Ukraine
Alors
que les regards se sont tous tournés vers le Proche-Orient, la Russie en
profite pour lancer l’attaque en Ukraine :
« Les militaires
russes ont lancé de petites attaques sur l’ensemble de la ligne de front. Un
effort majeur est tenté près d’Avdeevka qui, hier, a été bombardée lourdement :
Le titre est le suivant :
“L’armée russe a porté un coup d’une puissance inédite aux Forces armées
ukrainiennes (FAU)“. Il s’agit du bombardement aérien d’Avdeevka, ville
ukrainienne lourdement fortifiée située à 14 kilomètres de la ville de Donetsk,
centre urbain de plus d’un million d’habitants et capitale de l’oblast (région)
du Donbass. La ville de Donetsk était frappée quotidiennement par des missiles
et des obus d’artillerie lancés depuis Avdeevka depuis la période précédant
l’opération militaire spéciale, et avec une intensité de plus en plus grande
pendant l’opération militaire spéciale. Des images vidéo de maisons et
d’immeubles détruits ont été diffusées dans les journaux télévisés russes du
soir, en même temps que les chiffres des pertes et les témoignages des
victimes. »
https://lesakerfrancophone.fr/ukraine-sitrep-prise-dassaut-dandivka-pertes-ukrainiennes
D’un
côté il y a les cris de guerre et de l’autre les besoins du commerce. Il semble
que le Canada sache bien manier les deux :
« Au jeu de quelle
capitale occidentale sanctionne le mieux la Russie, toutes les entreprises ne
sont pas logées à la même enseigne. Si du côté de Paris, notamment, on a
enjoint, dès le mois de mars 2022, les firmes françaises « de respecter les
sanctions », et donc in fine d’abandonner leurs actifs en Russie, les autorités
canadiennes se montreraient plus coulantes, à en croire Le Devoir. Dans une
publication datée du 3 octobre, le quotidien québécois révèle que les autorités
canadiennes auraient délivré depuis mars 2022 « plus d’une dizaine de permis spéciaux
» à des entreprises nationales afin de contourner leur propre régime de
sanctions contre Moscou. »
https://francais.rt.com/international/107421-sanctions-canada-autorise-catimini-commerce-russie
Le
magazine étasunien FAIR,
Fairness and Accuracy In
Reporting, propose un compte rendu de la couverture médiatique
étasunienne au sujet de l’Ukraine, confirmant les observations de nos revues de
presse en donnant de nombreux exemples :
« Il est clair depuis
un certain temps que les médias corporatifs américains ont explicitement pris
parti pour la guerre en Ukraine. Ce rôle consiste notamment à supprimer
l’histoire pertinente des événements qui ont conduit à la guerre (FAIR.org,
3/4/22), à attaquer les personnes qui évoquent cette histoire en les qualifiant
de “théoriciens du complot” (FAIR.org, 5/18/22), à accepter les déclarations
officielles du gouvernement pour argent comptant (FAIR.org, 12/2/22) et à
promouvoir une image exagérément rose du conflit afin de remonter le moral de
la population.
Pendant la majeure partie
de la guerre, la couverture américaine a été aussi pro-ukrainienne que les
médias ukrainiens, désormais jugulés sous le gouvernement Zelenskyy (FAIR.org,
5/9/23). Des prédictions catastrophiques sont apparues sporadiquement, mais ont
été noyées dans une couverture tambour battant décrivant une armée ukrainienne
sur le point de remporter la victoire et une armée russe incompétente et sur le
point de s’effondrer. »
https://fair.org/home/hyping-ukraine-counteroffensive-us-press-chose-propaganda-over-journalism/
Cette vidéo en français qui résume les techniques de propagande de guerre que nous avons souvent l’occasion de démontrer dans nos revues de presse :
https://www.youtube.com/watch?v=TPOsu-a2EXw&t=1042s
Afrique
La
semaine dernière, nous observions que les Etats-Unis n’avaient pas fait un
geste envers la France pour qu’elle reste au Niger, pensant pouvoir prendre le
relais sur place pour mieux empêcher la Russie de s’y installer. Il semble que
leur espoir d’une entente avec le nouveau gouvernement nigérien était vain,
d’où ce soudain retournement de situation :
« Washington qualifie
la prise de pouvoir des militaires au Niger de coup d’État et coupe son aide
Les États-Unis ont
formellement qualifié mardi 10 octobre la prise de pouvoir des militaires au
Niger cet été de coup d’État et annoncé en conséquence la suppression de
quelque 500 millions de dollars d’aide économique. »
Thierry
Meyssan nous propose son analyse des raisons de la perte d’influence de la
France en Afrique :
« Face à la vague de
changements de régimes en Afrique francophone, les médias français sont
stupéfaits. Ils ne parviennent pas à expliquer le rejet de la France.
