Selon le témoignage mardi du secrétaire à la Défense Ashton
Carter, le Pentagone est en train de préparer une nouvelle escalade des
opérations militaires américaines en Irak et en Syrie, dont une « action
directe au sol. »
« Nous ne nous retiendrons pas de soutenir des
partenaires compétents lors d’attaques opportunistes contre l’Isil
[acronyme pour Etat islamique en Irak et en Syrie (Isis)] ou d’effectuer
directement de telles missions, soit par des frappes aériennes soit par
une action directe menée au sol, » a dit Carter au Comité des forces
armées du Sénat.
« Nous comptons intensifier notre campagne
aérienne, y compris avec des avions supplémentaires américains et de la
coalition afin de toucher l’Isil par un taux et une fréquence de frappes
supérieurs, » a dit Carter.
Faisant allusion à un raid mené la
semaine passée par les forces spéciales américaines et la milice kurde
pour secourir des otages détenus par l’Isis/Daech, Carter a dit, « Si notre
mission en Irak est d’entraîner, conseiller et assister nos partenaires
irakiens, dans des situations telles que cette opération – où nous
disposons de renseignements exploitables permettant d’engager une action
et des partenaires armés capables – nous voulons soutenir nos
partenaires. »
Dans ce cas, les « renseignements exploitables » se
sont révélés erronés, vu qu’aucun des otages kurdes recherchés ne se
trouvait sur le site et qu’un grand nombre des « secourus » se sont
avérés être des membres d’Isis/Daech détenus par une autre milice islamiste en tant
qu’espions présumés.
Carter a impliqué que les États-Unis ne
chercheraient pas à établir immédiatement une zone d’exclusion aérienne
en Syrie comme demandé par un grand nombre de gens au sein de l’establishment
politique et de l’appareil militaire et du renseignement, mais il a
confirmé qu’une telle décision était envisagée et, qu’en cas de mise en
œuvre, elle nécessiterait une occupation militaire sur le terrain.
« Nous n’avons pas de concept d’opération
pour une zone d’exclusion aérienne que nous serions prêts à recommander,
» a précisé Carter au comité. Mais il s’est dit plus tard prêt à
discuter à huis clos avec les sénateurs intéressés d’éventuels scénarios
de zone d’exclusion aérienne et a dit qu’une telle zone n’était « pas
rayée de l’ordre du jour. »
Selon le Washington Post, le
gouvernement Obama pourrait, dès cette semaine, autoriser les nouvelles
opérations au sol tant en Irak qu’en Syrie. Le projet en a été élaboré
sur plusieurs mois par des chefs militaires américains après une visite
hautement médiatisée d’Obama au Pentagone en juillet, selon ce journal.
Parmi
les opérations proposées par le Pentagone, il y a le projet
d’incorporer des équipes des forces spéciales américaines aux groupes
syriens et kurdes dans le nord de l’Irak et en Syrie en préparation aux
offensives terrestres soutenues par les États-Unis dans les deux
régions. « Ces changements représenteraient une escalade significative
du rôle joué par les États-Unis en Irak et en Syrie, » a indiqué le Washington Post.
Les déclarations de Carter et les informations du Post
constituent une répudiation sans équivoque de la promesse du
gouvernement Obama que les troupes américaines ne participeraient pas au
combat sur le terrain dans le cadre de l’opération Inherent Resolve, la
nouvelle intervention de l’armée américaine en Irak autorisée par la
Maison Blanche en juin 2014.
Dans les remarques faites mardi,
Carter a été clair, les dispositions ont été prises en grande partie en
réponse à l’intervention croissante de la Russie dans la région. Il a
reproché au gouvernement russe de « redoubler d’efforts dans les
relations de longue date qu’il entretient avec [le président syrien]
Assad, » et a mis en garde les sénateurs contre un renforcement de
l’influence russe et iranienne sur le régime mis en place par les États-Unis à Bagdad.
