mercredi 7 octobre 2015

Ces Français qui sauvent l’honneur dans le Donbass

Dans les tranchées du Donbass une poignée de Français sont venus sauver l’honneur de la France. Ils viennent de Bretagne, du Massif Central, du Sud de la France, de Corse et d’ailleurs. C’est en compagnie d’Erwan Castel et de ces hommes que je viens de passer deux jours hallucinants. Dire comme il fut difficile de les atteindre est une gageure, mais le passé est loin et c’est avec entrain que je me levais dimanche matin aux aurores pour rejoindre l’unité de reconnaissance internationale qui est postée au Sud de Donetsk quelque part sur la ligne de front. Ces hommes ont refusé la propagande officielle, ils ont refusé de vendre leur âme et celle de la France en venant ici soutenir les populations du Donbass.
Résultat de recherche d'images pour "donbass"Ils ont à peine vingt ans ou passé la cinquantaine, leurs opinions politiques sont très diverses mais une seule foi les habite, c’est celle de l’esprit de l’escadrille Normandie-Niémen. Alors que notre gouvernement supporte honteusement un gouvernement illégal en Ukraine qui massacre des populations civiles, ceux-là n’ont pas dérogé aux traditions françaises.
Théophile-Malo de la Tour d’Auvergne-Corret, le Premier Grenadier de France, nous pourrions sans doute faire le parallèle avec Erwan. Les deux hommes d’ailleurs sont nés en Bretagne. Mais Erwan qui est en passe de devenir une légende vivante n’est pas seul. Autour de lui se pressent Nico, un vétéran du militantisme libertaire qui est venu « pour aider les populations du Donbass, pas pour des raisons politiques. Je viens aussi par devoir car je suis d’origine russe blanche, un de mes ancêtres était Ataman de Cosaques et a combattu avec Denikine dans le Sud de l’Ukraine et en Crimée ». Plus loin se trouve un personnage attachant. C’est le boute en train de la section, Tonio, le sourire constamment vissé aux lèvres : « moi aussi je suis venu aider les gens dans le Donbass. Au départ comme infirmier et puis ensuite comme soldat. A l’orée de la cinquantaine, j’ai regardé derrière moi, derrière mon épaule et je me suis dit que jusqu’à présent je n’avais fait que travailler et payer des impôts en étant d’ailleurs emmerdé par notre gouvernement. Alors c’est dans un esprit sans retour que je suis parti. J’ai pris ma voiture, en plein hiver. Je me souviens que c’était le 2 janvier dernier et j’ai tenté de traverser l’Europe et l’Ukraine en forçant la ligne de front pour arriver au milieu des insurgés… C’était un peu fou, j’ai tourné en rond, arrivant jusqu’à Marioupol puis en remontant jusqu’au Nord jusqu’aux environs de Donetsk. J’ai erré jusqu’aux portes de la Crimée et puis finalement j’ai vendu la voiture sur place et je suis retourné… en France pour revenir par la Russie en partie en stop en passant par Volgograd et Rostov ». L’homme me raconte son voyage incroyable, un mois d’errance de Paris à Donetsk !
Renaud est le petit dernier, il a 23 ans. Voilà seulement un mois qu’il se trouve dans le Donbass, il vient juste d’être incorporé « J’ai arrêté au niveau du collège mes études et puis ensuite je suis entré dans la Gendarmerie où j’ai servi pendant cinq ans. Par la suite de petits boulots en petits boulots je me suis trouvé bien déçu de la France qui m’entourait. C’est ma mère qui m’a amené à m’intéresser au Donbass ! Ensemble nous avons compris qu’il se passait quelque chose de grave en Ukraine. Je ne pouvais pas rester sans rien faire, comment je me serais regardé dans un miroir après ? ». D’autres hommes composent la section, il y a un autre Français qui pour des raisons politiques n’a pas souhaité se découvrir : « des répressions nous attendent en France, nous sommes considérés comme des terroristes et pour ma part j’ai l’intention de rentrer chez moi après la guerre ». Un Belge est également là, la trentaine, des convictions et une sérieuse culture qui rapproche l’homme de son érudit de chef de section : Erwan. L’homme est égal à lui-même, plus je le fréquente, ainsi que les autres combattants européens, plus je respecte ce puits d’érudition : histoire, littérature, ethnographie, géopolitique, culture militaire, traditions et chants populaires, l’approche d’un tel homme est un enseignement à lui tout seul. Le bonhomme est bavard mais il sait écouter et sa longue expérience de l’Afrique et de la forêt amazonienne lui a inculqué en plus de valeurs humanistes, une profondeur de pensée et une capacité d’analyse qui feront mentir tous « les idiots » qui s’imaginent que l’Armée est un repaire d’imbéciles. La rencontre d’Erwan est une réponse cinglante à ceux qui auraient la faiblesse de tomber dans les stéréotypes réducteurs de cerveaux.
