Orange tire profit des colonies israéliennes dans la Cisjordanie occupée.
Face
l’évolution de la campagne internationale de boycott, le
président-directeur général du géant français de la télécommunication,
Orange, affirme que son entreprise veut mettre fin à ses liens avec sa
filiale israélienne Partner Communications. Toutefois, Stéphane Richard
affirme qu’en raison d’obligations contractuelles, le retrait ne sera
pas possible. C’est une excuse bidon.
« Croyez-moi,
si j’avais la possibilité, j’aurais procédé à la résiliation du contrat
dès demain, » a-t-il souligné mercredi depuis le Caire, en marge de
l’interview qu’il a accordée à son arrivée mercredi à Daily News Egypt
dans le cadre d’une conférence de presse visant à désamorcer la
situation de boycott qui ne cesse de frapper sa filiale Mobinil.
Ses déclarations et commentaires ne sont pas passés inaperçus et ont provoqué une réaction violente des responsables israéliens.
Pour rappel, BDS Egypte a lancé, le mois dernier, une campagne de boycott de Mobinil, détenue à 99% par Orange.
Avec
au moins 33 millions de clients pour Mobinil, l’Egypte est considérée
comme l’un des plus grands marchés de la société française.
Tirer profit des crimes israéliens
Orange
est présente en Israël à travers un contrat de franchise avec la
société privée Partner Communications Ltd. Cette dernière verse des
royalties à Orange et une part de ses bénéfices pour l’utilisation du
nom de la marque.
D’après une enquête publiée le mois dernier par
une coalition franco-palestinienne d’organisations syndicales et des
droits de l’homme, Orange participe, aux termes de cet accord, aux
violations systématiques des droits des Palestiniens.
Le rapport
indique qu’Orange tire profit des colonies israéliennes dans la
Cisjordanie occupée puisque Partner opère dans des centaines de tours de
communication et autres infrastructures dont la plupart sont bâties sur
des terrains privés confisqués aux Palestiniens.
Mais la chose
qui a sans doute suscité la plus grande indignation est le fait
qu’Orange Israël soit le commanditaire direct et officiel de deux unités
militaires israéliennes, l’une d’entre elles n’est autre que la brigade
blindée Ezuz qui a pris part à quelques épisodes les plus sanglants de
l’offensive lancée l’été dernier contre Gaza et qui a tué plus de 2200
Palestiniens.
Fait remarquable, le gouvernement français détient
le quart des parts d’Orange, ce qui fait de lui un bénéficiaire direct
des activités économiques dans les colonies qu’il [gouvernement
français] juge pourtant illégales.
Directement ou à travers ses
filiales, Orange compte environ 250 millions clients dans des dizaines
de pays et opère par le biais de divers accords de propriété : en
Grande-Bretagne sous le nom de EE, en Belgique en tant que Mobistar, au
Maroc sous le nom de Médi Télécom et en Irak sous le nom de Korek
Telecom.
En France, en Espagne, en Jordanie et en Tunisie, pour ne citer que ceux-là, la société garde le nom de marque « Orange. »
Société appartenant à un milliardaire anti campagne BDS
Ironie du sort, l’actionnaire majoritaire de Partner est
le milliardaire israélo-américain Haim Saban qui s’est associé avec le
magnat des casinos Sheldon Adelson pour convoquer un sommet secret des
« méga donateurs Juifs » à l’effet de combattre le mouvement de Boycott,
Désinvestissement et Sanctions, BDS.
Réagissant aux commentaires
de Richard, Saban a déclaré qu’il était fier de posséder Partner et
qu’il ne se laisserait jamais « dissuader par les menaces. »
Un énorme risque financier
Le président-directeur général d’Orange, Stéphane
Richard, a allégué que l’accord avec Partner constitue un « héritage »
avant qu’Orange ne soit reprise et fusionnée avec France Telecom. Mais
l’accord a été renouvelé en 2011 et modifié cette année.
A ce
titre, Richard a expliqué : « Nous n’avons pas renouvelé le contrat,
nous voulions changer les termes du contrat et inclure une date de
résiliation car elle n’existait pas avant et c’est pourquoi, nous
n’avions aucune possibilité de cessation du contrat. »
Bien que
les clauses du contrat ne soient pas rendues publiques, un communiqué de
presse du mois d’avril a révélé que le contrat durera jusqu’en 2025.
Richard
a par ailleurs expliqué que toute tentative de résilier le contrat
exposerait la société à un « énorme risque financier. »
« La seule
autre possibilité serait d’entrer en litige avec le partenaire, et je
suis navré de le dire mais entrer en litige lorsque vous ne disposez
d’aucun fondement juridique dans les tribunaux israéliens n’est pas une
issue que je recommande à mon entreprise, » a-t-il précisé. « Je ne
souhaiterais pas payer des centaines de milliers d’euros juste parce que
je dois prendre des risques en terme de sanctions. »
Richard a
par ailleurs fait des déclarations supplémentaires qui ont été
rapportées par l’Associated Press et dans lesquelles il reconnait que le
rôle d’Orange en Israël constitue une « question délicate et sensible
ici en Egypte, et même ailleurs. »
Pas convaincant
Il y a plusieurs raisons qui font que les excuses avancées par Richard ne soient absolument pas convaincantes.
