lundi 8 juin 2015

Syrie : L'Iran promet une "surprise" aux takfiris

Téhéran envisagerait l’envoi de dizaines de milliers d’hommes en armes. Le but: protéger le réduit alaouite face à la progression des terroristes takfiristes.

L’Iranien Qassem Suleimani n’est pas un plaisantin. Celui qui dirige la force Al-Qods (Jérusalem), l’unité d’élite de la Garde révolutionnaire iranienne, est sans doute, à l’heure qu’il est, l’homme le plus puissant dans le double conflit qui embrase l’Irak et la Syrie. Lorsque Suleimani promet une «surprise», comme il l’a fait cette semaine, chacun est en droit de trembler.
L’Iran promet une «surprise» pour les takfirisVoilà des mois maintenant que Qassem Suleimani, qui a les galons de major général, le plus haut grade de l’armée iranienne, s’affiche sans gêne en chef de guerre en Irak, face à l’organisation Etat islamique (Daech) et qu’il coordonne les forces iraniennes qui soutiennent le régime de Bachar el-Assad en Syrie. Ces derniers jours, pourtant, sa visite dans le nord de la Syrie devait officiellement rester «secrète», avant qu’elle ne soit détaillée par des journaux… proches du régime iranien.
Suleimani s’est rendu dans la région de Lattaquié, en plein cœur du «pays alaouite», la confession du président syrien, là où se trouve une partie des principaux soutiens du maître de Damas. Or, des environs de Lattaquié, on pourrait presque apercevoir la présence des rebelles syriens, distants désormais de quelques dizaines de kilomètres, après qu’ils ont multiplié les succès militaires sur le terrain.
La «surprise» promise par Suleimani? Elle semble claire. D’autres composantes du pouvoir iranien, et notamment un puissant groupe appelé Ansar e-Hezbollah, prônent dans le même temps l’envoi de 50 000 hommes armés afin de contrer l’avancée des rebelles sunnites, menés par le Front Al-Nosra et solidement épaulés par l’Arabie saoudite et le Qatar.
L’Iran est de plus en plus ouvertement présent aux côtés de l’armée syrienne, loyale au régime de Bachar el-Assad. A tel point que, malgré des frictions, c’est en réalité Téhéran qui semble disposer en grande partie de l’avenir du régime alaouite syrien.
Si ces conjectures sont fondées, l’Iran s’apprêterait donc à «verrouiller» le pays alaouite et, plus important encore, à garantir la connexion entre cette côte syrienne alaouite et la capitale Damas, à présent menacée par les rebelles djihadistes. Le cauchemar de Bachar el-Assad? L’éventuelle prise par Al-Nosra de l’aéroport de la capitale, qui reviendrait à tenir assiégée la ville.
Dans son combat contre la progression de la rébellion, le régime syrien peut d’ores et déjà compter sur la présence du Hezbollah chiite libanais, qui a lui aussi lancé ses troupes à l’offensive dans les montagnes du Qalamoun toutes proches du réduit alaouite. Jusqu’ici, officiellement, l’Iran assure n’avoir offert qu’un «soutien logistique» à son allié syrien.
Les troupes du major général Suleimani, en revanche, ne minimisent pas leur rôle en Irak, qu’ils tiennent en parallèle. Leurs effectifs, en réalité, sont bien plus nombreux dans ce pays que ceux de l’armée irakienne. Aux forces d’élite des brigades Al-Qods se mêlent des fantassins recrutés par l’Iran, dont des Afghans chiites.
Avant d’annoncer sa future «surprise», Qassem Suleimani s’en était pris vertement aux Etats-Unis, qui venaient de dénoncer le manque de combativité de l’armée irakienne. «Monsieur (Barack) Obama, quelle est la distance qui sépare Ramadi (la ville d’Irak dont s’est emparé l’Etat islamique) et la base où sont stationnés vos avions? Comment pouvez-vous être présent dans ce pays au prétexte de défendre les Irakiens, et ne rien faire du tout?» s’emportait l’Iranien en suggérant l’existence d’un «complot» entre les Américains et les djihadistes de Daech.
Pour les Etats-Unis et la coalition qui s’est formée derrière eux afin de combattre les djihadistes, les milices chiites dirigées par Suleimani n’ont aucune existence. Dans le communiqué final qui a conclu leur réunion, mardi à Paris, ils n’en faisaient pas mention mais émettaient le souhait que toutes les forces présentes en Irak «répondent à la chaîne de commandement de l’armée irakienne».
Un vœu pieu qui aura de la peine à se traduire sur le terrain, tandis que le sort de l’armée irakienne (comme en Syrie) semble aujourd’hui entre les mains de l’Iran.
Il y a quelques semaines, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU décrivait à Genève la «traînée de mort et de destruction» que représentait l’avancée de ces milices chiites sur le terrain, dans les régions sunnites. C’est à cette aune qu’il faut peut-être juger la «surprise» promise par Suleimani en Syrie.
 
