L’UE ne l’a pas encore compris et encore moins Mme Merkel
convaincue qu’Ankara prendrait mieux soin des réfugiés en échange d’une
aide de 3 milliards d’euros et d’une entrée, envisagée depuis longue
date mais constamment repoussée, dans l’espace unioniste. C’est dire que
la Turquie a vraiment toute sa place au sein de l’Europe occidentale !
Comment ne pas y inviter un État en voie d’islamisation rampante,
soutien parfait des djihadistes de tous bords, qui n’a pas tellement
changé depuis le massacre des Arméniens vu avec quelle facilité il
s’applique aujourd’hui à massacrer les Kurdes parce qu’ils combattent,
de un, Daesh, de deux, parce que le méchant Assad promettrait
l’indépendance aux Kurdes syriens en cas de victoire du baasisme et que,
dans un élan naturel, ce désir d’autonomie gagnerait l’ensemble du
monde kurde ? Désolée de broder des phrases à la Proust, mais des
virgules en grand nombre, il en faut bien pour illustrer le degré de
compatibilité de l’univers civilisationnel turc avec l’univers
civilisationnel européen !
En termes plus directs, n’en pouvant
plus des débordements migratoires dont elle est l’objet depuis des mois
déjà, l’Europe bruxelloise entend acheter la connivence d’un Etat en
très grande partie responsable, en tout cas sur le terrain, de ces mêmes
débordements, pourvu que celui-ci accepte d’y mettre un terme ou du
moins d’alléger le triste sort des pays concernés. Dans le même ordre
d’idée, M. Hollande semble reconnaître que les bonnes grâces d’Ankara
pourraient coûter bien cher dans la mesure où elles pourraient servir de
prétexte à la libéralisation du régime des visas avec la France, en
conséquence de quoi nous verrions passer la frontière des éléments assez
peu fréquentables (enfin, encore plus d’islamistes pour clarifier les
euphémismes du Président français). Je me demande si les apprentis
sorciers de Bruxelles n’ont pas perdu la raison : s’il est vrai qu’une
libéralisation du régime des visas est à craindre, qu’en serait-il en
cas d’adhésion de la Turquie à l’UE ? Au lieu de régler le problème en
remontant à sa source, les Hollande et Merkel préfèrent pactiser avec
Erdogan, lui-même subissant la pression des States, d’un côté –
suspension du Turkish Stream et manipulations américaines autour du
dossier kurde – de l’autre, conscient de la dépendance gazière de son
pays de la Russie qui tout en rasant les positions de Daesh et d’autres
groupes islamistes actifs dans la région, s’évertue néanmoins à garder
un certain équilibre dans ses relations diplomatiques avec la Turquie
(voir prestation du 19.10 de Maria Zakharova, porte-parole du MID, dans
laquelle elle dit que le Kremlin n’a « aucun problème avec la Turquie »
malgré « quelques divergences cruciales liées à la divergence des
intérêts régionaux des deux Etats »). Cette relation hyper fragile quoi
qu’on en dise mais nécessaire sur un plan tant gazier que stratégique,
la solution pour la Syrie passant par une entente accessoire avec
Ankara, n’est pas faite pour plaire à Washington qui a joué le coup du
drone russe ( ?) envoyé depuis la Syrie et abattu dans l’espace aérien
turc.
Très clairement, l’interaction Turquie/ US / nébuleuse islamiste/
Russie est d’une telle complexité que l’UE risquerait fort à mettre les
doigts dans l’engrenage sachant que la Turquie, primo, soutient le
Califat qui a des vues sur l’Europe, deuzio, que les USA ne renonceront
jamais à leur stratégie d’affaiblissement de l’UE. Qui finance les
passeurs ? Comment se fait-il que l’ex-ambassadaur américain à Paris, M.
Rivkin, ait été très engagé dans le soutien des minorités ethniques et
confessionnelles en France au point de dresser un rapport détaillé
intitulé « Embassy Paris – Minority engagment strategy » dans lequel il
regrette l’intolérance à son sens anti-républicaine du peuple français ?
Nous revenons donc à la case départ : une entente de l’UE avec la
Turquie telle qu’elle est envisagée par les technocrates de Bruxelles ne
portera jamais les fruits attendus. C’est un piège. Une impasse.
