Alors que l’Irak continue à lutter contre Daech,
l’Iran se concentre tranquillement sur la constitution d’un État
parallèle dans le pays. La perte de Ramadi dans la province
agitée d’Anbar en Irak a surtout été perçue comme un échec important de
la politique américaine en Irak. Alors que de hauts responsables
américains ont essayé de retourner la faute sur les forces irakiennes,
la stratégie confuse et en demi-teinte de l’Amérique contre le groupe État islamique (Daech) est apparue clairement.
En revanche, la campagne parallèle de
l’Iran contre Daech a donné un bon coup de pouce, comme en témoigne
l’entrée des milices chiites dans l’arène d’Anbar.
En Irak, l’échec de l’armée entrainée
par les Américains et les Britanniques est, par définition, une victoire
pour l’Iran, qui a tranquillement développé une force de combat
efficace sous la forme de milices et de groupes spéciaux.
Selon toute vraisemblance, l’Iran
intensifie son implication en Irak en essayant de fusionner les milices
disparates en une seule force cohérente. Cela indique une stratégie à
long terme pour développer un État parallèle en Irak et renforcer son
influence au maximum.
Mais l’existence d’une stratégie
irakienne claire et intelligente ne signifie pas nécessairement l’unité
complète en termes d’objectif ou de motivation à Téhéran. En effet, les
forces et les intérêts concurrents ont des visions différentes du
résultat désiré. Le succès à long terme de l’Iran en Irak dépend de la
mesure dans laquelle ces forces peuvent travailler ensemble pour
atténuer les coûts et maximiser les gains.
Conquérir Anbar
La vaste province d’Anbar en Irak est
souvent présentée comme le bastion de l’identité arabe sunnite et de la
résistance à l’administration à majorité chiite de Bagdad. La province a
été profondément et continuellement embourbée dans des troubles depuis
l’invasion anglo-américaine de l’Irak en mars-avril 2003.
Ce qui est moins connu sur Anbar est sa
place dans l’imaginaire historique iranien. Le mot « Anbar » est en fait
perse, traduit grossièrement par « entrepôt », la fonction assurée par
la zone sous la dynastie sassanide, le dernier empire iranien
préislamique.
Des stratèges iraniens antiques,
classiques et prémodernes considéraient le contrôle de cette région
comme vital pour projeter la puissance du pays plus à l’Ouest, en vue
d’établir une base solide sur les rives orientales de la Méditerranée.
De nos jours, l’Iran a été en mesure
d’établir une présence sécuritaire sur la côte méditerranéenne sans
contrôler Anbar, un avantage dû à l’alliance de la République islamique
avec la Syrie et la communauté chiite dans le sud du Liban.
Pourtant, la perspective de dépouiller
Anbar doit être attrayante pour les Iraniens, notamment en raison du
rôle central de cette province dans la longue guerre Iran-Irak des
années 1980. Beaucoup des meilleurs officiers de l’armée irakienne,
ainsi que des agents de renseignement parmi les plus efficaces et
fidèles, étaient originaires de cette région.
Anbar continue d’être un foyer de
sensibilité anti-iranienne, et par extension, ressent une intense
aversion pour le gouvernement chiite de Bagdad, ce qui en fait un
terrain fertile pour la croissance de Daech et de ses alliés.
Le gouvernement irakien a défini la «
libération » d’Anbar comme la pièce maîtresse de sa stratégie de lutte
contre Daech et de son vaste réseau d’alliés tribaux et sous-tribus
locales. Même si Ramadi est conquise rapidement, déloger Daech d’Anbar
pourrait prendre des années.
La longue campagne d’Anbar a stimulé
l’Iran et ses alliés les plus fidèles à Bagdad pour accélérer la
réorganisation des milices chiites. Jusqu’ici une variété de
relativement grandes organisations et de petits groupes, certains
d’entre eux mal dirigés et organisés, ont dominé le paysage de la
milice.
La création officielle en juin 2014 d’un
organisme de coordination, ce que l’on appelle les Unités de
mobilisation populaire (al-Hashd al-Shaabi) (UMP), a été la première
étape dans la création d’une organisation pan-milice. Ce fut une réponse
directe à l’avantage considérable de Daech en juin dernier et le reflet
des préoccupations répandues aux plus hauts niveaux de la communauté
chiite irakienne sur l’incapacité de l’armée et d’autres forces de la
sécurité nationale à contenir la menace de Daech.