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« Il y a 13 nationalités dans l’unité, 9 seulement si l’on prend en compte l’unique réalité « républicaine et jacobine » des frontières ». Insurgés du Donbass, volontaires russes, espagnols, un Allemand, un Irlandais, un Uruguayen assemblés à nos Français et Belges font un mélange détonnant. Malgré la barrière des langues, les uns et les autres s’arrangent, qui parle l’anglais, qui parle l’espagnol, les descendants de russes blancs font aussi le relai avec la langue russe et Alexandre un Russe, ancien de la Légion Etrangère est aussi là pour faire la soudure avec les russophones. Les expériences sont multiples, certains ont fait plusieurs guerres déjà, d’autres ont combattu depuis l’été dernier dans le Donbass. C’est le cas d’Ivan, vétéran de toutes les batailles, il sort d’une école de cadets de Russie : « Quand cela a commencé en Ukraine j’ai demandé à mon chef de partir et j’ai reçu comme réponse un rapport et une sévère punition. Je suis orphelin, je n’avais rien à perdre, alors je suis parti quand même malgré les risques pour moi en Russie après la guerre, je suis considéré comme un déserteur, mais comment ne pas aller défendre mes frères slaves massacrés par les nazis et les bandéristes ukrainiens ? Une armée russe ? [L’homme éclate de rire] Si elle avait été là nous leur aurions botté le train en trois semaines jusqu’à Lvov et les autres courraient encore jusque sur les bords de l’Atlantique ! ». La moyenne d’âge est plutôt jeune, mais à l’entraînement, il est clair qu’ils ont un fort potentiel. Leur dotation en armement est plus forte que dans le reste de l’Armée républicaine : « Nous avons un rôle de reconnaissance, nous avons effectué deux missions d’infiltrations dans les lignes ennemies, reconnaissance défensive, nous n’avions pas l’ordre d’ouvrir le feu mais surtout de repérer des positions très camouflées des Ukrainiens, ils préparent une offensive c’est mon sentiment, de toute façon Porochenko ne pourra maintenir au front une aussi importante armée, il n’a pas le choix, ou lancer l’attaque ou passer l’éponge… » nous indique Erwan.
Je repars le lendemain après une nuit passée en leur compagnie directement sur le front avec des souvenirs plein la tête. L’expérience aura été enrichissante, j’aurais aimé rester plus longtemps aussi le capitaine Ouragan à ma demande de revenir bientôt me répond : « Quand tu veux ! ». A part l’impossibilité de filmer ou photographier certains visages, dont les familles en Ukraine seraient en danger, ou pour des raisons de futures répressions politiques dans leurs propres pays, j’aurais eu l’autorisation de filmer ce que je voulais. Une liberté qui une fois encore me prouve que non seulement je peux faire mon travail, mais que ces gens m’ont donné toute leur confiance. Combien de fois furent-ils trahis par des journalistes occidentaux par le passé ? Le mal est si grand qu’il me faut souvent longuement expliquer pourquoi je suis là et qui je suis. Le journaliste occidental n’est pas une plaie seulement en France… Pour ma part, je reviens avec une belle série de photos et un reportage vidéo à venir… alors à bientôt, un seul article ne pourrait suffire à parler des hommes qui sont venus sauver l’honneur de la France… dans le Donbass.