La première
semaine de l’engagement des forces aériennes russes contre État islamique en
Syrie est déjà derrière nous. Et la première chose qui saute aux yeux est
l’efficacité dont l’aviation russe a fait preuve au combat. On pourrait dire
que la Russie a commencé à se battre sans préparation ou, comme l’on dit dans
la Navy, au pied levé. Mais même les premières sorties des avions russes sur
les positions de État islamique ont montré qu’ils n’y allaient pas sur une
décision soudaine du Kremlin, prise sous la pression des événements.
L’intervention russe en Syrie a été mise au point depuis un moment, au plus
tard au début de l’été, et de nombreux indices nous le prouvent.
Tout d’abord,
l’impact des frappes russes.
Tirer en plein dans la cible
Dès le
premier jour – comptons du 30 septembre, 15:00 au 1er octobre, 15:00
– 28 sorties ont été menées, dont 8 sorties nocturnes. Résultat : au moins
12 des cibles visées ont été totalement détruites. Compte tenu que plusieurs de
ces sorties étaient des reconnaissances et du soutien, visant à couvrir les
groupes d’assaut, nous constatons une efficacité rare dans l’aviation
moderne. Et ce qui est remarquable, c’est que les Russes n’ont eu aucune perte.
Pas même une rayure sur la peinture de leurs avions.
Ces derniers
jours, les frappes ont continué à être aussi efficaces, et les Russes n’ont
toujours pas enregistré la moindre perte. Or les unités de État islamique, qui
aujourd’hui sont devenues une véritable armée grâce à l’aide et au soutien
américain, ont des équipements sol-air plutôt efficaces, pris sur l’armée
irakienne.
Tirer, mais surtout ne pas faire de mal
Comme l’on
dit : tout est relatif. La Russie n’a pas commencé la guerre en Syrie,
d’autres s’en sont bien chargés, ceux-là même qui ont lancé des opérations
aériennes contre État islamique (mis hors-la-loi en Russie sur décision de la
Cour suprême). Et quel a été le résultat ?
La coalition
anti-terroriste menée par les États-Unis, qui comprenait également Bahreïn, la
Jordanie, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite [en tout 62 pays !,
NdT], a attaqué les positions d’État islamique durant toute une année.
Coïncidence à noter, la coalition a lancé sa première frappe aérienne fin
septembre… 2014.
Pendant tout
ce temps, selon un rapport du Pentagone, la coalition a réalisé plus de
2 000 sorties, surtout en Irak. Au prix d’énormes efforts, la coalition a
réussi à chasser les militants d’État islamique hors de Bagdad, militants qui
étaient séparés de leurs avant-gardes de 300 kilomètres environ, et a récupéré
à peu près le tiers du territoire irakien capturé par les terroristes.
Pendant
cette période, les pertes d’État islamique sont estimées au mieux à 20 000
personnes et une centaine de chars, de canons auto-portés et de véhicules
blindés divers. En gros, pas plus de 2 soldats tués et 0,05 véhicules de combat
détruits par sortie. Et chaque sortie ne coûte pas moins de
50 000 dollars. Aucun objectif significatif pour les terroristes n’a
été détruit, et pas un de leurs chefs n’a été touché.
Un monde de contrastes : les cinq différences
Alors, où
est la différence ? Pourquoi les actions de la coalition, menées par la
première armée du monde, dont la force la plus importante est justement
l’aviation, ont-elle été si peu efficaces ?
1. – Les
États-Unis ont négocié la mise sur pied de cette coalition anti-terroriste
depuis longtemps avec leurs futurs alliés.
Il y a eu
beaucoup de rhétorique, une propagande massive, et l’encre des documents
officiels était à peine sèche que les actions commençaient. Dès les premières
heures, il était devenu clair que les forces coalisées n’avaient aucun plan
détaillé d’opérations, étaient très mal coordonnées, et plus important encore,
n’avaient qu’une vague idée de ce qu’elles affrontaient.
Ce pari a
été tenu plus pour des raisons psychologiques, l’idée étant de démoraliser les
combattants d’État islamique, mais pas de leur causer des pertes importantes.
