La dérive de l’Empire vers de plus en plus d’idiotie m’a
sauté aux yeux, ces dernières semaines. C’est l’Empire le plus stupide
du monde. Il l’était certes déjà. Voici que les développements
récents manifestent un saut quantique dans son niveau de bêtise.
Le
premier élément de l’extrême bêtise a fait surface quand le général
Lloyd J. Austin III, le chef du Commandement central des États-Unis, a
déclaré lors d’une commission du Sénat que seul un très petit nombre de
combattants syriens formés par les États-Unis sont actifs au combat,
peut-être aussi peu que cinq [Même 4 ou 5 ?? selon le général pour être précis, NdT].
Le plan de formation et d’équipement a coûté 500 millions de dollars.
cela fait 100 millions de dollars par combattant, mais bon, OK, parce
que tout est bon tant que les contractants de l’armée qui assurent la
formation sont payés. Les choses sont devenues encore plus stupides
quand il s’est avéré plus tard que ces quelques combattants avaient même
obtenu des voitures volées par ISIS / al-Qaïda en Syrie (quel que soit
le nom qu’ils se donnent actuellement). Ils ont donc obtenu leurs
véhicules et leurs armes via des prises de guerre d’ISIS/Daech.
Le précédent rôle du général Austin était celui du lieutenant-général Casey dans le film Mars Attacks
de Tim Burton! C’était déjà un rôle très stupide, mais son rôle actuel
est un véritable avancement de carrière, à la fois en terme de rang et
en terme de niveau de bêtise.
Le point stupide qui a suivi est survenu lors de la réunion de
l’Assemblée générale de l’ONU à New York, où Obama, qui a parlé 30
minutes au lieu des 15 allouées (Mr Stupid President ne sait-il pas lire
l’heure?), a réussi à utiliser la totalité de ce temps pour ne dire
absolument rien de sensé pour qui que ce soit.
Mais c’est le discours de Poutine qui a mis la stupidité de l’Empire
en pleine lumière aux yeux du monde quand il a grondé les États-Unis
pour le bordel sanglant laissé au Moyen-Orient par leurs interventions
maladroites. La citation souvent répétée est «Comprenez-vous ce que vous avez fait?» Mais ce n’est pas tout à fait exact. La citation russe «Вы хоть понимаете теперь, чего вы натворили?» peut être traduite plus précisément par «Comment pouvez-vous, même maintenant, ne pas comprendre quel bordel vous avez semé?»
Les mots sont importants : ce n’est pas comme ça qu’on parle à une
superpuissance devant une Assemblée des dirigeants mondiaux ; mais c’est
comme ça qu’on passe un savon à un enfant stupide et capricieux. Cela a
donné à l’Empire un air plutôt stupide aux yeux du monde entier.
La Russie a ensuite annoncé le début de sa campagne de bombardement
contre toutes les sortes de terroristes en Syrie (et peut-être en Irak
aussi, la demande irakienne est dans la boite mail de Poutine). Ce qui
est remarquable au sujet de cette campagne de bombardement, c’est
qu’elle est tout à fait légale. Le gouvernement légitime élu de la Syrie
a demandé de l’aide à la Russie ; la campagne a été approuvée par le
législateur russe. En face, la campagne de bombardement que les
États-Unis ont mené en Syrie est, elle, totalement illégale. Il n’y a
que deux façons de bombarder légalement le territoire d’un autre pays :
- une invitation du gouvernement de ce pays
- une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Les États-Unis n’ont obtenu aucune des deux.