Les anciennes rengaines
sur l’exploitation coloniale ne sont pas convaincantes. Par exemple, on note
que Paris exploite l’uranium du Niger, non pas au prix du marché, mais à un
autre ridiculement bas. Cependant, les putschistes n’ont jamais évoqué cet
argument. Ils parlent de tout à fait autre chose. Les accusations de
manipulation russe ne sont pas plus crédibles. D’abord parce que la Russie ne
semble pas se tenir derrière les putschistes du Mali, de la Guinée, du
Burkina-Faso, du Niger ou du Gabon, mais surtout parce que le mal est de loin
antérieur à leur arrivée. La Russie n’est arrivée en Afrique qu’après sa
victoire en Syrie, en 2016, alors que le problème date au moins de 2010, si ce
n’est de 2001.
Comme toujours, ce qui
rend la situation illisible, c’est d’oublier ses origines….
Un sanctuaire de camps
militaires d’Al-Qaïda a été formé entre les villes de Ghat (près de la
frontière algérienne) et de Sabbah (proche du Niger) dans le désert du Fezzan,
au Sud de la Libye. Selon le très sérieux Canard enchaîné, ces académies du jihadisme ont été organisées par les
services secrets britanniques et français.
Il y a trois
ans, le 8 octobre 2021, le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga,
donnait une interview à RIA Novosti [5] qui a été largement reprise et
commentée dans toute la région, mais pas en France où personne ne la connaît,
sauf nos lecteurs.
Selon Yaou Sangaré Bakar,
ministre nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à
l’extérieur, qui l’a écrit au Conseil de sécurité (Ref. S/2023/636), le mois
dernier, des agents français ont libéré des
terroristes qui étaient prisonniers. Ils ont été regroupés dans une
vallée du village de Fitili (28 km nord-ouest de Yatakala) où une réunion de
planification s’est tenue dans l’objectif d’attaquer des positions militaires
dans la zone des trois frontières. Des chefs terroristes, au nombre de seize,
ont été appréhendés dans trois opérations dont deux en territoire nigérien et
une en territoire malien. »
https://www.voltairenet.org/article219656.html
Des
informations confirmées par le gouvernement algérien :
« « Le terrorisme est
devenu la menace numéro un pour la paix et la sécurité en Afrique. Les
développements récents ont clairement démontré que, si cette menace a considérablement
diminué dans d’autres parties du monde, elle a augmenté de façon exponentielle
sur notre continent, en particulier dans la région du Sahel », a déclaré M.
Attaf dans une allocution prononcée lors d’une réunion ministérielle de l’Union
africaine (UA) pour débattre des menaces terroristes accrues auxquelles sont
confrontés les pays et les peuples du continent africain, ces derniers temps.
« Tirant les leçons de son
expérience amère mais réussie dans la lutte contre ce fléau, l’Algérie est fermement
convaincue qu’une approche à deux volets est indispensable pour lutter à la
fois contre les manifestations du terrorisme et ses causes profondes dans la
région du Sahel et au-delà », a-t-il souligné.
