faire était de déposséder les
tribus les plus proches pour mettre les Européens à leur place. Et moi,
écoutant tristement toutes ces choses, je me demandais quel pouvait être
l’avenir d’un pays livré à de pareils hommes et où aboutirait enfin cette
cascade de violences et d’injustices, sinon à la révolte des indigènes et à
la ruine des Européens.
Néanmoins,
Alexis de Tocqueville ne s'empêchait pas d'ajouter: «Quoi qu'il en soit, on peut
dire d'une manière générale que toutes les libertés politiques doivent être
suspendues en Algérie.» Bref, malgré certaines réticences, de
Tocqueville, comme la plupart de ses contemporains, se faisait l'avocat de
mesures radicales dans la conquête de l'Algérie. Cette conquête apparaissait à
l'époque comme une nécessité pour maintenir la France dans son entreprise
d'expansion coloniale (à l'exemple de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de
l'Italie, etc.). En octobre1870, le décret Crémieux (du nom d'Adolphe
Crémieux) accorda la nationalité française aux seuls Algériens de confession
juive (35 000 personnes):
Du
24 octobre 1870.
LE
GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE DÉCRÈTE :
Les
Israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens
français ; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à
compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous
droits acquis jusqu'à ce jour restant inviolables.
Toute
disposition législative, tout sénatus-consulte, décret, règlement ou
ordonnances contraires, sont abolis.
Fait
à Tours, le 24 0ctobre 1870.
Signé
AD. CRÉMIEUX, L. GAMBETTA, AL. GLAIS-BIZOIN, L. FOURICHON
Cette mesure
discriminatoire heurta les autres communautés, notamment les Berbères. Le
décret 136 fut complété par le décret no 137 portant «sur la naturalisation des «indigènes
musulmans et des étrangers résidant en Algérie». Ainsi, la
qualité de citoyen français ne pouvait pas être automatique, car elle ne
pouvait «être obtenue qu’à l’âge de vingt et un ans accomplis» et sur demande.
4 La «mission civilisatrice» de la France
L'idéologie de
l'époque trouvait en partie sa justification dans la présumée «supériorité de la race
française» sur la «race indigène».
Jules
Ferry (1832-1893), l'un des fondateurs de l'éducation
moderne française à l'origine des grandes lois scolaires républicaines
instituant la gratuité, l'obligation et la laïcité de l'école, avait déclaré à
ce sujet, le 28 juillet 1885, lors d'un débat à la
Chambre des députés:
Messieurs,
il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder
[...] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. [...]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire
ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races
inférieures. [...] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit,
parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les
races inférieures. [...]
Ces
devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et
certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient
l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir
d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations
européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir
supérieur de la civilisation.[...] La politique coloniale est fille de la politique
industrielle.
Ferry avait été promu ministre des Colonies (1883-1885), après avoir été
ministre de l'Instruction publique (1879-1883). Très expansionniste, il était
convaincu que la France avait une «mission civilisatrice outre-mer».
Il croyait aussi
que la France civilisatrice avait un rang à tenir : «La France ne peut
être seulement un pays libre; [...] elle doit être aussi un grand pays,
exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient
[...] et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses
armes, son génie.» Cet idéal justifiait la grande entreprise coloniale
française promue par Jules Ferry. Le 30 juillet 1885, dans son discours à la
Chambre des députés, Georges Clémenceau, farouche opposant à la colonisation,
lui avait répondu par ces paroles:
Je
passe maintenant à la critique de votre politique de conquêtes au point de vue
humanitaire. [...] "Nous avons des droits sur les races inférieures."
Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu’elles exercent
et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir
de civilisation. Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l’on
voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en
allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la
civilisation. Races supérieures! Races inférieures! C’est bientôt dit. Pour
ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands
démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre
franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand.
Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers
un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation
inférieure ! [...]
