mercredi 4 mars 2015

En Libye comme en Syrie, l'Occident soutient DAESH

Exclure le général Haftar de la scène libyenne, ne pas désigner les Frères musulmans comme terroristes. Telles sont les conditions pour l'octroi de l'aide militaire contre Daesh à la Libye.
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« Là ! Non ! - Ça suffit comme ça. » Furieux, le Parlement libyen siégeant à Tobrouk, seul reconnu par la communauté internationale, vient de mettre fin à ce qu'il considère comme une simple hypocrisie. Exit le « dialogue inclusif » prôné par l'ONU et les Occidentaux depuis l'automne, en guise de l'aide à combattre les groupes islamistes terroristes, que le Parlement et le gouvernement issus des élections de juin 2014 réclament avec insistance. Depuis des mois, le « dialogue inclusif », entendez la négociation avec la coalition islamiste Fajr Libya (Aube de la Libye) qui a pris possession de la capitale par les armes l'été dernier, fleure bon le chantage, selon les parlementaires qui ont dû s'exiler à Tobrouk, dans l'Est de la Libye.
« Monsieur Bernardino Léon (le représentant de l'ONU pour la Libye) s'est livré à des manœuvres inacceptables », estime Sharif Al Wafi, en charge des échanges avec l'ONU et ancien député du Congrès National Général, le Parlement à priori sortant en juin 2014. « Il est allé voir les parlementaires de l'ancien Congrès à qui Fajr Libya a demandé de rester et de former un gouvernement de Salut National. Et il les traite sur un pied d'égalité avec le Parlement élu. Ils sont à peine 40, sur les 200 qui siégeaient au CGN. Essentiellement islamistes. Ils ne représentent pas la Libye, ils ne représentent même pas les patrons de Fajr Libya qui d'ailleurs refusent toute négociation. Ce n'est pas admissible. » - tempête Al Wafi.

L'entente impossible

En fait, depuis novembre 2014, l'ONU mais également les représentants de la Grande-Bretagne et des USA en Libye, refusent toute aide militaire au gouvernement légitime, faute d'accepter de négocier avec Fajr Libya et de former un « gouvernement d'entente nationale ». 
 Retoquée aussi la récente demande au Conseil de Sécurité de l'ONU de levée de l'embargo sur la livraison d'armes en Libye, pour les mêmes raisons. « Les Libyens devront d'abord former un gouvernement d'entente nationale avant de discuter de la levée de l'embargo », a confirmé Sir Mark Lyall Grant, ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l'ONU. Or, du coté de Tobrouk et surtout des militaires sous la coupe du général Khalifa Hafar, ancien officier libre devenu l'un des opposants les plus farouches de Kadhafi, il n'en est même pas question.
 « Fajr Libya, les Frères musulmans qui en font partie et toutes les milices, sont une extension des groupes terroristes islamistes comme Ansar Al Charia et Daesh. C'est juste le nom qui change et nous avons de nombreuses preuves de leurs collusion », affirme sans sourciller le général Nadhouri, chef d'état-major et proche du général Haftar. 
Le Parlement et le gouvernement de Tobrouk ne négocieront plus avec ceux qui soutiennent les coupeurs de tête, d'autant plus que le « premier ministre » alternatif de Tripoli représentant Fajr Libya, a successivement attribué les différents attentats et exactions de Daesh en Libye à d'autres : 
- Les djihadistes de Ansar Al Charia qui avaient pris possession de Benghazi en juillet 2014 et résistent aux troupes du général Haftar sont des « héros ». 
- Peu importe s'ils sont classés terroristes par les USA et l'ONU pour l'incendie du consulat américain de Benghazi et l'assassinat de l'ambassadeur des USA le 11 septembre 2012. 
- Mieux, la décapitation des coptes sur une plage près de Syrte le 15 février, dont la vidéo a été diffusée par les sites Internet de l’État islamique, est une grossière manipulation montée par l’Égypte pour justifier ses intrusions militaires en Libye. 
L'Occident, le Qatar et l'Arabie soutiennent les terroristes
qu'ils ont placé à Tripoli
Le Premier ministre promu par Fajr Libya et le reliquat du GNC a beau multiplier les gaffes, le soutien par les Occidentaux au « dialogue inclusif », ne faiblit pas. Les points ont d'ailleurs été mis sur les "i" lors d'une réunion confidentielle à la mi-février dans un hôtel de luxe près de Tunis, entre des représentants sécuritaires et militaires de la Chambre des Représentants, le parlement élu siégeant à Tobrouk et quelques interlocuteurs de choix. Étaient présents à cette rencontre « de meilleure entente et connaissance mutuelle », l’ambassadeur de la Grande-Bretagne en Libye, monsieur Michael Aaron, son premier secrétaire, l'attaché militaire de l'ambassade des USA, un conseiller à la défense auprès de l'Union européenne, un général responsable du dossier libyen auprès de l'ONU, un officier attaché à l'ambassade italienne, un conseiller politique de l'ambassade de France... Bref une belle brochette représentative de la "communauté internationale". « La réunion s'est tenue dans un climat cardial d'écoute mutuelle », insiste gêné l'organisateur Ahmed Al-Gazelli, bien ennuyé par les fuite sur ce dossier. En effet, c'est très « cordialement » que les représentants des grandes puissances ont posé les conditions préalables à un soutien militaire, quelles qu'elles soient, à la Libye, dans des termes qui fleurent bon l'ingérence.