« Face à une menace en
constante évolution, nous avons certainement besoin d’une nouvelle approche,
d’un nouvel engagement et d’une action audacieuse. Le statu quo n’est plus une
option, ni une position confortable », a-t-il encore dit.
À cet égard, « l’Algérie a
appelé à la tenue d’une conférence internationale sur le développement au Sahel
ainsi qu’à la création d’un nouveau modèle d’opérations de paix mieux adapté
aux contextes de lutte contre le terrorisme », a rappelé M. Attaf.
Le Sahel, épicentre mondial
du fléau du terrorisme
Par
ailleurs, M. Attaf a tenu à préciser que la région du Sahel, qui est confrontée
à des défis de développement complexes, étant l’une des plus pauvres du monde,
était récemment devenue comme un « arc de feu » qui s’étend de la mer Rouge à
l’océan Atlantique. Une zone qui abrite actuellement la plus forte
concentration de conflits armés et de situations de crise qui continuent à
infliger des souffrances insupportables aux populations civiles.
Cette région « est devenue
la plus touchée et l’épicentre mondial du fléau du terrorisme. En 2022
seulement, elle a enregistré plus de 43% des décès dus au terrorisme dans le
monde », a-t-il enchaîné.
Il a aussi souligné que
les pays et les peuples de la région du Sahel « sont confrontés à des groupes
terroristes qui sont considérés comme parmi les plus dynamiques et les plus
meurtriers au monde, des groupes lourdement armés et équipés d’armes
sophistiquées, des groupes qui ont étendu leur contrôle sur de vastes zones
géographiques où ils agissent comme les autorités locales de facto, et des
groupes armés capables de déployer des stratégies militaires incroyablement
habiles ».
« Pour faire court, en
Algérie, nous avons cessé d’utiliser l’appellation de +groupes terroristes+
pour décrire ce qui pourrait être qualifié avec exactitude et réalisme +d’armées
terroristes+ », a-t-il fait savoir. »
https://french.almanar.com.lb/2701943
Bien
sur cette information est donnée par le chef du Service russe des
renseignements extérieurs et publiée sur Sputnik News, mais elle vient
renforcer ce que dénoncent de nombreux dirigeants africains :
« Ces derniers temps,
l’Afrique attire une attention particulière des États-Unis et de leurs alliés
[…]. Nous disposons d’informations fiables selon lesquelles
les services de renseignement occidentaux travaillent déjà avec des groupes
terroristes locaux, les orientant à mener des attaques terroristes et
des actes de sabotage contre des infrastructures au Mali et en République
centrafricaine”, a indiqué M.Narychkine, lors de la 53e édition du Conseil des
chefs des services secrets des pays de la Communauté des États indépendants
(CEI), qui s’est tenue à Bakou du 10 au 12 octobre. »
https://fr.sputniknews.africa/20231012/loccident-prepare-des-attentats-dans-ces-deux-pays-dafrique-selon-les-services-secrets-russes-1062749078.html
L’Afrique
en a assez d’être ainsi malmenée par les grandes puissances. Le chef d’Etat
guinéen a profité de la dernière assemblée générale de l’ONU pour le dire, au
nom des pays africains :
« Le chef de l’État
guinéen, plusieurs fois applaudi, a dénoncé un modèle de gouvernance selon lui
« imposé » par l’Occident. Un modèle occidental qu’il estime être un échec sur
le continent. « L’Afrique souffre d’un modèle de
gouvernance qui nous a été imposé, un modèle certes bon et efficace pour
l’Occident, qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et
à s’adapter à notre réalité », a-t-il déclaré devant l’Assemblée
générale. « Hélas, j’aimerais dire que la greffe n’a pas pris. »
Le leader de la junte a
également dénoncé les « catégorisations » dans lesquelles les autres nations
veulent cantonner les États africains. « Nous ne sommes ni pro, ni
anti-Américains, ni pro, ni anti-Chinois, ni pro, ni anti-Français, ni pro, ni
anti-Russes. Nous ne sommes tout simplement
pro-Africains, c’est tout. Nous mettre sous la coupe de telle ou telle
puissance est une insulte à une population de plus d’un milliard d’Africains,