Je ne comprends pas que nous n’ayons pas été
unanimes ici à nous lever d’un seul bond pour protester violemment contre vos
paroles. Non, il n’y a pas de droit des nations
dites supérieures contre les nations inférieures. [...] La conquête que vous
préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation
scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier l’homme,
le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu
civilisateur. Ce
n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de
civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie.
C'est sous
l’autorité de Jules Ferry que le fameux Code de l’indigénat fut promulgué, le 12 juin
1881. Pendant que la France adoptait des lois anti-arabes, elle se préparait à
donner le nom de Jules Ferry à des centaines d'écoles et de rues. L'école
préconisée par Jules Ferry, c'était aussi celle du «racisme d'État»
au nom d'un certain «credo républicain» qui obéissait aux intérêts de la
bourgeoisie industrielle et financière française. Aujourd'hui, des mouvements
sont à l'œuvre en France pour débaptiser les écoles qui portent encore le nom
de Jules Ferry.
À partir du 23
mars 1882, l’Assemblée nationale française imposa aux «indigènes» de s’inscrire
sur les registres du Code civil. Toutefois, les noms arabes transcrits en
français dans les registres de l'état civil conduisirent à de nombreuses
erreurs de transcriptions, sinon des incongruités. C'est que les moyens dont
disposaient les fonctionnaires pour retranscrire correctement les noms
algériens, arabes ou berbères étaient inadéquats. La transcription des noms
faite en français, sans modèle de transcription uniforme, ne pouvait qu'aboutir
à un système anarchique. Le passage de l’oral arabe ou berbère à l'écrit en
français occasionna de multiples erreurs dans les patronymes. Souvent, les
Algériens durent faire les frais de l’imagination des agents de l'état civil,
qui pouvaient donner des noms en fonction des circonstances, des professions ou
métiers ou de toutes sortes d'attributs peu flatteurs. Il est même arrivé que
des transcripteurs français ont enregistré des insultes ou des noms d'animaux
en pensant qu'il s'agissait de noms propres (patronymes), ce qui allait poser
d'énormes problèmes pour les générations suivantes. Il était, bien sûr,
possible de porter plainte devant les tribunaux, mais il fallait alors assumer
des frais coûteux, ce qui n'était pas à la portée de tous.
5
Une colonie de peuplement
L'Algérie fut
tout de suite perçue comme une «colonie de peuplement». La France fit appel à
une importante population européenne, française d'abord, mais également
espagnole, italienne, maltaise, etc. Le rapport de la commission d'étude
algérienne de 1833 précisait ainsi les choix de peuplement:
Les
colons doivent être recrutés non seulement parmi les Français, mais aussi parmi
les étrangers, notamment les Allemands, aux qualités solides, les Maltais et
les Mahonnais, moins recommandables, mais s'adaptant facilement au pays. Du
reste il serait imprudent de se montrer exigeant sur la qualité là où on a
besoin de la quantité.
Les
statistiques publiées régulièrement montrent que la population non française
constituait une proportion importante de la population européenne en Algérie (voir
le tableau ci-dessous, tiré de l'Annuaire statistique de l'Algérie, 1932),
ce qui ne manquera pas d'inquiéter les autorités de la colonie. Leur
préoccupation était d'empêcher les communautés étrangères de menacer la
souveraineté française et en cas de crise politique de faire appel à leur pays.
