Que sont les missiles "Storm Shadow" et comment la Russie peut-elle les vaincre ?

La guerre par procuration OTAN-Russie en Ukraine a connu une nouvelle escalade cette semaine, le Royaume-Uni annonçant la livraison de missiles de croisière à longue portée Storm Shadow à Kiev. Quelles sont ces armes ? En quoi diffèrent-ils des missiles déjà fournis à l'Ukraine ? Et que peut faire la Russie à leur sujet ?.

-  Que sont les missiles Storm Shadow ?
-  Qui a développé le Storm Shadow ?

-  Où les Storm Shadows ont-ils été utilisés ?

-  Quelles sont les limites et les faiblesses de Storm Shadow ?

-  Comment la Russie va-t-elle réagir ?

Le secrétaire d'État Antony Blinken a distancié le département d'État de la décision du Royaume-Uni d'envoyer des missiles de croisière Storm Shadow en Ukraine après que le Kremlin a  averti  qu'il considérait le développement "très négativement" et a déclaré qu'il nécessiterait une "réponse adéquate" de la partie russe.

« Différents pays feront des choses différentes, en fonction de leurs propres capacités, en fonction de leur propre technologie, en fonction de ce qui a le plus de sens. Nous avons donc fourni certaines choses uniquement à l'Ukraine dans le cadre de ce processus. D'autres pays peuvent faire des choses différentes de ce que nous faisons. La question est : Est-ce que tout cela correspond à ce dont l'Ukraine a besoin ? Et nous sommes déterminés à ce qu'il en soit ainsi »,  a déclaré Blinken  aux médias américains jeudi.

Lorsqu'on lui a demandé de but en blanc si le Département d'État soutenait l'étape d'escalade, Blinken s'en est remis au chef du Pentagone Lloyd Austin à ce sujet, ajoutant qu'en plus des armes, le «soutien» à l'Ukraine peut inclure la formation, la maintenance et "comprendre comment utiliser toutes ces choses dans un plan cohérent et efficace – interarmes, comme on l'appelle dans le milieu."

Ce n'est pas la première fois que Londres décide de penser « différemment » de ses alliés outre-Atlantique. Plus tôt cette année, le Royaume-Uni est devenu la première puissance de l'OTAN à accepter d'envoyer des chars de combat  de la génération actuelle à Kiev. Puis, en mars, le ministère de la Défense a révélé que les chars seraient armés de munitions à l'uranium appauvri -  des armes hautement toxiques qui ont dévasté de larges pans  de l'ex-Yougoslavie et de l'Irak, et ont provoqué une foule de cancers et d'autres maladies mortelles chez les deux. les populations locales et les militaires de l'OTAN.

Que sont les missiles Storm Shadow ?

Les Storm Shadows, dont le secrétaire à la Défense Ben Wallace a confirmé cette semaine qu'ils « entrent » ou sont déjà « dans le pays », sont des missiles de croisière d'une portée allant jusqu'à 250 km pour la version d'exportation et jusqu'à 560 km pour la version domestique.  Si elles étaient tirées au-dessus du nord-est de l'Ukraine, les armes anglo-françaises de la variante d'exportation auraient une portée suffisante pour cibler les grandes villes russes comme Koursk, Belgorod, Voronej ou Sébastopol, ainsi qu'une grande partie de la Biélorussie - y compris sa capitale, Minsk.

Des responsables britanniques  ont assuré en privé  que Kiev avait promis que les missiles ne seraient pas utilisés pour attaquer des cibles à l'intérieur de la Russie. Mais ce n'est qu'une maigre consolation pour Moscou, étant donné que le gouvernement ukrainien a décidé de transformer la crise en un attentat terroriste gratuit il y a plus d'un an, non seulement en ciblant aveuglément et délibérément des villes du Donbass, mais en tentant de lancer des missiles, de l'artillerie et des drones  contre des cibles au plus profond de la Russie.

Le Storm Shadow est le missile de l'OTAN le plus puissant livré à Kiev à ce jour, et a une portée bien au-delà des 75 km des roquettes HIMARS qui ont été livrées par milliers au cours de l'année écoulée.

Le missile de croisière, de 2,5 millions de dollars l'unité, pèse 1,3 tonne, a une longueur de 5,1 mètres, un diamètre d'environ 0,4 mètre et une ogive tandem de 450 kg - assez pour détruire de lourdes fortifications ou niveler des immeubles d'habitation, des installations industrielles, des jonctions ferroviaires ou des colonnes de véhicules et de troupes. Un dérivé tiré par un navire de guerre existe, cette variante ayant une portée allant jusqu'à 1.400 km et une ogive de 300 kg. Les missiles disposent d'une navigation inertielle, combinée au GPS et au référencement du terrain.

On estime que le Royaume-Uni avait  700 et 1000  Storm Shadows en stock.

"Il s'agit d'une fusée aérienne qui utilise une technologie furtive. L'ogive peut être une munition à cassette ou une ogive pénétrante, et a un poids de 450 kg… En règle générale, elle est installée sur des avions de fabrication européenne… Elle n'est pas installée sur des avions américains. La version française ne diffère de la version britannique que par l'interface d'installation sur les chasseurs correspondants ", a déclaré à Sputnik Dmitry Drozdenko, rédacteur en chef d'Arsenal of the Fatherland, un portail russe d'informations et d'analyses sur la défense.

Qui a développé le Storm Shadow ?

Créé conjointement par Matra BAe Dynamics - un géant franco-britannique de la défense axé sur les missiles créé dans les années 1990, le Storm Shadow a été mis en service pour la première fois en 2002, juste à temps pour que les États-Unis et l'OTAN l'utilisent lors des invasions et des bombardements au Moyen-Orient.