Résultat d’un renseignement insuffisant, l’essentiel des frappes coalisées a eu
lieu sur de petites cibles, insignifiantes, qui ont même été manquées dans
certains cas. Ce sont les civils qui ont trinqué.
Et la
propagande habituelle des États-Unis et de leurs alliés continue. Un exemple :
le 3 octobre, une frappe chirurgicale [sur un hôpital, humour
noir ?, NdT] de l’Otan en Afghanistan a détruit l’hôpital de Médecins
Sans Frontières, près de Kunduz.
La
destruction, par un drone américain, de deux bulldozers appartenant de toute
évidence aux troupes d’État islamique est considérée comme un succès.
L’armée russe a longuement et soigneusement préparé son intervention, se
concentrant avant tout sur le côté militaire plutôt que sur la politique et la
propagande.
Cela
concerne d’abord les activités de renseignement. La Russie a élargi ses
contacts militaires avec ses alliés, a créé un vaste réseau de renseignement,
comme on a pu le comprendre d’après la précision et l’efficacité de ses
frappes. Bien avant le début de leur intervention, les forces russes et leurs
alliés ont établi une liste de cibles, classées par ordre d’importance, de
priorités et d’effets négatifs possibles sur les militants d’État islamique.
Avec, comme but, leur éradication.
2. – Si vous
examinez la tactique de l’armée américaine depuis l’opération Tempête du
Désert, vous ne verrez pas beaucoup de changements. Les Américains continuent à
tout miser sur des frappes aériennes massives, lancées à distance de sécurité,
souvent sans même entrer dans la zone couverte par les défenses anti-aériennes
de l’ennemi, grâce à l’emploi de coûteuses munitions de précision.
Récemment, on a beaucoup parlé de la guerre des drones. Les deux n’ont qu’une
faible efficacité et entraînent de fréquentes erreurs dans l’identification des
cibles.
Mêmes
remarques, pour les nouveaux équipements et les nouvelles armes. Le choix
d’envoyer des armes magiques – le F-22 Raptor et le F-35 Lightning II – n’est
pas justifié. D’un coût extrêmement élevé en développement et en opérations,
ces avions sont nus et incomplets. De plus, ils sont prévus pour
affronter une armée ennemie équivalente, et non des groupes de terroristes.
Pour ces systèmes d’armes, il n’y a tout simplement pas de cibles en opérations
anti-terroristes.
Plus
précisément, si, il y a une cible, mais il faut la chercher, cette cible n’est
pas sur le champ de bataille. Nous y reviendrons. En fait la coalition combat
avec les armes et la technologie des années 1970. Les Américains et leurs
alliés ont échoué à s’adapter aux tactiques des terroristes, et ils espèrent
bien confier la guerre à d’autres.
En entrant
pour la seconde fois en Irak, avec une continuité maniaque, les Américains
ont refait les mêmes erreurs que la première fois, erreurs qu’ils répètent
aussi en Afghanistan. Et toujours, ils nous resservent les mêmes tactiques en
Irak, en Libye et en Syrie, ils ratissent. L’armée russe, elle, a montré
combien elle pouvait apprendre vite des campagnes du passé, et qu’elle pouvait
en tirer les conclusions qui s’imposent.
Rappelons-nous
seulement la guerre d’août 2008 en Ossétie du Sud. Les Russes avaient perdu six
avions : trois Su-25, deux Su-24 et un Tu-22M3. Si le Su-25 est un avion
d’attaque au sol, qui vole au-dessous de Mach-1 et opère à des altitudes
basses, ce qui le rend très vulnérable, le Su-24 et le Tu-22 sont des
bombardiers supersoniques, avec tout ce qu’il faut pour venir à bout des
défenses sol-air de l’ennemi. Pour seulement cinq jours de combats,
de telles pertes sont tout simplement un désastre.
Désormais,
les forces aériennes russes, et notamment les forces aérospatiales, ont abordé
la question beaucoup plus sérieusement et ont réfléchi, non seulement à leurs
erreurs, mais aussi aux erreurs des partenaires occidentaux. Elles ont de
nouveaux avions, comme le bombardier d’appui aérien rapproché Su-34, le
Su-35 et le Su-25, qui ont été considérablement modifiés. Concernant les
toutes dernières munitions développées pour ces avions, l’accent n’est pas mis
sur la quantité de technologies coûteuses et dernier cri, mais sur l’efficacité
optimale, à un coût raisonnable et pour une adaptation aux guerres modernes de
basse intensité.
