Victor Alfonso Lenta au Donbass en 2014 |
Victor Alfonso Lenta (VAL) : Tout d'abord pour concrétiser des idées politiques et pour répondre à l'appel aux volontaires internationaux des milices russophones. Pour prendre une vieille expression, c'était pour mettre ma peau au bout de mes idées. J'estimais que ce conflit, en plein cœur de l'Europe, nous concernait tous. De plus, je voyais très bien dès le début que la révolution de Maïdan était une révolution cooptée par l'Occident, par les Américains, que cela touchait un peuple européen et que c'était clairement une guerre larvée contre la Russie. En France, la propagande présentait la situation en disant que le grand méchant Vladimir Poutine était en train d'attaquer l'Ukraine. Mais grâce aux médias de réinformation, on savait très bien que c'était beaucoup plus compliqué que cela et que c'était plutôt la population russophone du Donbass qui était agressée. Donc j'ai décidé, en tant qu'ancien militaire, d'aller prendre les armes aux côtés des milices populaires.
RT : En Occident, ces milices sont communément vues comme étant constituées de terroristes. Vous qui les avez connues au quotidien, que pouvez-vous nous dire de cette vision ?
VAL : C'est tout sauf des terroristes. Ces milices populaires sont, comme leur nom l'indique, constituées de gens issus du peuple du Donbass. Des hommes et des femmes de tout âge : la plus jeune personne que j'ai croisé avait 14 ans et la plus âgée en avait 70. Non, ce ne sont pas des terroristes, ce ne sont pas des poseurs de bombes, ils ne s'attaquent pas à la population. Ce sont des milices d'auto-défense, qui se défendent face à une agression terroriste cooptée par un Etat.
RT : Que retenez-vous de votre expérience militaire et civile dans le Donbass ?
VAL : Ce qui m'a marqué au quotidien c'est d'abord la population du Donbass, qui est très courageuse. Si je dois retenir quelque chose de mon expérience, c'est le sourire et la dignité de ce peuple. Face aux bombardements, j'ai vu l'entraide et la solidarité. Donetsk et Marioupol ont beau être bombardées, la population reste chez elle, avec le sourire. Parfois, ils venaient nous aider et nous apporter de la nourriture, avec un sens de l'hospitalité sans pareil. Mais la vie dépend de l'actualité du front. Par exemple, le centre-ville de Donetsk, lorsqu'il n'est pas bombardé, est très calme, les commerces et les restaurants restent ouverts. Par contre, lorsque les bombardements et les assauts reprennent, la population se réfugie dans les caves et dans les bunkers. Le peuple du Donbass fait en sorte que la vie continue, qu'elle ne s'arrête pas à cause de la guerre. Cela a été pour moi une véritable leçon de vie.
Concernant la question militaire, ce qui m'a choqué, c'est la façon dont l'artillerie ukrainienne bombardait presque systématiquement les infrastructures civiles, comme les centrales électriques et même parfois des orphelinats. A Donetsk, nous pouvions observer les drones ukrainiens, qui surveillaient la zone. La technologie que ces engins embarquent permet amplement de faire la différence entre des objectifs militaires et des bâtiments civils. Pourtant, les hôpitaux étaient visés plus souvent que nos casernes militaires. Cette stratégie du bombardement de terreur sur la population m'a beaucoup marquée.
RT : Comment les habitants du Donbass perçoivent-ils l'attitude des européens à leur égard ?
VAL : Très mal. Pour eux, toute agression qui provient de l'Occident est une agression fasciste, sans y donner une connotation politique, cela date de la grande guerre patriotique. Ensuite, ils savent très bien que nos médias sont tenus par le système, mais ils aimeraient bien que les Européens réagissent un peu plus. C'est pourquoi nous avons souvent été remerciés de faire nous-même de la réinformation par notre site internet ou les réseaux sociaux, à notre modeste niveau. Ils ont aussi une vision assez réaliste de la décadence qui prend de l'ampleur à l'Ouest.
RT : Comment les volontaires français ont-ils été reçus ?
VAL : J'ai été très bien accueilli par les habitants du Donbass. Ils admirent ce qu'il y a de positif dans l'histoire de France, comme la culture et la littérature. Ils connaissent vraiment la culture française, peut être même mieux que certains Français et cela m'a étonné. Ils peuvent citer nos auteurs, des artistes de chanson française, et ils s'intéressent beaucoup à ce qui a fait la grandeur de la France. Lorsqu'ils nous voyaient, ils étaient ravis.
