Shai
Masot a facilement endossé son rôle de « conseiller politique » à
l’ambassade israélienne de Londres. Mais ses méthodes machiavéliques
l’ont mené à sa perte. Shai
Masot s’est un jour défini comme quelqu’un d’ « ouvert » et totalement
engagé à faire le bien dans le monde, pour ensuite déclarer son
admiration envers Nicolas Machiavel, personnage tristement célèbre pour
promouvoir ruse et duplicité dans la conduite des affaires publiques,
avouant même qu’il le vénérait comme un « dieu ».
Shai Masot (capture d'écran) |
C’est sans doute
une contradiction révélatrice du caractère de l’ancien « conseiller
politique » à l’ambassade d’Israël à Londres. La vidéo diffusée samedi le montre en train de conspirer à « faire partir » Alan Duncan, député britannique et adversaire virulent des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie.
Seulement
voilà, il existe une notable différence entre Masot et son « dieu », et
elle est de taille : Machiavel ne s’est jamais laissé prendre la main
dans le sac. Masot, en pénitence de ses péchés, quittera bientôt le
Royaume-Uni, et si le gouvernement britannique considère le dossier
« clos », on peut s’attendre à l’avenir à des révélations plus
détaillées de ses manigances au sein de l’établissement politique
britannique.
Dans la déclaration où elle condamne les agissements
de Masot, l’ambassade israélienne a essayé de le faire passer pour un
employé sans grande importance. Dans la conversation filmée, Masot a
révélé certains détails de sa biographie, qui font apparaître sans
ambiguïté que ses fonctions sont tout sauf celles d’un obscur stagiaire à
cette ambassade.
Il est évident que de gros efforts ont été
déployés pour limiter les dégâts : une grande partie de sa présence en
ligne a été effacée – son profil Twitter n’est plus public et il est
impossible de retrouver la moindre de ses pages Facebook – et pourtant
on a un aperçu de sa psychologie en consultant son profil de
« couch-surfer » (voyageurs se faisant héberger par des hôtes inscrit
sur les sites ad hoc), publié en 2013 et qui était lui aussi public, avant son retrait samedi.
« Je
m’intéresse aux relations internationales et à la politique, cela fait
dix ans que je travaille dans le domaine et j’ai l’intention
d’approfondir la question à l’avenir. Je suis quelqu’un de spontané,
philosophe, ouvert, j’apprécie les gens bons et cherche à faire le bien
dans le monde.
« Philosophie : nous réussissons tous mieux quand
nous travaillons ensemble. Nos différences importent, certes, mais ce
qui prime c’est notre humanité commune.
« Livres : Nicolas Machiavel est mon dieu ! »
On
sait que Masot a servi dans la marine pendant huit ans, pour se hisser
au grade de commandant. On le voit en 2013 en photo sur le site internet
du COGAT, un bureau sous la direction du ministère israélien de la
Défense, chargé de "l’application de la politique gouvernementale en
Judée et Samarie [Cisjordanie] et dans la bande de Gaza ".
Masot a
été photographié faisant faire le tour du propriétaire à des dignitaires
africains visitant la clôture autour du périmètre de Gaza. Il arbore
les insignes d’un capitaine de la marine israélienne (appelé « seren »).
Photo de Shai Masot sur le site internet du Cogat en 2013 |
Lors
de la discussion filmée clandestinement, on entend Masot prétendre
avoir obtenu un master en Relations internationales et avoir ensuite
travaillé pendant deux ans pour le ministère israélien de la Défense.
Quelque
temps après sa promotion au grade de commandant, Masot s’est essayé à
la diplomatie, et a visiblement déménagé à Londres, après la création de
son profil de « couch-surfer ». Il a officiellement travaillé pour le
ministère des Affaires stratégiques, au cœur du système créé par
Netanyahou pour lutter contre le mouvement « boycott, désinvestissement
et sanctions », que Netanyahou a qualifié de menace sur les intérêts
vitaux de l’État.
