Le dinar tunisien atteint son niveau le plus bas de
l’Histoire. Les experts économiques les plus chevronnés parlent
carrément de risque de faillite du pays et d’une année 2017 plus
dangereuse que 1986. La Banque centrale de Tunisie intervient de moins
en moins, car cela ne sert plus à rien.
Pendant ce temps-là, le Tunisien vit son ramadan avec sa
séance unique et prépare ses vacances estivales qui vont durer jusqu’au
mois de septembre…
Conséquence, la production est des plus basses et c’est là la source de 100% des maux du pays.
On en parle depuis 2011 et nous y arrivons à grands pas, la Tunisie frise la faillite. C’est l’expert économique Ezzedine Saïdane
qui lance le mot et aucun autre expert économique n’oserait le démentir
ni atténuer ses propos, car la réalité ne saurait être que pire.
Les chiffres sont têtus et la comparaison s’impose. L’euro s’échange
jeudi 9 juin 2016 à 2,433 dinars, soit le niveau le plus élevé de
l’Histoire. Le dollar américain s’échange pour sa part à 2,141 dinars,
soit également le niveau le plus élevé de l’Histoire. Il y a six ans, le
9 juin 2010, ils étaient respectivement à 1,83 dinar et 1,52 dinar. Il y
a cinq ans, le 9 juin 2011, ils étaient à respectivement 1,98 dinar et
1,36 dinar. Il y a un an, le 9 juin 2015, ils étaient à 2,17 dinars et
1,93 dinar.
La chute du dinar est perceptible et la Banque centrale de Tunisie
n’y peut rien. Chedly Ayari n’y peut absolument rien et il l’avoue dans
une déclaration donnée cette semaine à African Manager.
Cette chute aura une incidence directe sur l’inflation puisque le
Tunisien importe beaucoup plus que ce qu’il exporte et ceci est valable
en tout, aussi bien dans l’industrie, que le commerce et l’agriculture.
Ici aussi, les chiffres sont têtus.
Selon les chiffres de l’INS, la Tunisie a exporté pour les cinq
premiers mois de l’année 2016 pour 11,685 milliards de dinars et a
importé pour 16,820 milliards de dinars. Soit un taux de couverture de
69,5% contre 71,9% pour les cinq premiers mois de l’année 2015. Le
déficit commercial de la Tunisie est enregistré principalement dans nos
échanges avec l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et l’Algérie. Il y a en
revanche un excédent commercial avec la France et la Libye.
Cette chute du dinar et ce déficit commercial sont la conséquence
directe du manque de productivité [1]. Le Tunisien consomme beaucoup plus
que ce qu’il ne produit et il aggrave son cas l’été et la situation
empire au cours du mois de ramadan. Le Tunisien est une cigale et c’est
dans sa culture dont la principale caractéristique se manifeste par cet
horaire de séance unique qui touche tout le secteur public et un pan du
secteur privé.
L’exemple le plus significatif est celui des banques. Les guichets
ferment vers 12h30-13h00 au prétexte que c’est le mois de ramadan. Or le
coucher du soleil, synonyme de rupture du jeûne, est vers 19h45, ce qui
fait une improductivité de plus de six heures de temps que le Tunisien
passera entre la sieste, les courses (le plus souvent liées à la
bouffe), la cuisine et les loisirs (foot, télé, internet).
Pourtant, force est de constater que ce même Tunisien n’a pas de
problème à jeûner et à travailler toute la journée, quand il est à
l’étranger. Exemple parmi d’autres, la rupture du jeûne en France est
vers 21h55.
En clair, l’argument religieux brandi par les adeptes de la séance
unique n’est pas recevable. D’ailleurs, cet argument disparait avec
l’été où la séance unique se poursuit jusqu’au 30 août (elle durait
jusqu’au 15 septembre sous le gouvernement de la troïka 1).
La situation économique de la Tunisie et ce manque terrible de
production exigent pourtant de trouver des solutions immédiates et
courageuses afin d’en finir avec ce farniente de la séance unique qui
n’a plus de justification puisque la majorité des entreprises et des
administrations sont climatisées. A l’origine, la séance unique est née
parce qu’on a estimé (sous le protectorat français) que l’on ne peut pas
travailler par grandes chaleurs. C’était il y a un siècle !