En ce moment, j'estime qu'il doit rester une dizaine de volontaires français sur place. Ils sont actuellement dans ce qu'on appelle l'armée de la République Populaire de Donetsk, c'est ce qui a succédé aux milices. Pendant un an et demi, ces milices étaient désorganisées, avec chacune son blason, son chef... C'était très bien au début mais cela ne pouvait pas durer sur le long terme, il n'y avait pas de réelle coordination militaire. Nous manquions de moyens. On se retrouvait avec cinq AK47 pour 24 volontaires étrangers, avec juste le fusil et deux chargeurs, alors que ceux qui s'y connaissent un peu savent qu'il faut au moins 12 chargeurs pour partir au combat. J'ai même une anecdote d'un des premiers volontaires français qui a dû se débrouiller pour se trouver lui-même un percuteur, car l'arme qu'on lui avait donné avait été démilitarisée !
VAL : J'ai été très bien accueilli par les habitants du Donbass. Ils admirent ce qu'il y a de positif dans l'histoire de France, comme la culture et la littérature. Ils connaissent vraiment la culture française, peut être même mieux que certains Français et cela m'a étonné. Ils peuvent citer nos auteurs, des artistes de chanson française, et ils s'intéressent beaucoup à ce qui a fait la grandeur de la France. Lorsqu'ils nous voyaient, ils étaient ravis.
En ce moment, j'estime qu'il doit rester une dizaine de volontaires français sur place. Ils sont actuellement dans ce qu'on appelle l'armée de la République Populaire de Donetsk, c'est ce qui a succédé aux milices. Pendant un an et demi, ces milices étaient désorganisées, avec chacune son blason, son chef... C'était très bien au début mais cela ne pouvait pas durer sur le long terme, il n'y avait pas de réelle coordination militaire. Nous manquions de moyens. On se retrouvait avec cinq AK47 pour 24 volontaires étrangers, avec juste le fusil et deux chargeurs, alors que ceux qui s'y connaissent un peu savent qu'il faut au moins 12 chargeurs pour partir au combat. J'ai même une anecdote d'un des premiers volontaires français qui a dû se débrouiller pour se trouver lui-même un percuteur, car l'arme qu'on lui avait donné avait été démilitarisée !
RT : Comment l'engagement des volontaires du Donbass est-il perçu en France ?
VAL : Il y a tout d'abord ce que j'appelle la propagande officielle du système. Je me souviens que l'on a été présentés de suite comme étant les «mercenaires de Poutine». Il n'y a pas d'expression plus fausse pour nous qualifier, car un mercenaire est un soldat qui est recruté et payé, or nous sommes venus de nous-mêmes, ce ne sont pas les Russes qui sont venus nous chercher. Et concernant la paye... On a clairement laissé toutes nos économies dans cette aventure. Le point commun des volontaires français, c'est de rentrer en France fauchés, si nous avions été des mercenaires cela ne serait pas le cas.
Ensuite, au sein des médias alternatifs, l'accueil a été plutôt positif par le public qui s'intéresse à ce qui se passe vraiment dans ce conflit. Ces gens étaient contents de voir que des individus mouillaient leur chemise pour redorer l'image de la France dans le monde slave.
RT : Pourquoi avez-vous décidé de rentrer ?
VAL : Je suis rentré car j'estimais que j'avais fait mon temps là-bas et que ma mission était accomplie. Maintenant que l'armée de la République de Donetsk se structure en une véritable armée, je pense savoir comment cela va maintenant se dérouler, et je sais que cela ne sera pas fait pour moi. Ce n'est pas pour autant que je ne garde pas mes convictions ou que je renie mon combat. Si certains veulent se porter volontaires je les y encourage, c'est une grande expérience humaine et militaire, il faut la vivre.
RT : Quels sont vos projets maintenant que vous êtes de retour en France ?
VAL : Je vais bientôt repartir sur d'autres conflits. Je viens ici pour réunir des personnes, des moyens financiers et repartir là où on pourrait avoir besoin de moi. Je ne peux pas en dire plus à ce sujet.
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