Année
|
Français d'origine
|
Naturalisés français
|
Total des Français
|
Étrangers
|
Total des Européens
|
Proportion d'étrangers
|
1833
|
3 478
|
-
|
3 478
|
4 334
|
7 812
|
55,5 %
|
1836
|
5 485
|
-
|
5 485
|
9 076
|
14 561
|
62,3 %
|
1839
|
11 000
|
-
|
11 000
|
14 000
|
25 000
|
56,0 %
|
1841
|
15 497
|
-
|
15 497
|
20 230
|
35 527
|
56,9 %
|
1846
|
46 339
|
-
|
46 339
|
49 780
|
96 119
|
51,8 %
|
1847
|
42 274
|
-
|
42 274
|
67 126
|
109 400
|
61,4 %
|
1851
|
66 050
|
-
|
66 050
|
65 233
|
131 283
|
49,7 %
|
1856
|
92 738
|
-
|
92 738
|
66 544
|
159 282
|
41,8 %
|
1866
|
122 119
|
-
|
122219
|
95 871
|
218 090
|
43,9 %
|
1876
|
156 365
|
-
|
156367
|
155 072
|
311 439
|
49,8 %
|
1886
|
219 627
|
-
|
219627
|
203 169
|
422 796
|
48,1 %
|
1891
|
244 000
|
27 000
|
271000
|
226 000
|
496 000
|
45,6 %
|
1896
|
268 000
|
50 000
|
318137
|
212 000
|
530 137
|
40,0 %
|
1901
|
292 464
|
71 793
|
364257
|
219 380
|
583 637
|
37,6 %
|
1906
|
300 672
|
148 748
|
449 420
|
166 198
|
615 618
|
27,0%
|
1911
|
304 592
|
188 068
|
492 660
|
189 112
|
681 772
|
27,7 %
|
1921
|
405 208
|
123 484
|
528 392
|
188 774
|
717 186
|
26,3 %
|
1926
|
549 146
|
709 93
|
620 139
|
175 718
|
795 857
|
22,1 %
|
6
La politique de spoliation
En 1872, sur
une population estimée à deux millions d’habitants, quelque 245.000 étaient
d’origine européenne (12,2 % de la population) et possédaient au moins le quart
de l’espace agricole algérien; en 1886, plus de sept millions d’hectares de
terres étaient passés aux mains des colons. Ceux-ci n'étaient pas uniquement
d'origine française; certains provenaient, par exemple, de l'Italie, de l'île
de Malte, de la Suisse et de l'Espagne. Pendant que les Français, les Suisses
et les Espagnols s'établissaient dans l'Ouest, les Italiens et les Maltais
s'installaient dans l'Est.
Par la suite,
certaines communautés arabes
et berbères perdirent jusqu’à 50 %, voire 80 %, de leurs terres.
Capitalistes métropolitains, fonctionnaires et officiers firent le trafic des
terres abandonnées par leurs propriétaires ou confisquées à la suite de la
conquête. La politique française à l'égard des Algériens ne pouvait que
favoriser l'émergence du nationalisme musulman. Dès 1846, Alexis de Tocqueville
avait probablement raison d'écrire: «Nous avons
rendu la population musulmane plus barbare qu’elle ne n’était.» Le
mot «barbare» était sans doute mal choisi, car dans le contexte de l'époque il
signifiait que les Français avaient certainement «empiré» les choses.
7
La question scolaire
En 1881, l'Algérie fut intégrée directement à la France et fut divisée en
trois départements: Alger
(54 861 km²), Oran
(67 262 km²) et Constantine
(87 578 km²), auxquels s'ajouteront plus tard les Territoires du
Sud (1 981 750 km²). Tous ces départements furent rattachés
au ministère français de l'Intérieur et dirigés par un gouverneur général. Au moment de la promulgation des lois scolaires de 1881 et
de 1882, Jules Ferry, qui désirait en réalité l'assimilation des musulmans par
l'école, tenta en vain de généraliser leur scolarisation, mais les colons
européens lui opposèrent un refus catégorique en criant : «Autant abandonner
l'Algérie!» Les Français d'Algérie évoluèrent indépendamment des Arabes. Ils se
regroupèrent dans des villes comme Oran et Alger, et habitèrent dans leurs
quartiers petits-blancs. Dans chaque ville de l'Algérie coloniale, il y eut un
quartier européen, distinct des quartiers «indigènes». La connaissance de
l'arabe se perdit. Il ne se produisit jamais un rapprochement avec les
«indigènes». Dans les milieux ruraux, la France créa des dizaines de «villages
de colonisation», un peu comme aujourd'hui les colonies de peuplement en
Palestine par les Israéliens.