Voici comment il parle de son travail à ce
nouveau ministère : « Le poste qu’ils m’ont proposé impliquait d’assurer
la liaison entre les communautés internationales du monde entier ».
Bien
qu’on l’entende sur le film avouer qu’il n’est pas « diplomate de
carrière », Masot s’est rapidement intégré dans les cercles de tous les
partis politiques britanniques importants.
En novembre 2015, il a
participé à diverses rencontres, dont des pourparlers en qualité de
« diplomate » et « de responsable politique », en compagnie des membres
du Forum musulman conservateur (affilié aux Frères Musulmans). Participait aussi Eitan Naeh, chargée
d’affaires à l’ambassade israélienne de l’époque, où il exerçait ses
fonctions au nom d’un futur nouvel ambassadeur.
Le même mois, on le voit en présence de membres des Amis des démocrates libéraux d’Israël.
En
juillet l’an dernier, et suite à la nomination de Mark Regev aux plus
hautes responsabilités de l’ambassade, Masot figurait sur plusieurs
photos d’une autre réunion du Forum musulman conservateur, cette fois-ci
en qualité de « haut-conseiller politique ».
Il figurait aussi aux côtés de Regev, lors d’une réunion de la conférence du Parti travailliste de l’an dernier.
Or,
ce sont ses relations avec Maria Strizzolo, ancienne assistante
parlementaire du député conservateur Robert Halfon et leurs
conversations prévoyant de « faire partir » certains députés
britanniques, qui l’ont conduit à sa perte.
Chute
La carrière diplomatique de Masot s’est donc conclue abruptement, et ses anciens partisans se mettent aux abris.
Au journal The Guardian,
Strizzolo a expliqué : « Shai Masot est un ami et nos relations ne sont
pas professionnelles. Il n’est pas quelqu’un avec qui j’ai déjà
travaillé ou conclu quelque accord politique que ce soit au-delà de nos
bavardages politiques, comme le font des millions de gens, quand ils
sont en société. »
Un peu plus tard, elle a démissionné de son poste au ministère de britannique de l’Éducation qu’elle occupait depuis peu.
Regev
et l’ambassade israélienne se sont aussi distanciés de Masot. Il
n’était pas un « conseiller politique » comme lui-même et d’autres ont
pu l’affirmer – mais un « membre subalterne » du personnel.
« Ces
propos ont été tenus par un employé d’ambassade subalterne, qui ne
saurait se prétendre diplomate israélien », a déclaré l’ambassade
samedi. Et d’ajouter : « il sera incessamment mis fin aux fonctions de
Masot à l’ambassade ».
Déclaration visiblement en totale contradiction avec ce que l’on sait.
Dans
ces enregistrements, Masot lui-même se targue de son amitié avec Regev
mais, en bon suppôt de Machiavel, il le conchie tout en ayant l’air d’en
faire la louange.
« Mark Regev ?... Oui, c’est un bon ami à moi. Sûr, c’est un chic type, mais ce n’est pas le genre à partir en guerre. »
Masot aurait peut-être dû retenir les mots de son « dieu », Machiavel, dans un ouvrage fondamental, Le Prince
: « Les amis qu’on s’est fait à grand renfort de récompenses et non par
grandeur et noblesse d’âme, sont des amis bien mérités, mais pas de
vrais amis, et l’on ne saurait leur faire confiance dans l’adversité ».
8 janvier 2017
Traduit de l’anglais (original) par dominique@macabies.fr.
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Comment un diplomate israélien a travaillé au cœur du Parti travailliste pour mettre à mal Corbyn
Des
enregistrements secrets révèlent comment un agent politique de l’ambassade a
cherché à créer des organisations et des groupes de jeunesse pour promouvoir
l’influence israélienne au sein du Parti travailliste britannique
Masot a qualifié les partisans du leader travailliste Jeremy
Corbyn (photo) de « tarés » et d’« extrémistes » (AFP)
Des
enregistrements secrets vus par Middle East Eye ont révélé
comment un diplomate israélien a cherché à créer des organisations et des
groupes de jeunesse pour promouvoir l’influence israélienne au sein du Parti
travailliste, dans le cadre d’un effort visant à mettre à mal le leadership de
Jeremy Corbyn au sein du parti d’opposition.