Pourquoi est-ce important? Parce que l’ONU, et son Conseil de
sécurité, ont été institués pour éviter la guerre, en rendant difficile
pour les nations d’entrer en conflit militairement sans subir toutes
sortes de répercussions économiques et politiques internationales. Après
la Seconde Guerre mondiale, on pensait que les guerres étaient plutôt
une chose désagréable et qu’il fallait agir pour les empêcher. Mais les
États-Unis estiment tout cela inutile. Quand un correspondant russe
(Gayane Chichakyan de RussiaToday) a demandé au porte-parole de
la Maison Blanche en vertu de quelle autorité juridique les États-Unis
ont bombardé la Syrie, il a d’abord fait semblant de ne pas comprendre
la question, puis a balbutié avec incohérence, l’air plutôt ridicule.
Vous voyez, les États-Unis aiment faire la guerre (ou plutôt, les
sous-traitants privés aiment la guerre, parce que c’est ainsi qu’ils se
font de l’argent avec lequel ils finissent par avoir à leur
botte une grande partie du gouvernement américain). Mais les États-Unis
ne peuvent pas gagner de guerres, ce qui rend tous leurs efforts
criminels plutôt stupides.
En dépit des réticences américaines, l’ONU, dans les faits, empêche
les guerres. Récemment, elle a empêché les États-Unis de réaliser une «frappe limitée contre le régime Assad en réponse à l’utilisation éhontée d’armes chimiques»
(c’est ce qu’a déclaré M. Obama lors de son discours à l’ONU). Cela a
été facilité par un jeu habile de la diplomatie russe, dans le cadre
duquel la Syrie a volontairement renoncé à ses stocks d’armes chimiques.
Sans se laisser décourager par la diplomatie, les États-Unis ont
balancé une paire de missiles de croisière vaguement en direction de la
Syrie, mais les Russes les ont rapidement détruits en vol, déclenchant
une refonte majeure de la doctrine du Pentagone et, bien sûr, laissant
les États-Unis plutôt ridicules, une fois de plus.
Mais une fois que vous vous êtes vous-même ridiculisé, pourquoi
vous arrêter? En effet, Obama n’en montre pas du tout l’intention.
Lors de l’audience de l’Assemblée générale de l’ONU, il savait que
l’attaque chimique par le gouvernement syrien contre son propre peuple
n’avait jamais eu lieu. Les produits chimiques ont été fournis par les
Saoudiens et ont été involontairement utilisés par les rebelles syriens
sur eux-mêmes. Mentir, quand tout le monde sait que vous mentez, et
savoir que vous savez que vous mentez : qu’est ce qui pourrait, là
encore, être plus stupide ?
OK, et que penser de la rhétorique continue sur la liberté et la démocratie
au Moyen-Orient, après avoir jeté toute la région dans le chaos au
travers d’interventions dignes d’un cerveau cliniquement mort? La seule
voix de la raison aux États-Unis semble être celle de Donald Trump, qui a
récemment déclaré que le Moyen-Orient était plus stable sous Saddam
Hussein, Mouammar Kadhafi et Bachar al-Assad. En effet, il l’était. Le
fait que le seul politicien non stupide qui reste aux États-Unis est ce
Trump, cette outre bourrée de fric, pompeuse et bavarde, donne une bonne
idée de la bêtise du pays dans son ensemble.
Jacasser à propos de la liberté et la démocratie au
Moyen-Orient est également stupide car toute la région est tribale, elle
l’est depuis quelques milliers d’années, et elle le sera encore pour
les quelques milliers d’années à venir. Dans chaque localité, une tribu
domine. Si l’idée est de découper le territoire en unités souveraines
(dont aucune ne se définit en tant que nation, parce que chacune finira
par être multinationale), alors chaque unité territoriale finira par
être gouvernée par une tribu dont les autres se plaindront. Il suffira
d’exploiter leur grogne pour provoquer un changement de régime, et toute la zone brûlera toujours un peu plus.
Un exemple, Israël : c’est la tribu dominante – les juifs – et ils
peuvent tirer sur des gens ou les bombarder en toute impunité. Ce pays
est considéré comme démocratique parce que les juifs ont le
droit de voter, ce qui est très bien pour eux. Les alaouites en Syrie
ont le droit de voter aussi et ils votent pour Bachar al-Assad ; alors
pourquoi n’est-ce pas assez bien pour eux aussi? En raison de
l’hypocrisie américaine et des doubles standards.