Le long jeu
Malgré la création officielle des UMP,
les milices ont eu jusque-là tendance à agir de façon plus ou moins
indépendante, avec peu de coordination efficace avec l’armée irakienne.
Cet état de confusion des choses a été mis en relief en mars-avril lors
de la campagne pour reprendre Tikrit.
L’Iran a de grandes ambitions pour les
UMP comme en témoigne la proche collaboration de cette entité
embryonnaire avec le général Qasem Soleimani en personne, commandant
charismatique de la force al-Qods, l’aile expéditionnaire du corps des
gardiens de la révolution islamique (GRI).
Qasem Soleimani et les GRI aspirent
probablement à créer une force semblable au Bassidj iranien en Irak.
Créé en 1979, le Bassidj est une force de mobilisation populaire et agit
comme le bras paramilitaire des GRI.
Le ministère des Affaires étrangères et
ses alliés (composés de think tanks et de départements universitaires),
sont un référentiel solide d’expertises liées sur l’Irak. Le point de
vue dominant dans ces cercles est de construire un niveau suffisant
d’influence en Irak en vue de la création d’une profondeur stratégique
durable.
Le corps des gardiens de la révolution
mène des opérations sur le terrain de renforcement d’influence en Irak,
essentiellement avec sa force expéditionnaire al-Qods. Son approche,
tout aussi stratégique, tend à voir l’Irak à travers une lentille
idéologique, notamment comme une arène de conflit avec les États-Unis
et, dans une moindre mesure, avec l’Arabie Saoudite et les États du
Golfe.
La troisième force est composée d’une
opinion, par opposition à une institution, qui est enracinée dans le
nationalisme iranien. Cette opinion a été exprimée en termes clairs en
mars dernier par l’ancien ministre du Renseignement Ali Younesi, qui a
affirmé que Bagdad était maintenant dans les faits la capitale de
l’Iran.
Selon cette école de pensée, l’Irak est
non seulement une stratégie approfondie de l’Iran, mais une extension
historique du pays. Alors que des éléments favorables à cette opinion
conservent une influence au sein des deux principaux acteurs
institutionnels (le ministère des Affaires étrangères et de les GRI),
ils ne sont pas actuellement en mesure d’influencer la politique de
manière décisive.
Cet environnement institutionnel et
idéologique dense sous-tend des engagements profonds de la République
islamique en Irak, susceptibles de se dérouler sur plusieurs décennies.
Il reste à voir si les décideurs et
stratèges politiques iraniens réussiront à gérer de façon optimale les
différences institutionnelles et idéologiques devant les défis
grandissants d’un Irak divisé.
Mahan Abedin
analyste de la politique iranienne et directeur du groupe de recherche Dysart Consulting.
analyste de la politique iranienne et directeur du groupe de recherche Dysart Consulting.
http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/l-iran-progresse-en-irak-1317853690#sthash.VtQgwLWH.dpuf
En
vertu d'un accord signé en 2007, la Russie pourrait vendre à l'Iran des
missiles S-300 version PMU-1 dotés d'une portée de 150 km et capables
d'abattre un avion volant à une altitude de 28 kilomètres.
Si l'Iran déploie des S-300 sur sa côte sud, cela lui permettra
d'être au courant de tout décollage d'un avion américain depuis les
bases aériennes situées dans la région du Golfe Persique, indique le
journaliste.
Les systèmes russes aideront en outre l'Iran à protéger ses sites nucléaires. Selon M.Bender, la livraison de S-300 à Téhéran empêcherait une éventuelle intervention militaire en cas de violation par l'Iran de l'accord sur son programme nucléaire, car nul pays qui ne possède pas de la technologie Stealth (furtif) ne pourrait l'attaquer.
Bien que les États-Unis restent toujours capables de frapper la République islamique, la présence de systèmes S-300 en Iran rendrait les opérations militaires contre ce pays extrêmement compliquées et très coûteuses, conclut l'auteur. Le président Vladimir Poutine a signé à la mi-avril un décret levant l'interdiction de livrer des missiles sol-air S-300 à l'Iran.