Ce sont ces
armes qui sont aujourd’hui au Moyen-Orient. De plus, l’armée russe a accordé
une attention particulière aux moyens de communication pour la guerre
électronique et le renseignement. Il y avait dans ce domaine des faiblesses qui
ont été relevées durant le conflit sud-ossète en 2008, quand les postes de
commandement communiquaient souvent entre eux par téléphone portable.
Maintenant, la possibilité qu’État islamique intercepte les communications
radio a été prise en compte dès la planification des sorties.
3. – La
coalition occidentale n’est pas très sensible au choix des objectifs, et se
préoccupe rarement de la question. Finalement, les pilotes tirent sur tout
ce qui bouge, essaient de se débarrasser rapidement de leurs munitions et de
ressortir au plus vite de la zone des combats sans faire de bavures. Les
pilotes n’aiment pas le risque, les analyses et le renseignement pour faire des
rapports de pertes. Et le Pentagone préfère suivre la ligne de moindre
résistance : pour écrire un rapport bien noté, il faut trouver une foule,
si possible en turbans, et mieux encore, hurlant «Allahou akbar», et frapper.
Les
terroristes, eux, sont totalement insensibles à de telles tactiques, et de
telles pertes d’une manière générale, et cela ne donne donc pas de résultats
tangibles. C’est ce que nous voyons, en pratique. Les Russes estiment avec
raison que poursuivre de simples soldats armés de fusils, comme le fait
l’aviation de la coalition, est stupide et vain. Ils ont choisi une autre
tactique – trouver les points faibles de l’armée d’État islamique. Comme
dans toute armée qui a les caractéristiques d’une force militaire organisée,
c’est l’infrastructure qui joue le rôle principal, dont dépendent la logistique,
le renseignement, les communications et la chaîne de commandement (ils sont,
soit dit en passant, de très haut niveau dans l’armée d’État islamique).
C’est
pourquoi les premières frappes ont été ciblées sur les bunkers de commandement,
les dépôts d’armes, les points de contact. En particulier, la fabrique
d’explosifs au nord de Homs a été un des premiers objectifs à être détruit,
puis un nœud de communications et un poste de commandement dans la même
province, ainsi qu’un parking où étaient regroupés des T-55 camouflés. Cela a
provoqué la panique et beaucoup plus de désertions dans les rangs des
terroristes.
Et
maintenant l’armée gouvernementale syrienne s’apprête à s’emparer de Palmyre,
toujours tenue par État islamique. Avant cela, les positions d’État islamique
ont été bombardées sans résultats par l’aviation coalisée pendant presque un
mois.
4. – Chaque
action de politique étrangère des États-Unis et de leurs alliés est précédée de
gesticulations spectaculaires à but publicitaire. Du coup, lorsque les
États-Unis se décident à y aller, même les Zoulous du KwaZoulou-Natal
connaissent leurs intentions.
C’est un
fait. La Russie n’a pas fait tout un spectacle de ses opérations militaires et
celles-ci n’ont pas été accompagnées de discours-fleuves au sujet de la menace
terroriste globale. C’est pourquoi la décision russe de lancer des frappes
aériennes sur les positions d’État islamique en Syrie a fait l’effet d’une
bombe.
Et ce, au
sens propre et au sens figuré. Le matin du 1er octobre, moins d’un
jour après le début de l’opération, les médias internationaux occidentaux ont
éructé un torrent d’indignations – l’exigence que la Russie arrête tout et
ne cible pas les malheureux terroristes modérés.
5. – Et
maintenant, le plus important pour la fin. Les forces de la coalition ne
veulent tout simplement pas mener une quelconque action décisive contre État
islamique, qu’elles ont suscité, ni contre les autres terroristes. La crise au
Moyen-Orient profite à la Russie. Notamment, parce qu’il est très important
pour elle de revenir dans la région en tant qu’acteur de premier plan. Le
moment et le lieu ont été choisis avec beaucoup de succès.
