Après une série de revers sur le terrain face à Daech et à
l’armée de la conquête impérialo-wahhabo-sioniste, culminant par la prise de la région de Palmyre
par Daech, consacrant ainsi un important changement de paradigme dans le
conflit en cours en Syrie mais également l’ensemble des rapports de
force entre les grandes puissances impliquées dans la guerre au
Moyen-Orient, l’armée syrienne est repassée à l’offensive en adoptant
une nouvelle stratégie: celle de la saturation.
L’armée de l’air syrienne a mis le paquet: huit escadrilles de Sukhoï
Su-24 et, pour la toute première fois, de lourds Mikoyan-Gurevitch
Mig-25 RBS (version bombardier de reconnaissance) ont fait pleuvoir une
nuée de bombes thermobariques [1] sur la base aérienne de Tabqa, entre les
mains de Daech, causant l’élimination de 152 éléments du groupe
terroriste ainsi que la destruction de 13 “Technicals” armés de canons
antiaériens de 23 mm.
A Alep, des hélicoptères Mi-17 et Mi-8 emportant des charges
thermobariques ont lâché leur cargaison fatale au dessus de positions
tenus par Daech et différents groupes rebelles, causant de très
importants dégâts. Détail important, s’attendant à des tirs de
l’artillerie antiaérienne rebelle, les hélicoptères syriens n’ont
rencontré que des tirs d’armes légères.
Des médias internationaux ont critiqué l’absence de frappes de
précision de la part de l’aviation syrienne, l’accusant de cibler des
zones civiles. En réalité, la plupart des zones sous contrôle de Daech,
mis à part quelques bases militaires et des infrastructures
industrielles, sont civiles. De plus, on sait par expérience que la
notion de frappe chirurgicale, terme spécieux inventé lors de la seconde
guerre du Golfe, n’a quasiment aucune existence, d’autant plus que
tentant d’éviter l’artillerie antiaérienne (AAA) et les missiles SAM de
faible portée, la plupart des bombardiers préfèrent larguer leurs bombes
et autres missiles Sol-Air à partir d’une altitude assez élevée.
Des civils ont-ils péris au cours de ces largages de charges
thermobariques? Malheureusement oui. C’est inévitable dans les zones où
sévit Daech puisque cette organisation terroriste tend à prendre le
contrôle de tous les aspects de la vie des populations civiles dans les
régions qu’elle investit et occupe, sanctionnant de mort par
décapitation ou crucifixion toute personne récalcitrante ou démontrant
un enthousiasme “tiède” aux idées de cette armée de l’enfer.
L’usage du Mig-25 par Damas a de quoi surprendre mais renseigne à lui
seul moins sur les efforts extrêmes fournis que la volonté d’aller
jusqu’au bout animant l’armée syrienne afin de circonscrire l’avancée
des groupes armés vers ce que l’on appelle “la Syrie utile”, où s’est
replié le gros des forces armées syriennes, des milices paramilitaires
loyalistes ainsi que les forces du Hezbollah libanais.
Conçu par les Soviétiques pour contrer le bombardier stratégique US
Valkyrie X-70 (projet n’ayant jamais abouti), le Mig-25 est à l’origine
un intercepteur lourd d’une agilité très limitée. En 1970, une version
RB (Reconnaissance Bomber) de cet avion atypique classé parmi les plus
rapides au monde voit le jour. Concernant la variante RB de cet
appareil, à distinguer de la variante BM (armée de missiles anti-Radar)
non destinée à l’export, peu d’information circule sur ses capacités
d’attaque au sol hormis que lors de la guerre d’octobre 1973, des Mig-25
RB russes stationnés en Égypte parvinrent à semer tous les missiles
Air-Air tirés par les Phantom israéliens.
Malgré des limitations et des incovénients (faible portée,
consommation record de carburant, flexibilité limitée), le Mig-25 a
largement démontré sa valeur en tant qu’intercepteur de reconnaissance.
Dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991, soit le premier jour de
l’offensive aérienne de la coalition internationale dirigée par les États-Unis d’Amérique contre l’Irak de Saddam Hussein, un Mig-25 PDS
irakien a abattu un F/A 18 “Hornet” américain avec un missile Air-Air
R40TD (AA6 “Acrid”). Lors d’un autre engagement au cours du même
conflit, un Mig-25 PD irakien a réussi à éviter des McDonell Douglas
F-15 “Eagles” américains et s’est attaqué à un avion de guerre
électronique EF-111 Raven, le forçant à changer de trajectoire et à se
retirer, compromettant ainsi la mission des autres chasseurs-bombardier
de l’US Airforce. Cependant, on se rappellera surtout comment deux
Mig-25 irakiens pourchassés par des F-15 US parvinrent à les semer grâce
à leur capacité à atteindre une très grande vitesse (entre Mach 2.85 et
Mach 3) et purent ainsi éviter 10 missiles Air-Air…Enfin très peu de
temps avant l’invasion américaine de l’Irak en avril 2003, un Mig-25
irakien a abattu un drone MQ-1 américain, devenant ainsi le premier
avion de combat à abattre un drone dans l’histoire.