a-t-il martelé, dont environ 70% des jeunes totalement décomplexés. Des jeunes
ouverts sur le monde et décidés à prendre en main leur destin. »
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230921-guinée-à-l-assemblée-générale-de-l-onu-doumbouya-se-fait-porte-parole-du-continent
Il
semble que la Russie a bien capté le message et n’utilise que son « soft
power » dans ses relations avec ce continent :
« Le Burkina Faso et
la Russie continuent de resserrer leurs liens : un accord a été signé ce 13
octobre pour la construction d’une centrale nucléaire par Moscou dans ce pays
sahélien où moins d’un quart de la population a accès à l’électricité…
Le document « vient
concrétiser le souhait du président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim
Traoré, exprimé en juillet dernier lors du sommet Russie-Afrique au cours d’un
entretien avec son homologue russe Vladimir Poutine », détaille le gouvernement
burkinabè. »
https://francais.rt.com/international/107543-burkina-faso-signe-accord-avec-moscou-construction-centrale-nucleaire
Différentes visions du monde
La
semaine dernière, par pure coïncidence, trois grandes puissances mondiales, États-Unis,
Chine et Russie, ont exposé leur vision géopolitique du monde futur au cours de
différents discours. Il est intéressant de les comparer. Commençons par la vision étasunienne exposé lors d’un discours
de Blinken, tel que nous le rapporte Alastair Crooke :
« La semaine
dernière, le secrétaire d’État Blinken, dans un discours prononcé à
l’université Johns Hopkins, a déclaré sans ambages :
« Ce à quoi nous sommes
confrontés n’est pas un test de l’ordre de l’après-guerre froide. Les pays et
les citoyens perdent confiance dans l’ordre économique international – leur
confiance est ébranlée par des failles systémiques… Plus ces disparités
persistent, plus elles alimentent la méfiance et la désillusion des gens, qui
ont le sentiment que le système ne leur donne pas une chance équitable ».
Jusqu’ici, tout va bien,
mais il poursuit :
« Une ère s’achève, une
nouvelle commence… Nous devons agir, et agir de manière décisive… Nous devons
faire avancer l’histoire. Nous devons mettre la main sur le gouvernail de
l’histoire, parce que… »
« Aucune nation au monde
n’a une plus grande capacité à mobiliser les autres autour d’une cause commune.
Parce que nos efforts continus … nous permettent de corriger nos défauts et de
renouveler notre démocratie de l’intérieur. Et parce que notre vision de
l’avenir – un monde ouvert, libre, prospère et sûr – n’est pas seulement celle
de l’Amérique, mais l’aspiration durable des peuples de toutes les nations et
de tous les continents ».
La « nouvelle ère »
ressemble donc à l’« ancienne » bien connue : Notre « vision libérale »
occidentale et sa doctrine économique sont celles de tous, partout dans le
monde – affirme Blinken.
Mais le défi de la «
nouvelle ère » est le suivant,
« Nos concurrents [la
Russie et la Chine] ont une vision fondamentalement différente… Le contraste
entre ces deux visions ne pourrait être plus clair. Et les enjeux de la
compétition à laquelle nous sommes confrontés ne pourraient être plus élevés –
pour le monde et pour le peuple américain ».
C’est pourquoi nous – Team
America – nous efforçons « d’aligner nos amis d’une nouvelle manière afin que
nous puissions répondre aux trois tests déterminants de cette ère émergente :
une concurrence stratégique féroce et durable ; des menaces existentielles pour
les vies et les moyens de subsistance partout dans le monde – et le besoin
urgent de rééquilibrer notre avenir technologique et notre avenir économique,
de sorte que l’interdépendance soit une source de force – et non de
vulnérabilité ». (Interdépendance ? … hmm)
« Nous y parvenons grâce à
ce que j’aime appeler la géométrie variable diplomatique. Nous avons aligné des
dizaines de pays pour imposer à la Russie un ensemble sans précédent de sanctions,
de contrôles des exportations et d’autres coûts économiques ».
