Les signaux d'escalade de Trump en Ukraine, la scission indo-américaine qu'il a provoquée et l'atténuation du dilemme sécuritaire sino-indien qui en a résulté ont permis à la Russie de conclure l'accord Power of Siberia 2, négocié de longue date...
La grande stratégie eurasiatique de Trump visait à prévenir une dépendance potentiellement disproportionnée de la Russie à l'égard de la Chine, afin d'éviter que ses ressources naturelles ne dynamisent la trajectoire de superpuissance du seul rival systémique des États-Unis. Dans cette optique, les États-Unis ont envisagé de conclure un partenariat stratégique axé sur les ressources avec la Russie dès la fin du conflit ukrainien, espérant que cet objectif commun inciterait Poutine à accepter d'importantes concessions territoriales et/ou sécuritaires.

La réticence ou l'incapacité de Trump à contraindre Zelensky à la moindre concession exigée par Poutine, conjuguée à des informations de plus en plus inquiétantes sur le projet de déploiement de l'OTAN en Ukraine pour effrayer Poutine, ont incité ce dernier à abandonner son numéro d'équilibriste et à se tourner vers la Chine. La conclusion de l'accord, longuement négocié, sur le gazoduc « Power of Siberia 2 », qui doublera quasiment les exportations de gaz russe vers la Chine, les portant à environ 100 milliards de mètres cubes par an et à un prix inférieur à celui payé par l'UE, témoigne de l'échec de la grande stratégie eurasiatique de Trump.
Poutine aurait pu tenir plus longtemps si Trump n'avait pas, par inadvertance, catalysé le rapprochement sino-indien naissant par ses tarifs douaniers hypocrites et punitifs, visant à compromettre l'ascension de l'Inde au rang de grande puissance. Cela a incité l'Inde à renouer ses liens avec la Chine, atténuant ainsi le dilemme sécuritaire que les États-Unis exploitaient pour diviser les deux pays. Cela a par ailleurs atténué les inquiétudes de l'Inde quant à une coopération énergétique plus étroite entre la Russie et la Chine, qui, selon elle, pourrait faire de la Russie un partenaire mineur de la Chine.
Cela n'a jamais été officiellement exprimé, mais les observateurs avisés et ceux qui ont discuté avec des intellectuels indiens savent que l'Inde craignait que la Chine n'utilise son influence sur la Russie pour l'obliger à réduire ou à interrompre ses exportations militaires vers l'Inde, lui conférant ainsi un avantage décisif dans leur conflit frontalier.
La rupture indo-américaine provoquée par Trump et l'apaisement du dilemme sécuritaire sino-indien qui en a résulté ont permis à la Russie de conclure l'accord « Power of Siberia 2 » sans craindre d'attirer l'Inde dans les bras des États-Unis et lui permettre ainsi de diviser pour mieux régner sur l'Eurasie.
La convergence croissante entre les BRICS et l'OCS, qui visent à réformer progressivement la gouvernance mondiale par leurs efforts complémentaires pour accélérer les processus multipolaires, est due en grande partie à l'adhésion de l'Inde aux deux organisations en réponse aux nouvelles menaces stratégiques émanant des États-Unis. La première visite du Premier ministre Narendra Modi en Chine depuis sept ans pour assister au sommet des dirigeants de l'OCS, au cours duquel il a tenu une importante réunion bilatérale avec le président Xi Jinping, devrait conduire à une nouvelle normalité dans les relations sino-indiennes.
Les racines de leurs tensions n'ont pas été résolues, mais la Russie espère qu'elles seront désormais mieux gérées. C'est pourquoi elle a conclu son accord avec la Chine sur le gazoduc Power of Siberia 2 juste après avoir également conclu que les États-Unis ne chercheraient pas à l'aider à obtenir ce qu'elle souhaite de l'Ukraine. Pour rappel, Trump a signalé une intention d'escalade en Ukraine, apparemment comme contrepartie à l'accord commercial entre les États-Unis et l'UE, puis les relations sino-indiennes se sont améliorées tandis que celles entre l'Inde et les États-Unis se détérioraient, rendant ainsi Power of Siberia 2 politiquement possible.
La politique étrangère de Trump envers l'Eurasie a donc incontestablement échoué.
L'approche malavisée de son équipe envers la Russie et l'Inde, exigeant trop d'elles, a conduit ces deux pays et la Chine à régler leurs différends, qui existent entre eux sur le plan bilatéral, mais aussi concernant leurs relations avec les États-Unis, et a ainsi accéléré les processus multipolaires au détriment des intérêts unipolaires des États-Unis.
Le Rubicon a clairement été franchi après ce dernier accord sur le pipeline, et nul ne peut prédire la réaction des États-Unis [1].
Rédigé par Andrew Korybko via Substack
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[1] L'Occident planifie déjà la destruction du nouveau pipeline russo-chinois
VOIR AUSSI :
- L’avertissement
de la Chine
- Trump
accélérateur involontaire de l'histoire. La rencontre entre Poutine et Xi
Jinping mettra fin à l'unipolarité. Alexandre Douguine
Hannibal Genséric
Actualisons les choses......Il y a encore à peine DEUX MOIS la Chine freinait.....sur ce 2éme gazoduc......pour des raisons que j'ignore. Sans doute pour ne pas TROP dépendre de la Russie ,s'il venait à y avoir un changement de personnel politique au Kremlin ( les accords de GAZ c'est sur 20/25 ans) Mais aussi parce que sa politique énergétique tend à réduire sa dépendance au Gaz et surtout le Gaz de Russie.
RépondreSupprimerAussi si ce projet jusqu'ici suspendu...venait être réactualisé cela signifierait aussi que la Chine a obtenu de bonnes conditions commerciales, ce qui serait bien pour les DEUX.
Quant à la possibilité de sabotage......PASSER ce tuyau par la MONGOLIE augmente considérablement ce risque !
Les 2 états ont tout intérêt à surveiller de très près cet état Mongol qui gravite et dérive..... vers la sphère occidentale.