En général, les
Arabes fréquentaient leurs écoles coraniques en arabe dans un système
d'éducation parallèle. L'éducation autochtone était financée par les
collectivités locales, non par le pouvoir central. Lorsque les Français
proposèrent aux Algériens un enseignement financé par l'État, ceux-ci
trouvèrent l'offre suspecte, car ils associaient cette éducation à une
«opération d'évangélisation». À partir de 1870, l'enseignement
traditionnel arabe suscita l'hostilité des colons européens qui parlèrent
d'«écoles du fanatisme». Les Arabes perçurent cette réaction comme un refus de
leur droit à l'éducation, une atteinte à leur intégrité culturelle et à leur
religion. Ils refusèrent par conséquent d'envoyer leurs enfants dans les écoles
françaises publiques. À ce sujet, voici ce qu'en pense l'historien algérien Mohammed
Harbi (dans La guerre commence en Algérie, 1984):
À
l'encontre de ce qui s'est passé en Tunisie et en Égypte, les Algériens ne
cherchent pas, pendant plus d'un demi-siècle, à s'approprier les secrets du
vainqueur. Les rares éléments qui prennent le chemin des écoles françaises sont
considérés par la grande masse comme des renégats, tombés dans le ''piège tendu
à leur ethnie et à leur religion''.
La
République française finit par capituler et renonça à la scolarisation massive
des musulmans, puis créa pour eux les «écoles
gourbis» avec un programme spécial, des
instituteurs spéciaux et un diplôme également spécial. Par
exemple, les maîtres affectés dans les bleds algériens devaient enseigner, mais
il leur fallait aussi être cuisiniers, maçons, menuisiers, médecins (ou
vétérinaires), jardiniers et conseillers agronomes pour les adultes, puis
secrétaires et écrivains publics. La seule innovation: l'introduction de la
langue française.
Mais le
français ne se propagea pas chez les petits Arabes et ce sont les Français de
souche et les étrangers assimilés qui profitèrent de l'enseignement public en
français. Il faut aussi signaler que les Européens ne se montrèrent pas
très enthousiastes à dépenser des fonds publics pour «instruire les indigènes».
Le nombre d'enfants arabes scolarisés en français fut si minime qu'un haut
fonctionnaire pouvait déclarer en 1880: «Nous avons laissé tomber
l'instruction des indigènes bien au-dessous de ce qu'elle était avant la
conquête.» Voici un autre témoignage: «L'Arabe, en 1830, savait lire
et écrire. Après un demi-siècle de colonisation, il croupit dans l'ignorance»
(cité par M. Lacheraf dans L'Algérie, nation et société, 1978).
8 L'imposition de la langue française
Quant aux
colons français d'Algérie, ils réussirent à développer une sorte de «français
régional», dont les caractéristiques étaient l'emploi du conditionnel derrière si
et celui de nombreux mots empruntés à l'arabe, à l'italien et à l'espagnol. À
cette époque, les Européens croyaient que leur civilisation était supérieure.
Citons à ce sujet William Marçais, un dialectologue qui a occupé le poste
d'administrateur colonial en Algérie dans les années 1900 et qui écrivait en
1931:
Quand
l'une des langues est celle des dirigeants, qu'elle ouvre l'accès d'une grande
civilisation moderne, qu'elle est claire, que l'expression écrite et
l'expression parlée de la pensée s'y rapprochent au maximum; que l'autre est la
langue des dirigés, qu'elle exprime dans ses meilleurs écrits un idéal
médiéval, qu'elle est ambiguë, qu'elle revêt quand on l'écrit un autre aspect
que quand on la parle, la partie est vraiment inégale: la première doit
fatalement faire reculer la seconde.