Ignorerait-on le rôle véritable de la Turquie en 2007 lors du Congrès
constitutif anti-impérialiste organisé par la CIA à Ternopol, un Congrès
fort sympathique qui a rassemblé toutes les engeances néo-nazies et
salafistes connues en Europe ? Tout un beau monde démocratique s’y était
joyeusement entassé, de l’Emir autoproclamé du Caucase, M. Oumarov, au
chef de fil des bandéristes pro-Maïdan alors futur secrétaire adjoint du
Conseil de Sécurité nationale d’Ukraine, M. Iarosh. C’est sans oublier
un autre personnage remarquable quoiqu’assez ignoré des médias
occidentaux, descendant spirituel des Tatars de Crimée collabos
pro-nazis, grand ami de Sakharov dans les années 60, un certain Moustafa
Djemilev qui lors du Congrès mondial des Tatars d’Ankara qu’il a
présidé en 2015 a appelé à la création d’une brigade internationale
islamiste en Crimée soutenue manu militari par les milices bandéristes
et biberonnée par la CIA. C’est le même qui avait appelé M. Davutoglu à
boycotter les résultats du référendum criméen de mars 2014 et le même
qui via le renseignement turc contribua à l’acheminement place Maïdan de
jeunes combattants salafistes tatars de retour de Syrie.
Si l’UE
trouve possible de collaborer avec le triangle infernal CIA/
bandéristes/ salafistes, autant reconnaître que le chapitre est clos. A
moins que Paris et Berlin ne soient davantage impressionnés par la
surabondance de camps d’entraînement de Daesh et d’al-Qaïda (les modérés
d’al-Nosra en Syrie) à la frontière turco-syrienne, fait de nouveau
confirmé par le mécontentement de la Chine qui prétend, sans doute suite
à la consommation de champignons hallucinogènes, que la Turquie
entraînerait ses minorités ouïghours intégrées à Daesh. En outre, il est
actuellement établi que des milices takfiries ont reçu des soins
médicaux à l’hôpital de Sauliurfa, fait initialement rapporté en été
2015 par une jeune infirmière alaouite engagée par mégarde puis confirmé
aussi bien par la chaîne iranienne internationale PressTV que plus indirectement par le quotidien national turc Zaman. L’hôpital en question est supervisé par la fille d’Erdogan.
Tous
ces éléments sont certes bien connus mais la manière dont je les ai
compilés permet de dresser un tableau d’ensemble en harmonie totale avec
les aspirations humanistes de Bruxelles. Après tout, pourquoi pas
sachant que les Frères musulmans ont pignon sur rue en Europe
occidentale alors que l’organisation est interdite en tant que
terroriste dans un pays musulman comme l’Egypte ?
Il semblerait
que Bruxelles, manipulé de l’Outre-Atlantique, ait définitivement fait
son choix d’orientation. Il consiste au mieux à appliquer un cautère sur
une jambe de bois, au pire, à livrer les pays membres de l’UE à
l’islamo-nazisme. Kiev n’a été en ce sens qu’un galop d’essai. Un
terrain d’entraînement comme le furent antérieurement l’Afghanistan et
la Yougoslavie aujourd’hui disparue à travers l’instrumentalisation de
l’islamisme aux frontières des ex-républiques soviétiques et au coeur du
monde slave. Si le choix de Bruxelles avait été différent ou s’il
n’avait pas été conditionné par ceux qui ont enfermé l’Europe des
nations souveraines dans le carcan unioniste, sans doute verrions-nous
apparaître une Coalition russo-européenne (sans les USA !!!) encore plus
efficace que la Coalition russo-irano-irako-syrienne qui au juste mot
de l’islamologue Bassam Tahhan contribue non seulement au rapprochement
historiquement difficile du chiisme avec le sunnisme mais contribue
aussi à ressouder les débris du monde sunnite la stratégie
néo-conservatrice du chaos détruisant le sunnisme et de façon plus
générale l’islam de l’intérieur. Mme Merkel a certes reconnu qu’il n’y
avait pas de solution diplomatique en Syrie sans la Russie. Mais au-delà
des mots ?
Françoise Compoint
source: http://novorossia.today/flirter-avec-la-turquie-porte-malheur-mais-l-ue-ne-l-a-pas-encore-compris/VOIR AUSSI :