« Pour être franc, » a dit Carter, « [le premier ministre irakien] Abadi ne détermine pas entièrement ce qui se passe en Irak. »
Quant
aux membres du Comité des forces armées du Sénat des deux partis, ils
ont exprimé leur appui à des mesures agressives pour mettre en place des
forces sunnites et kurdes comme mandataires des Etats-Unis et rempart
contre un Irak dominé par la Russie et l’Iran.
Dans des propos repris ces dernières semaines par l’ensemble de l’establishment
politique américain, le sénateur républicain Joni Ernst a dit que les
peshmergas kurdes « sont de grands alliés pour nous, » et représentent «
l’unique force sur le terrain jouissant d’une certaine dynamique. »
Ces
louanges lancées aux milices kurdes au Sénat ne faisaient que souligner
l’énorme crise et les profondes contradictions qui pèsent sur
l’intervention américaine dans la région. L’audience au sénat avait lieu
le jour même où le gouvernement turc, allié de Washington à l’OTAN,
admettait avoir lancé des frappes contre les combattants kurdes soutenus
par les États-Unis dans le nord de la Syrie.
Selon le New York Times,
les groupes kurdes attaqués par la Turquie, dont des miliciens des
Unités de protection du peuple kurde (YPG) étaient « certains des alliés
les plus importants au sein de la coalition menée par les Etats-Unis en
Syrie. »
Les frappes turques qui incluaient des attaques contre
deux villes stratégiques le long de la frontière turco-syrienne, avaient
pour objectif d’influencer la situation militaire pour préparer
l’établissement de « zones d’exclusion aérienne » dans le nord de la
Syrie sous les auspices des forces terrestres et aériennes turques,
selon des observations mardi du premier ministre turc Ahmet Davutoglu.
«
Si l’YPG se déplace vers l’ouest de l’Euphrate, nous l’attaquerons, » a
dit le premier ministre turc lors d’une apparition à la télévision.
Les
frappes lancées mardi reflétaient « une nouvelle détermination de la
Turquie d’étendre les opérations militaires contre le groupe allié aux
Américain, » a écrit le Times.
Lors de conversations officieuses mentionnées par le Wall Street Journal,
des responsables du gouvernement Obama restés anonymes ont admis qu’une
partie au moins des quelque 50 tonnes d’aide militaire larguée par les
Etats-Unis dans le nord de la Syrie avait fini entre les mains de l’YPG
et d’autres groupes kurdes effectivement en guerre contre l’Etat turc.
« Le
renforcement de la coopération américaine avec l’YPG en Syrie ouvre la
voie à une réaction miliaire de la Turquie qui craint que des dirigeants
kurdes enhardis n’intensifient leurs demandes en faveur d’un Etat
indépendant dans les régions dominées par les Kurdes, à cheval sur des
zones faisant partie de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran,
» notait le Journal mardi.
Alors que des informations
faisaient état mardi d’une participation de l’Iran aux
pourparlers politiques engagés par les Etats-Unis et la Russie au sujet
de la Syrie, les Etats anti-iraniens du Golfe ont indiqué leur
disposition à lancer leurs propres incursions militaires contre du
gouvernement syrien.
Le ministre qatari des Affaires étrangères
avait dit la semaine passée à CNN que le Qatar était susceptible de
lancer une intervention militaire en Syrie, en collaboration éventuelle
avec la Turquie et l’Arabie saoudite, s’il fallait « protéger le peuple
syrien de la brutalité du régime. »
Le facteur le plus important à
pousser le Moyen-Orient dans un bain de sang et un chaos de plus en
plus grand est l’éruption volcanique du militarisme américain.
Washington a réagi à l’échec de sa politique au Moyen-Orient par une
escalade militaire de plus. Le président Obama, qu’on a vendu à
l’opinion publique américaine comme le candidat qui mettrait fin à la
guerre haïe en Irak, est en train d’expédier des troupes américaines
pour des opérations militaires sans limitation de durée, non seulement
en Afghanistan mais aussi en Irak et en Syrie.