C’est comme ça sur toute la ligne. L’Arabie saoudite est possédée par
une tribu – la Maison des Saoud – et tous les autres y sont privés de
leurs droits. L’Irak a été gouverné par les sunnites de la tribu de
Saddam Hussein, mais les Américains les ont délogés, et maintenant ce
qu’il en reste est gouverné par les chiites du sud du pays, tandis que
les sunnites se sont enfuis et ont rejoint ISIS. Tout cela peut sembler
super-simple, mais pas pour les Américains, parce que cela va à
l’encontre de leur idéologie, qui dicte que le monde doit être refait à
l’image de l’Amérique. Et ils continuent à essayer de le faire (ou à
faire semblant d’essayer, parce que les résultats ne comptent pas pour
autant que les sous-traitants de l’armée soient payés) et ils ne
semblent pas se soucier du tout que cela les rend encore plus stupides.
Voici le modèle typique : les USA bombardent un pays jusqu’à le
pulvériser, puis montent une invasion terrestre, mettent en place un
régime fantoche et rapidement ou pas, se retirent. Le régime fantoche
tombe en morceaux, et vous obtenez soit un chaos incontrôlable soit une
nouvelle forme particulièrement mauvaise de dictature, soit un
mélange de tout ça : un État défaillant, comme la Libye et le Yémen, et
une grande partie de l’Afghanistan, de l’Irak et de la Syrie. Peu
importe le résultat (aussi longtemps que les contractants de l’armée
passent à la caisse) parce que la devise de l’Amérique semble être : «Ayons l’air ridicule et continuons». Ce pays est une épave en route pour la prochaine campagne de bombardement.
Mais c’est là que l’on atteint l’au-delà du stupide : en Syrie, ils
ne peuvent même pas atteindre leur objectif. Les Américains ont bombardé
ISIS/Daech pendant un an. Pendant ce temps, ISIS est devenu plus fort et a
occupé plus de territoires. Mais ils n’ont pas pu renverser Assad ; à la
place, les gars d’ISIS se divertissaient en caracolant dans le désert
en 4×4 dernier modèle, vêtus de haillons à tête noire avec des baskets
blanches, prenant des selfies avec leur iPhone 6S dernier cri,
détruisant des sites archéologiques, asservissant les femmes et
décapitant ceux qu’ils n’aimaient pas.
Mais maintenant, il semble que les Russes ont réalisé en cinq jours
de bombardements ce que les Américains n’ont pas pu faire en un an et
les gars d’ISIS fuient vers la Jordanie ; d’autres veulent aller en
Allemagne et demander l’asile. Cela a mis les Américains en colère,
parce que, voyez-vous, les Russes bombardaient leurs terroristes [les terroristes modérés, NdT] ceux
que les Américains avaient recrutés, armés et entraînés… puis
bombardés.
Je sais, c’est assez stupide, mais c’est ainsi. Les Russes ne font rien de tout cela, parce que leur approche est que si ça ressemble à un terroriste et cancane comme un terroriste, alors c’est un terroriste, et on le bombarde.
Je sais, c’est assez stupide, mais c’est ainsi. Les Russes ne font rien de tout cela, parce que leur approche est que si ça ressemble à un terroriste et cancane comme un terroriste, alors c’est un terroriste, et on le bombarde.
Mais il est compréhensible que cette approche soit impopulaire auprès
des Américains : jusqu’ici, ils fournissaient généreusement le champ de
bataille en armes et en équipements, et il bombardaient soigneusement à
côté afin de ne pas faire sauter tout ça; et les Russes n’ont pas fait
gaffe et ont tout fait sauter! Les Saoudiens sont absolument livides,
parce que ce sont eux qui ont payé pour ces armes. De plus, les
terroristes sont leurs propres frères, des wahhabites takfiri, ceux qui
aiment à déclarer aux autres musulmans qu’ils ne les aiment pas car ce
sont des infidèles, en violation directe de leur propre loi de la
charia. Cela vous rappelle quelqu’un? Quelqu’un de stupide?