Ahh — la guerre froide est
donc terminée ? Et qu’est-ce qui va la remplacer ? Et bien, une nouvelle guerre
froide à « géométrie variable ». Manifestement, le message émanant des sommets
des BRICS et du G20 n’est pas passé.
Le message qui a résonné
comme un clair coup de cloche lors de ces sommets était que le non-Occident
collectif s’était rallié à la demande urgente d’une réforme radicale du système
mondial. Ils veulent un changement dans l’architecture économique mondiale ;
ils contestent ses structures (c’est-à-dire les systèmes de vote qui se cachent
derrière ces structures institutionnelles telles que l’OMC, la Banque mondiale
et le FMI) – et surtout ils s’opposent à l’hégémonie militarisée du dollar.
La demande – exprimée
clairement – est d’avoir un siège à la table d’honneur. Point à la ligne.
À cette demande, la
réponse de Blinken est celle d’un défi pur et simple : la géométrie variable :
« Nous rassemblons une
coalition adaptée. Nous transformons le G7 en comité directeur pour les
démocraties les plus avancées du monde, en combinant nos forces politiques et
économiques… Nous portons les relations bilatérales critiques, [en particulier]
avec l’Union européenne, à un nouveau niveau. Nous utilisons ce pouvoir pour
façonner notre avenir technologique et économique… ».
En clair, la géométrie variable de la nouvelle guerre froide
contre la Chine et la Russie revient à poursuivre la guerre financière armée
:
« Nous avons aligné des
dizaines de pays pour imposer à la Russie un ensemble sans précédent de
sanctions, de contrôles des exportations et d’autres coûts économiques. Nous
avons coordonné le G7, l’Union européenne et des dizaines d’autres pays pour
soutenir l’économie ukrainienne et reconstruire son réseau énergétique. Voilà à
quoi ressemble la géométrie variable ».
Les nouveaux
outils de la guerre froide, tels que définis dans le discours de Blinken, sont
tout d’abord la « narration » (notre vision est la vision du monde), une
économie militarisée, une nouvelle capacité de prêt pour le FMI contrôlé par
les États-Unis et une « ceinture » protectrice qui empêche les hauts
responsables de la technologie occidentale de trouver une porte de sortie vers
la Chine.
Ce qui est clair, c’est
que les strates dirigeantes de Washington sont convaincues de la primauté de
l’endiguement de la Chine. Fin du débat. »
https://reseauinternational.net/la-geometrie-variable-de-blinken-pour-une-nouvelle-guerre-froide/
Voici
la version originale du discours (en anglais. Utilisez DeepL pour la traduction)
:
https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-remarks-to-the-johns-hopkins-school-of-advanced-international-studies-sais-the-power-and-purpose-of-american-diplomacy-in-a-new-era/
Passons
maintenant au discours de Poutine
pendant la réunion du Club Valdai :
« … Dans le Concept
de politique étrangère russe adopté cette année, notre pays est caractérisé comme
un État-civilisation singulier. Cette formulation reflète de manière précise et
succincte la façon dont nous comprenons non seulement notre propre
développement, mais aussi les principes fondamentaux de l’ordre mondial, dont
nous espérons la victoire.
Selon nous, la
civilisation est un phénomène aux multiples facettes. Bien entendu, cela est
interprété de différentes manières. Il y avait entre autres une interprétation
ouvertement coloniale : il existe un certain « monde civilisé » qui sert de
modèle aux autres, chacun doit suivre ces normes, ces modèles, et ceux qui ne
sont pas d’accord seront poussés vers la «civilisation» avec le bâton d’un
maître «éclairé». Ces temps, comme je viens de le dire, sont révolus et notre
compréhension de la civilisation est complètement différente.