L'Occident : il ne faut pas qualifier de "terroristes " les Daechistes libyens

La discussion, qui s’est prolongée de 10 heures du matin à la tombée de la nuit,  bien « après la prière du soir », comportait trois volets : politique, militaire et économique, émaillés de multiples points. Certains ont failli faire tomber à la renverse les membres de la Chambre des Représentants, dont le président de la commission Défense, monsieur Fatullah Hussein. En résumé, pas question d'aide militaire, en experts, armes ou autres, tant qu'un accord avec Fajr Libya n'a pas été trouvé pour former un gouvernement de coalition
Il est opportun dans ce cadre de ne pas qualifier les Frères musulmans de terroristes, le terme étant jugé « inapproprié », pas plus que Fajr Libya, déclaré par le Parlement fin août, « entité terroriste » au même titre que ses alliés comme Ansar Al Charia. Les représentants de la communauté internationale ont également demandé « l'éradication de la scène militaire libyenne » et l'interdiction de son appartenance à l'armée du général Haftar, suggérant qu'il devienne, selon l'expression libyenne « l'armoire derrière la porte ». Raison ? Le général, qui tente de libérer Benghazi des éléments de Ansar al Charia et Daesh, est considéré indésirable par l'autre partie négociante de Fajr Libya.
Enfin, le volet économique ne manque pas de sel non plus, le point essentiel portant sur la Banque centrale libyenne, sise à Tripoli, dont le directeur avait été limogé par le nouveau Parlement pour être remplacé par son adjoint, monsieur Ali El Habri, considéré comme moins partisan par les autorités officielles de Tobrouk. Pas question donc de changement, pas plus que de scinder la banque de façon à pouvoir disposer d'une succursale dans l'Est du pays ou siègent le Parlement et gouvernement légitimes. La question sera tranchée lors d'une rencontre en Turquie sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale, avec interdiction pour monsieur El Habri, d'y assister.
Pas étonnant que ces quelques conditions spéciales aient coupé l'envie de négocier au Parlement élu de Tobrouk qui a décidé pour l'heure d'enterrer le dialogue sous l'égide de l'ONU dans les sables du désert libyen. D'autant plus que le dernier round devait être hébergé par le Maroc, ce qui a soudainement soulevé l'enthousiasme de Fajr Libya pour les débats, boycottés jusqu'alors et horrifié Tobrouk, où l'on sait le pays fortement lié à l'un des seigneurs des djihadistes libyens Abdelhakim Belhadj [1], dont l'épouse est marocaine et qui a largement investi au royaume de Mohammed VI.
Il est, en attendant, peu probable que l'ONU accède à la demande libyenne de levée de l'embargo sur les armes, dont Fajr Libya s'est allègrement exempté en se fournissant auprès de la Turquie, du Qatar et du Soudan. En réponse, le Premier ministre légitime Al Thani s'est envolé successivement pour Moscou et le Caire, en quête d'aide militaire. Sans mandat de l'ONU.

[1] Selon Interpol, Abdelhakim Belhaj est le chef de Daesh au Maghreb

Selon Interpol, Abdelhakim Belhaj est le chef de Daesh au Maghreb
Ancien chef du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), renommé en 2007 Al-Qaïda en Libye, Abdelhakim Belhaj tenta par quatre fois d’assassiner Mouamar el-Kadhafi entre 1995 et 1998 pour le compte du MI6 britannique. Il s’installe en Afghanistan auprès d’Oussama ben Laden. La justice espagnole le soupçonne d’avoir commandité les attentats du 11 mars 2004 à Madrid. Pourtant, il est arrêté, le 6 mars 2004, en Malaisie et transféré dans une prison secrète de la CIA où il est torturé selon la technique de programmation du professeur Seligman. À la suite d’un accord entre Washington et Tripoli, il est renvoyé en Libye où il est torturé à nouveau, mais par des agents britanniques. Libéré, en 2010, il se réfugie au Qatar. En 2011, il joue un rôle crucial dans le renversement de la Jamahiriya arabe libyenne. Le Conseil national de transition le nomme alors, sur proposition de l’Otan, Gouverneur militaire de Tripoli. Il exige et obtient des excuses de Washington et de Londres pour les traitements qu’ils lui ont fait subir. Fin 2011, il part en Syrie et prend la tête de l’Armée syrienne libre, une organisation créée par la France pour renverser la République arabe syrienne. Il revient bientôt en Libye et installe les Frères musulmans au pouvoir à Tripoli. Il met en place des camps d’entraînement de Daesh en Libye à Derna, Syrte et Sebrata, ainsi qu’un bureau en Tunisie, à Djerba.
Il en est de même de son compère Rached Ghannouchi, président du parti islamiste tunisien Ennahdha, et agent du MI6 de Sa Gracieuse Majesté (Voir :
Selon une revue américaine, tous les islamistes sont des marionnettes aux mains de l'Impérialisme). 
 Hannibal GENSERIC