Dans des
conversations secrètes filmées par un journaliste infiltré, Shai Masot, agent
politique de haut rang à l’ambassade d’Israël à Londres, a décrit son projet de
création d’une branche de jeunesse de l’organisation Labour Friends of Israel
(LFI – « Amis travaillistes d’Israël ») et a révélé qu’il avait mis
en place d’autres organisations par le passé.
Masot a émis l’idée
de faire participer des délégations de membres du Parti travailliste à des
voyages en Israël et a indiqué à Joan Ryan, présidente des LFI, qu’il s’était
vu accorder 1 million de livres
(environ 1,15 million d’euros) pour financer d’autres visites.
Il a également
affirmé avoir créé un groupe appelé « City Friends of Israel » en
collaboration avec l’AIPAC, une organisation de lobbying pro-israélien
influente aux États-Unis.
Qualifiant le leader
travailliste Jeremy Corbyn de « fou », Masot a expliqué qu’il avait
créé une branche pour les jeunes des Conservative Friends of Israel
(« Amis conservateurs d’Israël ») en 2015 et qu’il souhaitait en
faire de même au sein du Parti travailliste, mais qu’il n’y était pas parvenu
en raison de la « crise » qui a entouré l’élection de Corbyn à sa
tête.
Masot a également
qualifié les partisans de Corbyn de « tarés » et
d’« extrémistes ».
Corbyn est considéré
comme favorable au mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), que
Masot explique avoir été chargé de discréditer et de mettre à mal à un autre
moment des enregistrements.
Le mandat de
Corbyn au pouvoir a été marqué par une révolte de députés contre sa présidence
et par un déclin du parti dans les sondages, tandis qu’il a également présidé
un différend au sein du parti portant sur la prétendue présence – et tolérance –
d’opinions antisémites parmi les membres.
Les conversations
ont été filmées secrètement par un journaliste infiltré d’Al-Jazeera se faisant
passer pour un activiste pro-israélien, qui a gagné la confiance de Masot et
infiltré son cercle si efficacement qu’il a lui-même été chargé de créer Young
Labour Friends of Israel, la branche de jeunesse des Amis travaillistes
d’Israël.
Dans une
conversation ultérieure, Masot a souligné que l’organisation devait rester
indépendante mais a réitéré que l’ambassade d’Israël pouvait aider.
Interrogé quant à
savoir s’il avait créé d’autres groupes au Royaume-Uni, il a déclaré :
« Rien que je puisse partager, mais ouais. »
Il a ensuite
poursuivi : « Ouais, parce qu’il y a des choses qui se passent, tu
sais, mais c’est une bonne chose de laisser ces organisations indépendantes.
Mais nous les aidons, en fait. »
Shai Masot a été filmé
secrètement pendant plusieurs mois (Al-Jazeera)
Le journaliste
infiltré a également filmé des activistes travaillistes pro-israéliens qui
décrivaient le soutien financier qu’ils avaient reçu de l’ambassade d’Israël.
Dans une
conversation filmée à l’extérieur d’un pub londonien, Michael Rubin, agent
parlementaire pour LFI et ancien dirigeant de Labour Students (« Étudiants
travaillistes »), a indiqué : « Shai m’a parlé et m’a dit que
l’ambassade israélienne pouvait aussi avoir un peu d’argent, ce qui est une
bonne chose... Il a dit qu’il était heureux d’aider en quelque sorte à financer
quelques événements pour faciliter les choses, donc je ne pense pas l’argent
doive vraiment être un problème. »
Rubin a également
expliqué que Masot et lui « travaill[aient] de manière vraiment étroite...
Mais cela se fait beaucoup en coulisses ».
Les dernières
révélations surviennent alors que le gouvernement britannique a fait face ce
dimanche à des appels de plus en plus nombreux à l’ouverture d’une enquête sur
les agissements de Masot, un agent politique haut placé basé à l’ambassade
d’Israël à Londres qui a été secrètement filmé en train de conspirer pour
« faire tomber » des ministres au gouvernement et des députés
considérés comme étant source de « problèmes » pour Israël.