Oleg Denejka
Le 6 octobre
2015 – Source Fort Russ
http://lesakerfrancophone.net/coalition-vs-russie-en-syrie-le-jeu-des-cinq-erreurs/
Le bloc BAO et Daech : un coup j’te vois, un coup j’te vois pas
... Il est vrai que, durant cette année au cours de laquelle le bloc
BAO, flamboyants USA en tête, ont mené leur grande campagne contre Daesh,
les résultats, – d’une maigreur de grande famine, – ont été
extraordinaires d'insignifiance. On nous expliqua parfois que les
groupes terroristes étaient très difficiles à identifier, sinon même à
localiser, et tout le monde regretta grandement cette incroyable
habileté de l’État Islamique à se balader dans le désert comme si
c’était les Champs Elysées à l’heure de pointe ou le Sahara à l’heure
des vents du simoun levant des tempêtes de sable aveuglant même les
puissants radars et satellites.
Là-dessus, tout change. Le décompte que font l’OTAN, les USA &
consorts des objectifs attaqués par les Russes est au millimètre près,
et chacun parfaitement identifié comme s’il portait une affiche
gigantesque destinées aux observateurs du Ciel, avec son affiliation,
da marquedéposée, etc., en arabe et en anglais (et même en russe, c'est
dire). Ainsi, nos virtuoses BAO de l’identification sont capables de
vous dire combien de cible-Daesh ont attaqué les Russes (en nombre ridiculement bas) et combien de cibles-“terroristes sympas”, because
anti-Assad quoiqu’extrémistes comme vous et moi, ont attaqué les Russes
(en nombre monstrueusement élevé). Finian Cunningham s’interroge sur
cet autisme persistant du regard nébuleux suivi de l'oeil d’aigle
retrouvé et y trouve matière à suspicion (sur Strategic-Culture.org, le 11 octobre 2015). On ne peut pas le lui reprocher.
« After a year of bombing the Syrian desert with negligible
results in terms of defeating terror groups – as memorably noted by
Russian lawmaker Alexei Pushkov – all of a sudden the so-called
anti-terror coalition led by the United States seems to have discovered a
high degree of logistical precision. The US and its allies claim that
Russian air strikes, commencing on September 30, have failed to hit the
jihadis of Islamic State (IS, ISIS or ISIL), also known as Daesh.
Russia, according to Washington and the Western news media, has been
striking “moderate rebels” and civilians, and in the process shoring up
the “regime” of Syrian President Bashar al-Assad.
» There’s nothing amiss under international law about supporting
the sovereign government of Syria, as Russian President Vladimir Putin
has recently stipulated. So let’s kick that Western objection out first
of all. As for alleged civilian casualties, CNN, BBC, France 24 and so
on have so far not provided one report of funerals or hospital scenes,
to verify their earlier high-flown accusations. And this after more than
a week since the alleged Russian “atrocities” began. But what is
telling about the latest Western protests over Russia’s military
intervention is the apparent omniscient precision about who and where
the terror groups are.
» Washington officials and Jens Stoltenberg, the
secretary-general of the US-led NATO military alliance, this week
claimed that “over 90 per cent of Russian air strikes were not against
ISIS or Al Qaeda”. The US and NATO’s precise enumeration chimes with
that of Turkey’s Prime Minister Ahmet Davutoglu, who claimed that “only
two out of 57 Russian air strikes in Syria” hit IS targets. The question
that the supine Western media should be asking the NATO chief and his
Washington superiors is this: if you can so clearly quantify and
delineate the IS and Al Qaeda bases, then why has the US-led coalition
evidently been wasting 12 months bombing empty desert spaces instead of
degrading and defeating these groups, as vowed by US President Barack
Obama over a year ago?
» Since September 2014, the US and some 60 other allied nations,
including NATO members, as well as Saudi Arabia and Qatar, have been
bombing Syria and Iraq with the stated purpose of wiping out the IS
terror network. So far, more than 9,000 air strikes have been carried
out by the US-led coalition, but until Russia opened up its air campaign
more than a week ago, the IS and other jihadis had been steadily
growing in strength and territory – despite all that US-led air power
supposedly raining down on them.
» By contrast, Russia’s air strikes in Syria appear to have
achieved more in one week than Washington’s coalition has in more than
one year... »