Les Storm Shadows ont  n'été utilisés que contre les pays arabes qui résistent à l'impérialisme occidental

Les forces britanniques ont utilisé Storm Shadows pour la première fois en Irak lors de l'invasion de 2003, les forces aériennes britanniques, françaises et italiennes les utilisant à nouveau lors de la guerre d'agression aérienne de l'OTAN contre la Libye en 2011. Les missiles ont ensuite été utilisés par les forces françaises et britanniques en Syrie en 2015, 2016 et 2018, en prétextant viser  Daech (ISIS)*, mais en ciblant dans les faits les forces syriennes,  sur la base de fausses preuves d'une attaque chimique par le gouvernement syrien contre ...Daesh / ISIS (comme de bien entendu, le prétexte de cette  attaque s'est révélé plus tard être un  canular ).

En plus d'être livrés à des pays de l'OTAN comme l'Italie et la Grèce, Storm Shadows a été exporté vers l'Inde, l'Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, cette dernière les utilisant indifféremment contre des combattants de la milice Houthi  et contre les populations civiles au Yémen.

Ainsi donc, la Russie rejoint le club très fermé des cibles du Storm Shadow : les pays qui rejettent de se soumettre au diktat anglo-sioniste.

Quelles sont les limites et les faiblesses de Storm Shadow ?

Les Storm Shadows sont conçus pour fonctionner à partir des avions Eurofighter Typhoon, Rafale, Mirage 2000 et Tornado. L'Ukraine ne possède aucun de ces avions, et le Royaume-Uni et l'OTAN ont jusqu'à présent hésité à remettre des avions avancés à Kiev,  craignant  que la Russie ne les décime rapidement.

Pour les faire fonctionner, il faudrait que l'armée de l'air ukrainienne les adapte à ses chasseurs MiG-29 ou Su-27, à ses bombardiers d'appui aérien rapproché Su-25 ou à ses avions de combat Su-24. L'une ou l'autre de ces options comporte des limites, tous ces avions à l'exception du Su-24 étant confrontés à des restrictions de charge utile qui limiteraient le nombre de Storm Shadows que les avions seraient réellement capables de transporter (les limites de poids de la charge utile vont de 2.500 à 4.500 kg, selon l'avion et modifications).

En plus de cela, il existe des différences de conception fondamentales entre les avions de l'OTAN et ceux de l'ex du Pacte de Varsovie (tous les avions de combat ukrainiens sont des conceptions héritées de la période soviétique).

"Adapter ces avions à un système de guidage et de désignation de cible fondamentalement différent sera assez difficile. Ce n'est pas aussi simple que de l'attacher, de s'envoler, de tirer et de repartir», explique Sergey Khatylev, ancien chef des forces de missiles anti-aériens du Commandement des forces spéciales de la défense aérienne de Moscou.

«Ils auraient besoin d'un complexe de vol et de navigation, d'un programme spécial avec des données sur la distance, l'altitude, la poussée, les forces g, l'angle de virage. Il faudra choisir et en quelque sorte sélectionner des cibles »,  a expliqué le colonel à la retraite  aux médias russes. "Si vous les attachez au Su-27 ou au MiG-29, de sérieuses révisions devraient être faites. Un grand nombre de questions se posent sur la manière dont tout cela va s'organiser, et dans quel délai."

L'autre option est une plate-forme au sol - mais cela nécessiterait un tout nouveau système de commandement et de contrôle, selon Khatylev. « En plus du lanceur, vous auriez besoin d'un véhicule de commandement et de contrôle. Vous auriez besoin d'obtenir la désignation de la cible quelque part », a-t-il déclaré.

Comment la Russie va-t-elle réagir ?

En plus de cibler les armes en route vers leurs destinations, les bases aériennes ou le stock restant de chasseurs et de bombardiers de l'Ukraine, la Russie peut répondre à la livraison de Storm Shadows en renforçant davantage ses défenses   antimissiles .

Khatylev a souligné que les moyens de portage/livraison des Storm Shadows ne sont qu'une partie de l'équation. L'autre est la puissance aérienne et les défenses aériennes russes. « Nous ne permettons pas à l'armée de l'air ukrainienne de voler. L'aviation russe a gagné la supériorité aérienne. S'ils utilisent ces missiles à partir d'avions, ce serait en fait bon pour nous, car il est plus facile de viser les avions que les missiles eux-mêmes. Nous frapperons les transporteurs. La zone de destruction du S-400 est de plusieurs centaines de kilomètres ; en entrant dans cette zone, il détruira simplement les avions porteurs», a déclaré le colonel de réserve.

Si les missiles sont lancés, les détecter et les cibler en temps opportun serait crucial, a-t-il ajouté, notant que les systèmes capables de cibler le Storm Shadow incluent le S-400, le S-300 et les Buk-M3 et Buk-M2 à plus courte portée.

Les défenses autour de la Crimée sont un exemple parfait de défenses antiaériennes et antimissiles en couches, a souligné Khatylev. "Là, la flotte de la mer Noire, les unités de défense aérienne, l'armée de l'air, les corps d'armée, les forces spéciales ont réuni toutes leurs capacités de reconnaissance, ainsi que leurs systèmes de tir, en un seul système. Tout cela selon un plan unique, à partir d'un poste de commandement… Et tout cela a un effet."

En d'autres termes, utiliser Storm Shadows dans une guerre impérialiste contre des pays en développement déchirés par la guerre avec des défenses aériennes et antimissiles limitées ou inexistantes est une chose - essayer de les utiliser contre une nation comme la Russie en est une autre.

Source