Parmi ces
responsables figuraient notamment Alan Duncan, un ministre des Affaires
étrangères, qui a été l’un des détracteurs les plus virulents du programme
illégal israélien de colonisation en Cisjordanie, ainsi que Crispin Blunt,
président influent de la Commission des affaires étrangères du parlement
britannique.
Les enregistrements
ont également révélé l’étendue de l’influence israélienne au sein du Parti
conservateur au pouvoir, lorsqu’une assistante de Robert Halfon, ministre
d’État rattaché au Département de l’Éducation, s’est vantée d’avoir placé des
questions parlementaires et a déclaré que « presque » tous les députés
conservateurs étaient membres des Amis conservateurs d’Israël.
Masot a déploré que
le Parti travailliste sous Corbyn – qui a décrit le groupe palestinien du
Hamas et la milice libanaise du Hezbollah comme des « amis » lors
d’une rencontre avec des activistes en 2009 – s’est révélé plus difficile
à influencer, en dépit de ses liens historiques avec Israël.
« Peu de gens
veulent être affiliés, explique Masot dans l’enregistrement vidéo. Évidemment,
quand ils deviennent députés, ils ne sont pas affiliés et puis c’est tout, la
chaîne est terminée. Parce que pendant des années, la première chose que chaque
député faisait en rejoignant le parlement était de rejoindre les LFI. »
Dans des images
filmées lors de la conférence travailliste en septembre dernier à Liverpool,
Masot est aperçu en train de discuter avec Joan Ryan, députée d’Enfield North,
une circonscription du Grand Londres, en vue d’une prochaine visite de membres
des LFI en Israël.
« Qu’est-il
arrivé avec les noms que nous avons mis à l’ambassade, Shai ?, a demandé
Ryan.
- Nous avons
l’argent à l’instant même, c’est plus d’un million de livres, cela fait beaucoup
d’argent, a répondu Masot.
- Je le sais, cela
doit être le cas, a affirmé Ryan.
- Et maintenant,
j’ai l’argent d’Israël, alors... Pas l’argent physique, mais une approbation, a
poursuivi Masot.
- Je ne pensais pas
que vous l’aviez dans votre sac ! », a plaisanté Ryan.
Suite à cet échange,
Hugo Swires, député conservateur qui préside le Conseil conservateur pour le
Moyen-Orient (CMEC), a demandé à ce que les organisations d’Amis d’Israël liées
à tous les principaux partis du Royaume-Uni divulguent leurs arrangements en
matière de financement.
« Il y a des
questions sérieuses à poser, a déclaré Swires à MEE. Cela
soulève un tas de problématiques à un tas de niveaux différents. Le Conseil
conservateur pour le Moyen-Orient est une organisation dûment affiliée au Parti
conservateur. Nous devons donc respecter les paramètres des dons des sociétés
et des dons individuels comme le fait le parti lui-même. »
« Si l’on
compare cela aux CFI, aux LFI, aux Amis libéraux-démocrates d’Israël, nous
avons toujours pensé que cela était entouré de mystère – car ils ne sont pas
officiellement accrédités auprès de leur parti respectif. Je pense que le
moment est venu pour ces organisations de se dévoiler au public et de révéler
comment elles sont financées et d’où elles sont financées. »
Ce dimanche, le
Parti travailliste a demandé une enquête approfondie sur les agissements de
Masot, après que le gouvernement a déclaré ce samedi qu’il considérait que
l’affaire était « close » suite aux excuses présentées à Duncan par
Mark Regev, l’ambassadeur israélien.
« La révélation
de discussions d’un agent de l’ambassade d’Israël cherchant à faire tomber ou à
discréditer un ministre au gouvernement et d’autres députés en raison de leurs
opinions sur le Moyen-Orient est extrêmement inquiétante », a déclaré Emily
Thornberry, ministre des Affaires étrangères du cabinet fantôme travailliste.
