Téhéran
envisagerait l’envoi de dizaines de milliers d’hommes en armes. Le but:
protéger le réduit alaouite face à la progression des terroristes takfiristes.
L’Iranien
Qassem Suleimani n’est pas un plaisantin. Celui qui dirige la force
Al-Qods (Jérusalem), l’unité d’élite de la Garde révolutionnaire
iranienne, est sans doute, à l’heure qu’il est, l’homme le plus puissant
dans le double conflit qui embrase l’Irak et la Syrie. Lorsque
Suleimani promet une «surprise», comme il l’a fait cette semaine, chacun
est en droit de trembler.
Voilà des mois maintenant que Qassem
Suleimani, qui a les galons de major général, le plus haut grade de
l’armée iranienne, s’affiche sans gêne en chef de guerre en Irak, face à
l’organisation Etat islamique (Daech) et qu’il coordonne les forces
iraniennes qui soutiennent le régime de Bachar el-Assad en Syrie. Ces
derniers jours, pourtant, sa visite dans le nord de la Syrie devait
officiellement rester «secrète», avant qu’elle ne soit détaillée par des
journaux… proches du régime iranien.
Suleimani s’est rendu dans
la région de Lattaquié, en plein cœur du «pays alaouite», la confession
du président syrien, là où se trouve une partie des principaux soutiens
du maître de Damas. Or, des environs de Lattaquié, on pourrait presque
apercevoir la présence des rebelles syriens, distants désormais de
quelques dizaines de kilomètres, après qu’ils ont multiplié les succès
militaires sur le terrain.
La «surprise» promise par Suleimani?
Elle semble claire. D’autres composantes du pouvoir iranien, et
notamment un puissant groupe appelé Ansar e-Hezbollah, prônent dans le
même temps l’envoi de 50 000 hommes armés afin de contrer l’avancée des
rebelles sunnites, menés par le Front Al-Nosra et solidement épaulés par
l’Arabie saoudite et le Qatar.
L’Iran est de plus en plus
ouvertement présent aux côtés de l’armée syrienne, loyale au régime de
Bachar el-Assad. A tel point que, malgré des frictions, c’est en réalité
Téhéran qui semble disposer en grande partie de l’avenir du régime
alaouite syrien.
Si ces conjectures sont fondées, l’Iran
s’apprêterait donc à «verrouiller» le pays alaouite et, plus important
encore, à garantir la connexion entre cette côte syrienne alaouite et la
capitale Damas, à présent menacée par les rebelles djihadistes. Le
cauchemar de Bachar el-Assad? L’éventuelle prise par Al-Nosra de
l’aéroport de la capitale, qui reviendrait à tenir assiégée la ville.
Dans
son combat contre la progression de la rébellion, le régime syrien peut
d’ores et déjà compter sur la présence du Hezbollah chiite libanais,
qui a lui aussi lancé ses troupes à l’offensive dans les montagnes du
Qalamoun toutes proches du réduit alaouite. Jusqu’ici, officiellement,
l’Iran assure n’avoir offert qu’un «soutien logistique» à son allié
syrien.
Les troupes du major général Suleimani, en revanche, ne
minimisent pas leur rôle en Irak, qu’ils tiennent en parallèle. Leurs
effectifs, en réalité, sont bien plus nombreux dans ce pays que ceux de
l’armée irakienne. Aux forces d’élite des brigades Al-Qods se mêlent des
fantassins recrutés par l’Iran, dont des Afghans chiites.
Avant
d’annoncer sa future «surprise», Qassem Suleimani s’en était pris
vertement aux Etats-Unis, qui venaient de dénoncer le manque de
combativité de l’armée irakienne. «Monsieur (Barack) Obama, quelle est
la distance qui sépare Ramadi (la ville d’Irak dont s’est emparé l’Etat
islamique) et la base où sont stationnés vos avions? Comment pouvez-vous
être présent dans ce pays au prétexte de défendre les Irakiens, et ne
rien faire du tout?» s’emportait l’Iranien en suggérant l’existence d’un
«complot» entre les Américains et les djihadistes de Daech.
Pour
les Etats-Unis et la coalition qui s’est formée derrière eux afin de
combattre les djihadistes, les milices chiites dirigées par Suleimani
n’ont aucune existence. Dans le communiqué final qui a conclu leur
réunion, mardi à Paris, ils n’en faisaient pas mention mais émettaient
le souhait que toutes les forces présentes en Irak «répondent à la
chaîne de commandement de l’armée irakienne».
Un vœu pieu qui aura
de la peine à se traduire sur le terrain, tandis que le sort de l’armée
irakienne (comme en Syrie) semble aujourd’hui entre les mains de
l’Iran.