Mais il ne semble pas que les États-Unis puissent faire quoique ce
soit pour arrêter les Russes ou les Chinois qui veulent aussi obtenir
une part d’ISIS à empailler, ou les Iraniens et les combattants du
Hezbollah, qui sont prêts à marcher sur eux pour nettoyer ce qu’il en
restera une fois que les missions de bombardement auront détruit tout le
matériel de guerre qui avait été amassé. Et il est donc maintenant
temps pour les Américains de commencer une guerre de l’information en
accusant les Russes de causer des victimes civiles.
Bien sûr, étant Américains, ils doivent poursuivre cette guerre de
l’information de la plus sotte des façons possibles. D’abord, ils vont
vous débiter des réclamations sur des victimes civiles frappées avant que les Russes ne fassent une seule sortie.
Oups! Ensuite, ils vont farcir les médias sociaux avec de fausses
photos d’enfants blessés produites au préalable par des acteurs en
casques blancs payés par George Soros. Et puis, quand on demandera des
preuves, ils refuserons d’en fournir.
Jusqu’ici tout va bien, mais on peut faire mieux, soyons encore plus
stupides. Immédiatement après avoir crié haut et fort que les Russes
tuaient des victimes civiles, les Américains ont fait sauter un hôpital
en Afghanistan qui était géré par Médecins Sans Frontières, bien qu’ils
aient été informés de sa localisation à la fois avant et pendant le
bombardement. «Ne tuez pas des civils… de cette façon!»
Pourrait-on imaginer chose plus stupide? Bien sûr qu’on peut : les
États-Unis ont commencé à mentir sans complexe, même pris la main dans
le sac: «Il y avait des combattants talibans se cachant dans cet hôpital !» – Non, il n’y en avait pas. «Les Afghans nous ont dit de bombarder l’hôpital !»
– Non, ils ne l’ont pas dit. Bombarder l’hôpital est un vrai crime de
guerre, dit l’ONU. Et ce sont les Russes qui vont maintenant être
accusés d’être des criminels de guerre? Ne soyez pas [trop] stupides !
C’est vraiment difficile à dire, mais tout paraît possible désormais.
Par exemple, les États-Unis ne semblent plus avoir de politique
étrangère : la Maison Blanche dit une chose, le Département d’État une
autre, le Pentagone une troisième, Samantha Power à l’ONU poursuit une
politique étrangère de son propre chef en utilisant Twitter, et le
sénateur John McCain veut armer les rebelles syriens pour abattre les avions russes. Armer les cinq qui n’ont pas rejoint ISIS ? [Ceux de la 30e division, NdT]. Voyons John,
ne sois pas stupide ! En réponse à toute cette confusion, les
marionnettes politiques de l’Amérique dans l’Union européenne commencent
à être prises de convulsions et sortent du script, parce que le centre
névralgique à Washington ne leur envoie plus de signaux clairs.
Comment tout cela va-t-il se terminer ? Eh bien, puisque nous
devenons tous stupides, laissez-moi faire une humble suggestion : les
États-Unis devraient bombarder tout ce qui bouge à l’intérieur de la
Beltway [le périph de Washington DC, NdT], plus quelques comtés de Virginie [Langley, siège de la CIA, NdT].
Cela devrait dégrader de manière significative la capacité du pays à
être extrêmement stupide. Même si cela ne fonctionne pas – et alors ?
Après tout, il est clair que les résultats ne comptent pas. Tant que les
contractants privés de l’armée sont payés, c’est tout bon.
Dmitry Orlov