Pour revenir au conflit en Syrie, Damas semble à la croisée des
chemins. L’État syrien s’est retranché dans ce que l’on appelle
désormais la Syrie utile: le littoral méditerranéen (Lattaquié, Tartous,
etc.), fief des Alaouites ainsi que l’axe Hama-Damas-Suwaida, longeant
la frontière libanaise (poumon économique et financier) suite à la
rupture des communications avec l’Irak dont la profondeur permettait une
continuité avec l’allié iranien. On voit bien que les commanditaires
des évènements en Syrie gèrent la guerre en stratèges et le choix de
transformer la vague nébuleuse d’Al-Qaïda en Irak d’un certain
Al-Zarqawi en une armée de zombies dénommé Etat Islamique en Irak et au
Levant répondait à des impératifs hautemment stratégiques.
Le chemin de Damas est un chemin de croix. On peut accuser Hafez
Al-Assad, père de l’actuel président syrien, d’être un autocrate
impitoyable mais force est de lui reconnaître sa profonde vision
stratégique. Il a par dessus tout bâti une armée solide pour un petit
pays comme la Syrie, au sein de laquelle l’arme aérienne joue un rôle
prépondérant. Bien peu d’armées régulières résisteraient à la déferlante
qui s’abat chaque jour sur la Syrie depuis 2011.
L’épilogue définitif de ce que certains publicitaires de l’empire ont
pompeusement dénommé “Printemps arabe” peut se résumer à une seule
image fort symbolique et ce, quelle que soit l’issue de la guerre en
Syrie: celle d’avions de combat Mig-25 , et bientôt de Mig-31 syriens,
survolant à très grande vitesse une base aérienne tombée entre les mains
de Daech avant d’y larguer des bombes thermobariques…
[1] Les armes thermobariques contiennent un réservoir de liquide volatil
(ou une fine poudre explosive, ou de la poudre métallique) et deux
charges explosives. Après le tir ou la mise à feu, la première explosion
(ou un dispositif de dispersion quelconque) ouvre le réservoir à une
hauteur déterminée et en disperse le contenu (le plus souvent un carburant, d'où le nom de Fuel-Air explosive)
dans un nuage qui se mêle à l’air ambiant. La deuxième charge explose
ensuite, créant par la combustion de l’air une surpression (comme toute
bombe conventionnelle).
Depuis les années 2000, on les utilise comme des armes tactiques de bas niveau (section et groupe de combat) et elles remplacent les lance-flammes. Elles permettent notamment par un tir à l’entrée d’un abri (bunker , grotte mais aussi bâtiment ou fortification) de tuer des hommes même loin en profondeur, grâce aux deux explosions induisant la surpression puis la dépression successives dont l'effet est particulièrement favorisé dans des espaces clos. Elles peuvent avoir des effets sur un volume de 83 m³, et sont efficaces contre des abris défendus par des sacs de sable ou des hommes équipés de gilets pare-balles, ou encore contre les hommes abrités dans un blindé.
Elles sont également employées à l'occasion de conflits importants sous forme de bombes aériennes de fort tonnage qui permettent un effet de zone très important par rapport à une bombe à fragmentation conventionnelle.
Depuis les années 2000, on les utilise comme des armes tactiques de bas niveau (section et groupe de combat) et elles remplacent les lance-flammes. Elles permettent notamment par un tir à l’entrée d’un abri (bunker , grotte mais aussi bâtiment ou fortification) de tuer des hommes même loin en profondeur, grâce aux deux explosions induisant la surpression puis la dépression successives dont l'effet est particulièrement favorisé dans des espaces clos. Elles peuvent avoir des effets sur un volume de 83 m³, et sont efficaces contre des abris défendus par des sacs de sable ou des hommes équipés de gilets pare-balles, ou encore contre les hommes abrités dans un blindé.
Elles sont également employées à l'occasion de conflits importants sous forme de bombes aériennes de fort tonnage qui permettent un effet de zone très important par rapport à une bombe à fragmentation conventionnelle.