Premièrement, il existe de
nombreuses civilisations, et aucune d’elles n’est meilleure ou pire qu’une
autre. Elles ont des droits égaux en tant qu’interprètes des aspirations de
leurs cultures et traditions, de leurs peuples. Pour chacun de nous, c’est
différent. Pour moi, par exemple, ce sont les aspirations de notre peuple, mon
peuple, dont j’ai eu la chance de faire partie.
Des penseurs éminents du
monde entier, adeptes de l’approche civilisationnelle, ont réfléchi et continuent
de réfléchir sur le concept de «civilisation». Il s’agit d’un phénomène à
plusieurs composantes. Sans plonger dans les profondeurs philosophiques – ce
n’est probablement ni le lieu ni le moment pour un tel raisonnement – essayons
de le décrire par rapport à aujourd’hui, j’essaierai de le faire en détail.
Les principales qualités
d’un État-civilisation sont la diversité et l’autosuffisance. Voici les deux
composants principaux, à mon avis. Le monde moderne est étranger à toute
unification ; chaque État et chaque société veut développer de manière
indépendante sa propre voie de développement. Il s’appuie sur la culture et les
traditions, renforcées par la géographie, l’expérience historique, tant
ancienne que moderne, et les valeurs du peuple. Il s’agit d’une synthèse
complexe au cours de laquelle émerge une communauté civilisationnelle unique.
Son hétérogénéité et sa diversité sont la clé de la durabilité et du
développement.
Au fil des âges, la Russie
s’est formée comme un pays composé de différentes cultures, religions et
nationalités. La civilisation russienne ne peut être réduite à un dénominateur
commun, mais elle ne peut pas non plus être divisée, car elle n’existe que dans
son intégrité, dans sa richesse spirituelle et culturelle. Maintenir la forte unité
d’un tel État n’est pas une tâche facile….
Qu’est-ce qui est très
important à ajouter ici ? Un système étatique véritablement efficace et durable
ne peut être imposé de l’extérieur. Elle se développe naturellement à partir
des racines civilisationnelles des pays et des peuples, et la Russie, à cet
égard, est un exemple de la manière dont cela se produit dans la vie, dans la
pratique.
Le soutien civilisationnel
est une condition nécessaire au succès dans le monde moderne, dans un monde
chaotique, malheureusement dangereux et qui a perdu ses lignes directrices. De
plus en plus d’États arrivent exactement à cette conclusion, conscients de
leurs propres intérêts et besoins, de leurs opportunités et de leurs limites,
de leur identité et de leur degré d’interconnexion avec le monde extérieur.
Je suis convaincu que
l’humanité n’évolue pas vers une fragmentation en segments concurrents, ni vers
une nouvelle confrontation de blocs, quelles qu’en soient les motivations, ni
vers l’universalisme sans âme d’une nouvelle mondialisation – mais, au
contraire, le monde est sur la voie d’une une synergie d’États-civilisations,
de grands espaces, de communautés prenant conscience d’être justement telles.
En même temps, la
civilisation n’est pas une structure universelle, une seule pour tous – cela
n’arrive pas. Chacune d’elles est différente des autres, chacune est
culturellement autonome, puisant ses principes idéologiques et ses valeurs dans
sa propre histoire et ses propres traditions. Le respect de soi découle bien
sûr du respect des autres, mais le respect de la part des autres y est aussi
supposé. De sorte qu’une civilisation n’impose rien à personne, mais elle ne
laisse personne non plus imposer quoi que ce soit à elle-même. Si chacun adhère
exactement à cette règle, cela garantira une coexistence harmonieuse et une
interaction créative de tous les acteurs des relations internationales.
Bien entendu, défendre son
choix civilisationnel est une énorme responsabilité. Il s’agit de répondre aux
attaques extérieures, d’établir des relations étroites et constructives avec
d’autres communautés civilisées et, plus important encore, de maintenir la
stabilité et l’harmonie internes. Après tout, nous constatons tous que
l’environnement international actuel, comme je l’ai déjà dit, est
malheureusement à la fois instable et assez agressif….