« Toute
ingérence inappropriée d’autres États dans notre politique démocratique est
inacceptable quel que soit le pays concerné. Il n’est tout simplement pas
suffisant que le Foreign Office déclare que l’affaire est close. C’est une
question de sécurité nationale. »
« L’agent de
l’ambassade concerné devrait être écarté et le gouvernement devrait lancer une
enquête immédiate sur l’étendue de cette ingérence inappropriée et exiger que
le gouvernement israélien y mette fin. »
L’appel du
Parti travailliste à la tenue d’une enquête a été appuyé par le Parti
nationaliste écossais (SNP) ainsi que par plusieurs députés conservateurs de
haut rang.
« Nous ne
pouvons pas voir Israël agir au Royaume-Uni avec la même impunité que celle
dont il jouit en Palestine », a déclaré Crispin Blunt à MEE.
« Il s’agit
clairement de l’ingérence la plus obscure et déshonorante dans la politique
d’un autre pays. »
« C’est une affaire
aussi sérieuse que celles impliquant les services du renseignement soviétiques,
qui se permettaient de suborner la démocratie et de s’immiscer dans son
processus de fonctionnement normal », a indiqué Nicholas Soames, un autre
député conservateur, dans des propos accordés à Peter Oborne de MEE.
Écrivant de manière
anonyme dans le journal Mail On Sunday, un ancien ministre du
gouvernement de l’ancien Premier ministre David Cameron a déclaré que la
politique étrangère britannique était « prise en otage par l’influence
israélienne au cœur de notre politique ».
« Depuis des
années, les CFI et les LFI travaillent avec – et même pour –
l’ambassade d’Israël pour promouvoir la politique israélienne et contrecarrer
la politique du gouvernement britannique et les actions des ministres qui
tentent de défendre les droits des Palestiniens. »
L’ambassade d’Israël
a tenté de minimiser l’importance de Masot en le qualifiant d’« employé
subalterne de l’ambassade » dont les propos étaient « totalement
inacceptables »
Elle a précisé qu’il
allait « terminer très prochainement son contrat de travail à
l’ambassade ».
Traduit de
l’anglais (original) par VECTranslation.
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Les « opérations noires » d’Israël contre les gouvernements étrangers sont immorales et paranoïaques
L’état d’esprit
dominant au sein du gouvernement israélien est que le « monde est contre
nous ». Mais laisser des gens comme Shai Mosat calomnier des politiques
étrangers ne peut que mal tourner.
Yossi Melman, Middle East Eye, mardi
10 janvier 2017
Lorsqu’on a
appris qu’un responsable d’ambassade israélienne conspirait pour « faire
partir » des députés, le principal suspect fut le ministère israélien des
Affaires stratégiques. Ces derniers mois, ce ministère a été chargé de
combattre ce que le gouvernement israélien de droite considère comme des
responsables et des politiques « anti-Israéliens » dans le monde
entier.
Toutefois, il
s’est avéré que le responsable qui a été filmé, Shai Masot, était en fait
employé par le ministère israélien des Affaires étrangères.
C’est d’autant
plus embarrassant : le ministère des Affaires étrangères est considéré
comme un îlot de valeurs libérales, de modération et de raison dans la mer en
pleine expansion des gens de droite contrôlant la bureaucratie israélienne.
Masot n’est
pas un diplomate. Il a servi en tant que major dans la marine israélienne
puis a été transféré dans l’unité de liaison de l’armée israélienne avec
l’Autorité palestinienne.
Là-bas, il était
chargé d’un département international, responsable des fonctionnaires et des
diplomates étrangers visitant Gaza et les postes-frontières israéliens qui y
conduisaient.
Il y a sept ans,
il a quitté l’armée et a commencé à travailler pour Miri Regev, alors députée
de droite et aujourd’hui véhémente et provocante ministre de la Culture et des
Sports.