L’Espagne, autre pays adepte de la sieste, a mis le holà au farniente légendaire des Méditerranéens. « La
journée était traditionnellement divisée en deux parties : le matin de
10h à 14h, et l’après-midi de 16h à 19h. Mais les horaires de travail
espagnols ressemblent de plus en plus à ceux des autres pays, avec des
entreprises opérationnelles de 9h à 16h, et de longues pauses-déjeuner
et des siestes de moins en moins courantes », lit-on dans un guide spécialisé.
Une révision des horaires est pourtant impérative pour sauver
l’économie de la Tunisie. Les journées peuvent démarrer tardivement
(permettant une grasse matinée relative pour compenser la fatigue des
veillées nocturnes) et finir à 16 heures, ce qui laisse du temps pour
vaquer à ses occupations familiales. Cela fera 35 heures de travail
durant la période ramadan-été, contre 32 heures actuellement, puisque la
présidence du gouvernement laisse les fonctionnaires partir à midi le
vendredi au prétexte de la prière hebdomadaire. Une prière qui ne
dépasse pas une heure de temps et qui est loin de concerner tout le
monde.
Du côté des entreprises privées, certaines ont franchi le Rubicon,
comme Poulina, Orange ou Ooredoo. Elles ont réussi à affronter les
tabous et à imposer des horaires sensés et assurant une productivité
suffisante à la hauteur (toute relative) des salaires dépensés. Idem
pour les PME et les usines. Restent les gros employeurs des grandes
entreprises qui comptent des milliers de salariés.
Les banques, freinées par des syndicats très forts et des traditions
sociales de quelques décennies, n’osent toujours pas adapter leurs
horaires à ceux des pays développés. Il faut dire qu’elles réussissent
malgré tout à dégager du beau bénéfice, donc elles ne voient pas
l’urgence de la chose.
Mais qu’on le veuille ou pas, c’est toujours l’administration qui
donne le la et, de ce côté, on reste frileux à tout changement radical.
La présidence du gouvernement n’a pas le courage d’affronter une
polémique liée de près ou de loin à une question religieuse ou sociale,
ni de prendre des décisions qui fâchent, quand bien même elles sont
vitales pour l’économie du pays.
JP Séréni : « La Tunisie se rapproche à grands pas d’une dangereuse impasse financière »
Jean-Pierre
Séréni, journaliste, ancien directeur du Nouvel Économiste et
ex-rédacteur en chef de l’Express, auteur de plusieurs ouvrages sur le
Maghreb, le Golfe, l’énergie, a consacré ce mardi 7 juin 2016 un
dossier, publié sur orientxxi, pour revenir sur la relation qu’entretient la Tunisie avec la Banque Mondiale.
Sereni a notamment évoqué le dernier programme d’appui financier
du Fond monétaire International au profit de la Tunisie. Un programme
qui prévoit un prêt de 3 milliards de dollars sur 48 mois.
Selon lui, la Tunisie est entrée dans la spirale de l’endettement. «
Les crédits du FMI ont été accompagnés de ceux – tout aussi généreux –
du groupe de la Banque mondiale, de l’Union européenne, des États-Unis,
du Japon, sans parler de très nombreuses et substantielles autres aides
bilatérales.
La contrepartie, moins glorieuse, est un endettement croissant du
pays et d’abord de l’État. En 2016, la dette extérieure, remboursable en
devises, atteint environ 30 milliards de dollars, soit 70% du PIB
(contre 48% en 2010), il faut rembourser 5 milliards de dinars (2,17
milliards d’euros) et l’année prochaine l’ardoise montera à 8 milliards
de dinars (3,4 milliards d’euros). » a-t-il expliqué.
Il a averti dans ce sens que la Tunisie « se rapproche à grands pas
d’une dangereuse impasse financière où les nouveaux emprunts serviront,
pour l’essentiel, à rembourser les anciens. »
Intitulé « La Tunisie livrée à ses faux amis du FMI », l’article
adoptant une approche analytique rigoureuse, a mis en garde les
décideurs de la Tunisie contre les solutions venues d’ailleurs, qui
seront imposées par ces grandes institutions financières, à savoir la
Banque Mondiale et le FMI.
Bourguiba,
du temps de sa splendeur, avait déclaré que le retard du monde musulman
était dû principalement au fait que, durant le mois de ramadan, le
musulman est improductif. Donc, depuis l'apparition de l'islam il y a 14
siècle, les musulmans ont perdu 1400 mois d'inactivité, totalisant plus
de 116 ans de retard sur les sociétés non
musulmanes. Il était loin du compte : car il ne décomptait ni les heures
de prière, ni le coût des pèlerinages à la Mecque, ni l'inactivité
forcée des femmes, ni les guerres de religion entre musulmans.
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