Primo. Nous voulons vivre
dans un monde ouvert et interconnecté dans lequel personne ne tentera jamais
d’ériger des barrières artificielles à la communication, à la créativité et à
la prospérité des individus. Il devrait y avoir un environnement sans barrières
– c’est ce vers quoi nous devons tendre.
Secundo. Nous voulons que
la diversité du monde ne soit pas seulement préservée, mais qu’elle soit le
fondement du développement universel. Il devrait être interdit d’imposer à un
pays ou à un peuple la façon dont ils devraient vivre, l’idée qu’ils devraient
avoir d’eux-mêmes. Seule une véritable diversité culturelle et
civilisationnelle garantira le bien-être des peuples et l’équilibre des
intérêts.
Tertio. Nous tenons pour
une représentativité maximale. Personne n’a le droit et ne peut gouverner le
monde à la place des autres ou au nom des autres. Le monde de demain est un
monde de décisions collectives prises aux niveaux où elles sont les plus efficaces
et par les participants réellement capables d’apporter une contribution
significative à la résolution d’un problème spécifique. Pas une seule personne
ne décide pour tout le monde, et tout le monde ne décide même pas de tout, mais
ceux qui sont directement concernés par telle ou telle question s’accordent sur
quoi et comment faire.
Quarto. Nous tenons pour
une sécurité universelle et une paix durable, fondées sur le respect des
intérêts de chacun, des grands États aux petits pays. L’essentiel est de
libérer les relations internationales de l’approche de bloc, de l’héritage de
l’ère coloniale et de la guerre froide. Nous parlons depuis des décennies de
l’indivisibilité de la sécurité, du fait qu’il est impossible d’assurer la
sécurité des uns au détriment de celle des autres. En effet, l’harmonie dans ce
domaine est réalisable. Il suffit de mettre de côté l’orgueil, l’arrogance et
d’arrêter de considérer les autres comme des partenaires de seconde zone, des
parias ou des sauvages.
Quinto. Nous tenons pour
la justice pour tous. L’ère de l’exploitation de qui que ce soit, je l’ai déjà
dit à deux reprises, est tombée dans le domaine du passé. Les pays et les
peuples sont clairement conscients de leurs intérêts et de leurs capacités et
sont prêts à compter sur eux-mêmes, ce qui accroît leur force. Tout le monde
devrait avoir accès aux avantages du développement moderne, et les tentatives
de le limiter à un pays ou à un peuple donné devraient être considérées comme
un acte d’agression, et toc.
Sexto. Nous tenons pour
l’égalité en droit, pour la différence de potentiel entre les différents pays.
C’est un facteur absolument objectif. Mais non moins objectif est le fait que
personne n’est plus prêt à obéir, à faire dépendre ses intérêts et ses besoins
de qui que ce soit, et surtout des plus riches et des plus puissants.
Il ne s’agit pas seulement
de l’état naturel de la communauté internationale, mais de la quintessence de
toute l’expérience historique de l’humanité.
Ce sont ces principes
auxquels nous souhaitons nous-mêmes adhérer et auxquels nous invitons tous nos
amis et collègues à adhérer. »
https://reseauinternational.net/discours-du-president-poutine-lors-de-la-20eme-reunion-du-club-de-discussion-international-valdai/
Quant
au gouvernement chinois, il a publié
un document officiel intitulé « Une
communauté mondiale d’avenir partagé : Propositions et actions de la
Chine » dans lequel il expose sa vision. Un document présenté
par Global Times :
« Construire une
communauté mondiale d’avenir partagé, c’est rechercher l’ouverture,
l’inclusion, le bénéfice mutuel, l’équité et la justice, indique le livre
blanc. L’objectif n’est pas de remplacer un système ou une civilisation par un
autre. Il s’agit plutôt de pays ayant des systèmes sociaux, des idéologies et
des histoires différents, des droits partagés et des responsabilités partagées dans
les affaires mondiales.