Source : letemps.ch

Damas passe en mode défensif

Lorsque l’ennemi attaque en nombre écrasant, il est logique de se replier sur ses meilleures lignes de défense et de protéger uniquement le cœur du pays.

L’assaut simultané des rebelles modérés d’al-Qaïda et des djihadistes d’État islamique, soutenus par les États-Unis, la Turquie et le Conseil de coopération du Golfe, exige que le gouvernement syrien centralise ses capacités et son matériel et se place en position défensive.

Ce n’est bien sûr pas un changement stratégique ni un signe de faiblesse, mais un mouvement tactique. Sacrifier des unités épuisées pour défendre des parties accessoires et excentrées du territoire – de ce fait indéfendables – du pays serait tout simplement inepte. Le gouvernement syrien est encore fort et au moins 75% du peuple syrien qui se trouve à l’intérieur de la Syrie est sous son contrôle. La guerre contre la Syrie va durer des années et il y aura d’autres phases où l’armée syrienne ira de nouveau à l’attaque.

Quelque 10.000 combattants d’al-Qaïda, dont un tiers d’étrangers, ont traversé la frontière Turco-syrienne équipés de nouvelles armes anti-chars TOW étasuniennes et ont submergé les défenses syriennes dans le gouvernorat et la ville d’Idleb. Le gouvernement syrien ne s’attendait pas à une attaque d’une telle ampleur et d’une telle force. Comprenant que davantage de ressources seraient nécessaires pour contrer cette attaque, il a envoyé des officiels en Iran et en Russie pour demander davantage d’aide.

L’Iran a offert un nouveau prêt de 1 milliard de dollars et a également envoyé quelque 15.000 paramilitaires supplémentaires en provenance d’Irak et d’Iran pour soutenir la défense de Damas, de Homs et de la zone côtière de Lattaquié. Le Hezbollah nettoie le secteur des montagnes Qalamoun, proches du Liban, de al-Nosra et d’autres groupes djihadistes. La Russie a annoncé publiquement qu’elle allait apporter davantage de soutien au gouvernement syrien. On ne sait pas encore en quoi il consistera exactement, mais on peut s’attendre à la livraison d’une quantité croissante de nouvelles armes à l’armée syrienne et aux forces aériennes.

Pendant ce temps la machine de propagande américaine alimente de son mieux trois lignes de propagande. 
La première consiste à faire croire que le gouvernement syrien n’est plus soutenu par son peuple et à semer le doute sur son alliance avec l’Iran et la Russie. Avec le nouveau soutien attendu, cette ligne de propagande tombe temporairement à l’eau, mais elle sera relancée au moment opportun.

La deuxième ligne de propagande consiste à nier que Jabhat al-Nosra est une véritable composante opérationnelle d'al-Qaïda qui a comme objectif à long terme d’attaquer l’Ouest. Il est indispensable de le nier pour justifier le soutien étasunien et français supplémentaire aux campagnes menées par al-Nosra à Idlib et ailleurs. Il y a eu des rumeurs sur le fait que al-Nosra aurait rejeté al-Qaïda, et des tentatives pour inventer une sorte de conflit interne sur la question. Une interview complaisante par Al Jazeerah du chef al-Nusra Jolani a été organisée pour adoucir son image. Mais Jolani ne s’est pas comporté comme le sponsor qatari d’Al Jazeerah le souhaitait. Il a de nouveau déclaré son allégeance absolue à al-Qaïda et sa subordination au chef d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Al-Nosra n’est donc pas aligné sur al-Qaïda ni lié à al-Qaïda ni une franchise d’al-Qaïda. Jabhat al-Nosra est al-Qaïda. Jolani ne laisse aucun doute à ce sujet.

La troisième ligne de propagande, et la plus stupide, porte sur la prétendue coopération du gouvernement syrien avec État islamique. «Regardez, nous avons planifié cette grande opération contre Assad à Alep, et Assad nous a bombardés. Le lendemain, État islamique nous a attaqués, et Assad ne les a pas bombardés. Voyez, il ne nous a pas aidés. Il doit être avec État islamique.» La sottise n’a pas de limites.

Source :  Moon of Alabama