Il se peut que l’on n’aime pas la
Russie ou même qu’on se sente hostile à l’égard de sa politique et de son
leadership actuels.
Mais cela ne devrait pas nous empêcher de connaître la manière dont la Russie
se perçoit et définit son propre rôle dans le monde.
L'ancien président russe Dimitri Medvedev, actuellement vice-président du
Conseil de sécurité de la Russie, a récemment évoqué les multiples définitions
des frontières.
Medvedev est récemment devenu le méchant qui crache la dure vérité en utilisant
quelques fois un langage au vitriol, le gentil étant le président russe
Vladimir Poutine. Mais si l’on enlève les balivernes rhétoriques, les concepts
adoptés par les deux dirigeants dans leurs différents discours sont assez
similaires et devraient être considérés comme la base de la politique russe.
Le magazine russe Expert a reproduit une version éditée (en russe) du discours de Medvedev (traduction automatique) :
Le discours présente la vision russe du concept de frontière selon six thèses.
Voici quelques extraits qui, à mon avis, méritent une discussion plus approfondie :
Primo.
Nous n'avons pas besoin de la terre de quelqu'un d'autre. Nous n’abandonnerons
jamais une partie de la nôtre. Il en fut ainsi et il en sera ainsi. C’est le
principe qui régit notre politique nationale relative aux frontières.
...
Les auteurs de diverses théories géopolitiques de divers pays (de la Chine à
l’Europe et à l’Amérique) partent d’une thèse évidente. Tout État, en tant que
sujet souverain dans les relations internationales, a deux types de frontières
: géographiques et stratégiques.
Les
premières sont stables et officiellement reconnus conformément aux
lignes de démarcation et de délimitation du droit international qui fixent les
limites géographiques de l'État. C'est l'un des principaux éléments de son
cadre politique et territorial.
...
Les
secondes ne se limitent pas à la taille physique des pays, à leur
espace aérien et à leurs eaux territoriales. Elles ne sont pas directement liées
à la souveraineté des États. Les frontières stratégiques d’un État dépendent
directement de l’étendue de son pouvoir politique. Plus un État est puissant,
plus ses frontières stratégiques se situent loin de ses frontières nationales.
Et l’espace stratégique sur lequel un tel pays exerce une influence économique,
politique et socioculturelle est d’autant plus étendu. C’est la zone des
soi-disant intérêts nationaux de l’État. Cependant, les frontières stratégiques
et les intérêts nationaux ne sont pas les mêmes concepts.
En retour, les grandes puissances qui donnaient le ton aux relations mondiales
offraient à leurs protégés une protection militaire et politique. Les États
faibles ou, pire encore, ceux qui ont atteint la fin de leur gloire et de leur
pouvoir sont devenus des États fantoches ou États vassaux pour leurs patrons
ou, comme ils ont commencé à le dire plus tard, des nations « amies » (la même
chose, mais en moins offensant).
Les frontières stratégiques des États, ou sphères d’influence, ne créent pas de motif d’extension physique. Ils se situent à plusieurs niveaux :
Secundo.
La présence aujourd’hui de frontières stratégiques en dehors de leur propre
territoire ne signifie pas que des pays forts et responsables ont l’intention
d’entrer en guerre avec leurs voisins et de redessiner la carte politique.
C’est la différence entre notre époque et les siècles précédents, où les
frontières étaient soumises à des fluctuations constantes et pouvaient être
remises en cause à tout moment.
...
En général, la Russie, comme toute grande puissance, a des frontières
stratégiques bien au-delà des frontières géographiques. Et elles ne reposent
pas sur la force militaire ou sur des injections financières, mais sur une base
beaucoup plus solide, presque inébranlable.
Tertio.
Il existe plusieurs niveaux de frontières stratégiques russes.
Le premier niveau se limite au paysage naturel (Carpates, hauts plateaux
iraniens, montagnes du Caucase, Pamir). Et les frontières civilisationnelles -
il est clair qu'un certain nombre de nos voisins, pour des raisons historiques,
ne sont pas logiques à inclure dans l'écoumène russe.
...
Le point essentiel est que nous n’avons aucun conflit territorial avec les pays
compris dans cette ceinture. Au cours des années qui ont suivi l'effondrement
de l'URSS, nous avons maintenu une coopération commerciale fructueuse et une
communication interpersonnelle confortable.
...
Si nous parlons de nos frontières stratégiques de deuxième niveau, elles
couvrent l’espace communément appelé Grande Eurasie. C'est pourquoi le
président russe Vladimir Poutine a lancé l'initiative de créer un grand
partenariat eurasien. C’est la voie clé de l’intégration sur notre continent.
Son essence est d’unir le plus largement possible les potentiels de tous les
États et organisations régionales d’Eurasie.
...
Et au plus haut niveau de nos frontières stratégiques. Les intérêts globaux de
la Russie dans le monde sont tout à fait compréhensibles et naturels. Ils n'ont
pas changé au cours des dernières décennies. En tant que membre permanent du
Conseil de sécurité de l'ONU, notre pays est une grande puissance mondiale. Et
il continuera à prodiguer des soins sains et appropriés à ceux qui ont besoin
d’aide. Cela ressort clairement des relations traditionnellement fortes avec
les pays africains et l’Amérique latine.
La Russie considère l’Ukraine comme se trouvant à l’intérieur de sa frontière stratégique la plus intérieure :
Quarto.
Dans le cas de ce qu'on appelle "l'Ukraine" (ou plutôt de la Petite
Russie), tous nos adversaires doivent comprendre fermement et pour toujours la
simple vérité. Les territoires situés sur les deux rives du Dniepr font partie
intégrante des frontières historiques stratégiques de la Russie. Par
conséquent, toutes les tentatives visant à les changer de force, à les couper
"vivants" sont vouées à l'échec.