La vision d’une communauté
mondiale à l’avenir partagé se situe du bon côté de l’histoire et du progrès
humain. Elle introduit une nouvelle approche des relations internationales,
fournit de nouvelles idées pour la gouvernance mondiale, ouvre de nouvelles
perspectives pour les échanges internationaux et dessine un nouveau projet pour
un monde meilleur, selon le livre blanc.
Cette vision importante
transcende les mentalités dépassées telles que le jeu à somme nulle, la
politique de puissance et les confrontations de la guerre froide. Elle est
devenue l’objectif global de la diplomatie chinoise à l’égard des principaux
pays dans la nouvelle ère, ainsi qu’une grande bannière qui guide la tendance
de l’époque et la direction du progrès humain.
Le concept d’une
communauté mondiale d’avenir partagé est profondément enraciné dans l’héritage
culturel profond de la Chine et dans son expérience unique de la modernisation.
Il perpétue les traditions diplomatiques de la Chine et s’inspire des
réalisations exceptionnelles de toutes les autres civilisations, selon le livre
blanc. Elle témoigne également des traditions historiques ancestrales de la
Chine, des caractéristiques propres à son époque et d’un grand nombre de
valeurs humanistes.
Le livre blanc indique
également la direction et le plan à suivre pour construire une communauté
mondiale à l’avenir commun, y compris la poursuite d’un nouveau type de
mondialisation économique dans lequel les pays doivent poursuivre une politique
d’ouverture et s’opposer explicitement au protectionnisme, à l’érection de
clôtures et de barrières, aux sanctions unilatérales et aux tactiques de
pression maximale, afin de relier les économies et de construire conjointement
une économie mondiale ouverte.
Certains pays cherchent à
se dissocier de la Chine, en s’enfermant dans de “petites cours et de hautes
clôtures”, ce qui, en fin de compte, ne fera que se retourner contre eux, selon
le livre blanc. Par ailleurs, certains exagèrent la nécessité de “réduire la dépendance”
et de “diminuer les risques”, ce qui revient à créer de nouveaux risques.
L’orientation et le plan
prévoient également de suivre un plan de développement pacifique, d’encourager
un nouveau type de relations internationales, de pratiquer un véritable
multilatéralisme et de promouvoir les valeurs communes de l’humanité.
Au cours de la dernière
décennie, la Chine a apporté sa contribution à la construction d’une communauté
mondiale à l’avenir commun avec une conviction ferme et des actions solides.
Par exemple, d’ici juillet
2023, plus de trois quarts des pays du monde et plus de 30 organisations
internationales auront signé des accords de coopération avec la Chine sur la
Ceinture et la Route. La BRI est née en Chine, mais les opportunités et les réalisations
qu’elle crée appartiennent au monde entier. Il s’agit d’une initiative de
coopération économique, et non d’alliances géopolitiques ou militaires, et d’un
processus ouvert et inclusif qui ne vise ni n’exclut aucune partie, précise le
livre blanc. »
https://www.globaltimes.cn/page/202309/1298931.shtml
Le texte original, en traduction anglaise, est ici : https://english.www.gov.cn/news/202309/26/content_WS6512703dc6d0868f4e8dfc37.html
Derrière
toutes ces grandes paroles apparaît le combat pour les consciences,
individuelles et collectives, auquel se livrent ces grandes civilisations qui
seront, de facto, par leur taille, les leaders du monde global.
Ce qui est sûr est que le monopole technico-économique qu’avait la civilisation
occidentale va petit à petit disparaitre et qu’elle se retrouvera confrontée à
d’autres espaces civilisationnels, chinois, russe, arabe, africain, malais…qui
demanderont leur part du gâteau.
Alors, compétition ou collaboration entre tous ces États-civilisations ?
Nous verrons bientôt les actes au-delà des grands mots.
A lundi prochain.
Note du Saker Francophone : N’oubliez pas de participer à la nécessaire ouverture d’esprit de vos connaissances, tant matraqués par la propagande médiatique, en leur envoyant un copié/collé de cette revue de presse, ou son lien.
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