Encore
au début du XXe siècle, les Algériens résistaient au modèle colonial
français. Pendant que quelques grandes familles envoyaient leurs enfants au
Proche-Orient, la plupart des Algériens préféraient laisser leurs enfants
grandir dans l'ignorance. Certes, il existait une petite élite bilingue,
ouverte aux idées occidentales, qui favorisait l'éducation en français. Ces
deux attitudes entraîneront plus tard des conflits entre les «francisants
modernistes» et les «arabisants islamisants traditionnalistes».
Au
cours de la Première Guerre mondiale, le recrutement indigène fournit 173.000
militaires (dont 67.500 «engagés»), alors que 25.000 soldats musulmans et 22.000
Français d'Algérie tombèrent sur les champs de bataille.
Au même moment, quelque 119.000 «travailleurs» algériens vinrent travailler en
métropole.
Un décret
de 1919 accorda la nationalité française à quelque 20 000
Algériens, mais à des conditions considérées comme particulièrement sévères
comme la renonciation au statut personnel de musulman (c'est-à-dire, selon le
point de vue, la «conversion» ou l'«apostasie»). Les musulmans demeurèrent,
dans leur immense majorité, des «sujets français» jamais des «citoyens» à part
entière, à moins d'abandonner leur religion et de prendre celle des
«infidèles». Mais la France fit pire en imposant à l'Algérie (ainsi qu'à toutes
ses autres colonies) le Code de l’indigénat qui correspondrait
aujourd'hui à une forme déguisée d’esclavage des populations autochtones, car
elle les dépouillait de toute leur identité. Évidemment, les colons et certains
immigrés français purent dominer la société algérienne et imposer leur langue
qui devint quasi exclusive dans l'Administration, l'enseignement et
l'affichage. En 1930, le gouvernement colonial pouvait célébrer avec faste le «Centenaire
de l'Algérie française». Une loi française de 1938 déclara même l'arabe
comme «langue étrangère en Algérie». Pendant que les Français et d'autres
Européens d'Algérie occupaient les villes et les meilleures terres, disposaient
d'écoles, de routes et de services publics efficaces, l'Algérie musulmane
habitait les bidonvilles et devait se contenter des plus petits champs séchés, le tout sans
soins, sans instruction et sans administration.
Source : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-2Histoire.htm#4_La_colonisation_fran%C3%A7aise_
VOIR AUSSI :
[1] On croirait lire du Michel Houellebecq, de l'Eric Zemmour ou du René Guénon, mais au goût du jour, afin de plaire aux beaufs de base. Voici ce qu'ils écrivent dans "Soumission" :
Le thème sur lequel est présenté le contenu de ce livre est l’arrivée au pouvoir par les urnes d’un parti islamiste en France suite à un second tour avec le Front National. Un parti islamiste soutenu par l’ensemble des forces républicaines traditionnelles, dont le but secret est de détruire la France pour la dissoudre dans l’Europe.
La polygamie est rétablie. Les aides sociales baissent de 85%. L’enseignement devient confessionnel. La gauche ne trouve rien à redire. La droite non plus. François Bayrou (un horrible anti raciste) en profite pour se faire nommer Premier Ministre. Le tout après une période de campagnes émaillées de violences urbaines qui sont passées sous silence par les médias français à l’exception des sites de partage vidéo russes.
Bref dans la première partie du roman Soumission dans un ouvrage écrit à quatre mains par Eric Zemmour et Renaud Camus pendant une nuit d’ivresse dans le cossu château de ce dernier. Ne manquent même pas les clichés sur les militants de la mouvance identitaire radicale (dont l’auteur a d’ailleurs une vision idéologique assez floue que ne reconnaitraient pas les intéressés) en infiltrés résistants. Et l’Islam ramené à une vision certes pas extrémiste mais en tous cas fortement réactionnaire.
Vivement un pogrom !!