Nos
ennemis insistent constamment sur le fait que l'objectif principal de la Russie
est de « s'emparer » des terres ukrainiennes, de certains « trésors indicibles
de l'indépendance » : le blé, l'acier, le gaz, le charbon. Mais en fait, il
s’avère qu’il n’y a rien de si spécial dans « l’Ukraine » de Bandera en termes d’économie
que la Russie – contrairement à l’Occident – n’aurait pas elle-même et dans des
volumes bien plus importants.
En « Ukraine », la principale richesse est pour nous d’un tout autre genre. La grande valeur que nous ne céderons à personne et pour rien, ce sont les personnes, qui sont proches de nous et de nos proches. ...
Quinto.
Il existe une différence contrastée entre les approches de la Russie et celles
de « l’Occident collectif » (principalement les États-Unis). L’Amérique et ses
satellites tentent d’étendre leurs frontières stratégiques à presque toutes les
régions du monde. Sous prétexte de « propager la démocratie », des guerres sont
fomentées sur toute la planète. L’objectif est assez transparent : gagner de
l’argent.
...
Sachant très bien où s'étendent nos frontières stratégiques, l'Occident a
craché sur les fondations séculaires et a organisé une intervention
géopolitique d'abord en Géorgie, puis en Ukraine. On observe des tentatives
similaires en Moldavie et dans les pays d’Asie centrale. Heureusement, les
autorités des États d’Asie centrale font preuve de retenue et de sagesse. Dans
leur désir de prospérité pour leurs peuples, ces pays se concentrent sur leurs
voisins de la Grande Eurasie plutôt que sur une Europe obèse et dépendante.
Le conflit touche à sa fin :
Sexto.
Pour l’Occident, le conflit autour de l’Ukraine s’est transformé en une
confrontation entre deux civilisations. La notre, panrusse ou russe (dont le
noyau est constitué des territoires de la Russie, de la Biélorussie et de
l'Ukraine) et l’occidentale.
Directement,
nos adversaires ont peur de s’opposer à nous. Bien que ces derniers temps les
fous occidentaux du monde politique et militaire aient accru leur pression
(rappelez-vous simplement la conversation des officiers de la Bundeswehr - et
combien de choses n'ont pas été publiées), les marionnettistes de Washington et de Bruxelles
préfèrent jouer la guerre avec leurs marionnettes.
...
En marge des batailles de propagande, nos ennemis ont délibérément recours à
une substitution éhontée de concepts. La prise de « l’Ukraine » par l’Occident
est appelée « libération de la dictature russe ». Et implanter et soutenir un
régime néo-nazi bâtard créé par un acteur de série comique, c'est « soutenir la
démocratie et la liberté ». À l’inverse, nos efforts pour préserver l’espace
russe commun sont qualifiés d’« intervention » et d’« occupation » russes.
Tous les gens normaux ont compris depuis longtemps que c'est un mensonge. Les
forces politiques saines dans le monde prennent également progressivement
conscience de la véritable situation.
Pour toute personne raisonnable qui n’est pas infectée par la russophobie et qui ne se laisse pas tromper par la propagande anglo-saxonne, les conclusions sont évidentes.
1. Il existe une
dure réalité que les pays occidentaux devront inévitablement accepter. [...] Le
temps joue aujourd'hui contre ce qu'on appelle le «milliard doré».
2. Les frontières stratégiques des États qui ne dépendent pas des Anglo-Saxons
deviendront plus larges et plus fortes. [...]
3. Nous nous efforçons de faire de l'espace défini par nos frontières
stratégiques une zone de compréhension mutuelle et de coopération constructive.
[...]
4. L’actuelle « Ukraine » néo-nazie est un bélier contre la Russie, utilisé
pour imposer de manière agressive les principes idéologiques occidentaux dans
l’espace historique panrusse. Une autre tentative de réaliser les rêves
séculaires de l'Occident de jeter notre pays aux frontières de la Principauté
de Moscou. Cet objectif est évidemment inaccessible. [...]
5. Nous mènerons certainement l’opération militaire spéciale à sa conclusion
logique. Jusqu'à la victoire finale. Avant la capitulation néo-nazie. Les
tristes séniles de Washington et de Bruxelles ont peur : Ils se disent que si
les Russes prennent le dessus, alors après l'Ukraine, ils iront plus loin, en
Europe et même au-delà. Vous ne saurez pas ce qu'il y a de plus dans ces
délires : l'habitude du mensonge éhonté ou la démence sénile. Mais en réalité,
tout est simple : nous n’avons pas besoin des territoires de la Pologne, des
États baltes ou d’autres pays européens. Mais les gens qui y vivent, qui ne
font qu’un avec nous, ne peuvent être harcelés par qui que ce soit.
6. La victoire inévitable de la Russie créera également une nouvelle
architecture de sécurité eurasienne et internationale. Cela devrait se refléter
dans de nouveaux documents interétatiques qui « concrétiseront » ces réalités.
Cela implique le respect des règles internationales de décence avec tous les
pays, en accordant une attention particulière à leur histoire et à leurs
frontières stratégiques existantes. Le monde occidental doit enfin retenir
une leçon simple et apprendre à respecter nos intérêts nationaux.
Mais le monde occidental retiendra-t-il la leçon ?
Ou que peut-il/va-t-il faire pour éviter de l’apprendre ?
17 avril 2024
Ceux qui ont initiés les deux guerres mondiales savent que s'ils tentent une troisième, certes y aura beaucoup de casse mais ils seront exterminés aussi.
RépondreSupprimerhttps://www.weforum.org/press/2021/10/russia-joins-centre-for-the-fourth-industrial-revolution-network/
RépondreSupprimerÇa mérite des explications !