Il y a trois
ans, Masot a déménagé à Londres et fut embauché à titre non diplomatique comme
assistant d’Ethan Naeh, chargé d’affaires et numéro deux de l’ambassade. Dans
le langage bureaucratique israélien, un tel poste est connu sous le nom de « travailleur
local israélien ».
Toutes les
missions diplomatiques israéliennes dans le monde emploient des centaines de
travailleurs ayant un statut similaire en plus du millier de diplomates
qualifiés et formés qui jouissent d’une immunité diplomatique complète.
Masot a
été surpris en train de parler en octobre dernier à Maria Strizzolo, une
fonctionnaire qui fut l’assistante d’un ministre conservateur. La conversation
ciblait spécifiquement Alan Duncan, le ministre adjoint aux Affaires étrangères
britannique, en raison de son opposition à la construction de colonies
israéliennes.
L’ambassadeur
israélien, Mark Regev, s’est excusé auprès de Duncan vendredi et a précisé que
« l’ambassade considérait ces propos totalement inacceptables ».
Cependant, on ne
sait pas précisément si Masot était à l’initiative de cette réunion et si les
idées qu’il a exprimées étaient les siennes ou si son patron était au courant
et approuvait.
En raison de la
violation du protocole diplomatique, le ministère israélien des Affaires
étrangères a décidé de mettre fin à son contrat de travail.
Néanmoins, la
réaction rapide et chirurgicale ne peut cacher le fait que le comportement de
Masot semble représenter quelque chose qui pénètre de plus en plus profondément
dans de nombreuses parties du gouvernement et de la fonction publique
israéliens.
« Travail secret, sous les radars »
Il existe un
état d’esprit dominant qui répand largement l’idée paranoïaque que « le
monde entier est contre nous » et la tendance à assimiler l’opposition à
l’occupation israélienne de la Cisjordanie palestinienne et sa politique de
colonisation à de l’« antisémitisme ».
Ces notions sont
particulièrement exprimées par Netanyahou,
qui a récemment riposté contre les Nations unies qui ont soutenu une résolution
du Conseil de sécurité dénonçant les colonies.
Netanyahou a
ordonné le rappel des ambassadeurs israéliens de certains de ces États, a
annulé une visite du Premier ministre ukrainien et a arrêté le financement
israélien partiel de l’ONU ainsi qu’un projet d’irrigation en Afrique.
La même attitude
préside la décision de Netanyahou de confier au ministre de la Sécurité
intérieure, Gilad Erdan, la direction du ministère des Affaires stratégiques et
la lutte contre les « anti-Israéliens ».
À cette fin, le
gouvernement a alloué un budget de près de 50 millions de dollars – dont la
moitié consacrée aux « opérations ».
Pour remplir sa
mission, le ministère des Affaires stratégiques a désigné comme directrice
générale l’ancien général de brigade Sima Vaknin-Gil, ancienne directrice de la
censure de l’establishment de la défense. Elle a recruté d’anciens agents des
renseignements pour travailler pour le ministère et a déclaré à la Knesset que
« notre travail doit être secret et sous les radars ».
L’objectif
principal du ministère des Affaires stratégiques est le BDS
– la campagne internationale lancée il y a dix ans par un activiste palestinien
pour le « boycott, [le] désinvestissement et [la] sanction » d’Israël
mais, au vu de l’incident diplomatique londonien, il semble qu’il agit plus
largement contre quiconque serait défini par le gouvernement israélien comme un
« anti-Israélien ».
Certains
Israéliens, moi y compris, ont mise en garde il y a plusieurs mois le
gouvernement contre l’idée même de mener « opérations noires », ce
qui inclurait des campagnes de diffamation contre des fonctionnaires, des
diplomates, des politiques ou des militants étrangers.
De telles
actions ne sont pas seulement immorales et opposées à l’étiquette diplomatique,
elles portent également atteinte à la souveraineté des gouvernements étrangers
et elles peuvent aussi se retourner contre Israël et lui causer plus d’ennuis
vis-à-vis de la communauté internationale.
Yossi Melman
commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.
commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.
Traduit de
l’anglais (original)
par VECTranslation