La Russie entend par ailleurs signifier qu'elle ne compte pas se laisser distancer sur le marché commercial iranien. Si toutes les mesures de sanction sont levées, nous allons en effet assister à une ruée des sociétés internationales vers ce pays de près de 80 millions de consommateurs, à la population à la fois jeune, bien formée, avide d'ouverture et de consommation.
Les Américains, si prompts à faire condamner BNP-Paribas pour avoir commercé en dollars avec l'Iran, sont déjà sur place via leurs multinationales qui n'aspirent qu'à une chose: prendre un temps d'avance pour s'emparer des marchés les plus juteux, retrouver la place qui était la leur avant la révolution islamique de 1979.
En
concluant un accord pétrole contre produits agricoles —et un certaines
nombre d'autres marchandises — avec l'Iran, la Russie, déjà présente
dans le pays sur plusieurs marchés stratégiques (dont le nucléaire
civil) se place à son tour dans les starting blocks.
D'énormes enjeux dépendent de la pérennité des bonnes relations Moscou-Téhéran. L'assurance que les hydrocarbures d'Asie centrale ne disposeront pas d'un débouché direct sur le Golfe persique en premier lieu, qui priverait la Russie de leviers d'action dans son étranger proche.
La constitution d'une route commerciale Russie-Iran-Inde ensuite, qui serait de nature à resserrer davantage encore l'alliance russo-indienne, éventuellement en y intégrant une Iran qui, compte tenu de son gigantesque potentiel économique, a vocation à très rapidement rejoindre le club des BRICS si les sanctions économiques sont levées.
Les S-300 russes changeront la donne au Proche-Orient
L'éventuelle
vente de systèmes antiaériens russes S-300 à l'Iran modifierait
radicalement le rapport des forces au Proche-Orient, écrit le
journaliste du site Business Insider Jeremy Bender.
Selon
lui, la livraison de S-300 apportera un double avantage à Téhéran.
Ainsi, l'Iran sera en mesure de contrôler l'espace aérien loin au-delà
de ses frontières et de protéger ses propres installations nucléaires.
Les systèmes russes aideront en outre l'Iran à protéger ses sites nucléaires. Selon M.Bender, la livraison de S-300 à Téhéran empêcherait une éventuelle intervention militaire en cas de violation par l'Iran de l'accord sur son programme nucléaire, car nul pays qui ne possède pas de la technologie Stealth (furtif) ne pourrait l'attaquer.
Bien que les États-Unis restent toujours capables de frapper la République islamique, la présence de systèmes S-300 en Iran rendrait les opérations militaires contre ce pays extrêmement compliquées et très coûteuses, conclut l'auteur. Le président Vladimir Poutine a signé à la mi-avril un décret levant l'interdiction de livrer des missiles sol-air S-300 à l'Iran.
La Russie entend par ailleurs signifier qu'elle ne compte pas se laisser distancer sur le marché commercial iranien. Si toutes les mesures de sanction sont levées, nous allons en effet assister à une ruée des sociétés internationales vers ce pays de près de 80 millions de consommateurs, à la population à la fois jeune, bien formée, avide d'ouverture et de consommation.
Les Américains, si prompts à faire condamner BNP-Paribas pour avoir commercé en dollars avec l'Iran, sont déjà sur place via leurs multinationales qui n'aspirent qu'à une chose: prendre un temps d'avance pour s'emparer des marchés les plus juteux, retrouver la place qui était la leur avant la révolution islamique de 1979.
D'énormes enjeux dépendent de la pérennité des bonnes relations Moscou-Téhéran. L'assurance que les hydrocarbures d'Asie centrale ne disposeront pas d'un débouché direct sur le Golfe persique en premier lieu, qui priverait la Russie de leviers d'action dans son étranger proche.
La constitution d'une route commerciale Russie-Iran-Inde ensuite, qui serait de nature à resserrer davantage encore l'alliance russo-indienne, éventuellement en y intégrant une Iran qui, compte tenu de son gigantesque potentiel économique, a vocation à très rapidement rejoindre le club des BRICS si les sanctions économiques sont levées.