Il
dit qu’Orange ne dispose d’ « aucun fondement juridique » dans les
tribunaux israéliens et pourrait encourir de lourdes pénalités si jamais
le contrat est résilié avant terme.
Or Orange n’est pas le
propriétaire de Partner et a probablement peu d’actifs en Israël qui
risqueraient d’être saisis même dans le cas où un jugement défavorable
est prononcé par un tribunal israélien.
Par contre, l’atout de
taille dont dispose Orange est son nom de marque qui est actuellement
terni partout dans le monde à cause de la participation directe de sa
filiale israélienne dans des activités criminelles contre les
Palestiniens.
Et puis, tout contrat commercial valablement et
convenablement établi inclura une clause de sortie pour force majeure,
ou bien si l’une des parties s’implique dans une activité criminelle.
Et
même si les tribunaux israéliens n’incriminent pas l’occupation, la
colonisation et les crimes, Orange pourrait sans l’ombre d’un doute
présenter l’affaire devant un tribunal français ou ailleurs afin de
condamner les activités de Partner en Cisjordanie occupée et dans la
Bande de Gaza et prouver qu’elles sont illégales en vertu du droit
international.
Illégal
Orange pourrait tout simplement déclarer qu’elle n’est pas obligée de participer aux crimes commis par Israël.
L’entreprise
pourrait souligner le fait que le gouvernement Français avait mis en
garde ses entreprises contre toute transaction commerciale avec les
colonies israéliennes dans les territoires occupés.
Et parce que
les colonies sont « illégales en vertu du droit international, » le
gouvernement français déclare qu’il « existe des risques liés aux
activités économiques et financières dans les colonies » y compris « des
risques juridiques et économiques. »
Orange est également en
mesure de recourir à la nouvelle doctrine de la responsabilité des
entreprises pour les violations flagrantes des droits de l’homme.
L’entreprise
pourrait, par conséquent, résilier le contrat au motif que Partner
l’expose à des risques juridiques et moraux inacceptables.
Orange
pourrait non seulement argumenter par le fait qu’il ne doit pas un
centime à Partner, mais doit aller plus loin et demander à Partner de
compenser et d’indemniser l’entreprise française pour le tort qui
entache sa réputation en raison des activités criminelles continues de
Partner.
Et pour finir, dans le pire des scénarii, si Orange
devait payer des pénalités à Partner, elle devrait avoir une perspective
commerciale pour calculer ce qui lui coutera moins cher : réduire ses
pertes maintenant ou bien rester complice de l’apartheid israélien et de
ses crimes de guerre pour une autre décennie.
Je ne suis pas
avocat, je le reconnais, mais malgré cela, je suis capable de trouver et
de voir plusieurs issues pour Orange si, bien évidemment, elle est
prête et désireuse de tirer un trait sur sa complicité dans les crimes
commis par Israël.
Il est inconcevable, voire inimaginable, que
les consultants et avocats si bien payés de la société Orange, aient
déjà soupesé et examiné avec attention toutes ces options pour le
rejeter en conclusion.
En dépit de ce qu’a affirmé Richard, à
savoir que les bénéfices en provenance d’Israël sont minimes par rapport
à la taille et la stature d’Orange, la seule conclusion raisonnable et
acceptable que nous pouvons tirer de sa conférence de presse hâtive au
Caire est que tout cela n’est que coup médiatique destiné à atténuer et
désamorcer la colère.
Il est clair qu’Orange ressent la pression, à
domicile et à l’étranger, mais Richard ne fait que chercher des excuses
pour maintenir le statu quo.
Si Orange était sincère, le minimum
que Richard aurait pu faire serait d’annoncer que son entreprise
consulterait des avocats, le gouvernement français et des organisations
des droits de l’homme pour étudier la possibilité de sortir le plus
rapidement d’Israël.
Colère israélienne
Bien évidemment, nous avons une autre possibilité : la
colère israélienne qu’ont suscitée les déclarations de Richard pourrait
pousser l’opinion publique pour précipiter la sortie d’Orange en
répondant à Partner par le boycott.
Tzipi Hotovely, le nouveau
vice-ministre israélien des affaires étrangères qui croit que le monde
doit se soumettre à des justifications bibliques pour l’occupation et la
colonisation par Israël, aurait déjà convoqué une réunion de crise pour
discuter de la question.
Ali ABUNIMAH
* Ali Abunimah est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict.
Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic
Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian
Policy Network.VOIR AUSSI :