[1] On croirait lire du Michel Houellebecq, de l'Eric Zemmour ou du René Guénon, mais au goût du jour, afin de plaire aux beaufs de base. Voici ce qu'ils écrivent dans "Soumission" :
Le thème sur lequel est présenté le contenu de ce livre est l’arrivée au pouvoir par les urnes d’un parti islamiste en France suite à un second tour avec le Front National. Un parti islamiste soutenu par l’ensemble des forces républicaines traditionnelles, dont le but secret est de détruire la France pour la dissoudre dans l’Europe.
La polygamie est rétablie. Les aides sociales baissent de 85%. L’enseignement devient confessionnel. La gauche ne trouve rien à redire. La droite non plus. François Bayrou (un horrible anti raciste) en profite pour se faire nommer Premier Ministre. Le tout après une période de campagnes émaillées de violences urbaines qui sont passées sous silence par les médias français à l’exception des sites de partage vidéo russes.
Bref dans la première partie du roman Soumission dans un ouvrage écrit à quatre mains par Eric Zemmour et Renaud Camus pendant une nuit d’ivresse dans le cossu château de ce dernier. Ne manquent même pas les clichés sur les militants de la mouvance identitaire radicale (dont l’auteur a d’ailleurs une vision idéologique assez floue que ne reconnaitraient pas les intéressés) en infiltrés résistants. Et l’Islam ramené à une vision certes pas extrémiste mais en tous cas fortement réactionnaire.
Vivement un pogrom !!
Hannibal GENSÉRIC
JUSTE TEXTE CONFIRMé PAR DUROSELLE ET MONNIER DANS MON LIVRE DE PREMIERE (Nathan, 1960). "POPULATION POUSSEE AU DESESPOIR"...
RépondreSupprimerIl y a sans doute du vrai, mais quand on lit un article plus négatif que dans les médias mainstream, peu suspects de sympathie pour le colonialisme, on peut se poser des questions.
RépondreSupprimerJ'ai bien peur que ce genre d'article incite plus à la division qu'à la paix.
Lorsqu'on a un problème, il vaut mieux en parler et crever l'abcès. Cela ne sert personne de cacher l'histoire, et de se dire : nous sommes les plus beaux et les plus Gentils. Chez tous les peuples, il y a eu des hauts et des bas durant leur histoire, des brebis galeuses et des gens d'honneur. La France et l'Algérie ne font pas exception.
RépondreSupprimerN'y voyez aucune intention de diviser, mais d'expliquer d'où viennent et comment raisonnent les gens comme Le Pen, Zemmour et consorts.
Si un jour vous visitez le Maghreb, vous n'y verrez aucune animosité envers la France et les Français.
Merci, cher Hannibal Genséric, pour cette réaction apaisée. Ce n'est pas le lieu ici d'un débat. Gardons-nous de procurer la moindre des satisfactions à l'ennemi principal et implacable auquel nous sommes confrontés.
RépondreSupprimerBravo pour votre travail et, un jour peut-être, aurons-nous l'occasion d'aborder sans fard et sans faux semblant, entre hommes, ce qui fait notre différence.
Cher Hannibal Genséric, merci pour votre réaction.
RépondreSupprimerVous avez raison, cacher l'histoire est contre-productif et il vaut toujours mieux crever l'abcès, quand on y est prêt.
C'est juste qu'à la lecture de l'article, j'ai eu l'impression qu'il se concentre surtout sur les aspects les plus négatifs.
Il y aura toujours de part et d'autre des personnes pour utiliser ce genre de débats pour semer la discorde, mais je sais que telle n'est pas votre intention, ni la mienne, je vous rassure.
J'en profite pour vous remercier pour le travail de fond que vous accomplissez au quotidien.
EMMERDONS LES OXYDENTAUX
RépondreSupprimerhttps://nicolasbonnal.wordpress.com/2020/07/10/le-maire-de-new-york-interdit-tout-sauf-black-live-matters-vous-savez-quoi-lecteurs-la-repentance-blanche-memmerde-les-blancs-memmerdent-alors-on-va-parler-de-leurs-crimes-frithjof-schuon/