Il y a quelques semaines, le Haut-Commissariat aux droits
de l’homme de l’ONU décrivait à Genève la «traînée de mort et de
destruction» que représentait l’avancée de ces milices chiites sur le
terrain, dans les régions sunnites. C’est à cette aune qu’il faut
peut-être juger la «surprise» promise par Suleimani en Syrie.
Source : letemps.ch
Damas passe en mode défensif
Lorsque l’ennemi attaque en nombre écrasant, il est
logique de se replier sur ses meilleures lignes de défense et de protéger
uniquement le cœur du pays.
L’assaut simultané des rebelles modérés d’al-Qaïda et
des djihadistes d’État islamique, soutenus par les États-Unis, la Turquie et le
Conseil de coopération du Golfe, exige que le gouvernement syrien centralise
ses capacités et son matériel et se place en position défensive.
Ce n’est bien sûr pas un changement stratégique ni un
signe de faiblesse, mais un mouvement tactique. Sacrifier des unités épuisées
pour défendre des parties accessoires et excentrées du territoire – de ce fait
indéfendables – du pays serait tout simplement inepte. Le gouvernement syrien
est encore fort et au moins 75% du peuple syrien qui se trouve à l’intérieur de
la Syrie est sous son contrôle. La guerre contre la Syrie va durer des années
et il y aura d’autres phases où l’armée syrienne ira de nouveau à l’attaque.
Quelque 10.000 combattants d’al-Qaïda, dont un
tiers d’étrangers, ont traversé la frontière Turco-syrienne équipés de
nouvelles armes anti-chars TOW étasuniennes et ont submergé les défenses
syriennes dans le gouvernorat et la ville d’Idleb. Le gouvernement syrien ne
s’attendait pas à une attaque d’une telle ampleur et d’une telle force.
Comprenant que davantage de ressources seraient nécessaires pour contrer cette
attaque, il a envoyé des officiels en Iran et en Russie pour demander davantage
d’aide.
L’Iran a offert un nouveau prêt de 1 milliard de
dollars et a également envoyé quelque 15.000 paramilitaires
supplémentaires en provenance d’Irak et d’Iran pour soutenir la défense de
Damas, de Homs et de la zone côtière de Lattaquié. Le Hezbollah nettoie le
secteur des montagnes Qalamoun, proches du Liban, de al-Nosra et d’autres
groupes djihadistes. La Russie a annoncé publiquement qu’elle allait apporter
davantage de soutien au gouvernement syrien. On ne sait pas encore en quoi il
consistera exactement, mais on peut s’attendre à la livraison d’une quantité
croissante de nouvelles armes à l’armée syrienne et aux forces aériennes.
Pendant ce temps la machine de propagande américaine
alimente de son mieux trois lignes de propagande.
La première consiste à faire
croire que le gouvernement syrien n’est plus soutenu par son peuple et à semer
le doute sur son alliance avec l’Iran et la Russie. Avec le nouveau soutien
attendu, cette ligne de propagande tombe temporairement à l’eau, mais elle sera
relancée au moment opportun.
La deuxième ligne de propagande consiste à nier que
Jabhat al-Nosra est une véritable composante opérationnelle d'al-Qaïda qui a
comme objectif à long terme d’attaquer l’Ouest. Il est indispensable de le nier
pour justifier le soutien étasunien et français supplémentaire aux campagnes menées par
al-Nosra à Idlib et ailleurs. Il y a eu des rumeurs sur le fait que al-Nosra
aurait rejeté al-Qaïda, et des tentatives pour inventer une sorte de conflit
interne sur la question. Une interview complaisante par Al Jazeerah du chef
al-Nusra Jolani a été organisée pour adoucir son image. Mais Jolani ne s’est
pas comporté comme le sponsor qatari d’Al Jazeerah le souhaitait. Il a de
nouveau déclaré son allégeance absolue à al-Qaïda et sa subordination au chef
d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Al-Nosra n’est donc pas aligné sur al-Qaïda ni
lié à al-Qaïda ni une franchise d’al-Qaïda. Jabhat al-Nosra est al-Qaïda.
Jolani ne laisse aucun doute à ce sujet.
La troisième ligne de propagande, et la plus stupide, porte sur la prétendue coopération
du gouvernement syrien avec État islamique. «Regardez, nous avons planifié
cette grande opération contre Assad à Alep, et Assad nous a bombardés. Le
lendemain, État islamique nous a attaqués, et Assad ne les a pas bombardés.
Voyez, il ne nous a pas aidés. Il doit être avec État islamique.» La sottise
n’a pas de limites.
Source : Moon of Alabama